En 1920, le sculpteur Paul Moreau-Vauthier (1871-1936) *, ancien combattant de Verdun, émit l'idée de commémorer la première guerre mondiale en installant une série de pierres sculptées le long de la ligne de front, de Nieuwpoort en Belgique à Moosch en Alsace (près d'Altkirch).
Il présenta son premier modèle cette année là à Henri Defert, président du Touring Club de France, qui, enthousiasmé, invita le Touring Club de Belgique à se joindre au projet.
Sollicité, le Maréchal Pétain établit une liste de 240 lieux (212 en France, 28 en Belgique), dans le but de matérialiser la ligne de front de plus de 700 km de long, telle qu'elle était lors de
l'offensive victorieuse de la deuxième bataille de la Marne, le 18 juillet 1918.
Pour recueillir des fonds, les deux
Touring-club, belge et français, organisèrent des souscriptions, et collectèrent de dons d'organismes publics, d'états, d'associations ou de personnes privées (Pour exemple, dons du Portugal pour les bornes 22 à 28, du département du nord pour les bornes 35 à 42, de diverses associations
d'Argentine des bornes 74 à 92, etc.)
Mais les fonds recueillis ne permirent d'installer que 118 bornes (96 en France,
22 en Belgique), de 1921 à 1927, dont 96 subsistent aujourd'hui encore (74 en France)
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La toute première borne fut inaugurée à Château-Thierry le 11 novembre 1921 :
la mention « Ici fut repoussé l'envahisseur 1918 »,
fait référence au 18 juillet, date qui marque le début de
l'offensive Mangin. Château-Thierry étant la première ville libérée par cette offensive, le Touring Club de France choisit cette ville pour inaugurer la première borne.
Bulletin officiel des Fédérations des syndicats
d'initiative de France, Colonies et Protectorats -
Novembre 1921
Les Bornes
commémoratives de la guerre
Le 11 novembre dernier, jour anniversaire de
l'armistice, le Touring-Club a inauguré à
Château-Thierry, en présence de nombreuses
personnalités françaises et étrangères, la première
de ces bornes, dont le modèle est l'oeuvre du
sculpteur Moreau Vauthier, et qui seront exécutées
en granit rouge d'Alsace.
Le jalonnement de la ligne extrême occupée par
l'ennemi et que M. le maréchal Pétain a lui-même
tracée sur la carte, demandera 240 bornes, avec
inscription appropriée pour chacune, qui seront
placées au point d'intersection de la ligne avec les
routes qui la traversent. La dépense s'élèvera à un
million.
Pour couvrir cette dépense, une souscription sera
ouverte en France et dans les pays alliés et
associés. |
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La seconde borne fut inaugurée en Belgique :
Le
Petit parisien - 4 juin 1922
Une des « bornes » du front sera inaugurée demain à
Dixmude
Demain, à 2 h. 30,
doit avoir lieu, à Dixmude, en présence du roi des
Belges, de M. Reibel, ministre des Régions libérées ;
du ministre de le Défense nationale de Belgique, du maréchal
Foch, de l'amiral Ronarc'h, de M. Defert, président du
Touring-Glub de France ; du président du Touring-CIub de
Belgique, etc., l'inauguration officielle de la « Borne
» oeuvre du statuaire français Paul Moreau-Vauthier,
mitrailleur d'infanterie, blessé de guerre.
Déjà un exemplaire a été érigé à Château-Thierry,
le 11 novembre 1921 par les soins du Touring-Club de
France qui. poursuivant son ouvre, a ouvert une
souscription publique pour placer ces bornes sur les
routes et chemins de fer a leur intersection avec la ligne
du front.
Le Touring-Club de Belgique s'est associé à cette
manifestation patriotique en réunissant les fonds pour le
front belge. |
La dernière borne sera installée en juin 1927 au Vieil-Armand (Hartmannswillerkopf) près de Cernay en Alsace.
Toutes ces bornes en granit rose d'un peu plus d'un mètre de haut, sont surmontées d'un casque posé sur une couronne de lauriers, généralement français, mais parfois belge ou britannique. Elles comportent en façade le nom du lieu où elles ont été implantées, ainsi qu'une inscription, soit en français
(« Ici fut repoussé l'envahisseur 1918 »), soit en anglais (« Here the invader was brought to a standstill »), soit en néerlandais
(« Hier werd de overweldiger tot staan gebracht »).
Sur la partie basse, est généralement inscrit le nom de l'organisme bienfaiteur et le numéro de la borne, qui permet ainsi de les identifier toutes depuis leur réalisation (mais ce numéro ne correspond ni à un ordre chronologique, ni a un ordre géographique). Les flancs de chaque borne représentent des éléments d'équipements : étui de masque à gaz, grenades à chaque angle, bidon.
Pour d'autres informations sur les bornes
Moreau-Vauthier, voir le site
du Memorial de Dormans.
Sur les 12 bornes de Meurthe et Moselle, deux ont été érigées dans notre canton et sont toujours existantes :
Note : Edmond Delorme, dans son « Lunéville et son arrondissement » écrit :
« Une stèle de Moreau-Vauthier, élevée sur
l'initiative d'un Comité Argentin, marque à Domèvre, comme dans
d'autres points du front, la limite de la progression allemande. Cette stèle, se rencontre sur la route, près de
l'entrée du village, en venant de Lunéville. J'en ai donné le dessin
(T. I, p. 230). ». Cette information est équivoque : car si les bornes Vauthier marquent la
« limite des progressions allemandes », c'est uniquement à la date du 18 juillet 1918, certaines portions du front ayant connu des progressions de l'avancée allemande après cette date.
* Paul Moreau-Vauthier (1871-1936), vétéran de Verdun, était né le 26 novembre 1871. Sa renommée de
sculpteur fut acquise dès 1920 avec sa sculpture "La Parisienne" présentée à Paris lors de l'Exposition Universelle (1900).
Paul Moreau-Vauthier mourra, le 2 février 1936, dans un accident de voiture à Ruffigny, près de Niort alors qu'il se rendait à
Bordeaux, et repose au cimetière du Père-Lachaise
Rédaction :
Thierry Meurant |
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