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Tombe de Dominique-Louis-Antoine Klein


La tombe de Dominique-Louis-Antoine Klein est située dans la division n° 8 du cimetière parisien du père Lachaise. Sur le fronton de la tombe, figure Eugène-Joseph-Napoléon KLEIN, comte Klein, dit le comte Klein-d'Arberg, troisième fils de Dominique-Louis-Antoine (issu de son second mariage avec Caroline-Ferdinande d'Arberg).

On retrouve les armes du comte  «  De gueules au dextrochère armé d'argent, mouvant de senestre, armé d'une épée haute en pal du même, au pal d'or chargé de trois chevrons de sable, brochant sur le dextrochère; au franc-quartier des comtes sénateurs. »

Promenade philosophique au cimetière du Père La Chaise.
Jean Pons Guillaume Viennet
Ed. Paris 1855


Le plus terrible de ces maux me fut immédiatement signalé par une tombe modeste qui s'élevait à gauche de celle de Bichat : c'était la dernière demeure d'un guerrier qui avait passé vingt ans de sa vie sur les champs de bataille (1). Klein fut pris à trente ans par la révolution dans la maison militaire de Louis XVI, et il défendit cette révolution contre l'Europe armée, depuis la journée de Valmy, sous Kellermann, jusqu'au passage du Niémen, sous Napoléon. Il suivit Jourdan depuis les plaines de Fleurus jusqu'aux terribles défilés où la savante manœuvre du prince Charles fit reculer les deux armées qui menaçaient l'Autriche. Général d'avant-garde, Klein a compté ses jours par ses combats. C'est lui qui, sous les murs de Zurich, ramena la victoire sous les drapeaux de Masséna, dont les Russes avaient enfoncé l'aile gauche. Il fut un des lieutenants de Moreau dans cette courte campagne que termina l'éclatante victoire d'Hohenlinden. Il ouvrit, à la tête des dragons, la campagne plus étonnante qui signala l'apparition de Bonaparte dans les plaines d'Allemagne, et qui transporta, dans le court espace d'une saison, les aigles de Boulogne au delà des remparts de Vienne. Klein porta les premiers coups au combat de Wertingen, et ne se reposa que sur le champ d'Austerlitz. Le vainqueur d'Iéna lui attribua, dans ses bulletins, la défaite de l'infanterie prussienne. Il préluda à la sanglante journée d'Eylau par une charge brillante que lui enviait l'intrépide Mural. Ses services militaires finirent en 1807, et furent récompensés par le titre de comte, par des décorations, par la dignité de sénateur, que les Bourbons transformèrent en pairie. C'est dans ce corps politique que, trente-huit ans après, je fus appelé à lui rendre l'hommage suprême que cette chambre rendait à ses membres, et je ne puis que répéter ici l'éloge que je fis de ce noble caractère. Doué d'un sens droit, d'un esprit juste, d'un cœur aimant, d'une âme fortement trempée, constant dans ses affections, bon époux, bon père, homme d'honneur avant tout, le comte Klein fut conduit toute sa vie par deux guides qui ne trompent jamais: l'amour de la patrie et le sentiment du devoir. A côté de lui venait d'être apportée la digne épouse qui avait adouci les souffrances cruelles de ses dernières années. C'était la fille du comte d'Arberg, dont les vertus modestes et l'aimable caractère rehaussaient en elle l'éclat d'une illustre naissance.
Le tombeau de ce général, qui avait pris part à tant de luttes guerrières et politiques, qui était resté debout au milieu de tant de bouleversements, faillit arrêter mes pas, en jetant dans ma pensée une grande variété de souvenirs. Je vais rencontrer, me disais-je, des hommes de tous les partis, de tous les rangs et de tous les états, des grands d'autrefois ruinés ou froissés par nos dissensions politiques, des guerriers qui ont combattu sous les drapeaux de l'étranger dans ces luttes où s'étaient heurtés les intérêts du trône et ceux de la patrie ; d'autres qui avaient suivi les glorieux étendards de la liberté, ou que la révolution avait revêtus de ses magistratures nouvelles : je pressentais que ce passé, si diversement jugé par les passions humaines, allait se reproduire tout entier sous mes yeux, que toute la révolution allait repasser devant moi
Avec ses bienfaits et ses crimes,
Ses triomphes et ses malheurs,
Et ses héros et ses victimes,
Et ses beautés et ses horreurs ;
Tantôt ivre de sang, et de sang altérée,
Agitant dans ses mains la torche et les poignards,
Tantôt belle de gloire et d'honneurs entourée,
De Memphis à Moscou portant ses étendards ;
Sur les arts, les autels, étendant sa furie,
Brisant tous les liens, violant tous les droits ;
Et bientôt ranimant les arts et l'industrie,
Honorant les vertus, les talents, le génie,
Et cherchant le repos sous le règne des lois ;
Contre le monde entier soutenant ses franchises,
Aux ordres d'un soldat soumettant sa fierté,
Imposant tour à tour aux nations soumises
L'esclavage ou la liberté ;
Se jouant des États, des princes et des trônes,
Renversant, relevant, décernant les couronnes ;
Humiliant les rois jusque dans ses faveurs ;
Et les prenant, au gré de ses caprices,
Pour ses victimes, ses complices,
Pour ses vassaux et ses flatteurs.
Ce fantôme bizarre et terrible m'était déjà apparu sur les deux tombes d'Oudot et de Célérier, et celte apparition nouvelle me fit presque reculer d'effroi. Mais je scrutai ma conscience, et me sentis le courage d'être juste. Je reconnus en moi un grand amour pour la pairie et pour la liberté, mais une horreur invincible pour les révolutions et un profond respect pour les lois établies. Convaincu par l'expérience de la nécessité des trônes pour le bonheur des peuples et le repos des États, dévoué à mon pays plutôt qu'à tel ou tel homme, je n'avais aucun motif personnel de m'attacher à une dynastie plutôt qu'à une autre. Mais l'histoire de toutes les nations m'avait dit, avant la nôtre, que les révolutions étaient des calamités pour les empires; et j'avais successivement accepté et regretté les trois familles qu'en moins de cinquante ans il avait plu à la fortune d'élever et d'abattre. En les soutenant de ma plume et de mon épée, je n'avais négligé aucune occasion de les éclairer, de combattre les insensés ou les factions qui les entraînaient ou les poussaient à leur perte. J'avais toujours dit la vérité aux vivants, et il était moins difficile de la dire aux morts. Je pourrai me tromper dans mes jugements sur les hommes et sur les choses, mais on ne pourra du moins incriminer mes intentions sans les calomnier, et je serai toujours soutenu par le témoignage d'une conscience qui ne mentit jamais à personne et qui ne saurait mentir à elle-même. Fortifié par cet examen, et foulant à mes pieds la crainte et l'injustice, j'avançai dans ce dédale de tombes avec la résolution d'un juge qui se sentait le courage d'être juste; et je suivis le sentier tournant dont le général Klein semblait garder l'entrée.

(1) Né à Blamont en 1759, mort à Paris le 2 novembre 1845.
 

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