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Lunéville à la veille de la révolution
 
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Lunéville à la veille de la révolution
Annales de l'Est (1887)

LUNEVILLE à la veille de la révolution
1. Population; revenus de la ville: contributions diverses. - II. Bailliage; maîtrise des eaux et forêts; municipalité. - III. Edilité et police. - IV. Règlements du commerce et de l'industrie. - V. Garnison. - VI. Établissements de bienfaisance. - VII. Le clergé régulier. - VIII. Le clergé séculier. - IX. Les juifs. - X. L'instruction. - XI. L'esprit public: rassemblée du district et l'adresse des notables. - XII. Les électrons : le cahier du tiers état

I.

La population de Lunéville, qui atteignait à peine 1,200 habitants à la fin du XVIIe siècle (7), s'était rapidement accrue sous les règnes de Léopold et de Stanislas; elle était de 2,433 feux en 1753 (8), soit d'environ 12.000 âmes. Elle diminua quelque peu à partir de 1766, et ne comptait plus que 2,315 feux en 1789 (6)
Jusqu'au moment de la Révolution, les étrangers qui voulaient s'établir à Lunéville devaient d'abord présenter au lieutenant de police un certificat de bonne vie et mœurs délivré par les officiers municipaux de leur dernière résidence, et, s'ils avaient femme, un extrait de mariage en due forme. Les lettres de bourgeoisie ne pouvaient être accordées qu'à ceux qui «  par leur bien, leur profession et leur travail », paraissaient pouvoir subsister avec leur famille sans être à charge au public (9); il fallait en outre, pour les obtenir, payer un droit d'entrée de 10 fr. (10) partagé également entre le domaine et la fabrique, - et enfin prêter serment de «  vivre en bon et fidèle sujet du roi et donner avis à la Chambre (c'est ainsi qu'on appelait d'ordinaire le corps municipal) de tout ce qui pourrait venir à sa connaissance de contraire au service de Sa Majesté, au bien de la ville et du public (11) »
Les habitants de Lunéville avaient depuis longtemps (12) à acquitter des droits d'octroi sur le vin, l'eau-de-vie, la bière, le cidre, la viande et les grains. Ces taxes étaient affermées à des traitants, ce qui déchargeait la ville des difficultés de la perception; en 1788 elles rapportaient 66,500 livres (13).
Les trois fours banaux de la place Saint-Jacques, de la rue Hargaut et de la rue des Carmes, avaient été adjugés en 1786, pour trois ans, au prix annuel de 1,171 li v. 13 sols 4 deniers.
Les particuliers étaient tenus de payer un droit de cuisson de 10 sols par résal de blé ou autres grains, mais tout bourgeois pouvait avoir son four et y cuire librement, et même autoriser ses locataires à y cuire (1). En revanche les propriétaires de vignes devaient, même s'ils avaient des pressoirs, donner 1 fr. par jour (2) de vigne à l'adjudicataire des pressoirs banaux (3); le droit de pressurage était perçu pour les autres propriétaires à raison d'un vingt-quatrième ou d'un douzième, suivant que les raisins étaient pressurés avant ou après la fermentation (4).
Le budget des recettes était encore grossi des retenues d'un dixième (et de 4 sols par livre-en sus) faites sur la finance des officiers municipaux (5), d'un droit de four payé par les pâtissiers et les boulangers, de la location des étaux des bouchers (14), et de l'affermage de quelques terrains communaux; il s'élève, en 1788, à 82,759 l. 14 s. 4 d. Les dépenses furent, la même année, de 79,390 l. 6 d. (15).
Les comptes, rendus par le trésorier aux officiers municipaux, étaient envoyés à la chambre des comptes de Lorraine, qui les vérifiait et se faisait payer assez cher cette vérification. En 1788, la ville donne 1,110 l. 5 s, pour droit de révision, 36 l. pour les apostilles et 4 l. pour les huissiers de services (16).
Depuis Léopold, Lunéville était exempte de la subvention, ainsi d'ailleurs que les villes de Nancy et de Bar-le-Duc. L'impôt sur les maisons et héritages, et la taxe sur les divers corps de métiers produisirent, en 1787, 19,530 l. 11 s., cours de France (17).
On consommait à Lunéville, à la même époque, environ 1,790 quintaux de sel valant 55,966 l., ce qui faisait un impôt de près de 5 l. par tête (18).
La dime se levait au douzième sur le territoire agricole de Lunéville; en 1788, elle donne 800 gerbes de seigle, 600 de blé, 200 d'avoine, 150 d'orge, 1 résal et demi de navette, 65 résaux de pommes de terre (19). La dîme du raisin se percevait au douzième ou au dix-huitième suivant qu'elle se prenait à la vigne ou à la cave ; elle rapportait environ 1,200 livres aux décimateurs, La taille dite Saint-Rémy, ainsi appelée parce qu'elle était exigible de chaque ménage le jour de la fête de Saint-Rémy, était, par suite d'une transaction dont nous ignorons la date, payée par la ville, qui versait chaque année 66 l.
17 s. au domaine, 57 l. 3 s. aux chanoines de la Primatiale et 10 l. 4 s. 3 d. aux dames Prêcheresses de Nancy (20).

II.

L'édit de juin 1751 avait divisé la Lorraine en 34 bailliages qui subsistèrent jusqu'à la Révolution. Le bailliage de Lunéville comprenait 108 communautés ; il avait pour limites : à l'est, les bailliages de Saint-Dié et de Blâmont et la principauté de Salm; au nord, la châtellenie de Vic; à l'ouest, les bailliages de Rosières et de Châtel, et, au midi, celui de Bruyères (21).
Les magistrats des bailliages faisaient les fonctions de juges seigneuriaux dans les domaines directs du roi, et connaissaient, par appel, des jugements rendus par les officiers des autres seigneurs (22). Le titre de bailli était donné à de grands personnages, qui n'assistaient jamais aux débats et ne prenaient aucune part au délibéré des sentences que les lieutenants généraux rendaient en leur nom : en 1789, le bailli d'épée de Lunéville était Charles-Just de Beauvau (23), «  maréchal de France, prince du Saint-Empire romain, grand d'Espagne de la première classe, chevalier des ordres du roi, capitaine des gardes du corps, gouverneur et lieutenant général des pays et comté de Provence, Arles, Marseille et terres adjacentes, gouverneur des villes et châteaux de Lunéville et Bar-le-Duc, marquis de Craon, baron d'Autrey, Saint-George, Lorquin, Turquestein, Harbourg et Petitmont, seigneur de Xouaguesange, du ban Lemoine, Fléville, Buissoncourt et Morlay, conseiller-chevalier d'honneur en la cour du parlement de Nancy ». Les autres officiers du bailliage étaient: Thiry, lieutenant général ; Laroche, lieutenant particulier; Marchis, assesseur; Laplante, Launay, Bailly, Eby, Cuny, conseillers ; Regneault, avocat du roi; Gouvenoux, procureur du roi; Lejeune, greffier en chef; Georges, commis-greffier; Mengin, curateur en titre ; Thiébaut l'aîné) commissaire aux saisies réelles ; Olivier, receveur des consignations ; Michel et Lebel, jurés priseurs; Laurent, Anthoine et Marchal, commis; George, conservateur des hypothèques (24).
Les officiers des grueries, ou maitres des eaux et forêts, connaissaient des délits et malversations commis dans les eaux et forêts des communautés, des particuliers et du domaine. La maîtrise particulière de Lunéville, créée en 1747, exerçait sa surveillance sur le territoire des anciennes grueries de Lunéville, Einville, Blâmont, Azerailles et Deneuvre (25); elle était ainsi composée en 1789 : Poinsignon, maître particulier ; Pergaut, lieutenant ; Georgeat, lieutenant honoraire; Malhorty, procureur du roi; Delespée, garde-marteau; Lacretelle, greffier; Drouin, arpenteur; Bonnefin, réarpenteur; Jeannat et Martin, huissiers (26).
Louis XV supprima, par l'édit d'octobre 1771, tous les offices municipaux et de police établis dans les duchés de Lorraine et de Bar par Léopold, et en créa d'autres dont il éleva, les émoluments, La municipalité de Lunéville fut, jusqu'à la Révolution, composée d'un maire royal, d'un lieutenant de maire et de police, de quatre échevins (27), d'un échevin-trésorier. receveur des octrois, d'un procureur du roi, d'un secrétaire-greffier, d'un commis, d'un commissaire de police et d'un huissier; la ville payait annuellement sur ses deniers 1,291 l. 13 s. 4 d. au maire, 904 l. 13 s. 4 d. au lieutenant de police, 1,291 l. 13 s. 4 d. au receveur, 645 l. 16 s. 8 d. au procureur et au greffier, 300 l. au commis, 129 l. 3 s. 6 d. au commissaire de police, 193 l. 15 s. à l'huissier (28). En 1789, les officiers municipaux étaient: Lanière (29), maire royal, chef de police, subdélégué de l'intendant; Piroux, lieutenant de maire et de police; Chypel, Christophe, Bourguignon, Conigliano, échevins; Curien, échevin-trésorier; Poirson, procureur du roi; Richard, secrétaire-greffier en chef; Martin, commis; Parisot, commissaire de police; Laguerre, huissier (30).
Le corps municipal n'administrait pas seulement les affaires de la ville; il tenait des audiences et jugeait les contraventions aux règlements de police.

III.

La municipalité, la maitrise des eaux et forêts et le bailliage siégeaient dans le même bâtiment, occupé aujourd'hui par le tribunal de première instance (31). Le 31 mai 1786, les officiers municipaux demandaient à emprunter 20,000 l. pour la construction d'un nouvel hôtel de ville sur l'emplacement de l'ancienne fourrière (32) de Stanislas: «  Les différentes juridictions de la ville, disaient-ils dans leur requête à l'intendant, sont si à l'étroit qu'elles manquent des pièces de logement nécessaires à leurs opérations, et au point que les délibérants qui n'ont en tout qu'une seule pièce servant à la fois de greffe, d'antichambre, de salle d'audience et de chambre du conseil, sont le plus souvent obligés de la céder pour le fonctionnement des autres juridictions.... (33) »
Dans le nouvel hôtel de ville la municipalité se proposait de placer, à côté des trois tribunaux convenablement installés, la brigade de maréchaussée pour laquelle il fallait louer un local, - les cinq officiers d'invalides, qui recevaient de la ville une indemnité de logement de 1,000 l., - les écoles des frères, à l'étroit dans le bâtiment qui leur avait été affecté en 1750, - un corps de garde, - un magasin pour les pompes à incendie, - enfin des halles nouvelles.
Les halles étaient alors adossées au vieil hôtel de ville, et touchaient aux prisons, dont on songeait à agrandir le préau, afin de «  rendre la respiration » aux détenus privés «  de la lumière comme de la liberté (34) ».
D'autres travaux n'étaient pas moins urgents à la veille de la Révolution : l'eau était mesurée aux habitants de la ville avec parcimonie, En 1769, on avait, il est vrai, détourné au profit des fontaines publiques une partie des eaux qui alimentaient les bassins des Bosquets, mais les conduites étaient en mauvais état; et puis la cession, en 1778, .des Mossus au sieur Hoffmann, qui transforma ce pâquis communal en une plantation de garance, fit tarir six fontaines, Près de 400 bourgeois protestèrent dans une pétition au parlement contre l'aliénation du pâquis; le parlement cassa, le 6 mars 1783, cette adjudication «  meurtrière »; on put ramener de l'eau dans deux fontaines, «  mais en petite quantité, peu saine, encore interrompue en hiver et en été ». En 1787, le pâquis fut de nouveau adjugé au sieur Saglio, moyennant 13,000 l.; dans une brochure (35), publiée en 1789, un anonyme prend vivement à partie le maire Lanière et demande que le pâquis des Mossus soit ramené à l'état de simple pâturage, seul moyen, dit-il, d'alimenter les fontaines de la ville.
En 1785, les habitants de Ménil attirent l'attention de la municipalité sur l'état du chemin qui traverse leur faubourg et conduit à Lunéville: ce ne sont que cloaques, enfoncements, ornières profondes, qui en rendent la fréquentation difficile pendant le jour, dangereuse pendant la nuit: « Les suppliants, écrivent-ils, ne sont pas de pire condition que ceux de Viller et des autres faubourgs, ils supportent les mêmes charges; tous les autres ont des pavés; les suppliants ne désirent qu'une chaussée en bon état; et si on leur objecte que les autres faubourgs tiennent à la ville sans interruption de maisons, ils répondront que Ménil y tiendrait peut-être de même si le particulier ne craignait d'y bâtir à cause du mauvais chemin et de la difficulté d'y hanter. » La municipalité se contente d'arrêter que, jusqu'à nouvel ordre, les pierrailles et gravois seront conduits et répandus sur lu chaussée de Ménil (36).
L'administration qui, faute d'argent, négligeait le nécessaire, était tenue parfois de s'occuper du superflu. Au commencement de septembre 1784, l'intendant exige qu'il soit fait à la salle de comédie des réparations dont le devis monte à près de 10,000 l. : «  La ville, lui répond aussitôt le corps municipal, est dans l'impossibilité de faire un sacrifice semblable ..... ; ce sacrifice, fût-il d'ailleurs possible, serait d'autant plus propre à révolter les malheureux habitants, que leur misère ne comporte que des salles d'hôpitaux au lieu des salles de spectacle qu'à la vérité on ne demande pas pour eux (37) ..... » Il fallut s'exécuter ; du moins l'intendant, touché des remontrances de la municipalité, arrêta que Lunéville contribuerait seulement pour moitié aux travaux décidés et qu'elle serait dans la suite déchargée des grosses réparations de la salle (38).
Comme dans la plupart des villes de France, la municipalité de Lunéville ne négligeait rien pour rendre les rues bien alignées et les constructions uniformes ; il était défendu de bâtir tant que les plans de l'architecte n'auraient pas été visés et approuvés par le maire. Le règlement de police du 25 juin 1772 avait fait disparaître les caves qui s'ouvraient sur la rue et dont les saillies nuisaient à la circulation ; les propriétaires étaient tenus de pourvoir les maisons neuves de chéneaux et de tuyaux de descente qui allaient jusqu'au sol et déchargeaient les eaux pluviales sur une pierre de 18 pouces de diamètre (39).
Les rues sont balayées tous les jours par les soins des habitants, et même arrosées pendant les chaleurs de l'été à un signal donné par la cloche du beffroi, à peine de 2 fr. d'amende que les maitres peuvent «  retenir sur les gages de leurs domestiques ». Un entrepreneur est chargé de l'enlèvement quotidien des boues et des immondices, La police exige que tous les propriétaires aient des latrines dans leurs maisons et menace les récalcitrants d'en construire à leurs frais; elle ne permet au «  maitre des basses œuvres » d'exercer son métier que de 11 heures du soir à 4 heures du matin (40).
Pour assurer la facilité de la circulation et prévenir des accidents assez fréquents de nos jours, il est défendu aux parents de laisser les enfants au-dessous de sept ans «  à leur propre conduite sur les places et dans les rues de la ville, sous peine de 10 fr. d'amende payables sur-le-champ par les pères et mères, tuteurs ou curateurs, ou autres personnes à la garde de qui lesdits enfants auront été confiés ». On renouvelle aussi l'interdiction de laisser circuler dans la rue des porcs, lapins, oies, canards et dindons, d'y tuer ou d'y brûler des porcs, d'y tirer des feux d'artifice, fusées, pétards ou serpenteaux (41).
Avec Stanislas avaient disparu les chaises à porteur (42) que l'on trouva longtemps à Lunéville devant le château et sur la place de la Comédie. Mais si les rues sont moins animées, en revanche elles commencent a être éclairées: les lanternes se montrent en 1772 (43).
En cas d'incendie nocturne, les particuliers continuèrent néanmoins à être astreints par règlement de police à mettre une lumière aux fenêtres de leurs maisons, Au premier coup de cloche, les charpentiers, les maçons et les couvreurs devaient se porter avec leurs outils aux lieux où le feu était signalé, à peine de 20 fr. d'amende contre ceux qui arriveraient en retard sans excuse légitime (44). Après l'incendie qui menaça de détruire le château en 1719, le corps municipal avait obligé les bourgeois d'avoir chez eux un cuveau ou un tonneau; de 4 mesures au moins, toujours plein d'eau ; après l'incendie de 1755, il fut établi près du château un corps de garde «  dans lequel il y aurait pendant chaque nuit des mois de janvier, février, novembre et décembre, 21 ouvriers de bâtiment, et 14 pendant chacun des autres mois, lesquels s'y assembleraient à la retraite sonnante et en sortiraient à 4 heures du matin en été et à 6 heures en hiver»; 7 de ces ouvriers faisaient de temps en temps une ronde dans les 7 quartiers de la ville.
Lunéville avait, en 1756, cinq pompes à incendie, cinq cents sceaux, sept grands crochets garnis de frettes, et trente autres crochets (45). Les étrangers qui possédaient une maison en ville payaient chaque année, et par maison, 10 sous pour subvenir à l'entretien de ce matériel (46). Les particuliers chez qui le feu prenait de jour ou de nuit étaient punis d'une amende de 50 fr. ou de 100 fr.; on percevait ces amendes au profit du maire, qui en abandonnait le produit à la ville moyennant une rétribution annuelle de 139 livres (47).
Le règlement de police veille, bien entendu, à l'observation des dimanches et fêtes, qui doivent être «  consacrés au service de Dieu », et durant lesquels «  toutes personnes s'abstiendront des œuvres manuelles et serviles, si ce n'est dans le cas de nécessité, après en avoir obtenu la permission du curé et du maire ... » ; les marchands fermeront leurs boutiques dès le matin ; les revendeurs pourront «  exposer en vente des légumes, herbages et autres menues denrées, mais seulement jusqu'à 9 heures du matin ».
Les aubergistes et cabaretiers, les pâtissiers, les rôtisseurs, les maîtres de billard ne donneront ni à boire, ni à manger, ni à jouer pendant les heures du service divin - si ce n'est aux étrangers qui traverseraient la ville - sous peine de 30 livres d'amende et même d'interdiction de leur commerce en cas de récidive. Il est aussi défendu à toutes personnes «  de quelle qualité et condition qu'elles puissent être, de voiturer ou faire voiturer leurs chars, charrettes et tombereaux auxdits jours ... »
Enfin, pour sauvegarder l'apparence des bonnes mœurs, il est enjoint «  à toutes filles, même à celles nées en cette ville ou ses faubourgs, qui habitent en chambre, soit seules ou plusieurs ensemble, de se retirer dans leur famille, ou d'entrer en condition dans la quinzaine, à moins qu'elles n'aient des parents ou amis, gens de probité, qui répondent de la régularité de leur conduite, ... à peine d'être lesdites filles chassées de la ville et des faubourgs, avec défense d'y rentrer, et de 100 fr. d'amende contre ceux qui leur donneront retraite (48) »

IV.

Au XVIIIe siècle, l'autorité municipale se préoccupait avant tout d'assurer l'alimentation publique.
A Lunéville, on percevait au profit du roi, sur les grains qui venaient au marché, un droit du quarantième, dit droit de copelle (49) ; ce droit concourait avec les difficultés des communications à rendre les disettes fréquentes. Le 2 mai 1771, la foule, se plaignant de la cherté du pain, brise les fenêtres d'un boulanger de la rue des Loups (aujourd'hui rue Traversière); le 7 juin, le tumulte recommence (50).
Dans le règlement de police de 1772, la municipalité fait la guerre aux accapareurs, arrête que les grains ne peuvent être vendus qu'aux halles, défend «  à toutes personnes d'aller au-devant des grains, soit au dehors ou dans la ville, pour les arrher ou acheter par eux ou par quelques personnes interposées, - aux voituriers et propriétaires de blés conduits aux halles de renchérir, par eux ou par d'autres, le prix qu'ils auront d'abord mis auxdits blés, - et à toutes personnes d'en offrir un prix plus fort, à peine de 40 livres d'amende et d'être poursuivies comme pour monopole ». Les boulangers, les pâtissiers, les négociants en grains ne peuvent se présenter aux halles avant l'heure marquée par le lieutenant de police, et, pendant tout le marché, en cas de concurrence entre un bourgeois et un boulanger, le bourgeois a la préférence s'il paye le même prix.
Le corps municipal fixe le taux du pain, indique la quantité de farine dont les boulangers «  sont tenus de se précautionner pour les temps de gelée et de sécheresse », dans le cas où les moulins ne pourraient moudre. Il s'ingère dans le détail de la fabrication du pain, enjoint aux boulangers de «  ressuyer leur pain avec de la farine, et non avec de l'eau, - de former des pains blancs longs, du poids d'une demi-livre, de la largeur de 3 pouces, en forme de borde, et des pains (blancs et bis) ronds, du poids de 8 et de 16 livres, etc. ». Tout boulanger doit cuire au moins trois fois par jour, de telle façon qu'à toute heure, depuis 6 heures en été et depuis 8 heures en hiver jusqu'à la nuit, on puisse trouver chez lui du pain des deux qualités, «  lequel sera bien cuit, bien conditionné et bien panagé », à peine de confiscation et de 30 fr. d'amende pour la première fois, de 50 fr. pour la seconde, et, pour la troisième, de prison et d'interdiction de continuer le commerce.
Les boulangers étaleront «  au dehors de leurs maisons et sur des étaux, sauf à y mettre des jalousies de fil d'archal, du pain des deux espèces ci-dessus, dès 6 heures du matin en été et 8 heures en hiver, de manière que lesdits étaux soient toujours garnis, et que le public sache à qui s'adresser pour en acheter». On ne fait pas un crime aux boulangers de manquer de pain bis, mais à la condition qu'ils donneront du pain blanc au même prix que le bis, à toutes les personnes qui en demanderont.
Enfin le boulanger n'est pas libre de cesser de cuire quand il lui plaît: il ne peut quitter sa profession, en quelque temps que ce soit, «  sans une permission expresse et par écrit de lu police, laquelle ne sera accordée qu'après avoir ouï les maitres du corps des boulangers (51) ».
On taxe la viande comme le pain. Les bouchers doivent toujours être approvisionnés dans leurs écuries de bœufs, de veaux et de moutons de bonne qualité, à peine de 50 fr. d'amende pour la première fois, de 100 fr. pour la seconde fois, et de privation de l'exercice de leur profession pour la troisième fois; «  à l'effet de quoi il sera fait, chaque mois, par le visiteur-juré, une visite des bestiaux desdits bouchers, pour en constater la quantité et les espèces, dont il sera dressé un état, pour être par lui remis au maire royal », Pour faciliter l'approvisionnement des bouchers, il est interdit à tous les marchands de bétail de paraître sur les marchés et les foires avant midi, ou d'acheter dans les villages voisins, à la distance de trois lieues, pour revendre en ville.
L'abatage, la préparation, l'étalage des viandes, tout est réglementé : les bouchers ne tueront ni bouc, ni chèvre, ni taureau ; ils auront soin de «  bien saigner les bœufs, veaux et moutons, pour que la masse du sang ne se répande pas dans la viande et n'en corrompe pas le suc..., de dépecer leurs viandes dès qu'elles seront refroidies, de les exposer et attacher à des crochets, en sorte qu'elles soient en évidence, et que le premier venu puisse désigner celle qu'il voudra choisir avec une baguette que chaque boucher sera tenu d'avoir sur son étal, avec défense auxdits bouchers de cacher leurs viandes, ou d'en refuser à qui que ce soit ... ». Bien plus, «  aucune viande, exposée ou retenue dans les maisons, boutiques ou arrière-boutiques, ne pourra être refusée aux acheteurs qui se présenteront, sous prétexte d'un débit ou destination faite au profit de quelque autre non présent, la préférence demeurant toujours en faveur de l'acheteur présent qui offrira le prix de la taxe ». Enfin il est défendu aux bouchers «  de comprendre, sous quelque prétexte que ce puisse être, dans les ventes et distributions qu'Ils font au poids, les têtes, pieds, foies ou mous, non plus qu'aucune portion d'os détachés et autres que ceux qui font naturellement partie des morceaux qu'ils distribuent... ».
Les charcutiers, les poissonniers, les revendeurs et revendeuses (52), les aubergistes, cabaretiers, taverniers et cafetiers, les maitres de billard sont l'objet de la même surveillance minutieuse.
La plupart des associations ouvrières de Lunéville avaient reçu sous Léopold et sous Stanislas des statuts et des règlements, et constituaient des jurandes (53): les bonnetiers, les boulangers, les tisserands, les tanneurs et corroyeurs, les cordonniers, les chapeliers, les tailleurs, les tonneliers. En 1772, les orfèvres obtenaient des lettres qui limitaient à huit (54) le nombre des maitrises, et instituaient, pour l'administration de la communauté, deux jurés-gardes, élus tous les deux ans. en 1770, avaient paru les patentes du roi concernant les communautés des barbiers, perruquiers, baigneurs, étuvistes des duchés de Lorraine et de Bar (55).

V.

Après la mort de Stanislas, le gouvernement français, pour dédommager Lunéville de la perte de la cour, avait envoyé en garnison dans cette ville la gendarmerie, corps d'élite qui venait immédiatement après la maison militaire du roi et faisait brigade à l'armée avec elle (56).
La gendarmerie formait, en 1772, dix compagnies d'ordonnance; la première, la compagnie des qendarmes écossais, datait de Charles VII; les neuf autres avaient été créées successivement sous Louis XIV : les gendarmes anglais, bourguignons, de Flandre, de la Reine, du Dauphin, de Berry, de Provence, d'Artois et d'Orléans. L'effectif total de ces dix compagnies était d'un millier d'hommes (57).
L'Almanach état de la gendarmerie (58) pour l'année 1777 décrit aussi l'uniforme de cette troupe: « Habit, parments et collet de drap écarlate, bordé d'un galon d'argent d'un pouce de large, les revers garnis de six brandebourgs du même galon, boutons argentés, doublure, veste, culotte et gants de couleur chamois, ceinturon et chapeau bordé d'argent, cocarde blanche, cravate noire, bandoulière et épaulettes brodées d'argent et garnies d'un galon de soie affectée à la compagnie (59), manteau de drap écarlate, doublé en entier de serge rouge et parementé de couleur chamois. - L'équipement du cheval de drap cramoisi, bordé d'argent, avec un chiffre brodé en argent du roi et des princes du sang. - Les casaques des trompettes couvertes de galon d'argent et de soie à la livrée du roi. »
Les hôtels (les Cadets et des Gardes, l'Orangerie et le Château servirent de casernements aux gendarmes rouges (c'est ainsi qu'on devait les appeler à Lunéville). On construisit pour eux, en 1787, à l'hôtel des Gardes, - aujourd'hui quartier de la Barolière - le manège, l'un des plus vastes de France, long de 100 mètres et large de 27 .
La gendarmerie avait pour chef le capitaine de la première compagnie; elle fut commandée à Lunéville, d'abord par, le comte Louis de Mailly, puis par le marquis de Castries (60), qui devint ministre de la marine en 1780. Le marquis d'Autichamp (61), capitaine des gendarmes anglais, exerça le commandement en l'absence du ministre; il fut remplacé en 1785 par le duc de. Castries (62), fils du marquis.
La gendarmerie, dont l'empereur Joseph II admirait les belles manœuvres en 1777, avait le grand inconvénient de coûter fort cher. Les charges s'y vendaient des prix élevés: une compagnie valait 150,000 livres, une lieutenance 120,000, un grade d'enseigne 100,000, une charge de guidon 60,000 (63). Une première réforme avait été faite, en 1776, par le comte de Saint-Germain, ministre de la guerre, qui réduisit les compagnies à huit (64) : chacune des nouvelles compagnies avait un capitaine-lieutenant, un premier lieutenant, un second lieutenant, un sous-lieutenant, un porte-étendard, quatre maréchaux des logis, huit brigadiers, un fourrier, quatre-vingt-seize gendarmes et deux trompettes; l'état-major du corps comprenait un commandant- général (65), un commandant en second (66), un major, deux aides-majors, un fourrier-major, un timbalier, un aumônier, un chirurgien-major, un second chirurgien, un maréchal-expert, un maître-armurier et un maitre-sellier (67).
En 1788, la gendarmerie fut licenciée et les gendarmes versés comme officiers ou sous-officiers, dans les divers régiments de cavalerie. A cette nouvelle, le maréchal de Castries écrivait au chevalier d'Estresse, chargé, en l'absence de son fils, du commandement en chef : «  C'est avec une douleur extrême que je suis forcé de vous annoncer la suppression totale de la gendarmerie. Vous pouvez assurer à tous les individus qui la composent que j'ai fait tout ce qui a dépendu de moi pour la conserver. Vous devez facilement juger de la peine que j'en éprouve, mais il faut s'occuper des moyens de terminer la réforme avec ordre, fermeté, et le courage que tout militaire doit avoir pour suivre les ordres du roi : je connais votre bon cœur et votre sensibilité, il faut vous y livrer entièrement pendant quelques heures, mais reprendre après vos fonctions de commandant et toutes les qualités que je vous connais...
«  Je connais aussi votre caractère pour être bien sûr que vous emploierez tous les moyens qui dépendront de vous pour adoucir le sort de ces malheureux dont mon fils et moi sommes pénétrés. Assurez-les que je m'occuperai d'eux après la destruction du corps comme s'il existait, et que je me rappellerai toujours avec plaisir la satisfaction qu'ils ont fait éprouver souvent à leur chef par la manière distinguée dont ils ont fait leur devoir; mon fils ira incessamment les assurer du regret que j'ai de n'avoir plus d'espérance de servir avec eux (68) »
Le duc de Castries arriva en effet à Lunéville, le 8 mars, pour présider au désarmement des gendarmes : le mardi, 11 du même mois, le porte-étendard. de chaque compagnie lut l'ordonnance de réforme : «  Les mercredi et jours suivants, écrit le lieutenant de police Piroux, on a vendu publiquement les étoffes, chapeaux, habits, manteaux, ustensiles, linges, etc.; chaque jour on fait le décompte d'un certain nombre de gendarmes qu'on a ensuite obligés de partir la nuit. Il n'est permis à aucun de demeurer à Lunéville s'il n'y a ses parents, s'il n'y est marié ou s'il n'est chevalier de Saint-Louis (69) ». Le lundi de Pâques, 200 hommes du régiment du Roi, en garnison à Nancy, prirent possession des trois postes du château, du magasin de Viller et de l'hôpital, en attendant l'arrivée, à Lunéville, des carabiniers de Monsieur, qui devaient y remplacer les gendarmes rouges.
Lunéville ressentit vivement la perte des gendarmes rouges: «  Cet illustre corps, s'écrient les armuriers et fourbisseurs dans leurs doléances de mars 1789, prenait plaisir à entretenir les ouvrages de plusieurs artisans et ouvriers de chaque état. Sa suppression a désolé ces hommes laborieux qui se trouvent aujourd'hui dans lin action parce que les carabiniers ont à leur suite tous les ouvriers dont ils peuvent avoir besoin, et notamment des fourbisseurs et armuriers... » - A l'arrivée de la gendarmerie, représentent les cordonniers tant en vieux qu'en neuf, « le nombre des ouvriers de toute espèce, loin de diminuer, s'accrut à l'infini, et chacun trouvait dans son travail, quoique pénible, les douceurs d'une vie agréable... ; ce corps illustre était nécessaire pour faire gagner la vie à toute la bourgeoisie de cette ville de Lunéville ; au lieu de nous faire travailler, les officiers de carabiniers ont fait défense à leurs hommes de se faire chausser en ville... » - Depuis la suppression de la gendarmerie, constatent avec tristesse les tailleurs, fripiers, brodeurs et chasubliers, «  cette ville n'a plus aucune bonne maison, est sans ressource et sans commerce, au point que les trois quarts des ouvriers manquent d'ouvrage et de pain. » - Les manouvriers et toutes les corporations d'artisans tiennent un langage semblable (70).
Les carabiniers de Monsieur quittèrent Saumur, où ils étaient en garnison depuis 1784, vers le milieu de mai 1788. Divisés en cinq brigades en 1758, ils n'en formaient plus que deux, de cinq escadrons chacune, depuis les réformes du comte de Saint-Germain. L'ordonnance du 17 mars 1788 modifia encore leur organisation : les brigades devinrent des régiments. Chaque régiment était de quatre escadrons; l'escadron comptait 150 hommes divisés en deux compagnies. En temps de guerre, les deux régiments devaient recevoir chacun 104 hommes pour constituer un dépôt (71).
Les carabiniers portaient, comme grande tenue, l'habit bleu et le chapeau; la petite tenue était un habit-veste de couleur chamois avec parements et collet écarlate, galonné en lames d'argent pour les officiers et en fil blanc pour les soldats. Ce dernier uniforme, quoique supprimé en 1776, était encore en usage à l'époque de la Révolution.
A la fin d'août 1788, les carabiniers se rendirent pour quelques semaines dans les environs de Metz, au camp de Frascati, commandé par le maréchal de Broglie; on y remarqua leur tenmue martiale et leurs belles manœuvres (72).

VI.

La perte de la cour et de la gendarmerie avait plongé dans l'indigence et la misère une bonne partie de la population de Lunéville. En mars 1789, les manouvriers supplient le roi «  de jeter un regard favorable de bonté et de miséricorde sur l'état déplorable où ils se trouvent; ils sont, disent-ils, au nombre de 2,000 au moins ; plusieurs d'entre eux se sont vus, dans cet hiver rigoureux, à deux doigts de la mort, et beaucoup en sont estropiés, sans pain, sans bois et sans ouvrage... (73) ».
Le célèbre voyageur anglais, Arthur Young, qui visita Lunéville le 17 juillet 1789, écrit: «  Cette place n'a pas d'industrie, et conséquemment est très pauvre : on m'a assuré que la moitié de la ville, composée de 10,000 âmes, est réduite à la plus grande pauvreté (74). » .
On se préoccupait pourtant, à cette époque comme aujourd'hui, de venir en aide aux membres faibles et infortunés de la société. Lunéville avait, en 1789, trois établissements de bienfaisance : la maison de Charité, la maison des Orphelins et l'hôpital Saint-Jacques.
La maison de Charité (75), fondée par Léopold et généreusement dotée par Stanislas (76), était tenue par les sœurs de Saint-Lazare, qui fournissaient aux indigents, en cas de maladie, le bouillon, le linge et les remèdes : deux médecins, payés par la ville, voyaient les malades à domicile. Les revenus de la maison s'élevaient à 5,300 livres environ (77), sans compter les aumônes des riches particuliers et le produit des quêtes.
Les vieillards, les infirmes et les enfants abandonnés étaient entretenus dans la maison des Orphelins, Cet hospice, fondé en 1759 par un chanoine, vicaire de Lunéville, M. Bellaire, avait été autorisé, par les lettres patentes du 5 septernbre1762, et placé sous la direction de deux, puis de six sœurs de Saint-Charles; grâce aux libéralités de Stanislas (78), il put s'agrandir, et fut installé, en 1764, dans la rue de Viller, où il est encore aujourd'hui ; cette même année, le roi de Pologne y réunit la maison de Force et l'Aumône publique, créées par les ordonnances du 30 janvier 1728 et du 22 avril 1732 (79). A la veille de la Révolution, le coton (c'est ainsi qu'on appelait la maison des Orphelins, et ce nom lui est resté) était un établissement industriel d'une assez grande importance et dont les artisans de la ville se montraient jaloux : «  Les maîtres-teinturiers - lisons-nous dans les doléances de cette corporation - se plaignent de ce que la maison des Orphelins a une fabrique en siamoise et en laine, et que, sous prétexte de fabriquer pour elle, elle a pris à titre de louage un moulin à foulon, et privé par là les suppliants de la teinture des droguets, ainsi que du salaire du foulon (80). »
Le travail des orphelins constituait à peu près le seul revenu de l'hospice, qui n'avait, outre ses bâtiments et ses jardins, qu'une ferme de 17 paires; aussi la subvention de la ville était très élevée : 20,000 livres en 1788 (81).
Dès 1406, le duc Charles II avait établi près de Lunéville, à Viller (82), un hôpital pour donner l'hospitalité aux étrangers et particulièrement aux pèlerins. A la fin du XVIIe siècle, l'hôpital était «  ruiné et sans bâtiments ; ses revenus montaient à 1,322 fr. 9 gros en argent et 3 résaux de blé sur un gagnage sis à Ménil, suivant le compte rendu le 14 juin 1689; ce revenu était chargé par an de 30 messes, 8 hautes et 22 basses (83) ».
En 1707, Léopold se procura, au moyen d'une loterie, les revenus nécessaires pour construire un nouveau bâtiment, puis il obtint de l'évêque de Toul la réunion à l'hôpital de Lunéville des biens des hôpitaux d'Einville et d'Ogéviller, et ne négligea rien pour améliorer les ressources de cet établissement (84).
Stanislas fit don à l'hôpital de 28,645 livres provenant de la succession de M. de Meschek, grand-maréchal de sa cour, et du gagnage dit de Launay, situé à Chanteheux, lequel lui coûta 18,580 livres (85).
En 1789, l'hôpital Saint-Jacques de Lunéville était dans un état remarquable de prospérité : le budget des recettes s'élevait. à 54,874 livres, dont 21,807 livres représentant le reliquat du compte précédent; les dépenses ne dépassaient guère 19,000 livres (86).
Pendant le séjour de la gendarmerie, il y eut à Lunéville, tin hôpital militaire, qui, logé d'abord à l'étroit, fut établi par lettres patentes du 13 octobre 1769 dans l'hôtel de Craon que le prince de Beauvau consentit à céder en échange de plusieurs autres maisons (87).
Une sorte de succursale des Invalides fut installée, en 1788, dans les bâtiments de l'Orangerie ; elle reçut douze maréchaux des logis, brigadiers et gendarmes, infirmes ou pauvres, qui se trouvaient sans asile (88).

VII.

En 1789, il y avait à Lunéville sept maisons religieuses, cinq d'hommes et deux de femmes.
La plus ancienne était l'abbaye de Saint-Remy, fondée en 999 par Folmar le Vieux, comte de Lunéville, pour des Bénédictins que remplacèrent, en 1034, des religieuses, puis, en 1135, des Chanoines réguliers de l'ordre de Saint-Augustin. En 1188, Pierre de Brixey, évêque de Toul, donna à l'abbaye la cure de Saint-Jacques qu'elle conserva jusqu'à la Révolution; c'était le chapitre des Chanoines qui désignait le curé.
Au commencement du XVIIe siècle, le P. Fourier réforma la congrégation sous le titre de Notre-Sauveur, et instruisit à Lunéville, en 1623, les premiers novices de l'ordre nouveau.
Stanislas consentit, sous certaines conditions, à la suppression du titre d'abbé, et à l'union à la mense canoniale de tous les biens et revenus de la mense abbatiale: le Saint-Siège confirma cette suppression et cette union par une bulle de juin 1761 (89).
La maison comptait, en 1789, seize prêtres et un frère profès : Sébastien Defoug, prieur; Claude-Joseph Chapitey, curé de Saint-Jacques; Nicolas Florentin et Henry Seltzer, vicaires; le principal et les professeurs du Collège, etc.
Les Chanoines avaient les dimes de Lunéville, Jolivet, Chanteheux et Moncel, laissées à ferme pour 6,980 livres; celles de Frémonville, qui leur rapportaient 1,393 livres; celles de Mont, Rehainviller, Adoménil, Hériménil, Bénaménil et Pessincourt ; les fermes de la Haute-Foucrey, de Chaufontaine, etc. Le total de leurs revenus s'élevait à 23,135 l. 13 s. 4 d. - Les charges de la maison étaient considérables; il fallait d'abord payer au roi un don gratuit de 2,351 livres, puis entretenir les quatre régents du Collège, une sœur de la maison de Charité, un frère des écoles chrétiennes, donner au curé de Jolivet la portion congrue, etc. (90). Les Chanoines trouvaient pourtant le moyen de faire de nombreuses charités : «  Pour rendre hommage à la vérité - écrit, le 21 avril 1791, la municipalité de Lunéville au directoire du district, - nous ajouterons que les Bernardins de Beaupré et les Chanoines réguliers de Lunéville faisaient annuellement des aumônes abondantes, qui étaient d'un grand soulagement pour les pauvres de la ville et de nos environs (91). »
Les Minimes furent appelés par Henri II, en 1620; ils s'établirent non loin du Château (92) et bâtirent, en 1628, leur église, qui fut embellie sous Léopold (93). La reine de Pologne fit don au couvent d'une somme de 6,000 livres de France pour la fondation d'une messe basse quotidienne, Stanislas construisit dans l'église une chapelle sous l'invocation de l'ange gardien, et affecta un capital de 1,200 livres à la célébration de douze messes par an (94).
Le corps municipal s'adressait alternativement aux Minimes et aux Capucins pour prêcher l'Avent et le Carême et donnait au prédicateur de 100 à 200 livres (95).
Outre le supérieur, le P. Pauly, la maison se composait, en 1789, de trois pères et d'un frère lai; ses revenus, fort modestes, ne dépassaient pas 1,270 livres; elle avait 15 jours de prés et de chènevières à Viller, et quelques champs à Parroy, à Bénaménil et à Vitrimont (96).
Les Capucins étaient plus pauvres encore, n'avaient ni fondations, ni rentes, et vivaient d'aumônes; ils s'établirent à Lunéville en 1633, grâce aux générosités de Nicolas Priquet, chantre de la collégiale Saint-Georges de Nancy, et d'une dame de Custine d'Haraucourt. En 1789, il y avait neuf pères et
quatre frères lais (97).
Par lettres patentes du 24 juillet 1632, Charles IV avait permis aux Carmes déchaussés de fonder une maison à Lunéville; mais les guerres qui désolèrent la Lorraine au XVIIe siècle empêchèrent les religieux de mettre à profit les dispositions bienveillantes du prince. Au commencement du XVIIIe siècle, ils s'adressèrent à Léopold pour obtenir une nouvelle autorisation; Léopold la leur accorda le 3 juin 1707, exigea que le prieur et le supérieur de l'établissement fussent nés en Lorraine, et leur permit de faire la quête un jour par semaine dans la ville et les faubourgs. Le sieur Christophe André, intendant des bâtiments, ponts et chaussées de Lorraine, leur donna un terrain à l'entrée de la ville, sur la route de Nancy, pour y construire leur église et leur couvent (98).
La population de Lunéville avait manifesté des sentiments de méfiance à l'égard des nouveaux arrivants ; le corps municipal et les bourgeois adressèrent à Léopold «  leurs très humbles remontrances » et lui exposèrent que cet ordre mendiant serait pour la ville une nouvelle charge : «  S. A. R. est humblement priée de considérer que l'établissement d'une maison de R. P. Jésuites y serait bien plus avantageuse pour y enseigner et instruire la jeunesse, fort nombreuse, et y attirerait la jeunesse d'Alsace, en échange et par ce moyen procurerait à l'une et à l'autre la facilité de faire leurs études et apprendre les deux langues sans qu'il en coutât rien aux chefs de famille (99)... »
Léopold ne tint aucun compte de ces remontrances. Les Carmes, en attendant que leur couvent fût bâti, s'étaient établis d'abord à l'ermitage Saint-Léopold, puis, en novembre 1707, à la commanderie Saint-Georges, située sur la place du Puits-Content. Les bâtiments de la place dite depuis des Carmes ne furent complètement achevés qu'en 1727. Cette même année, l'évêque de Toul, Mgr Begon, consacra la chapelle du couvent sous le nom de Saint-Léopold; plus tard, Stanislas y fit faire un maître-autel en stuc, œuvre de Guibal : Élie y était représenté montant au ciel dans un char de feu (100). Les Carmes durent encore à la générosité du roi de Pologne un tabernacle, deux autels collatéraux, une chaire à prêcher et 1,200 livres pour la fondation de deux messes par semaine (101).
En 1789, les Carmes de Lunéville étaient au nombre de sept, sans compter trois frères lais; ils possédaient dans la ville, outre le jardin attenant au couvent, un grand jardin au lieu dit Berg-op-zoom, et plusieurs maisons : leurs revenus annuels montaient à 2,276 livres (102).
Un prieuré de Bénédictins, dépendant de l'abbaye de Senones, fut fondé à Léomont en 1734; mais l'année suivante les religieux acquirent, pour la somme de 77,419 livres, le fief de Ménil, appartenant au prince de Craon, Une bulle du pape Clément XII autorisa la translation du prieuré à Ménil. La maison conventuelle fut bâtie en 1766; on y employa les matériaux du salon de Chanteheux.
En 1789, le prieur des Bénédictins était Nicolas Gridel; il y avait six religieux prêtres. La bibliothèque comptait 1,245 volumes, «  dans lesquels, disent les officiers municipaux chargés de l'inventaire, nous n'avons remarqué aucun livre de marque, ni qui mérite une mention particulière, plusieurs se trouvant même mutilés et dépareillés (103) ».
Les Bénédictins de Lunéville avaient les deux fermes de Ménil et de Léomont, qui leur rapportaient, la première 2, 200 livres et la seconde 1,830; ils étaient décimateurs sur une partie du ban de Vitrimont et à Mouacourt. Le revenu total de la communauté montait à 15,509 livres, plus 60 résaux de blé, 68 résaux d'avoine, 2 résaux de légumes, 6 milliers de paille, 1 porc gras et 6 chapons : il était grevé, en 1789 des intérêts d'une somme de 39,425 livres due à divers particuliers; la communauté avait en outre à payer 9, 227 livres à ses fournisseurs (104).
Les religieuses de Sainte-Elisabeth, vulgairement nommées sœurs grises, furent appelées à Lunéville par René II, en 1481 ; leur couvent occupa d'abord l'emplacement du théâtre actuel et d'une partie de la terrasse du château. Léopold, pour agrandir les Bosquets, le transféra, en 1712 (105), à l'entrée du faubourg de Viller (106), et posa la première pierre de la nouvelle chapelle le 23 juin 1712. Cette chapelle était sous l'invocation de saint Antoine de Padoue : on y voyait, au moment de la Révolution, le tombeau du comte de Hunolstein, mort en 1727, et celui d'Adélaïde de Buchet, son épouse, morte en an 1753 (107).
Les sœurs grises visitaient les malades, les soignaient, les assistaient, et ensevelissaient les morts; en 1691, leur supérieure voulant les «  cloîtrer et enfermer de grilles », elles s'adressèrent au prévôt et aux officiers municipaux qui prirent en main leur défense : ces magistrats certifièrent qu'elles s'étaient toujours «  acquittées dignement de leurs services de charité avec satisfaction d'un chacun, étant d'une vie exemplaire, et que si elles venaient à être cloîtrées, le public en souffrirait des préjudices notables, en sorte que ladite ville s'y opposerait formellement, d'autant qu'elles n'ont été reçues dans ladite ville qu'à ces conditions, et ne les y souffrirait pas autrement (108) ».
En 1708, le monastère se composait de la supérieure, de treize religieuses, d'une sœur converse et d'un confesseur cordelier. En 1789, il y avait quinze religieuses, y compris la supérieure, Françoise Pauly; leurs revenus ne dépassaient guère 4,000 livres. La communauté payait un don gratuit de 166 1. 5 s. (109).
La congrégation de Notre-Dame avait été créée par le P. Fourier pour donner l'instruction aux jeunes filles; elle s'installa à Lunéville, en 16'25, dans la maison du prieur de Vergy, à la porte Joly, puis acheta, en 1671, une maison plus spacieuse dans la Grande-Rue, près des Minimes (110). Gabrielle de Nogent, fille de M. de Nogent, seigneur de Chanteheux et autres lieux, prit l'habit dans ce couvent, en 1651, et abandonna tous ses biens aux religieuses, à condition qu'elle aurait le titre de fondatrice de la maison (111).
En 1708, il y avait, outre la supérieure, treize religieuses et quatre novices; en 1789, le couvent compte vingt mères (112) et cinq sœurs converses.
Les sœurs de Notre-Dame possédaient de petites fermes à Lunéville et dans les environs, à Jolivet, à Rehainviller, à Hénaménil, à Maixe, à La Neuveville-aux-Bois et a Deuxville.
Un capital de 29,970 livres leur était dû par les chanoines réguliers de Lunéville, de Domêvre et d'Hérival (113). Elles n'étaient pourtant pas riches: leurs revenus atteignaient à peine 5,000 livres.

VIII.

Lunéville, qui appartint d'abord au diocèse de Toul, fut rattaché à celui de Nancy, érigé en 1777. Il n'y avait qu'une paroisse, reconnue insuffisante depuis longtemps (114); la cure rapportait 1,000 livres en 1711, 5,600 livres en 1789 (115).
La vieille église Saint-Jacques avait été démolie en 1745, .es remplacée, comme église paroissiale, par l'église de l'abbaye Saint-Rémy, nouvellement construite, et qui fut aussi placée sous le vocable de saint Jacques. Il y avait onze chapelles ou bénéfices simples, qui donnaient ensemble un revenu de 2,000 livres environ: la plus riche était la chapelle de Saint-Gœury, dont dépendait une ferme située à Fraimbois et vendue, en 1791, pour 6,375 livres (116).
Les principales confréries de la paroisse Saint-Jacques étaient celles du Saint-Sacrement, du Purgatoire, de Notre-Dame-des-Suffrages, de l'École, de l'Enfant-Jésus. Dans la confrérie du Purgatoire, « on prêche tous les jours de l'Octave, et l'on paie un écu pour chaque sermon au prédicateur, qui est choisi conjointement par le curé et par les officiers d'église. Il y a un réveilleur qui va par la ville, vers minuit, exciter les fidèles à prier pour les trépassés pendant l'octave des Morts, à qui on paye 10 fr. pour salaire (117) ... »
Les confréries se rendaient aux processions avec leurs bannières, et précédées de leurs préfets; souvent les questions de préséance soulevaient des querelles que tranchait l'autorité civile. En 1744, la congrégation de l'Enfant-Jésus se plaint de ce que plusieurs confréries et corps de métiers ont eu le pas sur elle à la procession de la Fête-Dieu ; et pourtant, ajoute-t-elle, «  à l'exception de la confrérie du Saint-Sacrement, elle est préférable à toutes confréries et corps de métiers par le seul titre qu'elle porte ». M. de la Galaizière lui-même décide, après avis du lieutenant-général de police, que dorénavant, dans toutes les processions, la congrégation de l'Enfant-Jésus aura le pas sur tous les corps de métiers et marchera immédiatement après la confrérie du Suint-Sacrement (118).
Le 21 juin 1742, Stanislas fit faire une procession qui se renouvelait tous les ans le lendemain de l'octave du Saint-Sacrement - jour de la fête du Sacré-Cœur de Jésus - en mémoire de la plantation de la croix de Mission érigée à Lunéville sur le chemin de Jolivet, le 1er juin 1742. Une somme de 1,000 livres fut donnée aux Chanoines réguliers comme curés de Saint-Jacques, 1,000 livres à la fabrique pour la fourniture du luminaire, et 1,000 livres aux Jésuites de Nancy chargés de fournir le prédicateur qui faisait à la messe du matin, le même jour, un sermon en l'honneur de la Croix, et après midi, au pied de la Croix, «  une exhortation sur les Mystères (119) ».
D'après l'article 16 de la transaction passée entre les Chanoines réguliers et les officiers de l'hôtel de ville, lors de la translation de la paroisse Saint-Jacques dans l'église de l'abbaye, les paroissiens devaient payer chaque année aux Chanoines 950 livres pour «  la fourniture et l'entretien des vaisseaux sacrés, ornements, livres de chœur, linge et son blanchissage, organiste, luminaire, etc. ». Stanislas fit don à la fabrique de 19,000 livres dont les intérêts servirent à payer cette sornme, «  à charge par la fabrique de faire chanter tous les ans, dans la paroisse, une messe solennelle pour la conservation de Sa Majesté et de la Reine, le 20 octobre, jour de la naissance de Sa Majesté, et un service à perpétuité le jour de sa mort et de celui de la Reine, ces deux services réduits à un après le décès de Leurs Majestés (120) ».
Les officiers municipaux intervenaient en maîtres dans l'administration de la paroisse, nommaient le suisse, les bedeaux, les sonneurs, les chantres; ils invitaient le curé de la paroisse à assister à la séance où ils désignaient chaque année le prédicateur de l'Avent et du Carême, mais passaient outre si le curé le se présentait pas (121). Ils prenaient le titre de «  directeurs et administrateurs de la fabrique de la paroisse », et entendaient à l'hôtel de ville les comptes annuels du receveur.
En 1785, les officiers du bailliage voulurent s'attribuer l'audition de ces comptes, et un conflit faillit s'élever entre les deux corps. L'évêque de Nancy intervint, et, par ordonnance du 22 avril 1785, donna à un bureau présidé par le curé et composé de 4 membres que nommeraient les officiers municipaux, le soin d'administrer les revenus et d'ordonner les dépenses de la fabrique. La municipalité consentit à cet arrangement, à condition toutefois qu'elle continuerait elle-même, comme auparavant, à nommer à tous les emplois rétribués par la fabrique: l'évêque s'étant opposé à cette prétention, l'accord ne put se faire et la cause fut portée devant le Parlement de Nancy: celui-ci, par arrêt du 5 juillet 1787, maintint les officiers municipaux «  au droit et possession d'administrer la fabrique de ladite ville, d'en auditionner les comptes, etc. (122) ».
En 1788, les recettes de la fabrique (revenus, reliquat de l'année précédente, etc.) s'élèvent à 9,398 l. 12 s. 3 d., les dépenses à 2,261 l. 8 s. 9. d. (123).

IX.

Avant la Révolution, la religion catholique était la religion de l'Etat : les autres cultes étaient tantôt. proscrits, tantôt tolérés. On trouvait, en Lorraine, quelques familles protestantes dans la vallée de la Sarre et dans les villages voisins de l'Allemagne, mais à aucune époque nous n'en avons constaté l'existence à Lunéville.
Sous Stanislas, deux familles israélites obtenaient le droit de résider dans cette ville (124). Il y en avait seize en 1785, et elles demandèrent à cette époque la permission d'acquérir un terrain pour y bâtir une synagogue. Leur requête fut fortement appuyée par le maire, M. Lanière, qui affirma que la faveur qu'elles sollicitaient serait, dans la circonstance, «  de justice et d'une saine politique » ; d'ailleurs, ajoutait-il, cette synagogue devant être «  voûtée et située au centre d'un jardin à une distance suffisante non seulement des maisons voisines, mais même des passages, les cérémonies qui s'y pratiqueront ne pourront être ni apercues ni entendues au dehors ». Le 8 février 1785, les juifs de Lunéville recevaient une réponse favorable, mais, dans sa lettre à l'intendant, le secrétaire d'Etat exposait que «  S. M. a ordonné que dans les lettres qui leur seront expédiées, il ne fût pas fait mention de l'usage auquel ce terrain est destiné... Elle n'a pas voulu autoriser expressément par un titre émané d'Elle un établissement qu'Elle ne fait que tolérer (125)... »
Peu de temps après, en novembre 1787, les juifs domiciliés à Nancy et à Lunéville cherchaient à obtenir l'autorisation d'avoir un cimetière en Lorraine, attendu qu'ils se trouvaient dans la nécessité d'inhumer leurs morts à Metz (126). Cette autorisation ne leur fut pas accordée avant la Révolution, mais le 11 novembre 1791, le conseil général de la commune de Lunéville leur permettait d'établir un cimetière au bas des vignes, à gauche du chemin d'Einville (127).
Victimes d'une législation inique, les juifs étaient encore, en 1789, livrés à toutes les suspicions: «  Ils font des commerces inconnus et très nuisibles au peuple, - écrivent les cafetiers, limonadiers et vinaigriers de Lunéville; - qu'il soit ordonné par S. M. qu'ils soient tenus à un commerce honnête, tenant boutique ouverte ... » Les délégués des autres corporations tenaient à peu près le même langage, et nous trouvons dans le cahier du tiers état le vœu suivant : «  Défendre à toute famille juive étrangère de s'introduire dans le royaume, chercher les moyens de rendre les familles qui y sont établies utiles à la société (128) »
Il était interdit à ces parias de traverser la cour du château, et c'est seulement le 12 août 1791 que, faisant droit à leur requête, le corps municipal «  considérant que les places entre les grilles du château sont des passages publics..., arrête que M. le commandant militaire en cette ville sera invité à faire lever sans retard la consigne qui en restreint l'usage (129) ».

X.

De 1668 à 1750, ou voit figurer au budget de Lunéville les gages d'un «  régent et maitre d'école », que choisissaient les officiers de l'hôtel de ville; le cure approuvait et sanctionnait. A côté de cette école, patronnée et entretenue par la municipalité, il y avait des écoles libres (130).
En 1750, Stanislas fit venir trois frères des écoles chrétiennes «  pour instruire gratuitement les pauvres enfants mâles des ville et faubourgs de Lunéville à lire, à écrire, à chiffrer, l'orthographe, les quatre premières règles de l'arithmétique et la religion». Une somme de 16,129 l. 7 d. fut affectée à cet établissement; Stanislas fit en outre donner aux frères 2,000 l. pour acheter des meubles et payer leurs frais de voyage (131).
Les frères furent logés dans la maison dite de l'école, appartenant à, la ville, et commencèrent leurs exercices le 2 mai 1750; un nouveau don de 8,000 l. fait par Stanislas en 1756 permit d'entretenir un quatrième maître; enfin, par contrat du 19 mai 1759, les Chanoines réguliers de Saint-Remy s'engagèrent, en retour de la suppression du titre abbatial, à fournir après la mort de leur abbé une rente annuelle de 300 livres pour l'entretien d'un cinquième frère (132). L'abbé Martin n'étant mort qu'en 1783, les bourgeois de la ville envoyèrent en février 1781 une pétition à l'intendant, le priant de donner à l'école le cinquième maître dont elle avait, affirmaient-ils, un besoin urgent : M. Lanière, consulté. par l'iutendant, répondit que la pétition émanait des frères eux-mêmes, que s'ils «  étaient actuellement trop surchargés d'enfants, c'était bien leur faute, parce qu'ils recevaient à leur école beaucoup d'enfants de parents en état de payer les frais d'éducation, et qu'ils semblaient même préférer ceux-ci aux enfants des pauvres pour lesquels leurs écoles étaient instituées (133)... »
A partir de 1750, la municipalité cesse toute subvention aux maitres laïques, mais du moins elle leur permet d'enseigner «  sous la direction du sieur curé de la paroisse». En 1787, Jean-Pierre Perrin, qui a « poursuivi le cours de ses études jusqu'en philosophie et s'est appliqué avec l'approbation de Mgr l'évêque de Metz, à l'instruction de la jeunesse en plusieurs endroits avec succès », obtient l'autorisation de fonder une école dans la rue de Viller (134).
L'instruction primaire était donnée aux filles par les sœurs de la maison de Charité et par celles de la Congrégation : les premières avaient, en 1789: 380 élèves; .les secondes, 250 (135).
Les Chanoines réguliers possédaient à Lunéville, dès le commencement du XVIIe siècle (136), un collège dont les malheurs du temps amenèrent la fermeture. L'instruction secondaire ne fut plus alors donnée que par des «  régents de latinité » à qui le corps municipal accordait de modiques subventions (137).
Léopold voulant doter d'un collège son lieu favori de résidence, s'adressa aux Chanoines réguliers et obligea la municipalité, par lettres du 20 octobre 1728, à leur payer annuellement la somme de 1.000 livres pour « nourriture et entretien » de trois régents (138). Quelques années après, sous la régence d'Élisabeth-Charlotte, le lieutenant-général de police, au nom du corps de ville, passa avec les Chanoines un traité par lequel ceux-ci s'engageaient, moyennant une subvention annuelle de 1,200 livres, à fournir quatre maîtres pour enseigner «  la langue latine » : les parents des élèves n'avaient pas d'écolage à payer, mais seulement une légère rétribution pour le balayage des classes, l'éclairage et les «  frais de correcteur (139) ».
Il suffisait, pour être reçu au collège, de savoir lire et écrire: l'un des maitres enseignait «  les premiers principes de la langue latine » ; le second faisait la sixième et la cinquième; un autre, la quatrième et la troisième; le dernier enfin, la seconde et la rhétorique.
Cette organisation fut conservée jusqu'en 1758. A cette époque, le corps municipal se plaint que, les deux classes supérieures étant réunies, les écoliers «  ne remportent de leurs leçons qu'une teinture superficielle des principes de la seconde et de la rhétorique »; il demande que ces classes soient désormais confiées à deux maitres, réforme que l'on peut opérer sans augmenter le personnel enseignant par la suppression de la classe inférieure, dite de basse latinité: «  Quantité de pères et de mères - disent avec beaucoup de bon sens les officiers municipaux - pour se débarrasser de leurs enfants en bas âge, les envoient au collège dans lequel ils continuent ensuite, quoiqu'ils n'aient pas les moyens de les soutenir dans le reste de leurs études, abus qui ne serait pas si fréquent s'ils étaient dans la nécessité de rétribuer un maître jusqu'à ce qu'ils eussent acquis la capacité requise pour entrer en sixième; ce qui les porterait à leur faire suivre leur métier et les rendrait meilleurs artisans que bons écoliers (140) ».
M. de la Galaizière. ayant approuvé la suppression de la classe de basse latinité, le corps municipal autorisa le sieur Ferrand «  à donner les premiers principes de latinité chez lui, sous la rétribution de 35 sols par mois pour chacun écolier », en 1784, il y avait à Lunéville deux «  répétiteurs ou régents des premiers éléments de la langue latine (141) ».
Par l'article 7 du contrat passé le 19 mai 1759, il fut stipulé qu'à partir de la suppression du titre abbatial les Chanoines entretiendraient à leurs frais les quatre régents du collège; en conséquence la ville cessa, à la mort de l'abbé Martin (1783), de payer aux Chanoines l'indemnité annuelle de 1;200
livres (142).
En 1789, le personnel du collège de Lunéville était ainsi composé : MM. Georges, prieur et principal; Guépratte, préfet des classes et professeur de rhétorique; Coussin, régent de seconde ; Hœgel, régent de troisième et de quatrième; Abend, régent de cinquième et de sixième. Le collège cornptait 50 élèves (143).

XI.

Aux approches de 1789, les registres de la municipalité de Lunéville offrent peu d'intérêt; on ne se croirait pas, en les parcourant, à la veille de la Révolution. La Chambre se réunit rarement, à peine une fois par mois; elle nomme chaque année des bangards pour la conservation des biens champêtres et des collecteurs pour lever l'impôt ; elle fixe le jour des vendanges; elle décide d'offrir en corps le «  vin de ville » à Monsieur, depuis Louis XVIII, qui visita la ville le 10 août 1783; elle ordonne des réjouissances polir la naissance du duc de Normandie en 1785, et pour celle de la princesse Sophie en 1786; elle rappelle régulièrement à ses administrés que, le 25 août, à l'occasion de la fête du roi, ils seront tenus de fermer leurs boutiques pendant le jour et d'illuminer le soir, à l'instar de l'hôtel de ville, les facades de leurs maisons... Et voilà tout. Jusqu'au mois de décembre 1788, aucune délibération importante ne nous révèle cette vie municipale, active et indépendante, que l'on a pu constater dans d'autres lieux. Il fallut les débats soulevés par la réorganisation des administrations provinciales, l'exil et le retour triomphal du Parlement de Nancy, enfin la convocation des Etats généraux, pour réveiller l'esprit public et produire à Lunéville quelque chose de l'agitation qui remuait alors la France entière,
L'édit du 8 juillet 1787 avait établi en Lorraine une assemblée provinciale pour partager avec l'intendant la surveillance des affaires des communautés, diriger le service des ponts et chaussées, et proposer au roi les réformes qu'elle croirait utiles au bien public (144).
L'assemblée provinciale partagea la Lorraine en douze districts, qui correspondaient à peu près aux arrondissements d'aujourd'hui : Nancy, Bar, Boulay, Épinal, Briey, Lunéville, Mirecourt, Neufchâteau, Sarreguemines, Saint-Dié, Saint-Mihiel et Pont-à-Mousson. Chaque district devait avoir son assemblée spéciale: au-dessous de ces assemblées de district siégeraient dans les villages des assemblées municipales.
L'assem blée du district de Lunéville se réunit dans une salle de l'abbaye Saint-Remy, le 1er avril 1788, à huit heures du matin, sous la présidence de M. l'abbé de Lupecourt, grand-doyen de l'église cathédrale primatiale de Nancy, vicaire général du diocèse. Les autres membres nommés par le roi étaient : pour le clergé, MM. Ficher, chanoine régulier, curé de Manonviller; Combette, prieur de l'abbaye de Haute-Seille; - pour la noblesse, le comte de Fiquelmont, seigneur de Parroy et autres lieux; - pour le tiers état, MM. La Roche, lieutenant particulier au bailliage de Lunéville; Regneault, avocat et procureur au bailliage de Blârnont ; de Montzey, prévôt-gruyer, chef de police et subdélégué à Rambervillers (145).
L'assemblée se compléta en choisissant cinq membres, deux de la noblesse et trois du tiers : pour la noblesse, le comte de Croismare et M. de Châteaufort; pour le tiers état, MM. Regneault, avocat du roi au bailliage de Lunéville ; Parmentier, avocat à Lunéville; Drouot, conseiller au bailliage de Châtel. Afin de donner aux nouveaux élus le temps de se rendre à Lunéville, la prochaine assemblée fut fixée au surlendemain.
Le jeudi 8 avril, après la messe du Saint-Esprit dite par M. Ficher dans l'église Saint-Jacques, les membres de l'assemblée, «  placés selon leur rang », se rendirent à leur salle. Ils nommèrent procureurs-syndics M. de Châteaufort pour les premiers ordres, M. La Roche pour le tiers, et s'adjoignirent à leur place le comte de Monthureux, seigneur d'Arracourt, et M. Lejeune, avocat au parlement, demeurant à Lunéville; enfin ils choisirent le bureau intermédiaire qui devait fonctionner dans l'intervalle des sessions et se composer du président, de deux syndics et de quatre membres élus; ces derniers furent M. Ficher pour le clergé, le comte de Fiquelmont pour la noblesse, M. Regneault (de Lunéville) et Parmentier pour le tiers état. Le lendemain, l'assemblée s'ajourna au 15 octobre, laissant au bureau le soin de veiller à l'entretien des routes, d'assurer la correspondance par piétons avec les communautés, de viser les procès- verbaux des élections des assemblées municipales, etc.
Pendant que le bureau intermédiaire du district de Lunéville poussait avec zèle ses travaux et préparait ses rapports, le Parlement de Nancy entra tout à coup en scène et donna en Lorraine le signal de la lutte contre le gouvernement de Louis XVI.
Loménie de Brienne voulait opérer une réforme complète dans la magistrature. Les ordonnances de- mai 1788 érigèrent tous les bailliages en sièges présidiaux, placèrent au-dessus des présidiaux les grands bailliages, au nombre de deux pour la province, - l'un à Nancy et l'autre à Mirecourt, - enlevèrent au Parlement le droit d'enregistrer et de promulguer les édits, conférant ce droit à une cour plénière qui siégerait à Paris, enfin supprimèrent une des quatre chambres du Parlement de Nancy.
Celui-ci fit entendre contre ce coup d'autorité d'énergiques protestations, que le premier président, M. Cœurderoy, renouvela le 8 mai en présence du gouverneur de Nancy, M. de Choiseul-Stainville, et de l'intendant de la province, M. de la Porte. La plupart des bailliages de la province protestèrent à leur tour et cessèrent leurs fonctions; la justice fut presque partout suspendue.
Le Parlement de Nancy avait été exilé, mais cet exil ne fut pas long. La déclaration royale du 23 septembre annonça la convocation prochaine des Etats généraux et autorisa les magistrats à reprendre leurs fonctions. Le 20 octobre, le Parlement faisait sa rentrée solennelle au milieu de l'allégresse publique ; tous les bailliages de la province, à l'exception de Lunéville, Pont-à-Mousson, Charmes et Mirecourt, assistèrent à cette «  fête patriotique ».
Jusqu'à ce moment le tiers état lorrain avait gardé une attitude froide et réservée. Mais, encouragé par l'exemple du Parlement de Nancy, il élève la voix à son tour et revendique ses droits: à la place de l'assemblée provinciale, simplement consultative et partout impuissante, il réclame des États provinciaux élus; il demande dans ces Etats et dans les prochains Etats généraux un nombre de députés égal à ceux de la noblesse et du clergé réunis (146).
D'ailleurs le clergé et la noblesse se montraient favorables aux revendications du tiers. Dans la séance du 22 octobre, l'assemblée du district de Lunéville (147) déclarait que la Lorraine formant à peu près la trentième partie du royaume devait être admise à nominer la trentième partie des députés qui composeraient les Etats généraux, c'est-à-dire vingt députés si l'assemblée en comptait six cents : «  Pour distribuer ce nombre entre les trois ordres, ajoutait-elle, il paraît qu'il n'y a pas de meilleur alignement à prendre que celui qui vient d'être établi pour la formation des États provinciaux du Dauphiné; une justice exacte a présidé à cette formation. Ainsi, dans les 20 députés, 10 seraient fournis par le tiers (148) »
Cependant la cour n'osait pas trancher elle-même ces questions brûlantes qui occupaient. le premier rang dans les préoccupations de l'époque. Elle convoqua, le 6 novembre 1788, une assemblée de notables qui se prononça contre le doublement du tiers.
Aussitôt la municipalité de Nancy désavoue son chef, M. de Mannessy, qui avait été appelé à cette assemblée, convoque les principaux bourgeois à l'hôtel de ville, le 27 novembre, et fait ses remontrances au roi.
Le 7 décembre, les «  notables du tiers état » de la ville de Lunéville envoient à leur tour l'adresse suivante - qu'ils intitulent «  vœu patriotique » - aux ministres, au gouverneur de la province, à leur bailli et au tiers état de Nancy :
«  Les notables de la ville de Lunéville, assemblés pour délibérer sur le vœu à former à raison de la composition des États généraux ;
«  Considérant :
«  Que depuis un siècle le royaume penche évidemment vers la ruine;
«  Que des maux qui le minent, la situation déplorable des finances est le plus apparent ;
«  Que la dette contractée par le gouvernement excède toute mesure ;
«  Qu'il est indispensable et très urgent de la limiter dans de justes bornes; et qu'ensuite pour la tranquillité des créanciers régnicoles, et pour rétablir le crédit de la France chez l'étranger, il convient de la faire déclarer dette nationale et de la garantir valablement ;
«  Qu'il n'est pas moins pressant de constater la véritable masse des revenus de l'Etat et celle de toutes ses charges;
«  Qu'il convient de répartir l'impôt direct sur tous les ordres, sans distinction, sans réserve, et en proportion des forces et facultés de chacun ;
«  Que le niveau bien établi entre la recette et la dépense, la recette doit être portée à quelques millions en sus pour faire le fond d'une caisse d'amortissement graduel, qui tende a soulager peu à peu pendant la paix, et qui prépare une ressource pour la guerre et les calamités;
«  Qu'on ne peut douter que ce plan ne soit entré dans les vues paternelles du roi lorsqu'il a annoncé la prochaine convocation des États généraux;
«  Que pour les composer d'une manière propre à établir la confiance de la nation, il a jugé à propos de consulter les notables de son royaume;
«  Que contrairement au vœu des princes frères de S. M., aux pressantes réflexions des grands que la patrie avoue pour ses véritables soutiens et aux réclamations du très petit nombre de représentants du tiers état, il semble que la pluralité des suffrages des notables assemblés sera pour composer les États, comme ils l'ont été en 1614;
«  Que cette composition tenait encore au gouvernement féodal, qui regardait chaque seigneur comme le représentant de tous ses vassaux;
«  Qu'il était raisonnable alors de se choisir une forme d'assemblée qui tenait à la constitution existante, mais que cette constitution ne subsistant plus, c'est une autre forme qu'il faut adopter;
«  Que les fonctions importantes du clergé, et les grands emplois justement confiés à la noblesse, l'étendue de leurs propriétés, leur assurent les premiers rangs et une grande influence dans les Etats généraux : mais que l'ordre du tiers, libre, éclairé, propriétaire aussi, est le seul ordre qui, - sans jouir du brillant des fonctions des premiers ordres, non plus que des récompenses qui y sont attachées, et qui cependant en partage les peines, - porte avec lui et conserve avec soin les deux mamelles de l'État, l'agriculture et le commerce;
«  Que le nombre, la force, les richesses, l'utilité et la contribution du tiers semblaient lui assurer au moins la balance dans toute assemblée nationale;
« Que ce préjugé fondé sur la nature, la justice et la raison, avait. été sanctionné par l'édit de création des assemblées provinciales;
«  Que cette loi émanée de la bienfaisance du roi avait été applaudie des mêmes notables (149) quand il s'agissait d'une administration partielle : mais qu'ils semblent en réprouver le principe dès qu'il est question de l'appliquer à l'administration de l'intérêt général;
«  Que ce changement d'opinion jette le tiers état dans de justes alarmes ;
«  Que l'on peut craindre que les deux premiers ordres n'éludent son influence que pour éterniser son avilissement et ajouter encore aux surcharges qui l'accablent;
«  Que ce projet destructeur et nuisible même aux premiers ordres qui tirent leur subsistance du tiers état, et dont la prospérité est étroitement liée à celle du tiers état, expose la patrie aux plus grands dangers;
«  Que les peuples réveillés par des préliminaires non équivoques ne manqueraient pas de murmurer ;
«  Que la fermentation établie conduirait infailliblement à l'anarchie;
«  Qu'il n'y a pas de maux qui ne pourraient en être la suite ;
« Que dans de pareilles conjonctures il est du devoir des villes principales de faire parvenir au pied du trône leurs alarmes, leurs désirs, leurs espérances;
«  Le tout mûrement examiné, lesdits notables ont unanimement arrêté que S.M. serait très humblement suppliée de convoquer le plus tôt possible les États généraux, d'en régler la composition de manière que le clergé et la noblesse fournissent la moitié des députés, et le tiers état l'autre moitié, d'ordonner que les matières qui devront y être traitées et délibérées se décideront à la pluralité des voix, recueillies par tête, et qu'en cas de partage S. M. réglera la décision dans sa sagesse. L'ordre du tiers état, dont le cri est le vœu public, et qui comprend toute la partie souffrante de la nation ne peut manquer d'être d'une grande considération dans les vues de S. M. (150) »
Les notables de Nancy avaient en outre nominé un comité de douze membres pour préparer un projet d'élection, et décidé l'envoi à Paris de deux avocats, MM. Mollevaux et Prugnon, pour défendre les intérêts de la Lorraine. Les représentants du tiers état de Lunéville, dans leur réunion du 23 décembre, applaudirent à ce choix, et invitèrent les deux délégués «  à présenter et faire pour la commune de Lunéville les mêmes réclamations que pour le tiers état de Nancy ».
Sur ces entrefaites, on apprit que le clergé et la noblesse avaient pris l'initiative de réunir à Nancy, le 20 janvier 1789, une assemblée des trois ordres de la province. Les invitations furent lancées avant même que l'on eût obtenu la permission du roi. Aux ecclésiastiques, aux nobles, venus en grand nombre, se joignirent les bourgeois de Nancy et les députés de Pont-à-Mousson, Bruyères, Blâmont, Raon, Briey, Boulay, Remiremont, Sarreguemines, Thiaucourt, Rambervillers, Bouquenom et Lunéville. M. de Custines d'Aufflance, nommé président par acclamation, rappela l'objet de la réunion, qui était de «  hâter le moment heureux où il serait permis de se former en États»; le moyen le plus efficace d'obtenir ces Etats tant désirés était, disait-il, «  l'évidence de la concorde et de l'union des différents ordres de la province ».
Cette concorde, cette union existait. Le 21 janvier, l'assemblée, où dominaient pourtant les membres des ordres privilégiés, arrêta qu'aux Etats provinciaux le tiers aurait des députés en nombre égal à celui des deux premiers ordres réunis, et qu'on y opinerait par tête, non par ordre. «  MM. du clergé ont déclaré de plus que, tant au nom de MM. les ecclésiastiques qui composent l'assemblée, qu'au nom de ceux du reste de la province dont ils sont sûrs d'exprimer le vœu, ils consentent de supporter à l'avenir toutes les impositions pécuniaires quelconques, en proportion de leurs forces et facultés..... »
Quoique manquant de pouvoirs réguliers, l'assemblée de Nancy chargea une commission de préparer un projet d'organisation des États provinciaux, et ne se sépara que le 25 janvier. Deux membres de cette commission nous sont bien connus: Grégoire, curé d'Emberménil, et Regneault, avocat du roi au bailliage de Lunéville, les. futurs constituants (151).

XII.

Les Etats provinciaux ne devaient pas être convoqués, mais le moment des élections aux États généraux approchait.
Le Résultat du conseil dit roi tenu le 27 décembre 1788 avait décidé le doublement du tiers état et répandu partout la confiance et la joie. Le règlement général pour les élections fut promulgué le 24 janvier 1789; un règlement particulier à la Lorraine parut le 7 février.
A Lunéville, les diverses corporations. se réunirent du 11 au 16 mars pour rédiger leurs doléances et élire les délégués qui devaient former l'assemblée du tiers état de la ville. Cette assemblée fut ainsi cornposée (152) :
Délégués.
Bouchers et charcutiers 1
Selliers, bourreliers et charrons 1
Teinturiers «  du grand et du petit teint » 1
Tanneurs, corroyeurs, chamoiseurs et gantiers 3
Manouvriers 1
Jardiniers 1
Vitriers 1
Tisserands 4
Cordonniers «  en neuf et en vieux » 2
Chaudronniers et fondeurs 1
Bonnetiers et fileurs de laine 1
Tailleurs d'habits, brodeurs, chasubliers 1
Tapissiers, miroitiers et vendeurs de meubles 1
Marchands de toiles 1
Marchands épiciers, confiseurs et chandeliers 3
Marchands merciers et quincailliers 2
Chapeliers 1
Perruquiers, barbiers, baigneurs, étuvistes 1
Cafetiers, limonadiers, vinaigriers et débitants 1
Serruriers, maréchaux-ferrants, ferblantiers 1
Armuriers, fourbisseurs et couteliers 1
Menuisiers, ébénistes, tourneurs, tonneliers 1
Charpentiers 1
Entrepreneurs, maçons, couvreurs, tailleurs de pierre 1
Boulangers 1
Cuisiniers, traiteurs, rôtisseurs, pâtissiers, aubergistes et cabaretiers 1
Orfèvres, joailliers et horlogers 1
Imprimeurs, libraires et relieurs 1
Apothicaires 2
Procureurs du bailliage royal 2
Maîtres en l'art et science de chirurgie 2
Huissiers audienciers et ordinaires du bailliage 2
Architectes 2
Notaires royaux 2
Avocats en parlement 2
Officiers du bailliage 2
Maîtrise des eaux et forêts 2
Notables, bourgeois et habitants n'appartenant à aucune corporation 6

Ces 61 délégués se réunirent à l'hôtel de ville le 17 mars à deux heures de l'après-midi, sous la présidence des officiers municipaux. Le maire de Lunéville ouvrit la séance par un discours enthousiaste: «  Les voici enfin, les beaux jours de l'empire français, où ennoblis du titre de citoyens vous êtes convoqués pour en tenir les comices! ... Que les réclamations et les vœux que vous avez à former, les instructions et les pouvoirs que vous avez à donner n'annoncent qu'un patriotisme éclairé... Il ne faut pas vous figurer, Messieurs, que les députés que vos électeurs choisiront pour l'Assemblée nationale ne soient que des députés de notre ville, de celles des environs ou même de la province ; ils seront des représentants de la France entière... Elevons, s'il se peut, nos pensées au niveau des sublimes vertus du roi et de celles de son ministre, au niveau de l'amour paternel qu'il manifeste pour son peuple ; déracinons de nos âmes tout intérêt personnel ; détachons-les de tout parti; abjurons tout esprit de corps pour n'être que citoyens français... »
Les délégués désignèrent alors douze commissaires pour rédiger leur «  cahier de doléances, plaintes et remontrances » :
MM. Regneault, avocat du roi au bailliage ; Harlaut, architecte ; Benoist, receveur des finances; Parmentier, avocat; André, entrepreneur de charpente; Laroche, lieutenant particulier au bailliage; Lanière, maire; Mengin, avocat ; Lejeune, avocat, ancien conseiller intime du prince de Salm-Salm; Liébaut, ancien officier inspecteur de l'Ecole royale militaire ; Laplante, doyen des conseillers du bailliage; Saucerotte, maître en chirurgie (153).
On s'ajourna ensuite au 21 mars, Dans cette seconde séance, les délégués du tiers état approuvèrent unanimement le cahier qui leur fut soumis, et nommèrent les seize électeurs qui devaient quelques jours après représenter la ville a l'assemblée générale du bailliage.
Le cahier du tiers état de Lunéville (154) émet le vœu qu'à la prochaine Assemblée nationale les voix soient recueillies par tête et non par ordre; il demande le retour périodique des Etats généraux, l'établissement d'Etats provinciaux et de municipalités librement élues, la fin du régime du bon plaisir, la suppression de tous les privilèges sauf de ceux «  purement honorifiques et tendant à maintenir la distinction des dignités, des rangs, des titres, des grades et des places auxquelles il doit être porté honneur et respect dans une monarchie » ; il ne reconnait qu'à l'assemblée générale de la nation le droit d'établir des impôts et l'engage il n'en consentir aucun avant la promulgation «  des lois fondamentales et constitutives de la liberté et de la sûreté individuelle ».
Le tiers état de Lunéville, s'il montre son aversion pour le pouvoir arbitraire, n'en reste pas moins attaché à son roi; il veut que la constitution nouvelle maintienne «  l'ordre établi de la succession au trône », règle les cas de régence, fixe la majorité des rois, et proclame que «  la nation est libre sous la protection de la loi et du roi ». Il est tellement enclin à ménager le vieil ordre de choses qu'il ne demande même pas la suppression pure et simple des lettres de cachet, considérées partout comme une des violations les plus odieuses de la liberté individuelle; il veut seulement que ces lettres soient soumises «  à des formes capables d'en prévenir les abus ». Il est tout disposé à se contenter de réformes partielles, incomplètes : la «  faculté » de racheter les droits féodaux lui suffit; il voudrait un code civil «  aussi uniforme que possible pour tout le royaume ».
Toutefois les douze qui avaient accepté le mandat de parler au nom de leurs concitoyens ne déracinèrent point complètement de leurs âmes, ainsi que le leur conseillait l'un d'eux, tout intérêt personnel : ils cherchent à conserver pour leur ville le privilège de ne point payer de subvention; ils voudraient que les États de la Lorraine fussent tenus à Lunéville; ils attirent sur leur ville les «  regards du gouvernement », et demandent des établissements «  capables de la faire subsister » et de la relever de l'état malheureux où l'a mise «  la perte de ses souverains ».
Mais c'est là la seule allusion au passé. Moins d'un quart de siècle après la mort de Stanislas, le tiers état de Lunéville affirme sa foi dans l'avenir, son attachement absolu à la grande patrie. Protestant par avance contre les abus de la force, il proclame la France une et indivisible: «  Il ne pourra être distrait, cédé, échangé ni donné aucune province, ni portion d'icelle, sans le consentement exprès de la nation assemblée (155) »

H. BAUMONT.


(1) Il y avait, en 1698, 225 ménages et 48 veuves ou filles. De Vaubourg, Mémoire concernant les États de Lorraine et du Barrois, p. 3 (dans le Recueil de documents sur l'histoire de Lorraine, Nancy, Wiener).
(2) État des visites et reconnaissances faites par les officiers de la maîtrise royale des eaux et forêts de Lunéville (ms. de la bibliothèque de Lunéville), f° 50 .
(3) Lunéville a 10,961 habitants en 1793, - 9,427 en 1801 - 12,378 en 1827, Arch. de Lunéville, F, 9; Marchal, Histoire de Lunéville, p. 84.
(4) Règlement de police du 15 juin 1772. Arch. de Lunéville, FF, 16.
(5) Ce droit fut de 30 fr., de 1590 à 1617, de 40 fr., de 1618 à 1701. Il parait avoir été supprimé pendant quelques années et réduit, en 1710 à 10 fr. Avant 1710, il était presque entièrement perçu au profit de la ville. Ibid., DD, 17 ; FF, 34. - Le franc barrois était une monnaie de compte fort en usage, valant 8 s. 6 d. 6/7 de Lorraine.
(6) Bibliothèque de Lunéville, fonds Piroux, n° 2.
(7) Déclarations du 10 juillet 1701 et du a décembre 1717. - Le droit de lever des taxes sur certaines denrées à leur entrée on ville n'avait été accordé d'abord que pour 6 ans; il fut indéfiniment prorogé. Arch. de Lunéville, BB, 5; Recueil des édits, ordonnances, etc., du règne de Léopold, H, 150.
(8) Il s'agit toujours, à moins d'indication contraire, de livres de Lorraine; la livre de Lorraine ne valait que 15 s. 6 d. de France. C'est seulement le 6 janvier 1792 que le conseil général de la commune de Lunéville arrêtait qu'à l'avenir «  la comptabilité serait présentée en argent au cours du royaume, et que toutes les adjudications qui auraient lieu seraient à ce titre, quand bien même elles n'en feraient pas l'énonciation » . Arch. de Lunéville, D, 1-6, f° 31.
(9) Ibid., DD, 2-2.
(10) Le jour avait 250 verges ou toises carrées, et se divisait en 10 ommées.
(11) Les pressoirs banaux avaient été adjugés, en 1783, pour 306 l. 16 s. B d. Arch. de Lunéville, CC, 30.
(12) Ibid., DD, 2-3.
(13) En 1788, ces retenues s'élèvent à 561 l. 4. s. 7 d, lbid.,.CC, 30.
(14) Le droit de four des pâtissiers et boulangers rapporte, en 1788, 143 l. 19 s. 9 d.; la location des boucheries, 734 l. - Les boulangers et pâtissiers devaient primitivement donner à la ville, chaque année, 2 livres de cire, évaluées à 3 l. de France par délibération des officiers municipaux du 29 novembre 1787. Ibid., CC, 30 et 122.
(15) Le budget des dépenses comprend 121 articles : traitement des officiers municipaux et des cinq sergents de ville, vingtièmes pour les biens patrimoniaux (678 l. 18 s.), imposition pour la banalité des fours et des pressoirs (952 l. 17 s.), entretien de la maison dos orphelins (20,100 l.), etc. Ibid., CC, 30.
(16) Ibid. - Cf. Abbé Mathieu, L'ancien régime dans la province de Lorraine et Barrois, p. 243.
(17) A savoir 18,058 l. 11 s. pour les maisons et héritages, et 1,472 livres pour les corporations. Compte de M. Benoist, receveur particulier. Arch. de Meurthe-et-Moselle, B, 10-481.
(18) Bibliothèque de Lunéville, fonds Piroux, 20.
(19) On cultivait surtout les pommes de terre blanches, qui se vendaient, prix moyen, 5 l. le résal ; les rouges valaient presque le double. Ibid.
(20) Arch. de Lunéville, CC, 30 et 34.
(21) Durival, Description de la Lorraine et du Barrois, II, 71.
(22) Cf Abbé Mathieu, L'ancien régime dans la province de Lorraine et Barrois, p. 222.
(23) Charles-Just, maréchal de Beauvau, fils de Marc de Beauvau (prince de Craon), naquit à Lunéville le 10 septembre 1720; colonel des gardes de Stanislas, il servit comme volontaire dans l'armée française pendant la campagne de Bohème (1742), fut nommé en 1777 commandant d'une division militaire et devint gouverneur de la Provence en 1782 et maréchal de France en 1783. L'Académie française lui avait ouvert ses portes en 1771. Il mourut en 1793.
(24) Almanach. de Lorraine et Barrois, 1789, p. 80.
(25) Durival, II, 78.
(26) Almanach de Lorraine et Barrois, 1789, p. 97.
(27) Les charges d'échevins, érigées en offices en 1771, furent rachetées par la ville. L'échevin était nommé par le roi; avant d'entrer en fonctions, il devait prêter serment entre les mains du maire et faire attester par deux bourgeois honorables qu'il était un homme de bonne vie, mœurs et religion catholique, apostolique et romaine ». Arch. de Lunéville, BB, 24 (réception de Conigliano, 30 août 1787).
(28) Recueil des ordonnances et règlements de Lorraine, XlI, 512.
(29) Il était maire depuis 1772.
(30) Almanach de Lorraine et Barrois, 1789, p. 118.
(31) Le bailliage siégeait le lundi et le vendredi, la maitrise des eaux et forêts le samedi, la municipalité le mercredi.
(32) La fourrière de Stanislas occupait à peu près la partie de la rue Banaudon comprise entre la place Léopold et la rue des Bosquets.
(33) Arch. de Lunéville, BB, 21, f° 284
(34) Ibid. - Les halles seules furent construites en 1789; elles ont disparu en 1882, lors de l'agrandissement du collège communal.
(35) Mémoire sur l'inaliénabilité des pâquis communaux de la ville de Lunéville; Lunéville, 1789i in-12 de 12 pages. (Communiqué par M. Léon Le Brun, avocat à Lunéville.) - Ce mémoire est sans doute du lieutenant de police Piroux, ennemi acharné de Lanière, et que celui-ci traitait, dans une lettre du 22 avril 1786, de «  lâche imposteur, vil calomniateur », etc. Arch. de Meurthe-et-Moselle, C, 210-211.
(36) 2 novembre 1786. Arch. de Meurthe-et-Moselle, C, 208-209 ; Arch. du Lunéville. BB, 21, f° 32.
(37) Délibération du corps municipal du 9 septembre 1784. Arch, de Lunéville, BB, 21, fos 14 et 15. - Ces réparations étaient demandées par les gendarmes rouges, alors en garnison à Lunéville.
(38) Les dépenses afférentes à la ville s'élèveront à 4,162 l. 4 s., cours de France. Arch. de Lunéville, DD, 20. - M. l'abbé Mathieu a écrit (Ancien régime, p. 332): «  A Lunéville, on travaille même le dimanche au rétablissement de la comédie, et on ne trouva d'argent ni pour les pavés, ni pour les fontaines. » On voit que la responsabilité de ces travaux n'incombe pas aux officiers municipaux de Lunéville.
(39) Arch. de Lunéville, FF, 16.
(40) Règlement de police du 25 juin 1772. Ibid.
(41) Ibid.
(42) Le règlement du 27 novembre 1754 avait réduit les chaises à porteur à 16, et défendu aux porteurs de «  se présenter pour le service du public étant épris de vin » . La course coûtait 6 sols lorsqu'on ne dépassait pas les ponts, 10 sols au delà des ponts et dans les faubourgs; la nuit, on donnait un sol de plus en été, et 2 sols en hiver, à charge par les porteurs de se pourvoir de lanternes. Ibid., HH, 2, fo 22. (Voir sur les chaises à porteur à Nancy et à Lunéville, l'Annuaire de la Meurthe, 1856, p. 3.)
(43) Le corps municipal avait d'abord fixé au 15 novembre 1771 l'adjudication de l'entretien et de l'allumage de 470 lanternes placées en ville et dans les faubourgs; mais «  la caisse de la ville étant absolument épuisée », l'adjudication fut remise au 1er novembre 1772. Arch. de Lunéville, DD, 21 .
(44) Règlement de police du 22 janvier 1755. Ibid., PF, 16. Ce règlement forçait aussi les propriétaires à établir au moins une cheminée dans chaque appartement.
(45) Arch, de Lunéville, DD, 17.
(46) Il y avait, en 1789, 24 propriétaires étrangers à la ville.
(47) Pendant les premières années de son administration, M. Lanière avait négligé de retirer cette rétribution accordée à ses prédécesseurs. Le 15 novembre 1775, le corps municipal l'autorisa à toucher une somme de 486 l. 10 s. représentant les arrérages qui lui étaient dus pour 3 années et 8 mois. Arch. de Lunéville, BB, 191 fo 77.
(48) Règlement de police du 25 juin 1772. Arch. de Lunéville, FF, 16.
(49) Le corps municipal demandait déjà en 1739 la suppression de cet impôt lourd et vexatoire. Ibid., FF, 7.
(50) Guerrier, Annales de Lunéville, p 77. Le 23 mai 1741, une émeute éclatait déjà à Lunéville «  à la vue de quelques voituriers qui y étaient venus pour acheter du blé chez des marchands ». Arch. de Meurthe-et-Moselle, C. 433.
(51) Règlement de police du 25 juin 1772.
(52) Les revendeuses doivent porter «  la manche jaune marquée de trois croissants ». Règlement du 25 juin 1772.
(53) Cf Lepage, Les Communes de la Meurthe, t. I, p. 644-665.
(54) Dans ce nombre n'étaient pas comprises les veuves qui tenaient boutique ouverte.
(55) Arch. de Lunéville, HH, 17.
(56) Le premier détachement de la gendarmerie arriva à Lunéville le 13 novembre 1766; une garde bourgeoise avait été établie après la mort de Stanislas pour veiller à la conservation du château. Arch, de Lunéville, DD, 18.
(57) Cf. lsnard, La Gendarmerie de France. Strasbourg, 1781, in.8° de 86 p.; A. Benoit, Les Gendarmes rouges à Lunéville, Lunéville, 1892, in-12 de 66 p.
(58) Nancy, chez veuve Leclerc; à Lunéville, chez Chenoux, libraire de la gendarmerie.
(59) Soie jonquille (Écossais), violet (Anglais), vert (Bourguignons), feuille-morte (Flandre), rouge -ponceau (Reine), bleu céleste (Dauphin), bleu (Berry), vert d'eau (Provence), cramoisi (Artois), souci (Orléans).
(60) Castries (Charles-Eugène-Gabriel de la Croix, maréchal de), né le 25 février 1727, fit ses premières armes au régiment du Roi-infanterie, combattit à Dettingen en qualité de mestre de camp du régiment du Roi-cavalerie. Brigadier en 1748, puis maréchal de camp, et, en 1759, mestre de camp général de la cavalerie, il se signala dans la guerre de Sept ans et battit le duc de Brunswick à Clostercamp. Ministre de la marine en 1780, il fut nommé maréchal de France en 1783. Il émigra pendant la Révolution et mourut en 1801.
(61) Autichamp (Mis Jean-Thérèse-Louis de Beaumont d'), né à Angers en 1738, entra à onze ans au régiment du Roi, fit, comme aide de camp du maréchal de Broglie, son parent, les premières campagnes de la guerre de Sept ans, en Allemagne, devint brigadier en 1770, maréchal de camp en 1780. Il commanda, pendant la Révolution, l'avant-garde de l'armée des princes, servit en Russie de 179 7 à 1815 ; revenu en France, il fut nommé gouverneur du Louvre. Il mourut à Saint-Germain en 1831.
(62) Castries (Armand-Charles-Augustin, duc de), né en 1756, fit la guerre d'Amérique à la tête d'un régiment, fut créé brigadier en 1782, maréchal de camp en 1788. Il émigra pendant la Révlution; à son retour en France, Louis XVIII le nomma pair et gouverneur de la division militaire de Rouen. Il mourut en 1842.
(63) Art. 13 de l'ordonnance du 24 février 1776. D'Isnard, p. 76.
(64) Les compagnies de Berry et d'Orléans furent supprimées et les gendarmes incorporés dans les huit autres.
(65) C'était le capitaine de la première compagnie.
(66) Le commandant en second était en même temps capitaine de la deuxième compagnie.
(67) D'Isnard, p. 68.
(68) Lettre du 20 février 1788. Nous en devons communication à l'obligeance de M. Léon Le Brun, avocat à Lunéville.
(69) Bibliothèque de Lunéville, fonds Piroux, 19. - Les papiers du lieutenant de police Piroux, conservés à la bibliothèque de Lunéville, contiennent des renseignements précis, et pas toujours édifiants, sur la vie privée des gendarmes rouges : M. Benoit en a donné quelques extraits dans sa brochure citée plus haut (les Gendarmes rouges à Lunéville, p. 57-64).
(70) Arch. de Lunéville, AA, 4.
(71) Albert, Recueil de faits pour servir à l'histoire militaire du corps des carabiniers (manuscrit de la bibliothèque de Lunéville, p. 59). - Ce manuscrit a été récemment publié, en partie du moins, dans la Revue de cavalerie.
(72) Albert, Ibid., p. 56 et 64.
(73) Doléances des manouvriers de la ville de Lunéville. Arch, de Lunéville, AA, 4.
(74) Voyages en France, trad. Decasaux, Paris, 1793, t. 1, p. 409.
(75) Elle était installée dans un local dépendant anciennement de le commanderie Saint-Georges et occupé aujourd'hui par l'école des sœurs de la rue de la Charité. La maison de Charité est devenue, en 1818, le bureau de bienfaisance.
(76) Stanislas donna 38,139 livres à la maison de Charité. Recueil des fondations et établissements faits par le roi de Pologne, duc de Lorraine et de Bar, p. 62-68.
(77) Arch. de l'hôpital de Lunéville.
(78) Stanislas fit don à la maison des Orphelins d'une somme de 22 ,000 l. Recueil des fondations, p. 197-198.
(79) Arch. de Lunéville, FF, 21.
(80) lbid., AA, 4.
(81) lbid., CC, 30.
(82) Le faubourg de Viller ne fut réuni à Lunéville qu'au commencement du XVIIIe siècle. - Sur l'hôpital Saint-Jacques de Lunéville, voir l'Étude de M. le Dr Paulin, Lunéville, 1892, in-8° de 81 p.
(83) Pouillé ecclésiastique et civil du diocèse de Toul, 1711, p. 190.
(84) Durival, Description de la Lorraine et du Barrois, II, 7 5; Rec. des édits. ordonnances, etc., du rèqne de Léopold Ier, III, 16 et 18.
(85) Recueil des fondations, p. 59-62.
(86) Arch. de l'hôpital de Lunéville.
(87) Lepage, Sur l'organisation et les institutions militaires de la Lorraine, p. 321, note.
(88) Ibid ., p. 334.
(89) Lepage, Les Communes de la Meurthe, I, 669 ; Recueil des fondations, etc., p. 718.
(90) Arch. de Lunéville, P, 14.
(91) Ibid.
(92) Dans la maison qui est aujourd'hui le n° 47 de la Grande-Rue.
(93) Durival, Il, 74; Lepage, I, 675.
(94) Recueil des fondations, p. 79 et 195. - C'est dans l'église des Minimes que l'on vit, jusqu'à la R6volulion, le petit monument en forme de pyramide - déposé aujourd'hui au musée de la ville - élevé en l'honneur de Bébé, le nain de Stanislas.
(95) Arch. de Lunéville, DD, 17.
(96) Ibid., p. 14.
(97) Lepage, I, 677, Arch. de Lunéville, p. 14.
(98) Arch. de Meurthe-et-Moselle, H, 935.
(99) Requête du 14 avril 1707. - Arch, de Lunéville, FF, 14.
(100) Durival, II, 76.
(101) Recueil des fondations, p. 169 et 170.
(102) Arch. de Lunéville, p. 4. - Cf. Inventaire des tableaux provenant des Carmes de Lunéville dans le Journal de la Société d'archéologie lorraine, 1876, p. 64.
(103) Cf. Les Monastères de l'ordre de Saint-Benoît en Lorraine, par H. d'Arbois de Jubainville, dans les Mémoires de l'Académie de Stanislas, 1887, p. 71.
(104) Arch, de Lunéville, p. 14.
(105) Par la convention du 11 juillet 1712, Léopold accorda aux religieuses une indemnité de 15,000 livres tournois, Arch, de Meurthe-et-Moselle, B. 769.
(106) Il reste de es couvent le bâtiment situé au coin des rues Girardet et de l'Hôpital, occupé naguère par le mont-de-piété et dépendant aujourd'hui de l'hôpital.
(107) Durival, II, 74.
(108) Délibération du corps municipal du 15 septembre 1691. àrcb, de Lunéville, BB, 4, fo 47.
(109) Ibid., p. 14.
(110) C'est aujourd'hui le n° 45 de la Grande-Rue.
(111) Lepage, II, 676.
(112) La supérieure était Marie-Françojse Bevalet.
(113) Les Chanoines de Lunéville leur devaient 5,070 l.; ceux de Domèvre, 8,900 l.; et ceux d'Hérival, 16,000 1. Arch. de Lunéville, p. 4.
(114) En 1791, l'église des Carmes devint le centre d'une nouvelle paroisse au titre de Saint-Léopold. Les deux paroisses disparurent pendant la Révolution. Saint-Jacques fut érigée en église paroissiale en 1802; un décret du 20 juin 1849 a autorisé l'établissement d'une nouvelle paroisse au titre de Saint-Maur.
(115) Pouillé du diocèse de Toul, 1711, p. 189; abbé Mathieu, p. 141.
(116) Arch. de Lunéville, p. 14 ; Lepage, I, 671.
(117) Lepage, I, 672. - Les recettes de la confrérie du Purgatoire s'élèvent pour huit ans, de 1729 à 1730, à 2,257 fr. et les dépenses, à 1,898 fr. Arch. de Lunéville, GG, 102.
(118) Arch. de Lunéville, BB, 12, f° 164.
(119) Recueil des fondations, p. 69.
(120) Ibid., p. 73.
(121) Le 10 mai 1719 le corps municipal charge le R. P. Henry, capucin, de prêcher, «  ... M. le curé de la paroisse n'ayant trouvé à propos, sans doute, de venir à la séance... » Arch. de Lunéville, BB, 7, f° 132.
(122) Ibid., BB, 21, fos 17, 19, 20, 22 et 27; GG, 904.
(123) Ibid., GG, 201.
(124) Lévy, Notice sur les Israélites du duché de Lorraine, Paris, 1885, p. 17.
(125) Arch. de Meurthe-et-Moselle, C, 356.
(126) Ibid. - En avril 1788, les 113 familles juives de Lunéville demandent la permission de se choisir un rabbin.
(127) Arch. de Lunéville, D, 1-6, fos 7 et 11. - C'est le cimetière juif actueI.
(128) Ibid., AA, 4.
(129) Ibid., D, 1-5, fo 66.
(130) lbid., CC, 11 ; BB, 4, fo 24.
(131) Rec. des fondations, p. 40 et 94.
(132) Ibid., 77 et 94
(133) Arch. de Meurtne-et-Moselle, C. 210-211. - En 1789, les frères avaient 460 élèves . Arch. de Lunéville, F, 9 .
(134) Ibid., FF, 15.
(135) Ibid., F, 9.
(136) En 1631, on octroya aux Chanoines réguliers, sur les revenus de la confrérie de l'école, 200 fr. «  en reconnaissance des peines qu'ils prennent à enseigner et instruire la jeunesse ». Ibid., GG, 207, fo 159. - Voir aussi Maggiolo, Collèges dirigés en Lorraine par les Chanoines réguliers de Notre-Sauveur, de 1623 à 1789, dans les Mémoires de l'Académie de Stanislas, 1885, p. 150.
(137) Arch. de Lunéville, BB. B, fo 122; BB, 9, fo 8.
(138) Le corps municipal chercha en vain à se soustraire à celte charge. Ibid., BB, 9, fo 19.
(139) lbid., DD, 16. - Le sceau du collège portait, dans le champ de l'écu, un Sauveur bénissant. Voir Journal de la Société d'Archéologie lorraine, 1873, p. 116.
(140) Arch. de Lunéville, DD, 1 B.
(141) Ibid., DD, 18; FF, 23, fo 56.
(142) Rec. des fondations, p. 77; Arch, de Lunéville, CC, 26, fo 105.
(143) Almanach de Lorraine et Barrois, 1789, p. 58; Arch. de Lunéville, F, 9. - La ville donnait chaque année de 60 à 70 livres pour l'achat des livres distribués comme prix aux écoliers méritants (69 1. 15 s. en 1788).
(144) Cf. abbé Mathieu, L'Ancien régime dans la province de Lorraine .et Barrois, p. 954 et suiv.; de Lavergne, Les Assemblées provinciales sous Louis XVI, p. 271-283.
(145) Arch. de Meurthe-et-Moselle, L, 7.
(146) L'abbé Mathieu, p. 993 et suiv.
(147) Cette assemblée siégea du 15 au 24 octobre; elle ne devait plus se réunir ; seul le bureau intermédiaire siégea jusqu'au mois de juillet 1790.
(148) L'assemblée demandait que les députés des ordres privilégiés fussent nominés à raison de 4 pour le clergé et de 6 pour la noblesse; elle terminait sob adresse en disant qu'elle attendait «  de la justice du roi » la convocation des États provinciaux.
(149) Il s'agit de la première assemblée des notables convoquée en 1787, et qui avait sanctionné l'édit sur les assemblées provinciales.
(150) Arch. de Lunéville, AA, 4.
(151) Procès-verbal de l'assemblée des trois ordres tenue en l'hôtel de ville de Nancy du 20 janvier 1789, brochure de 32 p. in-4°. Bibliothèque de Nancy.
(152) Arch. de Lunéville, BB, 25.
(153) Ibid.
(154) Ibid., AA, 4. - Le cahier de l'ordre de la noblesse de Lunéville a été imprimé dans les Archives parlementaires (Mavidal et Laurent), 1re série, t. IV, p. 84-86.
(155) Art. 15 du cahier du Tiers état de Lunéville.

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