1274 - La Vierge
sauve Toul de Thomas de Blâmont
La Sainte
Vierge : études archéologiques et iconographiques : Tome
second
Charles Rohault de Fleury
Ed. Paris, 1878
LA VIERGE AU PIED
D'ARGENT (TOUL).
Voici l'origine et la
légende de la Vierge au pied d'argent, dans la
cathédrale de Toul. Dès l'an 981 cette cathédrale
possédait plusieurs autels de le mère de Dieu; en 1274,
une statue de Marie avança son pied, et une voix sortant
de la bouche avertit les citoyens que l'ennemi
s'avançait pour surprendre la ville; ce fut alors qu'on
chaussa le pied d'un sabot d'argent et qu'on lui mit sur
la tête une couronne de diamants et à la main un sceptre
d'or. (1) Ce miracle nous est confirmé par un ancien
manuscrit dans les termes suivants : « L'an 1274, en la
vigile de Saint-Mathieu, vers l'heure des matines, sous
l'épiscopat de Conrad Probus, 55e évêque de Toul, la
ville fut inopinément attaquée par les soldats de
Thomas, princier de Verdun et comte de Blâmont. La
troupe ennemie allait passer le fossé sur des radeaux, à
l'insu des bourgeois plongés dans le sommeil, lorsque la
sainte Vierge révéla le danger à une sainte femme qui
priait à son autel : et, comme preuve, la statue avança
le pied. La milice ayant été aussitôt avertie repoussa
vigoureusement les assaillants : le princier de Verdun
eut la cuisse percée d'une flèche et resta prisonnier
dans la ville (2) »
M. l'abbé Éloy, vicaire de la cathédrale, auquel nous
devons communication de cette pièce, veut bien y ajouter
ces données historiques :
« La délivrance de la ville de Toul, au moment de
l'assaut nocturne qu'allait lui livrer le princier de
Verdun, a toujours été considérée comme une grâce
miraculeuse de la très-sainte Vierge. Cette croyance de
la cité tout entière a été consignée et conservée dans
les registres capitulaires de la cathédrale et dans ceux
de la municipalité, où se trouvent encore les
procès-verbaux qu'en firent dresser les autorités
compétentes. Elle a été proclamée par l'offrande d'un
sabot d'argent dont la statue miraculeuse fut chaussée ;
par le surnom de Notre-Dame au pied d'argent dont elle a
été saluée et qu'elle a conservé jusqu'à nos jours ;
enfin par l'élévation de la magnifique chapelle de
l'abside que l'on admire encore, et par celle d'une
autre chapelle dont la reconstruction du transept
méridional a nécessité l'enlèvement.
« Le miracle de Notre-Dame au pied d'argent devint, en
1659, moyennant une permission donnée par le chapitre,
le sujet d'un tableau que peignit Alliot, abbé de
Moyenmoutier. On dit que ce tableau est celui qui se
voit encore dans la cathédrale de Toul. Il représente, à
gauche, sur un premier plan, la sainte Vierge assise sur
un autel d'architecture ogivale et avançant le pied ; au
milieu, sur un plan moyen, se trouve une femme qui court
avertir le guet; à droite, sur un plan plus éloigné, on
aperçoit l'ensemble de la forteresse ; les bourgeois
sont au haut des murailles, l'arme au poing, repoussant
avec vigueur les soldats ennemis. »
Notre jeune ami, M. Franz Becquet, qui a bien voulu se
faire notre intermédiaire auprès de M. le vicaire de la
cathédrale, nous transmet encore les renseignements
suivants sur le tableau qui porte cette inscription :
« A l'honneur de Dieu et de la glorieuse vierge Marie et
commémoration du miracle fait en son image jadis icy
parlé, de laquelle un de ses pieds fut fait d'argent en
l'an mil deux cent quatre-vingt-quatre, duquelle en la
vigile Sainct-Mathieu fut la cité de Toul délivrée de la
surprince et entrée des ennemis et iceux repoussez par
l'avertissement d'une femme priant devant icelle image.
Vinge sur l'heure de minuit et admonestrée divinement de
ce faire, et pour thesmoignage et en signe de créance
ladite image avança le pied dont luy est donné le nom de
la Notre-Dame du pied d'argent. »
« La description faite par M. l'abbé Éloy de ce tableau
est exacte. La sainte Vierge est assise, ce qui
donnerait à penser que la statue authentique et qui
n'existe plus aurait eu cette attitude. D'après le
tableau, la statue n'est pas dans une église et paraît
placée isolément, comme on voit encore aujourd'hui
quelquefois des croix, des Vierges, soit à
l'embranchement des chemins, soit à l'entrée des villes.
« On n'a pu me citer d'auteurs anciens parlant de cette
Vierge. J'ai consulté à la bibliothèque l'histoire des
évêques de Toul, par le père Benoît, capucin; il n'en
dit rien. Dom Calmet n'en parle pas non plus. »
M. l'abbé Guillaume, chapelain de la chapelle ronde, à
Nancy, archéologue distingué, a fait un ouvrage sur les
antiquités de la Lorraine. L'histoire de la Vierge au
pied d'argent y est consignée.
(1) Hamon, VI, 52.
(2) C'est la traduction d'une pièce très-ancienne
reportée au registre de 1625 des actes capitulaires de
la cathédrale.
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