Augustin Simonin
(1767-1805)
Biographies et nécrologies des hommes marquants du XIXe
siècle.
Tome 4
publiées par V. Lacaine et Ch. Laurent
Éd. Paris 1847
Nécrologie.
SIMONIN
(Augustin),
CHEF DE BATAILLON, OFFICIER DE LA LEGION D'HONNEUR.
Né le 17 septembre 1767 à Blamont (Meurthe), Augustin
Simonin entra comme soldat au bataillon de chasseurs des
Ardennes le 16 décembre 1784, et parcourut
successivement les grades inférieurs jusqu'au 15 juin
1792, époque à laquelle il fut nommé lieutenant. Il fit
avec distinction la campagne de cette même année à
l'armée des Alpes. Entré, à l'embrigadement, dans la 11e
demi-brigade d'infanterie légère, devenue par la suite
10e demi-brigade, puis 10e régiment de la même arme, il
se signala par la plus brillante valeur à l'armée du
Rhin, pendant les guerres de 1793, des an II et III.
Le 17 mai 1793, en avant de Rheinsberg, il fut blessé de
deux coups de feu en enlevant héroïquement, avec vingt
tirailleurs, la redoute de Rilsheim, défendue par
quatre cents hommes de l'armée de Condé. Le 20 septembre
suivant, à la tête de vingt-cinq hommes de bonne
volonté, il s'établit dans Vircheim, à deux lieues en
avant de Strasbourg, mit en déroute trois cents émigrés
du corps de Rohan, qui défendaient ce poste, et leur fit
quarante prisonniers.
Promu au grade de capitaine le 12 brumaire an II, il
continua de se faire remarquer par de nombreuses actions
d'éclat. Employé à l'armée du Rhin et Moselle pendant
les ans IV et V, il se couvrit de gloire le 4 brumaire
an IV, à la retraite des lignes de Mayence, où il reçut
un coup de feu et plusieurs coups de sabre. Fait
prisonnier dans cette journée, il resta en captivité
chez les autrichiens jusqu'au 1er brumaire an V.
En l'an VI, il était à l'armée d'Angleterre, et en l'an
VIII à celle du Danube, où il fit mettre bas les armes à
un parti ennemi composé de cent-vingt hommes
d'infanterie et de vingt-cinq hussards qui défendaient
les abords de Markdorff. En cette circonstance, il prit
d'abord le major commandant et son ordonnance, et,
quelques instants après, soixante hussards.
Appelé à faire les campagnes des an VIII et IX à l'armée
du Rhin, et chargé du commandement des carabiniers de
l'aile droite, il redoubla d'intelligence et d'heureuse
audace. Le 50 vendémiaire an VIII, avec ses trois
compagnies, il effectuait le passage de la Limath, après
avoir culbuté deux cent cinquante grenadiers et pris
deux pièces de canon. Dans la même journée, il s'empara
d'un camp occupé par les russes, qui lui abandonnèrent
quatre pièces de canon. Le 15 floréal suivant, à
l'affaire de Mœskirck, il mettait l'ennemi en pleine
déroute, se rendait maître de sa position et s'y
maintenait en dépit des efforts désespérés qui étaient
faits pour la reprendre. Le 8 messidor, au combat de
Neubourg, suivi par une douzaine de ses carabiniers, il
sauvait une pièce de canon qui se trouvait gravement
compromise, dégageait une compagnie cernée par trois
cents hommes, et, seul, faisait prisonniers un officier
et dix soldats. Le même jour, à la tête de deux cent
cinquante hommes, il attaquait, taillait en pièces et
poursuivait jusque sous leurs retranchements, deux
escadrons du régiment autrichien des dragons de Latour,
et recevait un coup de feu qui lui traversait les deux
épaules.
Au combat de Neresheim, il commandait le deuxième
bataillon de sa demi-brigade. Enveloppé par six cents
fantassins et par quatre cents hussards hongrois, non
seulement il réussit à se débarrasser d'eux, mais encore
il les mit dans la plus complète déroute. Prenant
ensuite à son tour l'offensive, il se précipita avec une
irrésistible impétuosité sur d'autres troupes,
auxquelles il fit perdre trois cents manteaux rouges.
Le 16 messidor an X, le premier consul lui donnait un
sabre d'honneur, digne prix de ses brillants faits
d'armes.
Le 16 germinal an XI, il était nommé chef de bataillon
dans le même corps où il était entré comme simple soldat
vingt ans auparavant.
En l'an XII et en l'an XIII, il prit part aux opérations
de l'armée des côtes de l'Océan, où il fut créé officier
de la Légion d'honneur, le 25 prairial an XII. Appelé en
l'an XIV en Autriche, avec la grande armée, il y
soutenait noblement ses beaux antécédents militaires,
lorsqu'il périt de la mort des braves, le 11 frimaire,
sur le champ de bataille d'Austerlitz.
L'empereur, passant à Vienne la revue du 10e, cherchait
des yeux le commandant Simonin. Apprenant qu'il avait
été tué en poursuivant une division russe en retraite,
il dit avec émotion : « C'est une perte pour le 10e, c'était un des plus braves officiers de l'armée. »
Quelques mois après, des personnes qui savaient les
marques de bienveillance dont le commandant Simonin
avait été l'objet de la part du grand capitaine et les
paroles flatteuses que ce dernier lui avait adressées au
camp de Boulogne, forcèrent en quelque sorte son frère
de demander pour sa mère une pension à laquelle elle
n'avait du reste aucun droit légal. A peine le nom du
commandant Simonin eut-il été prononcé par le ministre
de la guerre (le grand-juge était présent), que
l'empereur, saisissant avec une généreuse vivacité la
plume qui se trouvait devant lui, fixa le chiffre de la
pension sollicitée à douze cents francs; les veuves des
officiers supérieurs du même grade n'en obtenaient alors
que huit.
[Légion d'honneur par décret du 14 juin 1804 -
Capitaine de carabiniers - 10ème ½ brigade
légère]
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