Le Journal de la Meurthe
publie la lettre suivante de Sarrebourg, concernant un accident
qui a eu lieu, il. y a quelques jours, sur le chemin de fer de
l'Est, et qui eût pu causer de grands malheurs :.« Le 28 avril
dernier, une dame prenait à Lunéville le train direct à quatre
heures et demi du soir. Elle se plaça dans le compartiment des
dames, où elle se trouvait seule avec son enfant dn dix-huit
mois. Vingt minutes environ après le départ de Lunéville, et
vers la station d'Embermenil, elle s'aperçut que le tapis
semblait brûler du côté de la portière de droite, en même temps
que la fumée envahissait le vagon; elle s'approcha et découvrit
avec son pied un trou de la dimension d'une pièce de cinq
francs, par lequel la flamme fit invasion dans le vagon. Elle
boucha immédiatement ce trou avec son pied, mais ne pouvant
supporter la chaleur; elle eut l'idée d'appliquer sur
l'ouverture un des coussins, qu'elle comprima avec ses pieds.
« Quelques minutes après, voulant se rendre compte dès progrès de
l'incendie et voir s'il y avait lieu de crainte sérieuse avant
Sarrebourg, première station d'arrêt après Lunéville, elle
découvrit le coussin; mais le feu avait déjà fait une trouée
aussi large que le fond d'un chapeau; la flamme lui monta à la
figure, et elle replaça précipitamment le coussin. Convaincue
alors que dans quelques minutes le feu ferait irruption dans le
vagon, vu la rapidité avec laquelle il augmentait, elle se mit à
appeler à la portière, tout en maintenant le coussin avec ses
pieds ; mais ses gestes désespérés et ses cris ne réussirent pas
a attirer l'attention des gardes de passage à niveau ou des
personnes qui se trouvaient sur la voie ou le long de la voie;
ou, si leur attention était attirée, si elles voyaient le feu
très-apparent déjà sous le vagon, elles ne pouvaient faire
arrêter et donner avis au mécanicien, le train étant déjà loin.
Le chef de train, de son observatoire placé à l'arrière, ne
voyait rien.
» Le convoi traversa la station d'Avricourt, le feu jaillissait
alors en étincelles des deux côtés du vagon ; cette dame
commençait à sentir le coussin s'enfoncer sous ses pieds, mais
aucun employé n'étant sur le quai et n'ayant pu par conséquent
faire monter le disque où faire un signal d'alarme, le train
continua sa marche. Elle chercha alors à attirer l'attention des
voyageurs des compartiments voisins, et elle réussit, en sortant
à mi-corps par la portière, à faire pénétrer sa main dans le
compartiment voisin. Sa main rencontra un bras qu'elle secoua
violemment. Le voyageur ainsi réveillé mit la tête à la portière
et vit le feu débordant le vagon. Ce compartiment contenait deux
voyageurs, qui unirent leurs cris à ceux de la dame, mais sans
plus de succès. Le train allait toujours, et le feu aussi.
Enfin, et heureusement, le train, près de Réchicourt, rencontra
une certaine quantité d'ouvriers occupés à réparer la voie et
disséminés sur une grande longueur. Ils donnèrent
l'alarme,-firent des signes de détresse, qui furent aperçus et
compris de ceux qui étaient placés sur la machine, et le convoi
fut arrêté. Il était temps. Le feu fut en quelques secondes
éteint avec l'eau de la machine ; dès hommes d'équipe montèrent
dans le vagon avec des seaux d'eau, prêts à éteindre le feu s'il
recommençait, et le train repartit après un quart d'heure
d'arrêt jusqu'à Sarrebourg, où on laissa le vagon. Une dame du
compartiment voisin, qui, folle de terreur, avait sauté hors du
train avant qu'il ne fût complètement arrêté, en a été quitte
pour quelques contusions.
» La cause du feu serait, suivant un employé du chemin de fer,
un morceau de houille enflammée qui serait venu se loger
au-dessous du vagon, entre la caisse et une traverse. Selon
d'autres employés, cela viendrait du frottement d'un frein trop
serré. Nous supposons qu'une enquête a été faite à ce sujet. »
Domjevin
(Meurthe-et-Moselle), le 30 mars.1886.-« Depuis longtemps, je
souffrais horriblement de mauvaises digestions, qui
m'occasionnaient de grandes douleurs dans l'estomac et les
intestins ; depuis que je prends les bonnes Pilules Suisses à 1
fr. 50, je suis guéri. Milor, tailleur ». - Légalisation de la
signature par M. le Maire de Domjevin, le 1er avril.
LE PLAT DU JOUR
A Ia frontière
Passé quelques heures à la frontière lorraine. Là, des paysans
français, des patriotes très chevronnés par d'anciens combats,
m'ont confié leurs angoisses. Le pays, affirment-ils, est
complètement ouvert à l'ennemi, d'Avricourt à Toul, car le fort
de Manonvillers, espérance de nos généraux, arrêterait à peine
un ou deux jours l'année envahissante. Quoi! Lunéville n'a pas
de quais d'embarquement pour sa division de cavalerie, Nancy n'a
pas de quais d'embarquement pour sa division d'infanterie,
tandis que, de l'autre côté, chez Guillaume, de Deutsch-Avricourt
à Strasbourg, c'est un quai énorme, sans fin, courant à travers
toute l Alsace. En face de Metz, qui compte une garnison de
trente mille hommes, se trouve Pont-à-Mousson {défendu par le
12e dragons, 800 hommes]) qui est à la merci de l'ennemi. La
Lorraine serait donc abandonnée en cas de déclaration de guerre,
se demandent anxieusement les Lorrains qui voient et
réfléchissent, on irait se battre derrière Toul, ville fortifiée
de troisième classe, et là, on attendrait Ica Allemands, après
leur avoir laissé presque toute la Meurthe-et-Moselle, en don de
joyeuse arrivée.
Vaincus, la Champagne est envahie, vainqueurs nous sommes
obligés de reconquérir Nancy et Lunéville, et tenez, me disait
on : Voici des signes évidents de notrein fériorité ; à Raptin,
le poste de douaniers allemands est relié à Sarrehourg par un
fil télégraphique, afin de prévenir la garnison à la moindre
alerte; chez nous, à un kilomètre de là, notre poste de
douaniers, à Gogney, ne possède pas d'appareils télégraphiques ;
à la gare de Deutsch-Avricourt des hangars sont bondés de
machines, à Igney-Avricourt, nous en avons à peine
quelques-unes.
Et tandis que l'honnête homme qui me parlait s'indignait, je. ne
sais quelles pensées sinistres m'envahissaient devant la
campagne s'embrumant, en ce soir d'automne, de nuages gris qui
enveloppaient connue de crêpe l'horizon ; ici, c'était la
France, plus loin, très près, l'Allemagne, et dans le silence du
crépuscule, dans a paix des choses s'endormant bercées par la
nuit, cette nourrice de la nature, dans ce calme universel, il
me semblait entendre parfois comme un cliquetis d'épées
trahissant la présence des deux armées qui, depuis vingt-sept
ans, s'observent sur Ia frontière lorraine.
Sachons vide la vérité et la dire, n'ayons pas de confiance
aveugle et imbécile, c'est du patriotisme, en certains cas, que
de jeter un cri d'alarme, et de crier : Prenez garde !
RENÉ WISNER
Jouarre
Une querelle éclatait dans l'après-midi du 30 août entre deux
ouvriers travaillant à la machine à battre de M. Aimé Martin,
entrepreneur de battages à Jouarre, les sieurs Joseph-Adolphe
Noël, âgé de 41 ans, originaire de Buriville, arrondissement de
Lunéville (Meurthe-et-Moselle), et Alexandre Destembeig, né à
Signy-Bignels le 14 janvier 1881.
Le premier reprochait au second d'avoir tenté de le faire
congédier par son patron.
Les deux hommes se bousculèrent et tombèrent ensemble ; dans sa
chute, Noël se blessa à l'œil gauche. C'est la version donnée
par les témoins de la scène, mais ce n'est pas celle du plus âgé
des adversaires qui prétend avoir reçu un coup de poing de
Destemberg.
Le tribunal débrouillera l'affaire.
Quadruple désertion
Lunéville. - Quatre cavaliers du 18e chasseurs se sont évadés
des locaux disciplinaires où ils étaient enfermés pour absence
illégale et autre délit.
Malgré la poursuite de la gendarmerie et des douaniers, ils ont
pu réussir à passer la frontière aux environs de Vaucourt. Ils
ont dit aux gendarmes et douaniers allemands qu'ils avaient
déserté parce qu'ils « avaient esquinté » un officier, ce qui
est faux. La population leur a fait une réception plutôt
hostile.
MEURTHE-ET-MOSELLE. -
Assassiné et en terré. - On a découvert, à 4 kil. 500 du lieu du
meurtre, le cadavre enterré de Cyrille Prémoli, maçon, 30 ans,
assassiné le lundi 10 juillet, à Domèvre-sur-Vezouze. Les
meurtriers, Lalevée et Chatton, ont été arrêtés.
Le général de brigade Emile
Marin, du cadre de réserve, est mort avant-hier â l'hôpital
militaire de Nice.
Né â Blamont, près de Lunéville, le 26 mars 1836, il passa par
Saint-Cyr et Saumur ; en 1870,11 fit la campagne contre
l'Allemagne comme capitaine de dragons et combattit à Forbach et
à Rezonville. Chef d'escadrons en 1875, lieutenant-colonel en
1881 et colonel quatre ans plus tard, il commanda le 6e hussards
à Bordeaux. Le 11 juillet 1891 il reçut les deux étoiles et
commanda la brigade de cavalerie du 3e corps, à Evreux.
Au cours d'une violente
discussion. à Reclonville (Meurthe-et-Moselle), un commis
coiffeur, Adolphe Pierson. a grièvement blessé son père coups de
revolver.
Un parricide
Lunéville. 2 juin. - Au cours d'une discussion, le nommé Adolphe
Pierson, 24 ans, perruquier à Reclonville, a tiré quatre coups
de revolver sur son père, le blessant grièvement.
La victime a été transportée, à l'hôpital dans un état
désespéré.
Blessés français
Un train de blessés français, qui a été évacué sur Vichy, est
passé mercredi en gare de Moulins. Leur moral est excellent. «
Qu'on nous guérisse vite pour retourner là-bas », disent-ils.
Ces blessés proviennent des combats de Blamont. Les blessures
sont presque toutes aux jambes ou aux bras. Les Allemands tirent
bas et fort mal ; quant aux obus, ils n'éclatent pas, dans la
proportion de 80%. Dans cette affaire de Blamont, les soldats se
sont lancés sur les Allemands avec une fougue irrésistible et
irréfléchie. A 1.500 mètres, les clairons sonnèrent la charge,
malgré les officiers, et les hommes partirent sans qu'on pût les
retenir. Tous les blessés rapportaient des trophées pris aux
Allemands : casques, éperons, etc.
La Sauvagerie Allemande
à Vaucourt
L'Est Républicain, de Nancy, publie la lettre suivante ;
Lunéville, 13 août 1914.
Mon cher A.,
Je suis arrivé, hier, à Lunéville, à neuf heures du matin, avec
maman et nos deux enfants.
Si tu avais vu comme nous étions arrangés, tous sales et,
mouillés de rosée.
Nous nous sommes sauvés à dix heures du soir.
Ce n'est pas aujourd'hui que je peux te raconter le mal que nous
avons enduré.
Mon pauvre Vaucourt est tout en cendres.
L'église aussi.
Les monstres de Prussiens ! Ils nous ont pillés de tout ! Ils
nous ont mis le revolver à la gorge.
Nous étions tous du village à avoir les sueurs de la mort. On se
voyait mourir.
Oh ! mon pauvre Vaucourt !
Les uhlans étaient arrivés mardi, à neuf heures du matin, autant
qu'il y a de feuilles au bois. Il y avait à peu près 20 petits
soldats en haut du village, pour tous ces uhlans.
Nous étions aux champs. Quand nous sommes rentrés, les Prussiens
étaient là, au milieu du village.
Grande bataille, atroce !
Ils ont pris le pauvre père Boileau, et ils ont aussi emmené
notre père comme prisonnier, à Sarreguemines.
Papa nous, faisait pitié. Il ne pourra pas supporter cela. Il
étouffera avant. Je ne puis t'en dire plus long aujourd'hui.
Les uhlans ont alors brûlé.une partie du village, puis ils ont
attendu que tout le monde soit couché, pour revenir incendier le
reste.
Faute d'une minute, nous brûlions au lit.
Heureusement les enfants n'étaient pas déshabillés.
Nous sommes partis, trente personnes du village.
Je me suis retournée pour regarder brûler ma pauvre maison.
Toutes nos pauvres bêtes brûlées vives !
Nous sommes comme l'escargot, plus rien !
Nous avons fait douze heures dans les bois tous les quatre. Nos
pauvres enfants n'ont jamais dit qu'ils étaient fatigués.
« J'espère que tu reviendras avec nous, Bon courage.
Aline C...
En Lorraine
Après le combat d'Avricourt. - La prise d'un convoi de la
landwehr allemande.
Paris. 23 Septembre.
Le 20 au matin, la division française campée sur La Vezouse,
après une marche de nuit de flanc le long du canal de la Marne
au Rhin, avait réussi à réoccuper Avricourt. La position des
Allemands, battue par le fort de Manonviller, menacée au nord
par la marche de nos troupes, était devenue intenable. Après un
violent duel d'artillerie, l'ennemi évacuait la ville frontière,
se retirant en pays annexé dans la direction de Richecourt.
Dans la journée du 21, tandis que nos troupes fortifiaient la
position conquise, barricadant les rues du village et garnissant
d'artillerie les collines du Sanon, nos aéroplanes signalaient
un retour offensif des Allemands, à 15 kilomètres au sud.sur le
sentier de Richecourt à Blâmont. Ainsi donc, l'ennemi n'avait
repassé la frontière à Avricourt que pour rentrer chez nous
quelques heures plus tard, vers Richecourt.
Par la ligne Richecourt-Blamont, impraticable à l'artillerie.les
Allemands ne pouvaient acheminer que de l'infanterie sans la
faire soutenir par le moindre canon. Il y avait certainement là
une feinte d'attaque plutôt qu'une attaque réelle. Néanmoins,
plusieurs colonnes ennemies franchissaient les crêtes, se
dirigeant vers les Lignes de la Vezouse, privée de la division
qui l'occupait la veille, et l'avait quittée pour réoccuper
Avricourt. Il semblait même que les Allemands, loin de
dissimuler leur mouvement, avaient à cœur de signaler leur
présence, car les colonnes suivaient bien ostensiblement les
crêtes au lieu de se dissimuler dans les vallées. Ces mouvements
étranges durèrent toute la journée du 21.
Notre état-major ne pouvait être dupe. L'ennemi cherchait à tout
prix à attirer notre attention dans la direction de la Vezouse.
Mais dans le but de tenter une opération dans la région d'Avricourt
? En vain nos aviateurs avaient survolé la vallée du Sanon. Ni
là, ni sur la rive parallèle du canal, nos aéros n'avaient
découvert rien d'insolite. On décida alors d'envoyer un peloton
de cavalerie explorer la forêt du Paroy, inaccessible par son
feuillage dense à l'œil de nos observateurs.
Cependant, au sud, l'infanterie allemande avançait toujours,
réoccupant sans peine Blamont d'abord, Domèvre ensuite, laissés
vides de troupes par notre avance sur Avricourt. D'Avricourt,
nos canons avaient bien tenté de saluer rentrée de l'ennemi dans
la vallée de la Vezouse, mais sans grand succès, vu la grosse
distance. Restant donc dans une expectative prudente, notre
état-major, tout en faisant surveiller par quelques pelotons de
dragons les colonnes allemandes, décida de laisser avancer
l'ennemi, sûrs que nous étions, à l'heure voulue, de repousser
aisément une division de fantassins, que n'appuyait aucune
artillerie et dont la cavalerie était insuffisante. Il y avait,
sans nul doute, dans cette marche des Allemands au sud, une
feinte pour nous obliger à dégarnir les abords d'Avricourt.
Notre état-major ne tarda pas à avoir l'explication de cette
tactique. Ce que n'avaient pu nos reconnaissances d'avions,
notre raid de cavalerie venait de l'accomplir. Une estafette
accourait, en effet, au soir du 21, annoncer au quartier d'Avricourt
que nos cavaliers avaient découvert, caché dans la forêt de
Paray, un train d'équipage ennemi considérable. L'estafette, vu
le nombre important de troupes ennemies accompagnant le convoi,
demandait à toute vitesse du renfort pour l'attaque prochaine.
Nous avions là l'explication de la feinte allemande vers le Sud,
feinte qui ne tendait à rien moins qu'à nous attirer sur la
Vezouse, afin qu'au nord d'Avricourt, les équipages ennemis
attardés pussent durant la nuit repasser sans encombre la
frontière.
Notre état-major donna rapidement ses ordres. Dès l'aube, la
forêt du Paray était cernée par un régiment de chasseurs
d'Afrique, sur la ligne Manonviller-Avricourt, quatre batteries
battaient la route. Les équipages ennemis étaient pris. Un bref
combat sous bois eut raison de leur résistance. A 11 heures du
matin, l'ennemi se rendait.
La prise était d'importance. Tout le train de la landwehr
bavaroise tombait entre nos mains avec son personnel,
conducteurs, boulangers, infirmiers. Un bataillon entier du IVe
corps complétait la prise. De plus, nous capturions vingt autos
de ravitaillement, y, compris 2 autos des postes, appartenant
aux IXe et XVIe corps allemands. Parmi les traînards faits
prisonniers dans la même affaire se trouvaient des soldats des
VIIIe, XIIIe et XIVe corps. Ce mélange hétéroclite était la
preuve du désarroi dans lequel la bataille de la Marne avait
jeté nos ennemis, et du désordre de sa retraite vers la Meuse et
l'Argonne.
La mort d'un brave
Le soldat Maurice Bracquemond, du 17e chasseurs à pied a été tué
à l'ennemi, le 8 août dernier.
Voici la belle lettre que le lieutenant X... (aujourd'hui
capitaine), a adressée à la mère de ce jeune brave. Par le
magnifique témoignage qu'elle rend à Maurice Bracquemond et par
les nobles sentiments qu'elle exprime, elle mérite d'être
reproduite en entier :
« ... Maurice Bracquemond est le premier chasseur sous mes ordres
qui ait été appelé par Dieu à donner sa vie pour la Patrie, et
les conditions dans lesquelles le sacrifice est survenu vous
donne le droit d'être fière entre toutes les mères en deuil.
« Il était parti avec moi, deux jours avant la mobilisation de
la couverture, quatre avant, la mobilisation générale, six avant
la déclaration de guerre. Appelé par la confiance de mon chef de
bataillon à partir avec quelques braves, j'avais choisi Maurice
en raison de sa résistance physique (il s'agissait de faire de
longues courses en bicyclette), de son adresse au tir (on
pouvait tomber à chaque pas dans une embuscade), de son grand
calme (qui seul permet de sortir victorieux des sérieuses
difficultés), et de sa résolution à faire tout son devoir.
« Depuis plusieurs jours, nous manœuvrions avec conviction, avec
enthousiasme, avec foi, lorsqu'il réussit à faire prisonnier un
uhlan, après avoir tué la monture de ce dernier. Il le ramenait,
en compagnie du sergent, lorsque le sale boche, indigne de la
grandeur d'âme de votre fils qui lui avait conservé la vie,
profitant d une fusillade qui rendait pour mes deux camarades la
situation difficile, s'empara de l'arme de l'un d'eux, et
assassina le plus proche, Maurice, le brave.
« Le sergent le vengea immédiatement en abattant l'assassin,
mais ne put mal heureusement rien faire pour le sauver : Maurice
avait été tué sur le coup. Il repose dans le cimetière de
Blamont, dans la fosse commune réservée aux braves français qui
sont morts au champ d'honneur, à côté d'un pauvre brigadier de
chasseurs à cheval, blessé et achevé par les Allemands, dans des
conditions qui émouvraient la famille de ce dernier, à côté d'un
pauvre dragon, à côté de nombreux camarades.
« Il repose dans la paix du Seigneur, dans cette paix réservée à
ceux qui ont vécu sans reproche. Il y reposera toujours, Madame,
car vous le laisserez là avec ceux qui ont consommé le même
sacrifice ; avec ceux auxquels la ville de Blamont,
reconnaissante, élèvera un monument digne de leur dévouement, de
leur énergie à défendre les foyers, les femmes, les fils des
Vosges, avec ceux qui seront l'objet, chaque année, de soins
minutieux de la part de la grande famille française, représentée
à Blamont par une population trop éprouvée au cours des siècles
pour ne pas traiter les tombes de militaires avec le plus
profond respect, avec le plus beau recueillement.
« Et, le laissant là, vous l'irez saluer sur la tombe militaire
la plus proche de votre habitation, où reposera peut-être le
fils d'une mère de Blamont, en tout cas le fils d'une femme
française.
« C'est le propre de la guerre de stimuler assez les énergies,
d'élever le moral, de vivifier assez la foi pour permettre aux
mères, aux veuves, aux orphelins, de ne pleurer que sur les
sacrifices nationaux, et dans la mesure seulement où les
événements l'exigent, pour éprouver la joie calme de la victoire
finale.
« Que cette énergie, ce moral, cette foi, Madame, constituent le
baume de votre douleur que je respecte et devant laquelle je
m'incline. « Capitaine X...,
« le 1er novembre 1914. »
POUR LES TOUT PETITS
Les Enfants sont heureux
Les Parents sont contents
Le mois de décembre est généralement celui de l'année que
préfèrent les « tout petits ». Noël et le Jour, de l'An sont les
deux dates que les jeunes cerveaux retiennent le plus
facilement.
En 1914, les mioches vont se demander pourquoi ils ne sont pas
fêtés comme en 1913. Les parents répondront hélas « C'est la
guerre ! ». Les gosses pleureront aussi et ne comprendront pas.
Dorlotés, choyés par papa et maman, à toutes les époques de
l'année, ils ont déjà enduré depuis trois mois les pires
privations C'est pourquoi nous avons résolu d'y mettre un terme,
avec le généreux concours de ceux qui nous lisent.
En procédant ainsi, nous avons mis à l'abri pas mal de bambins
et de fillettes qui à la Noël et au Jour de l'An auront les
mêmes surprises joyeuses qu'en 1913.
Déjà nous-mêmes, nous avons reçu nos étrennes, sous la forme de
remerciements émus que nous ont adressés soit les enfants que
nous avons placés, soit les personnes généreuses qui les ont
recueillis.
[...]
La jeune Hélène N... de Blamont, (Meurthe-et-Moselle), a été
accueillie avec joie chez de braves commerçants de la rue de la
Bastille, M. et Mme Albert.
Cette jeune personne, qui a onze ans, ne paraît pas se plaindre.
Ecoutez-la :
Permettez-moi de vous dire que je me trouvre bien heureuse chez
Mme Albert. C'est pour moi la vie de famille, car je suis
considérée comme si j'étais leur petite fille.
Je vais l'école, je suis très bien nourrie, très bien couchée et
habillée avec soin par cette bonne maman Albert.
Aussi c'est à votre bonté que j'adresse mes remerciements et ma
profonde reconnaissance.
Son frère Eugène M..., est chez Mme Tripard, à Courbevoie. Il
nous envoie la gentille petite lettre que voici :
Permettez-moi de vous dire que je me trouve vraiment bien chez
Mme Tripard, qui est très gentille pour moi.
J'ai ma belle petite chambre à coucher, un bon petit lit où je
repose à mon aise et reçois une nourriture très substantielle.
Je peux aussi, de temps en temps, faire une visite à mes parents
qui en sont bien contents.
Le neveu de Mme Tripard, qui a près de mon âge, me considère
comme son petit « frangin». Nous travaillons tous deux à notre
instruction. Tour à tour, nous faisons le maître et l'élève.
Nous recevons aussi des leçons de comptabilité. Mais je me hâte
de vous dire que cela ne nous empêche pas, à une heure fixe de
la journée, de faire une bonne partie d'amusement ou notre
petite promenade.
Si je me trouve dans ces bonnes conditions, Monsieur Doublon,
c'est grâce à vous aussi, je vous envoie mes remerciements
infinis.
[...]
Lucien Doublon
Les Allemands à Blâmont
Une personne revenue de Blâmont depuis le 1er décembre confirme
que cette ville fut brûlée en partie et entièrement pillée, même
au milieu de la nuit. La chocolaterie Burrus est détruite ; les
hulans ont fusillé une jeune fille de 17 ans, Mlle Marguerite
Cuny ; un vieillard de 70 ans, M. Barthélemy ; M. Fouel, qui
tenait le café du Commerce.
Des patrouilles allemandes ont été signalées aux environs de la
ville avant la déclaration de guerre.
Les Bandits couronnés
Paris, 22 lévrier.
Notre confrère l'Alsace signale, parmi les chefs allemands qui
se sont particulièrement distingués par les pillages et les
tueries qu'ils ont ordonnés à Blamont, le prince de Bavière,
commandant en chef du Ier corps bavarois.
C'est ainsi que ce brave général, installé à Blamont dans le
château d'un chocolatier suisse, M. Burrhus, obtint de son hôte
des milliers de kilos de sucre et cacao en échange de la
promesse que l'usine du chocolatier serait respectée. Mais le
prince ne s'embarrassa pas pour si peu. Lorsqu'il eut mis en
sûreté les marchandises qu'il avait demandées, il fit mettre le
feu à l'usine de M. Burrhus et comme celui-ci lui rappelait sa
promesse, le prince de Bavière le menaça du peloton d'exécution.
Puisse cette anecdote authentique tomber sous les yeux de
nombreux citoyens suisses !
Les Livres
SONNETS DE CAMPAGNE
Un haut fonctionnaire du P. L. M., rengagé pour la durée de la
guerre, a noté ses impressions de campagne en quatre-vingt-dix
sonnets vibrants, agréables par l'élégance et la souplesse de la
forme, émouvants par la sincérité de la vision. Ce sont des
tableaux de guerre où crépite la fusillade, où passent les
horreurs et les sublimités du champ de bataille.
L'auteur les dédie à ses « 80.000 camarades du P.-L.-M. »
A vous, ces vers, agents, amis, du grand Réseau.
A toi d'abord, qui mis le premier acte en scène
Si magnifiquement! À qui si rude peine
Valut si bel honneur! Grand merci, cheminot!
Sans accrocs, sans retard, au front tu nous amènes !
Voici une « messe de campagne ». La page est datée de Blamont,
21 août :
Le portail mitraillé par des éclats d'obus ;
Arceaux et clochetons jonchant la place vide;
Tous les vitraux brisés ; une senteur fétide
D'âcre charnier ; du sang, des cris, des pleurs confus
Du pauvre corps meurtri de l'église, il n'est plus
Rien que n'ait mutilé le barbare stupide.
Mais son âme, jamais, n'a vibré plus splendide
Sur l'autel où, vers nous, va descendre Jésus !
Le prêtre est un soldat comme les assistants,
La cloche a pris la voix des fusils crépitants.
L'orgue le grondement des canons en furie.
Mais, dans nos cœurs, s'épand une sérénité
Virile et tendre : en eux, soudain, a palpité
Avec le Dieu vivant, l'âme de la Patrie !
[...]
Espérons qu'après la victoire l'auteur des sonnets de campagne
ne déposera pas sa plume en même temps que son épée.
GRAVILLE.
Conseiller municipal depuis
soixante-quatre ans.
NANCY, 20 mai. Par téléphone.
A Vaucourt (Meurthe-et-Moselle), où il est né en 1844, M.
Charles Brancard a été élu conseiller municipal en 1871, à 27
ans, et il a été constamment réélu depuis cette date.
Au dernier scrutin, ses concitoyens ont encore renouvelé son
mandat à leur doyen, qui, avec ses 91 ans. doit être d'ailleurs,
un des doyens des assemblées municipales de France.
Avis à nos alliés.
Sous la boîte allemande
Une jeune Lorraine, rentrée récemment d'Allemagne; par la
Suisse, donne au Progrès de Lyon un récit de l'occupation
allemande â Blamont. Cette petite ville a beaucoup souffert de
la guerre,. Envahie, bombardée et pillée, elle a subi toutes les
horreurs de l'invasion tudesque.
La jeune Lorraine la dépeint en traits sincères, humains et
émouvants. Elle fut enfermée avec sa mère et sa sœur dans une
petite chambre où se trouvaient déjà sept personnes et tenue
d'y'habiter quinze jours sous la garde de deux soldats.
« La première nuit a été terrible. On entendait le bruit
effrayant du canon et de la fusillade ; deux maisons brûlaient,
et les soldats nous faisaient comprendre que la nôtre brûlerait
aussi. Nous n'osions pas descendre ; c'était d'ailleurs
difficile. La maison était si pleine d'habitants que les
Allemands, couchés par terre, harassés de fatigue, se touchaient
tous. Ils ne bougeaient pas et il fallait leur marcher dessus
pour sortir...
» Parfois, lorsque nous étions dehors, il en venait qui
cherchaient à nous parler. Ils prenaient un air narquois et
réjoui et nous disaient :
» - Nous avons pris le grand fort de Manonvillers. Nous sommes à
Toul et à Verdun, et nous marchons sur Paris... »
On peut se figurer l'angoisse d'une jeune fille française dans
une telle promiscuité et dans l'ignorance de la vérité.
Lorraine orientale. - Les
opérations prennent de l'extension entre le chemin de fer de
Lunéville à Avricourt et le cours moyen de la Vezouze. Il ne
s'agit plus seulement d'escarmouches, comme on pouvait le
croire, mais bien de combats importants, ayant pour résultat la
conquête d'un terrain étendu.
Le théâtre de ces rencontres est à l'est de Lunéville, non loin
de la petite ville de Blamont. Comme nous le supposions hier, il
s'étend entre deux longs ruisseaux aboutissant à la Vezouze :
celui de Leintrey, naissant non loin du village de ce nom, près
du chemin de fer, et celui d'AIbe, qui, ayant sa source au sud
d'Avricourt, atteint la Vezouze en aval de Domèvre. La longue
colline qui sépare les deux vallons a 319 mètres d'altitude près
de Leintrey et se tient sans cesse a plus de 300 mètres, alors
que la Vezouze coule à 250 mètres environ. C'est cette arête que
l'ennemi occupait et dont nous le chassons. Sa première ligne
est enlevée sur 1.500 mètres. Poursuivant ce succès, nos soldats
se sont avancés vers la vallée de l'Albe et ont atteint les
abords de Gondrexon et de Chazelles. L'ennemi a précipitamment
abandonné ses tranchées que l'on a trouvées remplies de
cadavres. Au sud-ouest d'Embérménil, même succès ; la hauteur
boisée des Remabois, qui domine Leintrey, a été abordée. Les
Allemands se sont concentrés près de là, fortement retranchés au
sud de Leintrey.
En Lorraine. - Il faut suivre
avec attention les petits combats qui se poursuivent sans
interruption depuis tant de semaines au long des vallons de
l'Albe et de Leintrey et sur les croupes qui les séparent.
Celui qui s'est livré vendredi nous vaut quelques précisions
relativement au terrain disputé, il permet de supposer que la
ligne entre les deux parties suit le sommet de ces croupes. Un
chemin qui n'est
pas partout en bon état d'entretien suit ce faite. Montant d'Amenoncourt
au nord, sur l'Albe, il passe par les points cotés 299, 303,
207, alors que les fonds des vallons sont à 255 et 260 mètres,
et va descendre sur le Leintrey à Blemerey. Ce chemin est
traversé près de la cote 290 par celui de Leintrey à Gondrexon.
C'est au point d'intersection que l'on s'est battu vendredi. Les
Allemands y étaient installés dans une tranchée fortement
défendue, nos soldats sont parvenus à les déloger et à occuper
cette croisée de chemins, ils font face à des collines plus
hautes - 353 mètres au-dessus d'Autrepierre - séparant l'Albe de
la Vezouse et derrière lesquelles se blottit la minuscule ville
de
Blamont, dont la gare est le centre des ravitaillements de
l'ennemi. Blamont est à 7 kilomètres de la tranchée que nous
venons d'enlever.
Correctionnelle d'Auxerre
Audience du mardi soir [...]
Etant ivre, Charles Denis, âgé de 51 ans, s'est laissé aller à
prononcer, dans un café de Saint-Florentin, des propos n'ayant
rien de commun avec ceux d'un bon citoyen.
Ce stratège de caboulot, perdu dans les fumées de l'alcool,
s'est bêtement mis à critiquer les opérations de Verdun,
souhaitant que les Boches viennent bientôt donner aux
Saint-Florentinois
une « leçon » qu'ils ne méritent certainement pas.
Denis est originaire de Blamont, cette ville de Lorraine où, dès
les premières semaines de guerre, les Allemands firent si
lourdement sentir leur puissance de destructeurs et de brigands.
Denis est condamné à 15 jours de prison.
C'est sa huitième condamnation.
Aube - Une mère noyée avec sa
fille. - Dimanche matin, Mme Mellé, âgée de 37 ans, originaire
de Blamont (Meurthe-et-Moselle), réfugiée â Bomilly, sortait de
chez elle, accompagnée de sa petite fille, âgée de deux ans,
pour se rendre a la messe.
A l'heure du déjeuner, Mme Mellé n'était pas rentrée.
Vers le soir, M. Ignard, son cousin, employé chez M. Clément,
architecte, avec lequel elle habitait, pris d'inquiétude,
commença à faire des recherches.
Lundi matin, deux chapeaux ayant appartenu à Mme Mellé et à sa
fille furent trouvés sur le bord de la rivière des Aiguilles, au
lieu dit le « Trou corselet ».
Des sondages furent pratiqués et les deux corps retrouvés.
Mme Mellé, dont le mari est mobilisé à Paris était
neurasthénique.
LITTLE GLIMPSES OF HISTORIC
FRANCE
BLAMONT.
Blamont, whose name appeared in documents of the seventh century,
dates back a very long time. It was the headquarters of a Roman
"Pagus", then became the capital of a county (Blamontois), the
residence of a royal officer and finally the property of the
crown.
The town was fortified as earny as the fourteenth century and
possessed a castle, an ancient and magnificent residence which
offered its hospitality to many notable personages, among whom
were the Duke of Antoine, François de Bar, the Queen or Hungaria
(1548) and the Count de Egmont and his wife.
From the year 1559 the mansion served as the residence of the
Duchess Christine of Denmark, mother of Charles III. In 1567
there was celebrated there the wedding of Prince William of
Bavaria and Princess Renée of Lorraine and in 1573 it was the
scene of meetings between Catherine de Medici and the Duke
d'Anjou who became Henry III.
The town was beseiged and taken in 1597 by the Duke of Bourmon
and in 1631 by the Duke of Saxe-Weimar. During the first seige
it was valiantly defended by Mathias Klopstein of Lorraine, who
after an heroic resistance was hanged by his enemies at the gate
of the fortress as a punishment, for having set fire to the town.
During the disastrous wars, Blamont lost its fortifications as
well as its castle of which the ruins still stand on the hill
which dominates the town.
Blamont was the birthplace of Claude Ambroise Regnier, who was
the high judge during the first Empire ; of Count Louis Klein,
General de France and General Le Clerc, who died in 1861.
LIVRES ET AUTEURS
SAINT-DIÉ sous la botte
Ne pas oublier, garder la mémoire fixée sur les abominations
d'hier, bien nous convaincre que nous sommes en armistice non en
paix avec l'Allemagne et que ce simple état de trêve survivra
pendant longtemps, pendant très longtemps à l'échange des
signatures protocolaires, rien n'est plus nécessaire ; il
semblerait aussi que rien ne soit plus simple. Mais la guerre,
matériellement destructrice, est très peu régénératrice au
moral. Elle exalte (sans les créer) les grands sentiments qui se
cachaient au fond de certaines âmes. Elle ne redresse pas les
mentalités faussées. Aussi, à peine la victoire, si chèrement
achetée, commençait-elle à monter en plein ciel que déjà des
fumées d'idéologie s'efforçaient de la masquer. Et ces fumées
deviennent un rideau de brume. Des romanciers philosophes ou
plutôt des philosophes romanesques, demandent avec gravité s'il
est bien certain que la Patrie existe. Et notre Patrie saigne
encore !
Cette besogne est mauvaise. On ne peut en contrebalancer les
effets que par un rappel méthodique et constant des horreurs de
la première partie de cette guerre qui, répétons-le, n'est que
suspendue et qui peut reprendre, qui reprendra sous d'autres
formes. Tous les récits de témoins sont opportuns et ils seront
d'autant plus précieux qu'ils n'auront pas la surcharge du
maquillage littéraire. La vérité, l'humble vérité, comme disait
Maupassant, nous en avons besoin et nous la retrouvons dans les
livres de bonne foi tels que ce Saint-Dié sous la botte, paru à
la librairie Berger-Lervrault.
Le narrateur est M. Ernest Colin, adjoint au maire de Saint-Dié,
témoin, acteur, héros et victime du chantage boche dont ce petit
livre ne laisse ignorer aucun détail. Point de fioritures ni de
vains ornements ; la note littéraire n'est indiquée, et très
discrètement, que dans la préface où M. Emile Hinzelin trace ce
charmant tableau de Saint-Dié des Vosges :
« Saint-Dié est une petite ville de grande beauté. Sur les deux
rives de la Meurthe, elle s'étend au pied d'élégantes montagnes,
la « ligne bleue », dont parlait si admirablement Jules Ferry.
On descend la grande rue aux maisons un peu basses, percées de
larges portes cochères. On passe sous des arcades de grès rose
aux délicates nuances. Sur la place, presque en face de la
maison qui porte l'inscription : « Ici est né Jules Ferry », se
dresse la statue de Jules Ferry au pied de laquelle des écoliers
de bronze apprennent à lire. Un peu plus loin se trouvent la
cathédrale, un cloître gothique et une chapelle romane
qui-remonte au neuvième siècle. Exquise à l'ombre des grands
arbres, cette chapelle est l'un des lieux du monde où l'on
sentait avec le plus de ravissement le lourd manteau des soucis
tomber sur le grès rose des dalles, comme une ombre. Que de
prières angoissées la chapelle et la cathédrale ont entendues,
depuis le début de la guerre ! En face de la cathédrale, voici
la Maison des Chanoines d'où est partie, en 1410, l'idée qu'un
nouveau monde était à découvrir. Quand ce nouveau monde fut
découvert, les chanoines lui forgèrent le nom qu'il portera pour
toujours : Amérique. »
La beauté de Saint-Dié, la grâce de ses paysages, la noblesse de
ses souvenirs étaient pour les Allemands autant de motifs de
haine. Pendant leur occupation, ils eurent recours à leurs
procédés habituels : fusillade, bombardement, incendie. Mais ils
devaient faire preuve d'invention particulière à l'égard de M.
Ernest Colin. Ils étaient entrés à Saint-Dié le 27 août 1914 à
17 heures. Le lendemain 28, à 9 heures, devant l'Hôtel de Ville,
M. Ernest Colin, en sa qualité d'adjoint au maire, reçut du
général von Knoerzer, commandant la 30e Reserve Division, la
mission d'obtenir d'extrême urgence, du Gouvernement français,
la restitution des femmes et des enfants arrêtés comme suspects
par les troupes françaises qui avaient occupé la vallée de la
Bruche, et emmenés à l'intérieur du territoire.
Il ajouta :
- Si vous ne pouvez réussir dans votre mission et si vous ne
ramenez les otages, au moins autant de femmes et d'enfants de
votre ville, en commençant par les membres de votre famille,
seront arrêtés et leurs maisons incendiées ; si l'on remet la
main sur vous vous serez fusillé.
Voici le sauf-conduit remis à M: Colin :
Le porteur de la présente a la permission du général commandant
de quitter la ville pour chercher à Gray les femmes et les
enfants arrêtés à Saales.
Par ordre : J. A. Meier,
Commandant et adjudant de l'état-major.
Aucune hésitation n'était permise. M. Ernest Colin et deux
vaillants compatriotes, MM. Jules Marchal et Georges Béranger,
industriels, qui s'associaient volontairement à son sort,
trouvèrent une automobile oubliée dans une grange. Le voyage fut
tragique entre les batteries ennemies ; vingt fois les Français
échappèrent à la mort. Il faut lire dans le simple récit de
l'adjoint au maire de Saint-Dié ces péripéties navrantes. Mais
des épreuves morales encore plus cruelles étaient réservées à M.
Ernest Colin quand il revint à Saint-Dié ramenant les suspects
rendus per l'état-major français sous cette condition, peu
respectée, que la France n'aurait rien à souffrir pendant
l'occupation allemande.
Il fut grossièrement insulté par l'officier supérieur chargé de
prendre livraison des suspects :
« Se plaçant en face de moi (il savait que j'étais un des
adjoints de Saint-Dié) il hurla, je ne puis employer un autre
terme, - il hurla les paroles suivantes :
- Salauds ! Sales cochons de Français ! Misérables d'avoir
emmené prisonniers des femmes et des enfants !...
» Il cracha ensuite dans ma direction.
» Pendant cette algarade, mon sang bouillait ; je serrai mes
poings dans mes poches, je tins les yeux baissés et ne fis aucun
mouvement. Je ne pouvais lui répondre, hélas ! c'est pourquoi
cette brute en profita.
» Si ce brave officier veut venir me répéter ces paroles après
la guerre, il n'aura certainement pas le temps de les prononcer
toutes. J'aurais voulu pouvoir lui dire :
Assassins ! Bandits ! Voleurs ! Incendiaires ! A Blâmont, il y a
quelques jours, à 8 heures du soir, vous avez sans aucun motif
arrêté mon oncle Louis Foëll et vous l'avez fusillé lâchement.
lendemain,
vous avez fusillé l'ancien maire, M. Barthélemy, vieillard de
quatre-vingt-six ans.
A Badonviller, à Parux. partout où vous passez, vous fusillez
femmes et enfants, vous pillez et commettez les pires horreurs.
»
Ce n'est pas tout. Il manque parmi les suspects, quelques femmes
et quelques enfants. M. Ernest Colin est de nouveau mis en
cause. Et c'est alors le plus abominable chantage
» A midi, je recevais l'ordre d'aller chercher ma femme ; elle
allait être emmenée comme otage et ne serait remise en liberté
qu'à mon retour, si toutefois je ramenais le complément des
femmes et enfants arrêtés.
» Accompagné d'une sentinelle, je dus donc aller moi-même
chercher ma femme pour la remettre prisonnière à ces sauvages.
Je ne puis rendre par écrit ce que j'éprouvai.
» Bien tristement j'arrivai chez moi où j'étais impatiemment
attendu, car ma femme avait profité de mon retour pour inviter à
déjeuner des amis, et nos convives étaient à la maison.
» Mon entrée avec ce soldat leur fit pressentir une mauvaise
nouvelle ; personne n'osa cependant me demander pourquoi j'avais
de nouveau un gardien avec moi.
» Avec le plus de ménagements possible je dus prévenir ma femme,
lui dire ce que l'on exigeait d'elle... »
La bonne Française s'efforce de rassurer son mari, lui assure
qu'il la retrouvera. Mais quand il revient avec tous les
suspects, l'enquête sur l'inculpation d'espionnage n'ayant pas
relevé de charges suffisantes. Mme Colin n'est plus là. Et le
voilà parti à sa recherche. On lui avait dit qu'elle était
prisonnière à Provenchères. Elle n'y est plus. On lui dit
qu'elle est à Saales, puis qu'elle est à Rothau, puis qu'elle
est à Schirmek. Aucune trace. M. Ernest Colin rentre à Saint-Dié
d'où les Allemands ont battu en retraite ; puis il tente une
démarche en Suisse, près de notre ambassadeur à Berne, qui le
renvoie au chargé d'affaires d'Espagne, le comte Francisco de
Reynoso, « intermédiaire pour les affaires litigieuses entre les
Gouvernements français et allemands. » Par ce dernier, il est
conduit à l'ambassade d'Allemagne.
» L'ambassadeur von Romberg, qui le reçoit dans un immense hall,
a près de lui son attaché civil, le comte Lazouille, et son
attaché militaire, von Bismarck. Enfin Mme Colin, qui a été
tirée de la prison de Strasbourg, arrive à la frontière suisse
par Saint-Louis, le dernier village alsacien, non loin de Bâle,
près de deux barricades gardées l'une par des soldats suisses,
l'autre par des soldats allemands. M. Ernest Colin la serre
entre ses bras et nous dit sa joie.
Le 23 octobre, le Journal officiel publiait la note suivante :
« Le Gouvernement porte à la connaissance du pays la belle
conduite de M. Colin, pour avoir, au péril de sa vie et sous le
feu de l'ennemi, traversé à plusieurs reprises la ligne de
bataille. afin d'accomplir d'importantes missions d'où dépendait
le sort de la ville et de ses habitants. »
Cette citation civile fut transformée en citation à l'armée. Le
9 août 1916, M. Colin reçut la croix de la Légion d'honneur des
mains du président de la République et, le 11 septembre 1916, la
Croix de guerre avec palme lui fut remise par le général Vassart.
Le sauveur de Saint-Dié a été digne ment récompensé, mais ne
laissons pas abolir la mémoire de l'odieux chantage allemand.
CAMILLE LE SENNE
REMISE DE DECORATIONS
Nous recevons au dernier moment une longue liste de décorations
militaires remises le 21 novembre, caserne Combes. Nous la
publierons dans notre prochain numéro, mais nous tenons dès
aujourd'hui à donner ici la première de ces décorations, la
croix de Chevalier de la Légion d'Honneur attribuée à M. le
sous-lieutenant Bajard Jean, du 95e Régiment d'infanterie :
« Cité à l'ordre de l'armée. Jeune officier plein d'entrain et
d'énergie qui a fait preuve de belles qualités militaires. A été
tué à la tête de sa section devant Blamont. »
Une automobile se jette sur
une voiture de bois
Nancy, 19 novembre. Aux environs de Blamont, une automobile
conduite par M. Henri Parnaddeau, inspecteur des chemins de fer,
s'est jetée sur une voiture de bois de construction dépourvue de
lanterne et que le brouillard empêcha de voir assez tôt. M.
Parnaddeau eut la gorge ouverte et plusieurs côtes enfoncées. Sa
mort fut instantanée. Il laisse une veuve et deux enfants. (OEuvre).
Le décor de la vie EN
LORRAINE
Certes, il nous serait agréable de « flâner » en Lorraine, comme
on peut flâner à peu près dans chaque -province de France. A
Nancy, la ville vieille, construite au quinzième siècle,
l'église-des Cordeliers, qui est le Saint-Denis des ducs de
Lorraine, puis la ville neuve, édifiée au dix-septième siècle,
selon un plan en damier, enfin reliant les deux, comme une
cheville entre deux mortaises, l'ensemble dû à Stanislas
Leczinski, à savoir la place Stanislas, les places de la
Carrière et du Gouvernement, tant de vestiges, tant d'œuvres
d'art parfaite, subordonnées à un dessein prémédité, deux grands
musées, une cathédrale, nous donneraient l'occasion facile de
raconter, presque à chaque porte, une petite histoire; Nous
n'avons pas manqué de « flâner », nous aussi; nous avons même
été jusqu'à Lunéville, le Versailles de Stanislas; nous avons
poussé jusqu'à la. colline inspirée de Sion-Vaudémont, d'où l'on
découvre plus de quatre-vingts villages, et jusqu'à Charmes,
pour voir le cadran solaire que M. Barrès a fait inscrire sur
les murs de sa maison, la devise qu'il proposa à nos réflexions
: Quaesivit cœlo lucem ingemuit que - repertam. Mais, hélas! il
ne nous a point suffi de marcher sur-les plates-bandes du.
jardin de Bérénice.
Nous imaginons que ces flâneries et ces pèlerinages dans le
passé, pour séduisante qu'ils soient à notre curiosité, ne
s'égaient pas aux circonstances, et que ce n'est pas le lieu,
non plus qu'en temps de guerre, de nous attarder devant, les
chefs-d'œuvre ou les monuments de jadis. Des réflexions plus
immédiate, des arguments plus urgents requièrent notre
attention. Les dilettantes, les indifférents doivent bien
pénétrer de cette idée qu'on n'a pas le droit de s'enfermer dans
une tour d'ivoire tant que la France n'est pas consolée de sa
grande pitié. S'il ne faut pas laisser se désagréger Versailles,
ni ia place Stanislas, presque tout l'argent est dû au
relèvement des ruines de la guerre.
La reconstruction dans le département de Meurthe-et-Moselle est
admirablement conduite par des hommes comme M. H. Deville,
architecte en chef des régions libérées-, un ancien élève
diplômé, de notre Ecole des beaux-arts, qui a fait une grande
partie de sa carrière à New-York, qui en est revenu pour se
consacrer à la reconstitution française, mais qui en apporte le
goût de l'initiative et des programmes bien étudiés dans leurs
exigences modernes plus que dans leur aspect inutilement
décoratif. C'est lui qui a organisé l'exposition de la salle
Poirel à Nancy. La Lorraine doit beaucoup aussi à M. Préaud,
ingénieur du génie rural, qui a publié une excellente brochure
sur la reconstruction des bâtiments agricoles en Lorraine, et à
des hommes d'action, comme M. Emile France-Lanord, ingénieur,
qui a relevé, en un an, toute une série de villages dans le
sud-est du département, aux environs de Blamont, près de
l'ancienne frontière allemande.
J'ai visité ces villages; ils ont tous été reconstruits dans le
style des anciennes fermes lorraines; ce qui prouve bien que
notre campagne en-faveur de -l'architecture régionale
dans-les-provinces dévastées a abouti-non seulement à des
échanges d'idées intéressantes, mais à des réalisations
pratiques. Je ne saurais dire tout le plaisir que l'on éprouve à
voir ces. maisons toutes-neuves, mais rappelant les anciennes
avec leurs portes charretières largement cintrées, leurs toits
faiblement inclinés. Il faut ajouter que la construction ici a
un aspect solide, massif, qui tient à ce qu'elle est exécutée
avec des -matériaux du pays, du grès rouge des Vosges, de la
pierre de Lerouville ou de Savonnières, des moellons jaunes, en
des épaisseurs qui n'ont rien de comparable avec-les faibles
murs en briques ou en aggloméré que l'on fait dans le nord de la
France. Ailleurs on crée du provisoire; ici, du définitif, et
l'architecture y prend ce caractère de ténacité qui s'inscrit
dans l'histoire et dans le rythme du terrain.
Les suggestions de M. Préaud ont été entendues en ce qui
concerne l'aération et la ventilation des écuries, des étables;
elles ne l'ont pas été quant à l'hygiène générale, des villages.
On assiste à ce spectacle paradoxal, que je signale à M. Paul
Strauss, le ministre de l'hygiène, de villages entiers où les
maisons sont neuves, conformes aux données du génie rural, mais
où les habitants s'obstinent à aligner leurs fumiers devant les
portes, de chaque côté de la rue principale. D'où fontaines
contaminées, atmosphère irrespirable.
N'y a-t-il pas un moyen de faire pression sur eux et de
subordonner les versements d'argent à l'exécution stricte des
règlements? Tant pis pour la couleur locale!
Que faut-il pour achever la reconstitution? De la liberté, de
l'argent. Liberté d'agir, d'enrôler de la main-d'œuvre sans
l'immixtion de l'Etat.
Ainsi, le ministère du travail prescrit actuellement de
n'embaucher aucun manœuvre étranger, de manière à procurer une
occupation à des chômeurs de la région parisienne, qui
d'ailleurs se soucient fort peu d'aller dans les régions
-libérées, et préfèrent rester à Paris, en touchant une
allocation de chômage. Les entrepreneurs trouvent une
main-d'œuvre spécialisée en Italie, et surtout en Alsace.
L'Alsacien, s'adapte facilement à tous les métiers du bâtiment :
il est excellent maçon, bûcheron, charpentier, menuisier. La
proximité du chantier lorrain l'encourage à quitter l'Alsace, où
il revient chaque samedi, après la paye.
On compte en Meurthe-et-Moselle 290 communes sinistrées; 228,
soit 80 % se sont constituées en coopératives; à elles toutes,
elles ont touché, jusqu'à cette heure, 358 millions de francs,
soit 34 % du montant des indemnités. Il reste donc à leur verser
66 % de ce qui -leur revient. De la régularité, de l'abondance
des versements dépendra l'exécution des travaux; on évalue leur
durée à sept ans; les hommes de l'art estiment que trois ou
quatre suffiraient si, comme nous l'avons indiqué, on laissait
toute liberté d'action, et si l'administration ne se mêlait pas
de vouloir égaliser et répartir dans tous.les départements les
ressources en argent et en matériaux.
Une exposition comme celle qui a été organisée par les soins de
M. Deville à la salle Poirel, à Nancy, nous intéresse en ce
qu'elle établit en quelque sorte le bilan de ce qui a été fait
et de ce qui reste à faire. Il serait à désirer que les préfets
de tous les départements dévastés entreprissent une
manifestation de ce genre chaque année: les architectes, les
entrepreneurs, les sinistrés y puiseraient des leçons efficaces.
A l'exposition de Nancy, les tableaux de statistique, les
photographies, les plans, les maquettes sont groupés sans
monotonie, d'une manière qui excite l'esprit sans le fatiguer.
J'ai noté des morceaux excellents, comme cette école d'Emberménil,
et l'arrangement de la petite place du village, avec son église,
son presbytère relié à l'église par un passage couvert, sa
mairie, sa fontaine-abreuvoir et ses plantations d'arbres :
c'est là de l'urbanisme, si l'on veut appliquer ce mot
prétentieux à des choses qui relèvent du goût, du tact et du bon
sens. Trois cadres m'ont particulièrement intéressé et j'imagine
qu'ils intéresseraient M. Maurice Barrès; ils contiennent les
photographies des églises en ruines du département. Sait-on, à
ce propos, que l'emprunt actuellement lancé en faveur des
églises est patronné par tous les diocèses intéressés, sauf
celui de Meurthe-et-Moselle? C'est que celui-ci a déjà lancé un
emprunt de 15 millions, souscrit en juillet 1921, sous le
patronage de l'évêque de Nancy, des sénateurs et des députés du
département, ainsi que des généraux de Castelnau et Balfourier,
anciens commandants du 20e corps.
Décidément on reçoit ici un enseignement de confiance; et l'on
ne peut oublier que dès 1916 la commune de Vitremont était
reconstruite avec les avances du comité californien, sous la
présidence de Mrs. Crocker, qui épousa peu après, dans l'église
même qu'elle venait de faire rebâtir, le général français de
Buyer.
La Lorraine étant un centre industriel, j'ai cherché
naturellement à examiner des plans-et des vues de constructions
industrielles. Il y a de côté-là un effort immense, soit aux
forges de Joeuf, soit à Dombasle, soit aux aciéries de
Micheville, soit aux usines de Lorraine-Diétrich, à Lunéville.
Ici et là on a édifié des silos gigantesques en béton armé, des
cheminées qui par leur, texture offrent les accidents de lumière
d'une colonne cannelée, des ateliers modèles, A Nancy même, les
frères Majorelle, qui se sont beaucoup occupés du mouvement
d'art décoratif moderne, ont eu le courage d'édifier,
immédiatement après l'armistice, d'im menses magasins où la
logique n'est pas alourdie à force d'insistance, où le décor se
neutralise pour laisser à l'objet présenté dans les vitrines et
les étalages toute sa valeur. Il semble bien qu'on se soit enfin
évadé du modern-style cher à M. Corbin et à Vallin pour aboutir
au style moderne.
On regrette que les industriels n'aient pas eu le même souci de
leurs ouvriers que de leur outillage. Sauf quelques exceptions,
comme aux blanchisseries de Thaon et a Briey, ils ne
comprenaient pas l'intérêt qu'il y a pour la stabilité de la
main-d'œuvre, pour la tranquillité sociale, pour l'équilibre du
monde, à faire de l'ouvrier une sorte de paysan attaché à sa
terre, à lui donner une maison et un jardin. Cependant,
l'exemple donné par le Nord n'est pas perdu; on remarque, à
l'exposition de Nancy, des modèles de cités ouvrières, comme
celle de Pompey, due aux architectes Hennequet frères, celle de
Micheville, avec son hôpital, sa salle des fêtes, son école
ménagère, qui témoignent d'une sollicitude intelligente; mais
c'est là encore, malheureusement, une exception.
Tandis que dans le nord de la France l'effort intéressant a été
tenté dans l'habitation industrielle, en Lorraine il l'a été
surtout dans l'habitation rurale et agricole. L'église de
Halloville, par M. Deville; la fontaine-abreuvoir de
Badonviller, avec ses bas-reliefs taillés à même le grès rouge
des Vosges, provenant des carrières que l'on voit sur la route
du col de Saverne; la ferme de Chazelles, l'école de Reillon,
celle de Maix, par Maurice Marchand; la garderie d'enfants à
Badonviller; les villages dont je parlais tout à l'heure, voilà
ce qui est vraiment heureux, émouvant. Ajoutez-y quelques
instruments agricoles, des verreries de Daum et de Gallé, des
meubles de Majorelle, des cristaux de Baccarat, des grès de
Mougin, des émaux de Longwy, des vitraux et des statues pour
églises, d'un sentiment décoratif très juste, des chandeliers
d'autel et un monument commémoratif en fer forgé, par
Desvallières, d'excellents relevés en-blanc et noir des ruines
historiques, comme cette ferme de Léomont, près de Lunéville, où
fut livrée une âpre bataille, un intéressant projet des
architectes Boileau fils et Le Bourgeois pour, la reconstruction
de Longwy en suivant le profil des anciennes fortifications de
Vauban, et vous aurez une idée à peu près exacte de cette
exposition, qui né cherche dans le passé qu'un point d'appui
pour envisager l'avenir immédiat.
Léandre Vaillat.
TRIBUNAUX
CRIMES ALLEMANDS EN LORRAINE
Le-conseil de guerre de la 20e région, siégeant à Nancy, vient
de condamner à mort, par contumace, un officier boche, qui
s'était signalé par la-bestialité de ses exploits, commis en
Lorraine, au mois d'août 1914. Le capitaine Kunz, de la 19e
division ersatz de réserve, arrivé à Blamont, pilla le
presbytère, dépouillant de leurs économies l'abbé Dupré, sa
servante, Mme Gaillot, et son sacristain Koster. D'autres
habitants, notamment le curé Jacques, Mme Barbier et M. Martin,
furent l'objet de menaces féroces et durent livrer leur argent.
Kunz souilla, dans la commune de Harbouey, les ornements
sacerdotaux et fit mettre le feu par les soldats à l'église, qui
fut totalement détruite.
C'est la première fois que le conseil de guerre de la 20e région
cite à comparaître devant lui les auteurs -de tous-les méfaits
qui semèrent la terreur dans nos populations.
DEPLACEMENTS MINISTERIELS
M. Charles Reibel, ministre des Régions libérées, s'est rendu,
aujourd'hui, en Meurthe-et-Moselle.
Le ministre s'est arrêté à Badonviller, Neuviller, à Cirey, où
il a inauguré le monument aux Morts ; à Domèvre et à
Herbéviller.
Sur la route de Nancy à
Lunéville, l'automobile de M. Schoeffer, propriétaire des grands
moulins de Blamont, s'est brisée contre un arbre. M. Schoeffer,
la poitrine défoncée et les bras cassés, est dans un état grave.
Arrestation d'un escroc
italien
BAR-LE-DUC, 11 janvier. - La gendarmerie de Bar-le-Duc a arrêté
un individu recherché pour une escroquerie commise au préjudice
de M. Rouy, mécanicien à Blamont (Meurthe-et-Moselle), dont on
ne connaît encore que quelques exploits. Il s'agit d'un nommé
François-René -Serge -Jean de Rondi, trente-trois ans.
ingénieur, qui se dit fils d'un colonel italien, ancien élève de
l'Ecole polytechnique italienne et capitaine de réserve de
l'aviation. Il prêtend en outre, faire partie du service-de
renseignements du gouvernement italien en France.
Une enquête est ouverte au sujet de cet individu suspect.
Ingénieur escroc
Un nommé René-Serge-Jean de Rondi, 33 ans, Ingénieur, auteur de
plusieurs escroqueries au préjudice de M. Rouy, mécanicien à
Blâmont (Meurthe-et-Moselle), a été arrêté. Il se dit le fils
d'un colonel italien et prétend être capitaine de réserve au
génie d'aviation.
A la recherche de Léon Daudet
A Avricourt Léon Daudet a été signalé, il y a quelques jours,
dans le département de Meurthe-et-Moselle.
Précisons : à Avricourt. Mercredi dans Ja soirée arrivaient sept
agents de la Sûreté qui s'installaient autour de la maison d'un
de nos amis, épicier, soupçonné de cacher le directeur de
l'Action française.
De plus, la brigade de gendarmerie d'Avricourt barrait les
routes de Lunéville et Blamont pendant que la brigade de
Rechicourt tenait les routes de Sarrebourg-Dieuze.
Les agents de la Sûreté, pour examiner le magasin, éprouvèrent
le besoin de faire quelques achats dans l'épicerie. Le soir,
vers 11 heures, notre ami qui sortait pour faire une courte
promenade, était interpellé par deux des hambourgeois.
- Il paraît que vous cachez Daudet.
P't'ête ben qu'Daudet est chez moi, répondit l'interpellé. En ce
cas il doit se reposer.
Voyant qu'il se moquait d'eux, les deux argousins promirent à
l'épicier de lui donner de leurs nouvelles. Le lendemain, ils
visitèrent sans succès tous les cafés et auberges qui logent à
pied, à cheval, et en automobile. Le succès de cette
manifestation a été considérable.
Ajoutons que le commerçant, qui est ligueur et abonné à l'Action
française, nous a envoyé le montant des emplettes effectuées par
les hambourgeois dans son magasin, soit 50 francs.
M. André Duchamp, 111, rue de
Voize à Blâmont, est désigné comme correspondant de la Ligue
pour cette commune.
HALLOVILLE. L'inauguration du
monument aux morts aura lieu le dimanche 16 octobre, en présence
de diverses personnalités.
Blâmont. Dimanche 16 octobre,
à 3 heures de l'après-midi, salle de la mairie, grande réunion
privée sous la présidence d'honneur du baron André de Ravinel,
délégué régional de Monseigneur le Duc de Guise. Orateurs : MM.
Charles Berlet et Charles Barth. On trouve des cartes aux cafés
Cuny et Colas, à Blâmont.
Près de Blamont
(Meurthe-et-Moselle), une automobile a capoté par suite du
verglas. Mme Colas, marchande d'étoffes à Cornimont, qui avait
pris place dans le véhicule, a été tuée.
Charolles, 10 avril. - M.
Lahoussay, vétérinaire à Blamont (Meurthe.et.MoseIle :
se-rendait à Lyon en auto. N'ayant que pas dormi depuis trois
nuits, il s'endormit au volant.
Vers 5 heures du matin, en passant à Romanèche, sa voiture alla
s'écraser contre un platane bordant la route.
M. Lahoussay a la mâchoire fracturée et des blessures sur tout
le corps. Il a été transporté à l'hôpital.
MEURTHE-ET-MOSELLE
Blamont. - Deuil. - Vendredi, 16 novembre, la population tout
entière a conduit à sa dernière demeure son vénéré et bien-aimé
président et bienfaiteur, M. Ernest Caen, qu'une courte, mais
cruelle maladie, a enlevé, en quelques jours, à l'âge de 53 ans.
Gendre et successeur de M. Edmond Bechmann, qui avait fondé les
établissements qui portent son nom, il a, à force d'énergie et
de persévérance, pu relever et rendre leur ancienne prospérité à
ces ateliers qui avaient eu tant à souffrir de l'occupation
allemande. Il était un père pour ses ouvriers; il a créé peur
eux plusieurs œuvres, destinées à leur rendre la vie plus
agréable.
Le défunt était membre de la Chambre de Commerce de Nancy, du
Conseil municipal, de la Commission de l'Hospice, du Bureau de
Bienfaisance, etc... Il fut pendant la guerre un brillant
officier d'artillerie et, rentré dans ses foyers comme
commandant, il fut nommé par ses anciens frères d'armes
président du groupe blamontais de l'A.M.C.
La communauté perd en lui un soutien et un animateur qui a su,
par son exemple, ranimer plus d'un zèle refroidi et ramener au
culte plus d'un membre qui s'en était éloigné. Les œuvres pour
lesquelles on venait le solliciter, notamment les « Orphelins de
la Guerre », trouvaient toujours son cœur et sa main ouverts.
Sur sa tombe, trop tôt ouverte, M. le grand-rabbin Haguenauer;
MM. Daura, vice président de la Chambre de Commerce de Nancy;
Labourel, maire de Blâmont et vice-président de l'A.M.C.; le
docteur Hanriot, membre du Conseil municipal; Armand Spire, au
nom des employés et ouvriers des usines, ont retracé la vie
toute de travail, d'abnégation et de bonté de celui qui fut,
dans toute l'acception du mot, un homme.
A la famille frappée par ce deuil, à la communauté Israélite de
Blâmont, l'Univers présente ses condoléances attristées.
Blamont. - Deuil. - Nous apprenons avec les plus vifs regrets le
décès de Mme Charles Coblentz, née Emma Weill, décédée à l'âge
de 69 ans, après une très longue maladie. Les obsèques ont eu
lieu le vendredi 23 novembre, en présence de la communauté tout
entière. M. le grand-rabbin Haguenauer a dit les dernières
prières.
Nos sincères condoléances.
MEURTHE ET MOSELLE
Blamont. - Deuil. - Une assistance nombreuse a accompagné au
cimetière la dépouille mortelle de M. Myrthil Mantou, décédé
dans une clinique, après une longue et cruelle maladie.
Venu à Blâmont après la guerre de 1870, M. Mantou ne s'y était
fait que des amis. Sa conduite pendant l'occupation ennemie a
été digne d'éloges.
Les vétérans, avec leur drapeau, saluèrent leur camarade qui, au
sein de leur société, avait toujours montré une grande activité
et animait les réunions par son entrain et sa gaieté.
Sur sa tombe, M. J. Eichiski, rabbin de Lunéville, a retracé en
termes éloquents la vie toute de labeur du bon citoyen, du bon
Français.
Une auto va buter contre un
camion en panne
Blessée, une jeune fille succombe à l'hôpital
Montélimar, 12 sept. - Aujourd'hui, à 14 heures, sur la route de
Marseille, à 8 km. de Montélimar, une auto pilotée par M.
Tranchant, garagiste à Blamont (Meurthe-et-Moselle), est allée
buter contre un camion en panne.
Mlle Tranchant, 20 ans, qui avait été très grièvement blessée
est décédée à l'hôpital de Montélimar. M. et Mme Tranchant n'ont
reçu que des contusions légères.
MEURTHE-ET-MOSELLE. Blamont.
M. Vareille, de Lamatch, renverse et blesse avec son auto une
cycliste, Mlle Dedenon, 27 ans, de Domèvre-sur-Vezouze.
Voleurs autos poursuivis
Deux sont arrêtés ; le troisième est en fuite
Au cours de la journée d'hier, deux automobiles furent volées à
Nancy et une troisième à Chaumont, ce qui eut le don de mettre
sur les dents toutes les brigades de gendarmerie de notre
région, car on craignait que les voleurs se soient dirigés sur
Paris par des chemins détournés.
Toutes les routes furent donc étroitement surveillées par les
gendarmes, à partir de 17 h. 30 jusqu'à une heure avancée de la
nuit, ce qui ne fut pas sans intriguer bon nombre de personnes.
Ainsi le pont de Sainte-Savine était surveillé et, de-là, à dire
qu'un crime avait été commis, on ne savait trop où, il n'y avait
qu'un pas.
Fort heureusement, Il n'en était rien. Trois autos avaient
toutefois été volées et les deux de Nancy avaient même été
retrouvées, à Chaumont. Il restait à retrouver celle de
Chaumont, une conduite intérieure Citroën, quatre places, peinte
en gris, portant comme numéro d'immatriculation : 3697-KQ. De
plus, le voleur était connu et son signalement avait été envoyé
dans toutes les brigades. C'est un nommé Weiss Pierre-Henri,
garçon charcutier, né le 12 janvier 1914, à Blamont
(Meurthe-et-Moselle), demeurant à Nancy, rue Clodion. Cet
individu mesure 1 m. 60 de taille, porte un pardessus gris, est
coiffé d'un chapeau mou et est chaussé d'espadrilles.
NECROLOGIE
On annonce la mort de M. Mathis de Grandseille, ancien garde
général des Forêts, ancien Président de la Section de
Sylviculture aux Agriculteurs de France décédé à Paris, 5,
boulevard Raspail, muni des Sacrements de l'Eglise. Les obsèques
seront célébrées, mardi 28 avril, à 10 h. 30, en l'église Saint
Thomas-d'Aquin où l'on se réunira, l'inhumation aura lieu
ultérieurement à Blamont (Meurthe-et-Moselle). Le présent avis
tiendra lieu d'invitation. De la part de Mme de Grandseille, de
la comtesse Georges Thellier de Poncheville, du commandant et
Mme de Lanouvelle, du comte et de la comtesse Perret du Cray, du
vicomte et de la vicomtesse Perret du Cray, de M. et Mme Bernard
du Creat.
Merci à Joffre
Contre les propagateurs de l'oubli
Août, septembre ! En 1914, mois d'épouvante, mois d'angoisse et
de salut!
L'Epouvante, je l'ai rencontrée en Lorraine, partout où était
passé ce 1er corps bavarois que commandait un bourreau, le
général von Xylander. D'autres, en ce mois d'août 1914, la
rencontrèrent, à Gerbéviller, à Lunéville, à Dinant, à Louvain,
à Senlis, sur toutes les routes par où descendait le flot
allemand qui en se retirant, quatre ans plus tard, devait
laisser derrière lui 3.304.700 hectares de terres françaises
souillées, brûlées, dévastées.
Epouvante à Blamont, devant les corps encore chauds de pauvres
civils - un coiffeur, entre autres - abattus par les Bavarois au
moment de leur recul précipité ! Epouvante encore à la mairie
devant l'ordre de réquisition de douze jeunes filles « pour le
service, de MM: les officiers»! Epouvante devant le charnier de
Doncières, dans l'église crucifiée de Manières, à Saint-Rémy,
avec deux vieillards retrouvés à moitié morts dans leur lit d'où
ils avaient été tirés huit matins de suite pour encadrer au jour
d'exécution le fusillé du jour; celui du premier jour avait été
le curé !
Epouvante à Gerbéviller en descendant la grande rue incendiée,
aux seuils des trois ou quatre maisons, avant le tournant qui va
vers la rivière, devant les ossements calcinés des malheureux
repoussés à coups de baïonnettes dans leurs demeures en flammes
!
Et il peut se trouver des maîtres d'écoles français pour
réclamer l'oubli de ces choses ! Pour que le temps passe et
qu'un jour, bientôt, nos enfants incapables d'imaginer la
laideur et la cruauté dé la guerre deviennent pour elle une
proie facile !
Se servir de ces souvenirs pour entretenir la haine? Non, on
peut pardonner. Mais s'en servir pour garder au coeur de tous la
peur, l'horreur de la guerre, oui, cent fois oui. On ne craint
le danger que si on le voit, on ne l'évite que si on le redoute.
Mais enfin ces éducateurs de nos fils lisent et retiennent.
Ont-ils déjà oublié les scènes terribles de Kaiserlautern en
1930, quelques jours après l'évacuation par nos troupes-de la
zone rhénane? Et en ce moment ils ont sous les yeux le spectacle
de l'Allemagne hitlérienne grisée de cruauté, et dont s'est
emparée à nouveau cette émulation à faire du mal qui, en août
1914, soufflait en tempête sur les pas des régiments allemands.
Peuvent-ils vraiment croire que de l'oubli qu'ils réclament
sortirait le salut pour la paix ?
Août 1914, mois d'angoisse ! L'invasion qui gagne, nos armées
qui reculent, Paris à portée de la poigne de Klück et de Bülow,
le gouvernement à Bordeaux, la France au bord de la servitude.
De qui dépend son sort à cette heure?
D'un seul homme, laissé seul par tous en face des événements qui
se précipitent, et dont on sait déjà qu'il portera seul devant
l'Histoire la responsabilité de ce qui va arriver : de Joffre.
Qu'il y ait défaite, c'est lui, lui seul, que tous les
historiens de tous les siècles à venir chargeront du poids de
cette défaite mortelle pour son pays.
Il est vainqueur ! On commence aussitôt à lui disputer sa
victoire.
Il faudrait aussi oublier Joffre et la Marne ?
L'important, comme il le disait lui-même devant la commission
d'enquête, - car on l'a mené devant des juges politiques, - est
que « la Marne » ait été gagnée. Où serions-nous sans cette
victoire ? Où seraient les détracteurs de Joffre, ceux qui deux
ans plus tard, au soir d'une nouvelle et aussi belle victoire :
Verdun-la Somme, à la veille d'une offensive que tout laissait
prévoir victorieuse, devaient le chasser des armées ?-Où
seraient-ils ces maîtres d'école propagateurs de l'oubli ?
Septembre 1914, mois du salut, où nous avons gardé pour les
rescapés du sacrifice, et tous les jeunes qui semblent
l'ignorer, le véritable bien de l'homme sur la terre : la
liberté.
Il faut se souvenir que nous la devons à Joffre, et l'en
remercier le 6 septembre.
Tous les jours on demande à la jeunesse de ce pays : que vas-tu
faire de cette liberté sauvée en septembre 1914?
Nous, les anciens, nous avons un peu l'air de générations
fatiguées qui auraient hâte de passer le flambeau.
Ce serait bien la règle du jeu. Mais prenons garde : un peuple
où les anciens répugneraient à l'effort de faire encore et
toujours quelque chose pour les jeunes, accuserait sa lassitude
et entrerait en décadence.
C'est toujours à nous qui l'avons gardée à veiller sur la
liberté, à veiller en armes, et à apprendre à nos enfants à
faire bonne garde.
JEAN FABRY
Dans un accident de passage a
niveau
MM. Richert, maire de Brumath et un haut fonctionnaire de
Strasbourg sont tués sur le coup
Strasbourg, 15 novembre. (Dép. Havas.) MM. Richert, maire de
Brumath, et Gering, directeur des travaux publics à Strasbourg,
suivaient, dans une auto conduite par le chauffeur Frederic
Frank, la route de Paris à Strasbourg, quand, au passage à
niveau situé près du manoir de Domjevin, leur voiture fut
heurtée par le train départemental de Lunéville à Badonviller et
prit feu. MM. Richert et Géring ont été tués sur le coup, le
chauffeur grièvement blessé.
Le train a, de son côté, déraillé, mais sans faire d'autre
victime.
M. Richert, connu comme un ardent patriote, était chevalier de
la Légion d'honneur.
MEURTHE-ET-MOSELLE
Blamont. - Fiançailles. - Nous apprenons avec plaisir les
fiançailles de Mlle Marguerite Resnick, fille de M. Aria Resnick,
grand mutilé de guerre, Médaille militaire, Croix de guerre, et
de Mme Resnick, avec M. Sam Spiégel, étudiant à la Faculté de
droit de l'Université de Nancy.
Nos sincères félicitations.
Chez les instituteurs de
Meurthe-et-Moselle
« Un testament » de Louis Barthou
Nancy, 22 avril.
L'Amicale de Meurthe-et-Moselle de la fédération des groupements
professionnels d'institutrices et d'instituteurs présente aux
élections pour le renouvellement du conseil départemental deux
candidats MM. Colette, instituteur rural à Gogney; Hinzelin,
instituteur adjoint à Nancy, et deux candidates, Mlle Durivaux,
directrice d'école maternelle à Malzéville; Mme Marchal,
directrice d'école, à Lunéville, comme les exécuteurs du
testament constitué par une lettre adressée le 23 janvier 1934,
par Louis Barthou aux membres de l'amicale, et ainsi libellée :
« Le péril que court l'école laïque, à laquelle je, suis
profondément attaché, est plus que sérieux, il est grave. Ce
sont les mauvais bergers, .une minorité bruyante, qui le créent.
La honte me gagne quand j'entends des éducateurs publics nier
les devoirs envers la patrie. Du temps de Jules Ferry on ne
disait pas de ces choses ! II faut les répudier avec énergie. Je
me rallie aux conclusions libératrices de vos rapports moraux »
Dans son appel aux électeurs, le comité de l'amicale dit
notamment :
L'éminent homme d'Etat qui donna son fils à la France au cours
de, la grande guerre et sacrifia, ; à son tour, sa vie pour
notre pays, a osé proclamer ce que d'autres par basse démagogie,
s'obstinent à taire en public, mais déplorent en petit comité :
Par la faute de mauvais bergers qui asservissent la masse des
instituteurs et des institutrices, une antipathie redoutable se
lève contre nous dans tous les milieux, allant jusqu'à mettre en
péril l'existence de l'école laïque au moment même où sa cause
pouvait être définitivement gagnée.
Et pourtant, est-il une conception plus belle, plus juste, plus
humaine que celle de Jules Ferry?
Une école ignorant tout sectarisme cordialement ouverte à tous,
au pauvre comme au riche, respectueuse de toutes les convictions
honnêtes et sincères, ignorant systématiquement tout ce qui peut
désunir, mais dévouée à la République et à la France et aspirant
par-dessus les divergences d'opinions et de doctrines,
par-dessus les différences de situations et de fortunes, à
devenir la grande force de cohésion nationale qui doit maintenir
vivantes parmi les jeunes générations les hautes traditions de
vaillance, de générosité et de droiture qui font la gloire de
notre pays !
Cet idéal, qui est le nôtre, qui est celui de l'immense majorité
des familles françaises, est déclaré vieux jeu par des esprits
aventureux qu'un nébuleux mysticisme inspire. Dans leur
aveuglement, ils imposent à notre corporation une doctrine
politique, un idéal révolutionnaire et des moyens de propagande
antinationale.
Et la masse du personnel, sans penser à mal, a suivi ceux qui
trahissent la mission de notre école.
Nous voulons changer tout cela et restaurer l'école que les
fondateurs de la République ont conçue. Nous voulons rassurer
une opinion publique inquiète et troublée. Nous voulons rétablir
l'instituteur dans l'estime publique, en un mot remettre la
maison en ordre afin que personne ne puisse plus contester ni la
noblesse de notre tâche ni la considération que mérite notre
dévouement.
Ce redressement moral ne dépend que de vous.
Le programme de. l'amicale comporte une simplification des
programmes et des examens ou concours de l'enseignement
primaire, la lutte contre le surmenage scolaire, la lutte contre
les influences politiques dans les nominations et dans
l'attribution des récompenses professionnelles, une révision de
la carte scolaire et une répartition meilleure du personnel
entre les différentes écoles selon les effectifs, un contrôle
plus sérieux de l'hygiène des écoles, mais les promoteurs de ces
candidatures professionnelles, au lieu d'être
politico-syndicalistes, insistent principalement sur ce point
qu'ils veulent écarter de leur « tâche les entreprises stériles
qui n'ont aucun rapport avec le rôle légal assigné au conseil
départemental »
Blâmont
Naissance. M. Etienne Caen, président de la Communauté de
Blamont, et Mme Etienne Caen, annoncent la naissance d'une
charmante fillette qui a reçu le prénom de Marion. Sincère Mazel-Tov.
LES RIGEYS
Obsèques. - Mardi ont été célébrées les obsèques de M. Aubry
Charles, 21 ans. victime d'un accident dans une sablière. Une
nombreuse assistance composée de parents et amis l'accompagnait
à sa dernière demeure. La musique des Rigeys. dont M. Aubry
était membre, joua des marches funèbres sur le parcours et au
cimetière.
Sur la tombe, des discours furent prononcés, l'un par M.
Thiébaut et l'autre par M. Gaston Clémentel, chef de la Société
musicale.
Discours de M. Clémentel
Mesdames. Messieurs. Un effroyable accident qui a causé un grand
émoi dans toute la population vient de nous ravir prématurément
un de nos bons camarades.
J'ai le pénible et bien triste devoir de tenir au nom de la
société musicale et en mon nom personnel lui adresser un dernier
adieu.
Aubry Charles, né à Blamont (Meurthe-et-Moselle), le 24 Juillet
1913, faisait partie de la société musicale depuis plusieurs
années ; il était aimé de tous ; d'excellent caractère, il était
toujours d'humeur égale et s'efforçait de faire toujours de son
mieux pour me donner satisfaction.
L'année dernière, il épousait Marcelle Huard et c'est avec
plaisir que nous l'avons vu se fixer aux Rigeys et continuer à
fréquenter notre société.
Il était excellent travailleur et c'est à l'âge où tout est
permis d'espérer près de sa femme et de son petit Denis qu'il
fut arraché brutalement à la vie en plein travail.
Devant ce terrible malheur pour toute sa famille, les paroles de
consolation sont vaines. Que cette nombreuse assistance
recueillie puisse au moins atténuer leur grande peine.
En cette douloureuse circonstance. J'adresse à sa jeune veuve
ainsi qu'à ses pavies parents et à toute la famille nos
condoléances sincères les plus émues.
Cher camarade, notre humble bannière, cravatée de noir s ir
élide bien bas sur ton cercueil pour te dire que nous ne
t'oublierons jamais.
Mon cher Charles, Je t'adresse notre dernier et suprême adieu.
Nous renouvelons à sa veuve éplorée et à toute la famille,
l'assurance de nos sincères condoléances.
Dans une maison maternelle
près de Lunéville
UNE MÈRE TUE
sa fillette à coups de revolver
NANCY, 30 novembre. - A la Maison maternelle de Blamont près de
Lunéville, une femme âgée de trente-deux ans, Véra Morgun, née à
Yokohama, a tué de trois balles de revolver sa fillette âgée de
quatre ans, la petite Béatrice.
La victime de ce drame affreux était pensionnaire à Blamont
depuis sa naissance. Elle portait le nom de Hagelstein, son
père, qui l'avait reconnue.
Vera Morgun se rendit à la maison maternelle et demanda à voir
sa fillette. Connue des infirmières, elle se dirigea seule vers
le dortoir.
L'enfant se trouvait seule dans la pièce. Prenant un revolver
dans son sac à main, Vera Morgun tira sur elle trois coups de
revolver.
Une balle avait pénétré dans le poumon gauche ; une autre avait
fait éclater le foie. Quelques minutes après, la petite Béatrice
avait cessé de vivre.
Arrêtée aussitôt, la meurtrière n'opposa aucune résistance. On
trouva sur elle plusieurs lettres qui pourront sans doute
expliquer son geste. Elle a été écrouée à Nancy.
André Spire, poète juif et
lorrain
Caractériser un poète, sans le schématiser : tâche ardue, peut
être impossible. Surtout quand ce poète est la vie même, la
jeunesse, en proie à l'univers. Et tel est le cas d'André Spire.
André Spire est né en Lorraine. Tout comme Barrés. Peu importe
l'origine lointaine de sa famille. Un pays natal, nous nous le
donnons autant et plus qu'il ne s'impose à nous. Privilège d'une
simple chanson qui, jaillie d'une bouche humaine, semble monter
du fond de l'âme même d'un peuple ! Ce que fut Charmes pour
Barrés, Blamont l'aura été - avec plus d'enfantine spontanéité -
pour Spire.
Cette Lorraine, André Spire la quittera pour Paris et des
voyages à travers la France. Mais pendant la guerre, il y
reviendra; et c'est à Nancy, dans la ville bombardée, qu'il
écrira plusieurs poèmes que j'hésite à qualifier : de guerre.
Et, en particulier. Paysages. Paysages! Beaucoup plus qu'un
hommage de gratitude à des collines, des forêts, des rivières,
des villages, des jardins aimés depuis toujours.
Comme on aime les yeux d'un visage,
Des bandeaux sur un front,
Un sourire, une voix...
- et bel et bien la noce de chair et d'âme avec une telle élue,
en attendant la terre promise :
A moi, à moi! Vous êtes miens, ma chose,
Non quelque chose de commun à plusieurs à tous.
Mon bien, « le mien », mon propre, ma chose,
Je le sais maintenant, je le sais, je le sais,
Depuis que des hommes armés, pleins de bave, de haine
Ont foulé Vos moissons, Vos labours,
Ont écrasé de ruines fumantes vos grand' routes.
Mais fidélité au pays qui nous modela et qui garde nos morts,
n'est pas fatalité de captif. Et Spire connaîtra Paris, aux «
rues affectueuses et pleines de sourires », et la province, avec
ses montagnes et ses plaines, ses forêts et ses fleuves, jusqu'à
ce qu'un hasard - mais en est-il ? - lui fasse découvrir
l'horizon d'une large vallée capable de lui inspirer ce Chant du
fleuve où toute une vie, « odeurs, écumes, buées, timbres,
tendances, danses, pensées », semble se perdre :
... accord immense.
Dans le cœur immense de la mer.
Et ce n'est pas assez de la terre, c'est aussi le ciel, avec ses
nuages et ses vents, dans le printemps, par les matins sonneurs
de réveil et d'énergie et de lutte.
Ce n'est pas assez de la nature, tantôt hostile. tantôt
maternelle, de tous ses arbres, platanes, mélèzes, bouleaux et
saules, et de tous ses oiseaux, de toutes ses bêtes; il faut
encore des hommes et des femmes, des riches et des pauvres, des
jeunes et des vieux, des ingénieurs et des ouvriers, des
citadins et des campagnards, des érudits et des marchands, des
chasseurs et des bribeurs, bref, la grande et éternelle danse
macabre des métiers et des classes ! Et Dieu lui-même ne
manquera pas,
Ce Dieu, notre ombre, incertain et fugace...
Et sans qui notre vie n'est que feu et que cendres.
L'univers est là. Rien n en est absent. Son âme et son corps (le
premier, Spire a chanté les sports parce qu'il les aimait et
pratiquait : marche, canotage, chasse, patinage, ski, auto). Et
ses douceurs comme ses tragédies. Son passé - celui de David et
d'Abisag - et son présent : d'une turbine à Bergson ! Ses
beautés et ses laideurs. Ses mesquineries et ses grandeurs. Ses
rêves et ses batailles. Ses rêves de justice, ses batailles
contre la guerre. Avidité insatiable !
Et voici qu'à cette infinie richesse de thèmes - qui en rend
impossible le bilan - s'en associe une autre de tons et de
rythmes, à laquelle Charles Péguy avait été sensible dans Et
vous riez... des Cahiers.
En face de cette vie qui afflue de toutes parts vers le poète et
le traverse de ses ondes éternelles. L'artiste a gardé la
lucidité et la modestie de l'homme qui sait que l'inspiration
n'est rien sans le travail et la technique. Et André Spire s'est
créé un vers à lui - celui de la simple chanson, de la ronde
naïve, bondissante, capricieuse, et de l'apostrophe véhémente,
du dialogue haletant, de l'ode qui est récit, mélodie et danse
sacrée !
Mais ne les entendez-vous pas comme moi ces voix partisanes -
amies ou hostiles - qui chuchotent : « Tout cela est exact. Mais
l'originalité d André Spire est ailleurs. Oubliez-vous qu'il a
écrit des Poèmes juifs et ces essais (que l'on va rééditer):
Quelques Juifs et Demi-Juifs ? N'a-t-il pas pris part aux luttes
de l'Affaire? Et son rôle dans le règlement de la question juive
à Versailles ? Et son action sur les écrivains et poètes juifs ?
»
Tout cela, je le sais, et d'autres faits encore. Et pourtant, je
persiste à croire que si André Spire est Juif, c'est dans la
mesure même où il est homme, homme, Lorrain et Français. Dans la
mesure où nous méritons de nous ranger à côté d'un Zangwill,
d'un Weininger et d'un Darmesteter ! Pour preuve de ce que
j'avance, je ne veux que ces simples lignes, déjà anciennes, de
Spire:
« Et puisque malgré tous les efforts que nous avions faits pour
devenir Français, loyaux, absolus, sans réserves, on allait
rechercher en nous ces lointaines origines que nous étions en
train d'oublier, puisque du nom de cette race loyale, à qui
l'humanité doit quelques-unes de ses plus hautes inspirations,
on veut faire une injure, eh bien soit! Ramassons l'injure, et
faisons de l'injure un drapeau. » C'est parce que, comme Bernard
Lazare, André Spire a senti que « l'âme juive et l'âme
hellénique ont été deux grands morceaux de l'âme universelle »,
qu'il a revendiqué fièrement sa qualité de Juif. Bien loin
d'avoir ainsi risqué de se rétrécir, il a voulu être pleinement
tout ce qu'il pouvait être. Là est le secret de son influence.
Et voilà ce qui garde à l'œuvre de connaissance et d'amour - et
non pas de haine et de lutte - de Quelques Juifs son actualité
pour notre époque et pour l'avenir.
(Toute l'Edition) Christian SENECHAL.
Un Enfant est écrasé par un
cylindre à vapeur
Nancy - A BadonvilIer (Meurthe et Moselle) un enfant de 4 ans,
Jean-Claude Collet, jouait aux abord d'un cylindre à vapeur
travaillant à la réfection du carrefour des routions de Cirey et
de Blamont.
Le chauffeur du cylindre mit son appareil en marche et écrasa
l'enfant qu'il n'avait pas aperçu.
Elections cantonales
Ballottage en Meurthe-et-Moselle
Ballottage à Blamont (Meurthe-et-Moselle) où il s'agissait de
pourvoir au remplacement de M. Crouzier (ind.), démissionnaire
pour raisons de santé.
M. Villemont (rep. ind.) arrive en tête avec 891 voix contre 847
à M. Kennel (sans étiquette), 629 à M. Belin (U.N.R.), 391 a M.
Labourel (sans étiquette) et 130 à M. Thomassin (P.C.).
[En 1961, M. Crouzier avait été élu au premier tour par 2.760
voix contre 218 au candidat communiste]. |