Biographie
moderne, ou Galerie historique, civile, militaire, politique et
judiciaire : contenant les portraits politiques des Français de
l'un et de l'autre sexe, morts ou vivants, qui se sont rendus
plus ou moins célèbres depuis le commencement de la révolution
jusqu'à nos jours, par leurs talents, leurs emplois, leurs
malheurs, leur courage, leurs vertus ou leurs crimes. T. 1
Éd. Paris, 1815
RÉGNIER (Claude- Ambroise) duc de
Massa-Carrara député aux états -généraux, membre du conseil des
anciens conseiller d'état, grand-juge, ministre de la justice
grand-cordon de la légion d'honneur etc. Né à Blamont,
département de la Meurthe le 6 novembre 1749 il exerçait la
profession d'avocat à Nancy à l'époque de la révolution, dont il
embrassa la cause et fut élu en 1789 député du bailliage de
Nancy aux états-généraux. Il s'y occupa beaucoup, dans les
comités, d'administration et de judicature parut peu à la
tribune quoiqu'entièrement dévoué au côté gauche, avec lequel il
vota constamment; s'éleva contre l'institution des jurés en
matière civile et proposa de mettre en accusation le vicomte de
Mirabeau, à la suite de l'affaire qu'il s'était suscitée par
l'enlèvement des cravattes de son régiment lors de l'affaire de
Nancy, il eu défendit aussi la municipalité contre les reproches
des royalistes. Élu, en 1795, député du département de la
Meurthe au conseil des anciens il s'opposa Il l'admission de Job
Aymé et la rentrée des prêtres réfractaires ; fut successivement
secrétaire puis président du conseil et y fut réélu en 1799
époque. laquelle il devait en sortir. Lié avec les auteurs de la
révolution du 18 brumaire, il fut un de ceux qui se réunirent,
le 7 novembre au matin, chez M. Lemercier, président du conseil
des anciens, pour y arrêter les mesures définitives et les
moyens d'assurer le succès de cette conspiration et présenta le
projet de décret qui transférait les conseils à Saint-Cloud.
Devenu président de la commission intermédiaire, il entra, après
l'organisation de la nouvelle constitution, au conseil d'état,
section des finances, et réunit, le 15 septembre. 1802 sous la
dénomination de grand-juge, les deux ministères de la justice et
de la police générale. Fouché ayant été rappelé à ce dernier
département, en 1804, Régnier conserva son titre de grand-juge
et le portefeuille de la justice. Il fut ensuite nommé
grand-officier de la légion d'honneur, et décoré du cordon rouge
le 1er février 1805. Il conserva le ministère de la justice
jusqu'en novembre 1813, et Bonaparte voulant, à cette époque,
avoir pour président du corps législatif, un homme entièrement
et servilement dévoué à ses volontés jeta les yeux sur Regnier,
qu'il nomma d'abord ministre d'état et le fit deux jours après
président du corps législatif, dont les membres l'accueillirent
fort mal. La dissolution de cette autorité, par Bonaparte, au 31
décembre 1813 fut le terme des grandeurs et des dignités de M.
le duc de Massa ; en vain écrivit-il, le 8 avril 1814, au
gouvernement provisoire, pour lui adresser son adhésion à la
déchéance de son maître, et lui demander s'il était encore
président du,corps législatif, il n'en reçut point de réponse et
mourut peu de temps après à Paris le 24 juin 1814 avec la
réputation d'un serviteur fidèle, et d'un ministre peu habile.
REGNIER, comte de Gronau duc de Massa auditeur, au conseil
d'état, secrétaire-général du conseil du sceau des titres,
préfet, membre de la légion d'honneur.
Fils du précédent, il entra fort jeune dans la carrière
administrative, par la protection et sous les auspices de son
père, comme auditeur au conseil d'état. La porte des honneurs et
des dignités lui fut bientôt ouverte, et il obtint
successivement la place de secrétaire- général du conseil du
sceau des titres, celle de préfet du département de l'Oise et le
titre de comte de Gronau. Lorsqu'en mars 1814 l'ennemi pénétra
dans la Picardie, le comte Régnier, se mit à la tête des
troupes, marcha sur Montdidier, et donna, en général dans ces
circonstances critiques et périlleuses, beaucoup de preuves de
courage et de dévouement à Bonaparte. Il continua à jouir après
la restauration des honneurs qu'il avait obtenus précédemment ;
il les vit même accroître par le titre de chevalier de la légion
d'honneur et celui de duc de Massa, qu'il prit à la mort de son
père ; il conserva aussi l'administration du département de
l'Oise, jusqu'à l'invasion de Bonaparte en 1815. Après le retour
du roi, en juillet, il a été nommé préfet du département du
Cher.
Encyclopédie des
gens du monde.
Paris : Treuttel et Würtz, 1844
RÉGNIER (CLAUDE-ANTOINE), duc DE MASSA,
grand-juge ou ministre de la justice sous l'empire Français,
était né à Blamont, en Lorraine (Meurthe), le 6 avril 1746.
Destiné de bonne beure au barreau, il était, au commencement de
la révolution, l'un des avocats les plus distingués de Nancy. Le
bailliage de cette ville le choisit, en 1789, comme député du
tiers-état, et il vint siéger parmi les défenseurs les plus
sensés des principes populaires. Il parut peu à la tribune; mais
il fut souvent employé dans les comités chargés de
l'organisation administrative et judiciaire. Lors du départ du
roi, le 20 juin 1791, il fut envoyé dans les départements du
Rhin et des Vosges, pour y maintenir la tranquillité par sa
présence. Après la dissolution de l'Assemblée constituante, il
renonça momentanément aux affaires publiques et se retira à la
campagne, où il fut oublié par la Terreur. Envoyé, en 1795, au
conseil des Anciens par le dép. de la Meurthe, il s'y montra
toujours aussi éloigné des excès républicains que des tendances
royalistes. Réélu par son département, en 1799, il prêta son
appui à Bonaparte : aussi le premier consul choisit-il Régnier
pour faire partie de la commission intermédiaire qui précéda la
reconstitution légale de l'état. Enfin en 1802, le 25 sept.,
Bonaparte récompensa son zèle en lui donnant les deux ministères
de la justice et de la police générale, avec le titre de
grand-juge. Après le procès de Cadoudal et de Moreau, Fouché fut
rétabli dans son ancien ministère de la police; mais Régnier
conserva toujours celui de la justice et sa qualité de
grand-juge. Lorsque Napoléon, devenu empereur, créait autour de
lui une nouvelle noblesse, il joignit à ses titres celui de duc
de Massa. Jusqu'en 1812, le grand-juge ne se distingua que par
son dévouement absolu à l'autorité impériale. A cette époque,
Napoléon crut devoir lui confier la
présidence du Corps législatif; mais il fit de vains efforts
pour lutter contre l'opposition naissante et lui imposer
silence. On sait que Raynouard se distingua surtout à cette
époque par sa résistance énergique. La première Restauration
éloigna le duc de Massa des emplois publics, et cette disgrâce
précéda de bien peu de temps sa mort, arrivée le 24 juillet
1814.
Son fils, SYLVESTRE Régnier, aujourd'hui duc de Massa et pair
de France, était préfet de l'Oise au moment de la mort de son
père; il refusa de servir Napoléon pendant les Cent-Jours, et,
pour prix de sa fidélité aux Bourbons, il fut admis, le 18
juillet 1816, à la Chambre haute où il siège encore à présent.
D.A.D.
[(Ernest-Antoine-Edmond-Édouard Déaddé ?]
Récits sur
l'histoire de Lorraine
Auguste Lepage
1883
Un autre jurisconsulte de grande valeur,
qui fut, comme Henrion de Pansey, un des conseillers les plus
écoutés de Napoléon Ier, Ambroise Régnier, vit le jour en
Lorraine. Né à Blamont, le 6 avril 1746, Régnier, après de
solides études, embrassa la profession d'avocat et s'établit à
Nancy, où il se fit promptement connaître. Envoyé aux états
généraux, au lieu de discuter sur les choses qu'il ignorait, il
ne s'occupa que des questions judiciaires. En 1790, lors qu'on
parla d'une nouvelle organisation de la magistrature, l'avocat
lorrain combattit l'introduction du jury dans les procès
purement civils et fit rejeter cette idée. Il contribua
également à faire repousser le projet d'ambulance des juges
d'appel, et se montra partisan déclaré de donner une indemnité
aux individus poursuivis, arrêtés et jugés comme criminels, qui
seraient acquittés; cette motion ne fut point admise. Quand la
population et la garnison de Nancy se soulevèrent, Régnier
soutint la municipalité, accusée de trop de mollesse; il
défendit aussi la conduite du marquis de Bouille dans cette
journée. A partir de cette époque, les jacobins lui firent une
guerre acharnée.
Le vicomte de Mirabeau avait voulu humilier le régiment qu'il
commandait; Régnier demanda la mise en accusation de cet
officier supérieur. En 1791, on l'envoya en qualité de
commissaire dans les départements formés de la Lorraine et de
l'Alsace, où l'on craignait des troubles à propos du départ de
Louis XVI. Il rentra dans l'ombre tant que dura la puissance de
la Convention, et ne reparut sur la scène politique qu'après le
9 thermidor. Le département de la Meurthe l'envoya siéger au
conseil des Anciens. Il s'était montré modéré au commencement de
la révolution, il devint violent aux Anciens, dont il fut le
secrétaire, puis le président. Il parla contre le retour en
France des prêtres exilés ou déportés. Cependant il repoussa la
proposition de Boulay de la Meurthe, qui demandait l'expulsion
de tous les nobles n'ayant pas donné de gages à la révolution et
même de tous ceux qui, ayant servi l'ancien régime, n'auraient
pas montré un dévouement assez absolu aux institutions
républicaines. En 1799, nommé de nouveau au conseil des Anciens,
il battit en brèche le directoire et soutint le général
Courtois, qui demandait la fermeture du club jacobin, dit du
Manège.
Membre du conseil d'État sous le consulat, ce fut sur un de ses
rapports que le corps législatif vota le rétablissement de la
flétrissure et de la marque pour les crimes de faux. En 1802, il
était nommé grand-juge, ministre de la justice; en 1804, il fut
chargé de diriger les poursuites contre Pichegru et Georges
Cadoudal; en 1805, il était nommé grand-cordon de la Légion
d'honneur, et, en 1809, duc de Massa. Sénateur en 1811, il
quitta les sceaux et reçut en échange le titre de ministre
d'État (1813) et de président du corps législatif. Il mourut à
Paris le 24 juin 1814. La chute de Napoléon et ses ennuis
personnels avaient profondément miné sa santé. |