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1877-1890 - La fortune de l'abbé Eugène Blumstein



Le Ban de Corcieux : bulletin religieux mensuel des paroisses de Corcieux, La Chapelle, La Houssière, Gerbépal et Saint-Jacques-du-Stat
Edition : Saint-Dié - Mai 1919

Explication pour couper les Ailes à un Canard par trop bavard

Un bruit court par le pays, depuis trois mois, et tous les échos de nos montagnes le répètent, disant : «  L'abbé Blumstein est riche à quatre cent mille francs ».
Oh ! la bonne aubaine ! si cela est, cet abbé pourra faire bien des heureux.
Quoi que le «  moi » soit souverainement haïssable, force m'est de parler de moi.
Et d'abord, je cite une parole du saint curé d'Ars et je me l'applique intégralement; puisque je prends du galon, j'en prends pour la peine. M. Vianney disait un jour : Un homme du monde, il n'y a pas longtemps, vint faire ici la sainte communion ; il avait trois cent mille francs de fortune; il en donna cent pour faire bâtir une église, cent pour les pauvres, cent à ses parents, et il s'en alla à la Trappe.
Eh ! bien, j'en avais tout autant ; j'en ai fait tout autant, mais, pour mon malheur, je ne suis pas encore allé à la Trappe, où je visais d'arriver, parce qu'au moment d'y aller, les Ordres religieux étaient dissous et expulsés de France.
Ensuite, j'avance trois propositions ou thèses que je pourrais facilement prouver: Ce dont je remercie Dieu.
1° Oui, j'étais, un jour, riche à des centaines de mille francs ;
2° oui, j'en ai dépensé la plus grande partie en oeuvres pies, ce dont je suis heureux et content;
3° oui, j'ai perdu tout le reste, ce dont je demande pardon.
Donc, je suis depuis longtemps à la portion congrue.
C'est un fait connu de tout le pays de Blâmont, que la fortune m'a longtemps souri, de 1877 à 1907. Or, tout ce laps de temps, j'ai toujours puisé dans ma caisse, sans jamais l'épuiser, ni en tarir la source : Dieu me le rendait.
Mon premier don a été pour l'église de Blâmont, où j'ai été vicaire. Puis, j'ai passé par Chazelles, Gondrexon, Leintrey et Amenoncourt : autant de pauvres églises, dont j'ai commencé par payer les dettes, et dont l'une remontait à cinq ans pour des réparations urgentes, que le curé n'avait pas pu payer avant sa mort ; et dont une autre existait depuis quinze ans, pour des cloches non soldées.
Ces dettes éteintes, j'ai eu le courage de restaurer, successivement, chacune de mes quatre églises ; et en les quittant, les finances de ces quatre églises étaient florissantes.
Puis vint la création de la paroisse d'Avricourt, avec son église, son cimetière et sa maison pour le prêtre, paroisse que j'ai desservie gratuitement, depuis 1888 à 1908.
Si je n'ai pas donné cent mille pour une seule église, j'ai dépensé cent et des mille pour mes cinq églises.
Entre temps, j'étais la Providence visible de bien des personnes qui avaient grand besoin de quelque secours au moment opportun : Cultivateurs ruinés par une série de mauvaises années ; douaniers et employés qui ne pouvaient pas fournir le cautionnement réglementaire pour un poste qui leur était offert ; jeunes gens qui ne pouvaient se marier si l'on ne venait pas à leur aide; personnes insolvables livrées à la justice; débiteurs persécutés par des créanciers cupides et cruels ; enfants de famille qui désiraient conserver leur patrimoine ; personnes qui voulaient acheter un fond de commerce, pour en vivre ; commerçants et industriels honnêtes, mais peu aisés, qui avaient besoin d'une somme ou d'une caution pour des achats plus considérables ; pauvres honteux, dont quelques-uns habitaient des châteaux ; oui, toutes ces personnes, de. catégories si diverses, avaient recours à moi, et toutes ont été secourues selon leurs désirs et leurs besoins,'pour l'amour de Dieu.
Quand j'eus versé dans le sein de toutes ces infortunes la plus grande partie de ma fortune, je fis un retour sur moi- même ; tenant la charrue, je ne devais pas regarder en arrière ; j'ai succombé à la tentation, et il m'arriva malheur comme à cet homme de bien dont parle le grand saint Eloi, dans une homélie sur le détachement des biens de la terre : «  Voici, mes bien aimés, une histoire véritable, que.je vais vous conter sur le sujet que nous traitons ».
Des anciens nous ont raconté qu'un laboureur employait en aumônes tout le fruit de ses travaux, ne se réservant que ce qui lui était nécessaire pour sa subsistance.
Le démon, dans la suite des temps, lui inspira de faire quelque petit trésor, dans la pensée qu'il pourrait en avoir besoin dans une maladie ou dans la vieillesse. Il amassa en effet de l'argent et en remplit sa bourse. Enfin, il arriva qu'il devint malade à un pied, et son pied tombait en pourriture.
Ce malade dépensa en médecins tout ce qu'il avait réservé, sans en retirer aucun soulagement; bien plus la putréfaction se répandait dans toutes les parties du corps. Pour sauver le malade, le médecin proposa l'amputation du pied malade, et il convint du jour de l'opération avec le malade.
Pendant la nuit, cet homme, revenant sur sa vie passée, fut touchée de regret de la faute qu'il avait commise, gémissait et fondait en larmes, et il disait au Seigneur: « Souvenez-vous de mes premières œuvres, quand je distribuais aux pauvres le gain de mon travail. »
A ces paroles, un ange lui apparut et lui dit : «  Où est cet argent que tu avais amassé ? où est cette espérance sur laquelle tu te fondais ?» Le malade comprit alors et dit : «  Seigneur, j'ai péché ; je ne- commettrais plus désormais de pareilles fautes. »
Alors, l'ange lui toucha le pied, et à l'heure même il fut guéri. Il se leva le matin et alla travailler à sa terre.
Le médecin arriva le matin avec tous ses instruments. Quel ne fut pas son étonnement, en voyant son client labourer la terre! Croyant, ce médecin glorifia le Seigneur qui avait si miraculeusement guéri son malade.
Et moi, par une série d'infortunes, je perdis, comme ce malade, toutes mes réserves : la main de Dieu m'a touché.
Il ne me reste qu'à dire avec le saint homme Job : Seigneur, vous me l'avez donné, et vous me l'avez ôté ; que votre saint nom soit béni !
En 1911, je pouvais encore disposer de cent francs ; ils m'ont servi à faire le pèlerinage de Lourdes. Un de nos pèlerins mourut en arrivant en face de la ville de Marie ; j'assistais à ses funérailles, en enviant son bonheur de reposer près de Marie. J'aurais tant aimé être à sa place : j'avais assez vécu et j'étais par trop malheureux ! Notre-Dame de Lourdes ne me voulait pas à Lourdes, mais à l'Hospice de la Vierge, à Vichibure, où quelques semaines plus tard, M. Pierre Nicole me reçut avec ma grande infortune.
J'avais de nouveau un gîte, une table et un ami, et par surcroît un autel.

L'Abbé E. Blumstein, hospitalisé.

 

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