Il n'est pas simple de
reconstituer les évènements qui se sont déroulés à Blâmont entre
l'invasion allemande du 8 août 1914 et la contre-attaque française
du 14 août. notamment parce qu'il règne une totale confusion durant
ces 7 jours. Mais lorsque la presse s'appuie sur les vérités connues
pour échafauder des récits romanesques, alors en arrive au récit
ci-dessous, qui invente une origine bien simpliste à l'attaque
française du 14 août 1914.
L'Illustré national
(similaire à l'Abeille de Seine-et-Oise)
1914 - N° 12
L'affiche
Depuis deux jours, les Allemands occupaient le village de Blamont,
en Meurthe-et-Moselle. Une partie des habitants avaient fui, mais
beaucoup, cependant, étaient restés. Il est vrai qu'ils ne dormaient
pas bien tranquilles, car les exigences et les menaces des
envahisseurs se faisaient d'autant plus fortes qu'ils se sentaient
moins en sécurité. Les troupes françaises, en effet, n'étaient pas
loin et ils ne l'ignoraient pas.
Cette nuit-là, un habitant de Blamont qui ne donnait pas s'était mis
à sa fenêtre; lorsqu'il entendit, tout près, un bruit de pas. Il
referma sa fenêtre, afin d'observer sans être vu, et il ne tarda pas
à voir surgir deux soldats allemands qui s'arrêtaient presque en
face de chez lui.
Malgré l'obscurité relative, il put voir l'un d'eux dérouler une
affiche, l'appliquer au mur, tandis que son compagnon, à l'aide d'un
pinceau à colle, la fixait. Intrigué, il les suivit attentivement du
regard et les vit disparaître au tournant d'une rue.
Que contenait cette affiche ? Pourquoi l'apposait-on à cette heure?
Il était à peine deux heures. Un sentiment de curiosité plus fort
que tout s'empara du Lorrain. Il savait que si on le voyait à cette
heure dans la rue, il avait tout à craindre; néanmoins, il voulait
savoir. Incapable de résister plus longtemps à son impatience, il
descendit et, sans bruit, se dirigea vers l'affiche. Sortant alors
une petite lampe de poche dont il s'était muni, il put lire. Un
frémissement le parcourut de la tête aux pieds. L'affiche annonçait
que dès le lendemain matin, le maire et les notables du pays, pour
des raisons aussi fausses que mal exposées, seraient fusillés...
Le Blamontois remit sa lampe dans sa poche et rentra chez lui... (A
suivre.)
1914 - N° 13
L'affiche. (Suite.)
Une idée était venue au Blamontois... Prévenir les troupes
françaises. Il savait dans quelle direction elles se trouvaient...
Peut-être pourraient-elles arriver à temps. Il était convaincu que
celle affiche n'était pas une vaine menace. Déjà M. Barthélemy,
l'ancien maire, un vieillard de quatre-vingt-six ans, avait été mis
à mort avec deux autres habitants, parmi lesquels une toute jeune
fille...
Il fallait éviter de nouveaux malheurs. Avec mille précautions, le
Blamontois, se faufilant parmi les jardins, avait réussi à gagner la
campagne; puis, vigoureux et agile, il avait pris sa course dans la
direction où il supposait que devaient se trouver les troupes
françaises.
Il n'y avait pas plus d'une demi-heure qu'il était parti lorsqu'il
se trouva soudain en présence d'un cavalier qui lui barrait la
route.
- Qui va là? dit le militaire.
- Ami, dit le Blamontois qui avait reconnu l'uniforme français...
Mis en présence du commandant des troupes françaises, il lui donna
les renseignements les plus précis sur la situation des troupes
allemandes occupant Blamont et le mit au courant du contenu de
l'affiche placardée sur les murs.
Trois heures... Il n'y avait pas un moment à perdre. L'occasion
était belle, d'ailleurs, d'infliger une nouvelle leçon aux
barbares...
Quelques minutes suffirent pour les préparatifs de départ. En route
pour Blamont. Le jour pointait à peine lorsqu'on y arriva. Les
Allemands, surpris, furent facilement bousculés et mis en déroute,
pendant que la population, tout en acclamant nos soldats, lacérait
les affiches menaçantes qui, pour cette fois, avaient eu pour
principal résultat de sauver ceux qu'elles voulaient perdre.
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