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L'archiprêtré de
Sarrebourg au XVIIe siècle - Avricourt
Revue
ecclésiastique de Metz; études de théologie, ... Annee 27-28
(1920-21).
L'archiprêtré de Sarrebourg au XVIIe siècle
d'après quelques documents de l'époque
AVRICOURT
Die septima Octobris 1603.
Ecclia est sub Invocatne strum Fereoli et Feruci. Collatores D. D.
de Ogiviller, pastor Nicolaus Dieudonné. Altare majus est stratum,
sigillum est ablatum - non habent missale novum, habent tres calices
unum argenteum. Asservatur Sum Sacratum in ciborio stanneo
Involvatur Sum Eucharistiae Sacratum in corporali novo mundo.
Claudatur ciborium ancula. Sacrae unctiones in vasis ex stanno
claudantur vasa comparent novam monstrantiam. Fontes lapidei intus
lebes cum operculo. Duo alia altaria sunt exsecrata, sunt strata,
ablata sunt sigilla. Non utatur casula nigra nisiprius resarciatur.
Comparent duo corporalia nova, reficiatur tabulatum,
auferanturcistae ex Ecclesia, parent calicem novum ex stanno.
Reficiantur fenestrae, fiant portae in coemiterio.
La collation de la cure appartient à la famille d'Ogéviller.
Cependant, la paroisse n'est pas exclusivement de la juridiction d'Ogéviller.
Elle est partie de Lorraine et partie de l'Evêché, respectivement de
France et, à ce titre, du comté de Réchicourt. Mais l'église, le
presbytère et le gibet sont en Lorraine et, de ce chef, les
seigneurs d'Ogéviller sont seuls seigneurs haut-justiciers et
collateurs d'Avricourt ; ceux de Réchicourt ne sont que seigneurs
fonciers en la partie d'Evêché puis France. De quelque côté que se
présentât le nouveau titulaire du bénéfice, il apercevait sa
paroisse dans l'horizon étrange du cadre de deux gibets, faisant
acolytes au clocher de l'église : celui d'Ogéviller pour tout
Avricourt, près de l'église de la gare d'Igney, et celui de
Réchicourt pour Réchicourt et Moussey sur la colline en face, au
haut de Linchamp. Les désignations cadastrales, la Potence, le
Poteau, la Fosse, en perpétuent encore aujourd'hui le souvenir.
Cette question de topographie de la maison curiale, de l'église et
du gibet joue alors dans bon nombre de nos paroisses un grand rôle
dans les transactions de l'époque. En cas de besoin d'argent - et ce
cas était endémique, - on gagera, on aliénera tout, mais pour autant
que ce sera possible, on exceptera toujours le gibet et la collation
de la cure. C'étaient là, en effet, les deux symboles les plus
expressifs et les plus lucratifs de la seigneurie, savoir : le droit
de vie et de mort d'une part et le droit de collation de la cure
d'autre part. Celui-là rapportait bon an, mal an « des espaves et
confiscations », le tout pretio estimabile, diront les tabellions du
Seigneur, en notant, comme c'est le rôle d'un notaire, « toutes
robes, tous chapperons, toutes cottes, tous couvre-chefs » et tout
le bric-à-brac plus ou moins ébréché et bancal du meublant. Celui-ci
assurait pour une bonne part les dîmes grosses et menues. A
Avricourt, les collateurs possèdent les deux tiers, le curé ne jouit
que d'un tiers et ce, uniquement dans l'étendue du finage de
Lorraine. En mémoire de feu « messire Nicolas Boulanger vivant curé
du dict Auricourt escrit et signé de sa main ainsi que les anciens
bourgeois ont lit et recognu faict l'an mil six cent et douze »
déclare : « Il (le curé) a la thierse dans les menues dixmes
d'agneaux couchons ling chanvre et autre contre les seigneurs
dixmiers. Celui qui doibt le dixme d'agneaux et couchons a le droit
pour choix d'en eslire deux qui seront neanmoing compris dans ce
qu'il debvera de dizaine. Item que pour le dixme des vaches, le
veaux toreaux doibvent chacun trois deniers et les genisses deux
tant au sieur curé qu'aux seigneurs dixmiers. Cette rente est chue a
chacune St Georges. Item que le dixme des meix et jardins du Breu
(le Brolium de l'Auiaca villa cum ecclesia inibi constructa du VIII
siecle) appartient entièrement au sieur curé qui sont présentement
réduits en terre labourable pouvant comter environ de cinq jours
trois quarts. Item que le maire des seigneurs d'Ogiéviller doibvt
annuellement payer deux poules au Sr Curé à la St Martin. Item que
le maire doibt aussi annuellement le dixme du foin du prey du Breu
qu'il tient des seigneurs a cause de son office lui estant loisible
de prendre pour son dixme de l'argent ou bien du foin. Item qu'il
est loisible au Sr Curé de nourir et mener dans les bois du seigneur
Comte de Linange autant de porcqs qu'il lui plaira sans payer l'avêne
des bois à cause des services qu'il est obligé de dire à Richecourt
comme l'ancienneté (Encore une ancienneté à retenir). Item que le
dit Sr Curé n'est obligé de fournir un toureau ni un cheval ains
seulement le porcq masle avec lequel il a un porcq franc du garde ».
- Voilà ce qui s'appelle en l'espèce la portion congrue du sieur
curé d'Avricourt Lorraine. Le fait est assez singulier. La partie la
plus considérable de la paroisse est d' Evêché de France, donc de la
seigneurie de Réchicourt. Le curé la dessert et il n'en tire
cependant aucune dîme. Au siècle suivant, à l'occasion du défrichage
en cette partie d'une forêt, le curé essaye bien de faire appliquer
à ces terrains la règle des terres novales. Il expose qu'il « est
extrêmement lézé de ce qu'étant curé d'Avricourt on le frustroit de
la dixme sur les terres qui sont du domaine de France ». « Je suis
curé de A. partie France et partie Lorraine, la première de soixante
et dix ménages, l'autre quarante-huit. Ces deux parties font deux
communautés distinctes séparées : chacune a son maire, son ban, son
finage. L'Eglise et le clocher sont communs a tout le village. Les
deux communauté sont également contribué à la réédification du
presbitère, de la tour de l'Eglise. Je ne tire rien deus les dixmes
de quelle nature elles puissent être sur le finage de la communauté
de France ny desserte. Le ban ou finage de la partie de France était
cy devant une forest qu'on a commencé a défricher depuis environs
cinquante ans. Votre Excellence sera peut être étonnée que mes
prédécesseurs n'ayent pas réclamé et soient demeurés tranquilles sur
cet objet. La raison en est que lors du défrichement des terres dont
il s'agit, le titulaire était infirme de corps et d'esprit. Celui
qui lui succéda voulut remuer, mais une longue maladie dont il
nourut l'empêcha de suivre ses droits. Un troisième à qui je
succède, peu intelligent dans les affaires, se rendit aux avis du
procureur d'office de Réchicourt. Si on ajoute à cela que pendant un
nombre considérable d'années, la dixme entière ne valait pas dix
écus, il ne sera plus étonnant qu'on l'ai si aisément abandonnée. »
Non, ses prédécesseurs ne l'avaient pas abandonnée. Ils n'avaient
pas trop réclamé parce que « d'ancienneté », ils ne recevaient rien
et n'avaient rien à prétendre. Et pour cause : la question de droit
remontait « d'ancienneté » au VIIIe siècle. Il n'avait d'ailleurs
qu'à regarder le plan topographique de la paroisse tel qu'il se
trouve encore aux archives de Nancy. La ligne du tracé de la
frontière France Lorraine passe tout contre la tour de l'église,
laquelle est dessinée à pic sur la pointe du clocher pour pouvoir
demeurer en deçà de la ligne de Lorraine.
Ce dualisme politique ne simplifiait pas le ministère du curé. A un
moment donné, les actes le Lorraine sont libellés en français ; les
actes de France-Réchicourt-Linange, en allemand. Le curé doit
posséder les deux langues, et le bilinguisme local le fait dé signer
comme socius du visiteur de l'archidiaconé dans les parties
allemandes de Sarrebourg, du Palatinat et de la Sarre. L'archidiacre
se fie nécessaire ment à son traducteur d'office et suppose que son
compagnon ne dit pas le contraire de son mandat. « Nous n'avons pu en
cette église (Bruderdorff) interroger que deux ou trois enfants,
parce que la plupart ne scavent pas le françois mais nous avons prié
le sieur archiprêtre (M. Le Grand, curé d'Avricourt) d'interroger et
les enfants et les grandes personnes en allemand, et il nous a
assuré qu'ils ont encore beaucoup de religion, de docilité, de piété
et de déférance aux ordonnances de Monseigneur en toutes choses ».
Nos anciens ne nous ont-ils pas raconté qu'au temps où
l'archidiaconé de Château-Salins était du diocèse de Nancy, Mgr
Foulon dut parfois recourir à un interprète bilingue et qu'il eut
des fois l'impression que les paroles de son traducteur ne
provoquaient pas sur le visage des auditeurs du canton d'Albestroff
le contentement qu'il prévoyait ? Quoi d'étonnant! L'évêque faisait
des compliments ; le traducteur grondait en son nom. L'évêque
donnait raison à une municipalité, le curé traducteur ne se donnait
pas tort. Voilà pour la langue.
Pour les fondations, il ne fallait pas que les biens fussent situés
en l'une et l'autre juridiction, sinon, sous peine de nullité, il
fallait se faire autoriser et en Lorraine et en France et payer,
cela va de soi, doubles droits. De là, et des retards dans
l'approbation et des frais sans fin. Pour l'entretien de l'église et
les réparations les plus urgentes, c'était la même difficulté.
Lorraine et France mettront soixante ans à se mettre d'accord sur
les modalités de l'exécution d'une grosse réparation. Pendant ce
temps, l'autorité diocésaine mettra en interdit l'église et le
cimetière adjacent; les mariages seront publiés à Blâmont, à
Ogéviller, et les enterrements se feront à Igney, à Amenoncourt, à
Leintrey. C'était assez loin pour les porteurs, car les chemins de
communication n'étaient pas carrossables.
Ce dualisme politique était tellement rigoureux que de 1514 à 1625,
aux archives de la seigneurie de Réchicourt, il y avait une liasse
spéciale pour « les papiers concernant une difficulté avec les
co-seigneurs d'Avricourt, Lorraine au sujet de l'entrée des
habitants de France en Lorraine ». Pour passer d'une juridiction
dans l'autre, il fallait « tourner la thuile » Ou encore « se
contremander ».
Cette procédure était des plus pointilleuses ; l'inexécution d'une
formalité quelconque entraînait la confiscation du tout, et il ne
fallait plus jamais songer à passer dans une autre seigneurie. Pour
commencer, il fallait dépendre la crémaillère et ne plus faire de
feu sur l'âtre, puis renverser les meubles de telle sorte qu'ils ne
fussent plus en leur position d'usage ; il fallait délier les bêtes
blanches et rouges de la crèche et les laisser vaguer : il fallait
sortir de la maison, n'y rentrer que pour donner provende aux bêtes,
ne point être vu dans la demeure de France après le coucher du
soleil, à aucun moment s'y asseoir. Et cela pendant la durée de
toute une année à compter du jour où au maieur de France on faisait
sa déclaration de contremand, de tournethuile pour descendre en
Lorraine. Les gens de justice faisaient bonne garde, à moins que des
pots de vin pour eux et « encore trente un sol pour épingles à la
femme du prévot » n'endormissent leur vigilance. Il faut croire
qu'il faisait meilleur vivre en Lorraine et qu'on y payait moins
d'impôts, car les tournethuile se rencontrent fréquemment.
Le curé avait ainsi deux sortes de paroissiens aux offices, ce qui
maintes fois le gênait. Il ne pouvait, comme ses confrères,
proclamer au prône les ordonnances de l'un et l'autre des seigneurs,
ni autoriser après l' « lte missa est » l'un ou l'autre des deux
maires à se lever pour convoquer les gens sous « lô mât », le
tilleul devant l'église. Pour les ordonnances de Réchicourt,
l'église était topographiquement en Lorraine, donc d'Ogéviller. Pour
les affaires d'Ogéviller, une partie des auditeurs étaient de la
juridiction de Réchicourt, donc pas sujets. L'office terminé, le
maieur de Lorraine attendait donc ses administrés à la sortie, les
réunissait au cimetière sous le tilleul près de la croix des saints
patrons et y tenait sa séance de communauté de Lorraine.
A leur tour, ceux d'Évêché-France s'en allaient sans dire mot,
devant la maison du maieur d'Évêché France y tenir leur séance de
communauté.
Il y avait là une grave question de validité, car certaines
ordonnances demandaient trois publications au prône suivant le
prescript de la coutume. Après la dernière des dites publications,
on « laissait couler la huitaine », puis les sanctions suivaient
leur cours. Les corvéables et censables se riaient de ces rigueurs à
Avricourt, parce que leur curé n'avait rien dit, ne pouvait rien
dire au prône.
Il ne fallut rien moins qu'un arrêt de la Cour des comptes de Metz
pour permettre, en février 1720, la publication des aveux et
dénombrement du comté de Réchicourt et de la baronnie de Marimont «
devant la maison du maire d'Avricourt-France, attendu que l'église
paroissiale est située en la partie de Lorraine ». Cette maison du
maieur de France est la maison qui fait le coin de l'intersection de
la route de Moussey avec la rue de la Chapelle. Elle est encore
aujourd'hui caractérisée par une niche avec vierge et cette
inscription très particulière : Reyne de Paix Mère de Dieu Ayiez la
Garde de ce lieu 1684. Les ordonnances à lire au prône par le sieur
curé n'avaient pas toutes pour objet « quantité de cens tant en
chapons poulles qu'autrement. lesquels n'auraient pas estés
acquittés depuis un fort long temps pour faire commandement d'y
satisfaire et dire qu'après la dicte huitaine coulant après la
troisième publication, l'héritage censable est saisy et réuny au
domaine du seigneur ». On trouve mention d'ordonnances seigneuriales
dont l'objet intéresse les bonnes vies et chrétiennes mœurs des
sujets. Il est dit : « Les sieurs curés liront à leurs prônes, deux
fois l'année, les ordonnances du Roi (paroisses de France) qui
défendent la fréquentation des cabarets dans les lieux où on fait
résidence et surtout aux jours de Dimanche et de Fètes. Pendant le
cours de l'année, ils veilleront à ce que les gardes-cabarets
s'acquittent fidèlement de cette charge. Et si malgré ces sages pré
cautions, il arrive que des paroissiens violent souvent les défenses
de l'Église et du Souverain à cet égard, on ne manquera pas de
réserver à Pâques la confession de ces Profanateurs des jours
saints. » Réserver à Pâques signifie sans doute refuser
l'absolution.
Dans nos difficultés de ministère d'après guerre, il nest pas sans
intérêt de faire des approchements entre notre époque et celle qui
suivit la guerre de tente ans. qui en notre Lorraine dura, à dire
vrai, cinquante-trois ans.
« Une fois l'année, les sieurs curés, pour prévenir un abominable
genre de scandale qui excite les gémissements et l'indignation de
tous les bons chrétiens, liront à leurs prônes l'ordonnance du Duc
Léopold concernant les Filles ou veuves qui recèlent leurs
grossesses ». La recherche de la paternité est de droit. In dolore
partus, la matrone dûment assermentée, le maieur, le syndic et deux
échevins lui poseront d'office la question. M. le Curé inscrira
l'enfant en ajoutant qu'il est venu « des œuvres d'un soldat » en
précisant, à défaut du nom, le régiment et lieu de garnison, ainsi
que l'occasion de la rencontre. Dans la suite des actes religieux de
l'époque, il est facile de se retrouver: les décès sont marqués
d'une croix, les baptêmes d'un poupon emmailloté.
Les concubinages sont également à l'ordre du jour, et l'objet d'une
ordonnance.
« Comme il arrive quelquefois que des inconnus viennent s'établir
dans les paroisses avec des concubines qu'ils supposent être et font
passer pour leurs femmes, nous ordonnons aux sieurs curés de faire
présenter à tout étranger en ce cas, des certificats de leurs
mariages signés des curés qui les auraient mariés et légalisés par
les seigneurs Evêques diocésains ou leurs vicaires généraux, sinon
d'en donner avis aux officiers des lieux pour procéder selon
l'exigence des cas et éloigner le crime et le scandale de la maison
de Dieu. »
Au lendemain d'une guerre, l'éclairage et le chauffage sont matières
rares et choses coûteuses. Une ordonnance, à lire chaque année dans
le courant du mois d'octobre, « considérant l'extrême misère qui,
dans ces temps calamiteux accable les peuples de la campagne »,
laisse « à la prudente condescendence des sieurs curés de permettre
chaque année les poëles ou ouvroirs, dans lesquels pendant l'hiver
plusieurs femmes et filles travailleront à la chaleur d'un seul âtre
et à la lueur d'une seule lumière, mais sous les conditions et
réserves indiquées par chacun curé». La lecture de l'ordonnance sera
faite « afin que ceux et celles qui transgresseraient les défenses à
cet égard ne peuvent prétexter leur ignorance, mais sentent leur
obligation de subir avec un coeur pénitent les peines qu'ils
encoureront ».
Ces ordonnances étaient corroborées et complétées au cours de la
tenue des « Plaids annaux, tenus en la haute justice partie de
Lorraine. et dérechef tous officiers maieur et échevins continués ou
créés, prêtaient serment de bien et fidèlement chacun à leur égard
faire les fonctions de leurs charges en honneur et conscience ». «
Tous vendans vin, - y est-il dit - sont tenus de fournir les vins
nécessaires pour les messes qui se disent dans l'église paroissiale
du dit lieu d'Avricourt, le tout à peine de cinq livres d'amende
pour la première fois, du double pour la seconde fois et plus grand
en récidive ». On ne dit pas si au cours du plaid annal, on les
assermentait à l'Évêché de Metz comme fournisseur de vin pour la
sainte messe. L'honnêteté d'alors donnait, sans doute, toute
garantie que le vin des vendans vin était vinum de vite.
« Le pain bénit se fournit chacun à son tour et il y a un pré pour
la fourniture du pain destiné au sacrifice, dit le pré des hosties
».
« La fabrique n'a point d'autres revenus que celuy des heritages qui
se recoit par les echevins. Ils sont au nombre de quatre, dont deux
sont pour le gouvernement de la fabrique et la provision des choses
nécessaires au service divin pour ce quoy satisfaire, outre le
revenu de la dite fabrique qui n'est pas suffisant, ils font une
levée authorisée par les maires et gens de justice lu lieu sur la
communauté. »
« Le curé se fera un point essentiel de son devoir d'avoir
l'inspection sur l'école ou il ira régulière ment tous les Samedys
pour y faire le catéchisme et voir ce qui s'y passe, et il ne
recevra pas de maître d'écolle qui ne soit porté à faire tous ses
devoirs. Il y aura une sage femme sermentée et instruite. Les
Religieux Carmes de Baccarat et les Cordeliers de Raon comme aussi
les pères Capucins de Blamont, diocèse de Toul ont prescrit le droit
de faire la quête tant au dit Avricourt qu'au voisinage. Les Carmes
déschaussés de Gerbevillé voulaient sy introduire il y a quelques
années quoique rentés, ils sont à empêcher. »
« Les anciens ont déclaré n jurant que le prey de Bettemanprey doibt
trois quarterons de cire au jour du rand Vendredy, et les deux
Nierres de terre en la Grande ruelle, doibvent une pinte d'huile.
Les échevins d'église rendront compte annuellement de la fourniture
d'environ trente cinq livres de cire pour le luminaire de toute
l'année. »
Tout est donc fort bien dit et prévu, en toutes ces ordonnances lues
au prône, en tous ces plaids annaux relus à haute voix devant toute
la communauté réunie sur le pré du Breuil. Mais à la lecture de
toutes ces prescriptions, il vous vient le désir de rechercher
quelque document contemporain qui expose la réalité de cet état
idéal. Le voici, sous la forme d'un Estat de la Paroisse d'Avricourt,
que présente Méssire Jean Le Grand, curé de ce lieu et archiprêtre
de Sarbourg à Monseigneur l'Illustrissime et Revérendissime Évêque
de Metz dans sa visite du dit Sarbourg, conformément au model que
son Excellence a fait dresser.
M. le curé écrit en1690: « Il y a deux cents et environ vingt cinq
communiants, cinquante neuf familles complettes y compris le maitre
d'écolle, la sage-femme et les pâtres. Il y a un marcaire calviniste
dans la maison de la Baronne y établi depuis deux ans par le sieur
Bouchart chef de cette maison, quoy que jamais il n'y ait habité
religionnaire dans cette paroisse.
Les superstitions et autres crimes notables sont bannis par la grâce
du Seigneur de cette paroisse.
Quelqu'effort que fasse le soubscrit pour en bannir le jeu de carte
il n'a sû en venir encore a bout de tout point, plusieurs
particuliers s'émancipent malgré ses avis et passent quelquefois des
nuits entières chez un nommé Jean Marchal tavernier leur fauteur et
refuge, qu'il a déja après plusieurs remontrances charitables,
menacé de l'entreprendre en justice, dont il ne tient conte. »
Messire Le Grand était pour sûr lui même réfractaire d'un Solo Tout.
« Il y a un jeune homme libertin, nommé Christophe Malnory qui
n'ayant d'autre profession que le jeu de carte et la chicane est la
source de tout le désordre qui se commet dans la paroisse au sujet
du jeu, étant celuy qui recherche, excite et entretient les autres
dans ce mauvais commerce et le dit Marchal luy donne ordinairement
retraitte, malgré les avis et menaces du dit soubscrit curé. -
Lesvalentines n'ont plus de lieu dans la paroisse ni les follies du
mardy gras.
Le soubscrit a toléré des assemblées nocturnes pour filer jusqu'à
présent mais avec des règles qui les excluent de l'occasion
d'offenser Dieu, les garcons n'y ont point d'entrée. Elles ne sont
qu'un petit nombre et toutes alliées ou parentes, les filles sont
avec leurs mères ou d'autres femmes d'honneur qui veillent sur leur
conduite. Elles sont chargées de faire la prière, chanter quelques
chansons spirituelles, les litanies de la Sainte-Vierge, de dire
quelque point de catéchisme.
On ne boit et on ne joue point impunément pendant les offices de
l'église. ll y a un petit moulin, qu'on appelle « écoute s'il pleut
! » qui ne tirant son avantage que de la pluye, son munier tâche
d'en profiter quand elle vient, même ès jours de fêtes et de
dimanches.
Il est malaisé que les pâtres puissent assister régulièrement tous
les dimanches au service divin, d'autant que le paturage est fort
éloigné du village. Je les ay exhortés de sy rendre le plus souvent
qu'ils pourront ce qu'ils font alternativement.
La messe et les vêpres se chantent aux heures réglées par les
Statuts - et fêtes et dimanches le catéchisme s'y fait à midy
jusqu'à une heure et demie, depuis saint Remy jusqu'au commencement
de la moisson. »
Dans ce qui précède, nous avons toute la vie préceptive d'une
paroisse. C'était vraiment une force pour l'autorité religieuse que
d'avoir l'appui de l'autorité civile. Or, celle-ci paraît avoir tenu
à faire respecter les préceptes de l'Église. Nous l'avons entendu
dire ci-dessus à M. Le Grand et voici à Avricourt et autres lieux un
fait complémentaire.
« En 1632-1633, par ordre de Charles IV, les habitants ont à fournir
aux régiments cantonnés à Saint Martin, Avricourt, Domepvre,
Verdenal, Petitmont, Autrepierre et Repaix, des rations de pain, de
vin, de chaire, sauf les jours maigres où il s'agissait de trouver
3760 rations de frommage « parce que on ne donnait pas le Wendredy
de chaire ».
Encore fallait-il y tenir la main. Le même curé écrit, dans
l'exercice de ses fonctions d'archiprêtre, que « la superstition des
Valentines, les danses entre personnes de différent sexe et autres
abus étaient fort en usage parmi les jeunes gens de M... et le sieur
curé de Neil, à la dernière visite du sieur archi prêtre faite le
jour de la fête du patron à l'issue des Vêpres, exprès pour arrêter
les danses publiques, fit paraître son mécontentement en sortant de
l'église. Ceci donna lieu à deux ou trois mutins auteurs de ces
danses de se récrier contre ce que le sieur archiprêtre venait de
dire, en opposant la permission qu'ils disent en avoir du chatelain
de Réchicourt. Mais le maire et d'autres notables firent des excuses
au dit sieur archiprêtre sur ce qu'ils n'avaient pas encore été bien
instruits sur cet article ». Cette fois ils l'étaient, car M. Le
Grand avaient parlé toute une demi-heure. Quant au sieur curé de
M..., l'archidiacre écrira à son sujet : « Ce curé de M... n'a nul
soin d'instruire - il permet aisément les danses. Si Monseigneur
voulait bien in cursu visitationis luy ordonner trois mois de
séminaire, cette pénitence pourroit le ramener à son devoir ».
J. PAULY.
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