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1833 - 5 illustrations du château
 


Sur l'état du château avant la seconde moitié du XIXème siècle, on ne savait quasiment rien, en l'absence d'image (hormis les sépias de Guibal en 1828), de plan ou de texte précis.
Seul le cadastre napoléonien nous donne quelques renseignements, mais il n'indique pas la nature de ce qui ressemble à un important bâtiment accolé au château à la tour ouest (numerotée 8).

Cependant, l'étudiant en médecine René Marjolin (1812-1895) réalise cinq dessins les 21 et 22 juillet 1833, qui révèlent de surprenantes constructions, de toute évidence habitées (présence de personnes, linge qui sèche, cheminées fumantes, volets aux fenêtres...).
Sur le bâti médiéval, le dessin s'avère suffisamment exact pour que l'on retrouve assez fidèlement les restes encore connus : on peut donc estimer que les autres éléments de ces mêmes dessins sont aussi conformes à la réalité, ce qui n'est pas sans surprendre.

Château 1833

Château 1833

Château 1833

Château 1833

Château 1833


Né à Paris le 4 juin 1812, René Nicolas Marjolin est le fils de Jean-Nicolas Marjolin, chirurgien français (1780-1850) et de Marie Duval. Interne en 1834, il devient chirurgien des hôpitaux en 1842, dans un service d'enfants à l'hôpital Sainte-Marguerite (devenu ultérieurement Sainte-Eugénie).
Le 25 août 1843, il est l'un des 17 membres fondateurs de la Société de Chirurgie de Paris, dont il devient secrétaire général en 1858 et président en 1860. Chevalier de la Légion d'honneur par décret du 9 mars 1854.
Il décède à Paris le 7 mars 1895.

Ami des arts et des artistes, il avait épousé en 1845 Cornelia Scheffer (1830-1899), artiste sculpteur, fille naturelle du peintre Ary Scheffer (1795-1858).

Journal de clinique et de thérapeutique infantiles
9 février 1899

ÉLOGE DE RENÉ MARJOLIN (1812-1895) (1)
Par Paul RECLUS
Secrétaire général de la Société de Chirurgie.

Marjolin arrivait a son service à sept heures et demie ; il devait être bien matinal puisqu'il venait à pied de Montmartre : encore les ironistes prétendent-ils qu'il passait par le Muséum, où l'attirait sa passion pour les plantes et les bêtes. Il entrait dans les salles, le chef couvert du bonnet à oreilles des anciens docteurs du XVIe siècle, son tablier blanc noué presque sous les bras ; un grand silence se faisait parmi les enfants ; il examinait chaque nouveau petit malade et de préférence ceux que menaçait la coxalgie dont il dépistait très bien les signes avant-coureurs. Comme son père, et plus encore que lui, il ne prenait le bistouri qu'avec une extrême réserve : nos opérations ont, comme enjeu, la vie des malades ; aussi, que d'hésitations avant, que de craintes pendant, que d'anxiété après! A nos visites chez l'opéré, le pas se fait plus lourd à chaque marche de l'escalier, et nous craignons de lire un verdict fâcheux dans le regard de ceux qui nous accueillent ! Ces angoisses, que nous ressentons tous, Marjolin en souffrait cruellement ; il se demandait si la décision avait été légitime, l'acte correct, et surtout si quelque autre n'eût pas mieux fait que lui ; sa conscience n'était jamais satisfaite. Sa femme connaissait bien ces combats intérieurs et, sans interroger son mari, elle lisait, aux plis de son front, le bulletin des opérés.
Son triomphe, nous dit Édouard Martin, de Genève, c'était la consultation : là, assis entre ses deux internes, il voyait défiler devant lui cent à cent cinquante malades ; il donnait des soins, aux enfants, des conseils au père ou à la mère. Il connaissait tout ce pauvre monde qui ne se renouvelle pas aussi vite qu'on pourrait croire ; il se rappelait le nom de plusieurs et souvent prenait leur adresse pour leur envoyer des secours dont il devinait l'urgence. Entre temps, il exposait à ses élèves quelque point de thérapeutique, tout en émaillant ses discours de phrases latines, à sens gaulois, et ne quittait l'hôpital qu'à deux heures. Aussi n'eut-il pas d'autres clients que ceux de son service. Son père avait voulu le lancer et lui avait confié une dame de qualité qui, tout heureuse de voir un nouveau visage, énumère ses souffrances, analyse ses vapeurs, raconte ses tristesses, et montre combien son âme est incomprise. - «  Eh bien ! qu'y a-t-il ? » demande le mari. - «  Il y a, Monsieur, que je vous plains de tout mon cœur. » Ce fut sa première et sa dernière visite.
Marjolin aimait avec passion l'histoire naturelle et les arts. Il cultivait la botanique et, pendant ses voyages, recueillait des graines et des boutures que son père et lui semaient et plantaient dans leur beau jardin de Clichy. Avec les savants d'Europe, il parlait autant de fleurs que de chirurgie, et sa correspondance est pleine du récit de ses herborisations; il s'exalte au souvenir de moissons de plantes sur les flancs du Salève: de digitales cueillies aux pentes des Pyrénées.
Pendant toute sa carrière hospitalière, René Marjolin resta fidèle à Sainte-Eugénie. La guerre l'y trouva. Nos désastres lui furent un deuil inoubliable, mais il redoubla d'activité et ajouta à ses devoirs des devoirs nouveaux. Sa journée se partageait entre ses anciennes salles, où les blessés affluaient, et l'ambulance qu'il avait créée au collège Chaptal. Après la paix, lorsqu'on dut rendre le collège aux collégiens, c'est dans son propre hôtel qu'il recueillit les valétudinaires. Le 18 Mars, éclate la guerre civile ; elle lui fut particulièrement odieuse, car il la connaissait pour l'avoir vue en 1830, en 1848 et en 1852 ; il savait ce qu'elle soulève de cruautés et le peu que pèse alors le meurtre à la conscience des fanatiques. Mais lui, témoin révolté de tant d'horreurs, il ne songea qu'à diminuer les haines ; il n'oublia jamais que des frères étaient en présence et qu'ils s'entretuaient...
René Marjolin avait alors soixante ans ; l'âge de la retraite allait sonner pour lui : il la devança et, en 1872, il donnait sa démission de chirurgien de Saint-Eugénie. Ce n'est pas le repos qu'il cherchait ; jamais, au contraire, il ne se dépensa plus qu'à partir de cette époque, vraiment la plus belle de cette belle vie. Je sais une charité haïssable, la charité hautaine de ceux qui donnent pour se croire meilleurs que le reste des hommes, mais où se trahit et perce de tous côtés le mépris de ceux qu'elle secourt. La charité que ne dicte pas la pitié et l'amour n'est pas la charité ; elle récolte l'ingratitude et c'est justice. La vraie charité est fraternelle et ce fut celle de René Marjolin : il ne croyait pas que le pauvre doit être intelligent, probe, sobre et travailleur pour qu'on daigne s'occuper de lui ; ceux qui réunissent toutes ces vertus n'ont pas besoin qu'on les aide, et même le monde est à eux. Il savait le pauvre souvent paresseux, souvent ivrogne, peu scrupuleux ; mais il aimait Lazare, malgré ses ulcères, et c'est pourquoi son apostolat fut fécond.
Avant, il voyait les pauvres, surtout à l'hôpital; maintenant il va chez eux, il connaît leur nom, leur catastrophe du jour, l'échéance imminente, le boulanger qui refuse du pain et le propriétaire qui gronde. Que de bouges il visite, jusqu'à la chambre unique où, comme il le disait à M. Picol, il trouva, entassée, une famille de quatorze personnes. Il inscrit tout sur des registres, et l'un d'eux contient jusqu'à trois mille notices, «  véritables archives de la misère parisienne ».
Cette charité «  par contact » est la plus touchante, et Marjolin n'y faillit jamais, mais il la savait trop inefficace pour y borner son effort. Aussi dépensa-t-il le meilleur de son temps à des œuvres plus durables que ces secours éphémères. Il étudia les réformes hospitalières, l'hygiène nosocomiale. A l'Académie de Médecine qui, suivant un mot fort juste, l'avait nommé «  dans la section des hommes de bien », il s'occupe des enfants assistés et montre l'urgence de les isoler des malades atteints d'affections contagieuses. Il obtient de haute lutte la création de nouveaux lits dans les services d'enfants. Il avait trop vécu dans les faubourgs pour ne pas connaître les dangers du vagabondage et publie un magnifique rapport sur les causes et sur les moyens de le prévenir. Grâce au général Chabaud-Latour, il poursuit, à travers la France, une enquête sur les colonies pénitentiaires, les orphelinats agricoles et les maisons de préservation. Il devient le vice-président de la Société générale des prisons, de ces prisons où il retrouvait, hélas! les malheureux que tant d'œuvres utiles n'avaient pu sauver ; il étudie les écoles techniques et professionnelles ; il prépare et sollicite la loi de 1889, sur la déchéance de la puissance des parents vicieux ; il est nommé président de l'œuvre de la Société protectrice de l'enfance.
Ainsi se déroula, dans la bonté et dans la charité, la vie de ce héros du bien. Non ! il n'est pas possible qu'un pays où naissent de tels hommes ne reste pas la terre de la fraternité. A cette heure trouble, on conteste le droit, on raille la justice, le mal devient le bien, la vérité est honnie et le mensonge honoré; on s'injurie, on se méprise, on se hait ; des cris s'échangent de proscription et de mort, d'autant plus hideux qu'on les pousse au nom d'une foi éteinte et de dogmes auxquels on ne croit plus. Allons nous donc périr dans cette tourmente, et serait-ce la fin de notre douce France? On voit, dans les causses des Cévennes, telle rivière s'engloutir tout à coup dans un gouffre et ne laisser aux yeux désolés que la morne étendue de la plaine stérile ; on la croit perdue, lorsque loin, très loin, le flot rejaillit aux pieds des rochers, sous les clairs rayons du soleil. C'est ainsi qu'il reparaîtra, notre beau fleuve de justice et d'amour ; nous le verrons monter à la lumière, plus joyeux encore qu'avant sa course souterraine, sûrement grossi de quelque torrent nouveau.

(1) Extraits du beau discours académique de M. Paul Reclus sur René Marjolin, qui fut le fondateur de la Société de Chirurgie et président de la Société protectrice de l'Enfance.

 

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