Guillaume Ier d'Orange-Nassau
(Guillaume le taciturne), aurait sur l'île de Bommel rassemblé,
en 1574, « la petite armée qu'il avait formée, et dans
laquelle on distinguait, entre autres Français, un corps de
cavalerie qui avait escorté le duc d'Anjou jusqu'à Blamont ».
Doit-on conclure de cette étonnante information que l'entrevue
de Blâmont en novembre 1573 n'aurait pas été qu'un lieu de
pourparlers, mais aurait assuré la livraison directe par la
France de troupes aux insurgés des Pays-Bas pour lutter contre
l'Espagne ?
A ce jour nous n'avons trouvé aucune information complémentaire
sur la présence, après Blâmont, d'un corps de cavalerie
(catholique) au service d'un prince protestant...
Revue catholique. Tome 16
Ed. Louvain 1876
La pacification de Gand
[...]
Au mois de décembre 1573 la cour de France alla conduire le
nouveau Roi de Pologne jusqu'à la frontière de Lorraine. A
Blamont, Louis de Nassau eut une entrevue décisive avec
Catherine de Médicis, le roi de Pologne et le duc d'Alençon ;
Charles IX était malade. Il en rendit compte immédiatement à son
frère. Le roi de France promettait d'embrasser les affaires des
Pays-Bas autant que les princes Protestants les voudraient
embrasser, ouvertement ou secrètement, et sans mettre en compte
l'argent qu'il avait déjà donné au Taciturne. On tâcherait
d'entrainer le landgrave de Hesse. Le roi de Pologne tant pour
lui-même que comme député de son frère voulait bien entendre à
la résolution. On avait de jour en jour meilleure espérance de
l'électeur de Saxe. On travaillait à entraîner dans le parti,
par des subsides Français, l'archevêque de Cologne (1) qu'on
maintiendrait dans son électorat, même marié. Le duc d'Alençon,
de son côté, voulait s'employer à seconder Orange. On avait de
l'argent qu'on allait envoyer à ce dernier. On avait décidé de
mettre sous la subjection de l'Empire les conquêtes faites par
le moyen du roi de France et des princes Allemands, afin
d'attirer tous les princes de l'Empire dans l'alliance et, en
même temps, d'empêcher le roi Philippe II de tirer des secours
de l'Allemagne (2)... Il semble même avoir été décidé à Blamont
qu'au printemps 1574 le roi de Pologne, Henri d'Anjou, le plus
ardent promoteur de la Saint-Barthelemi, dans sa haine de Valois
contre les Habsbourg, viendrait lui même à l'aide des
calvinistes Hollandais, par Dantzig, avec ses forces Polonaises
et Allemandes (3). On conçoit l'accent de triomphe qui termine
la lettre de Louis de Nassau :« si Dieu veult que la France et
la Poulogne ensemble facent ce qu'ils promestent, il y aura
moyen, à mon adviz, de merveilleusement bien accommoder noz
affaires (4). » LesValois de leur côté pouvaient être satisfaits
: la subjection décidée des futures conquêtes à l'Empire ne
pouvait les offusquer. D'une part, Charles IX comptait bien
faire entrer l'Empire dans sa maison : d'autre part, les
Français, commandés par des seigneurs de marque, ou par le roi
de Pologne, sauraient bien se faire, au moment voulu, la part du
lion.
Et cependant de ces laborieuses combinaisons où Charles IX avait
fait preuve de la duplicité la plus noire, où Guillaume avait
déchiré les dernières illusions que la postérité pouvait se
faire par rapport à son patriotisme désintéressé de ces
laborieuses combinaisons il ne sortit rien de décisif.
Charles IX n'était pas mort, que déjà les partis armés autour de
lui se mirent à escompter sa succession dont l'ouverture était
imminente (5). Les Huguenots et les Politiques commencèrent dès
le mois de mars 1574 à « remuer mesnage. » Leur but dernier et
commun semblait être de faire proclamer héritier présomptif du
trône le duc d'Alençon au lieu du roi de Pologne (6). Au milieu
de l'incertitude, de l'indécision, du désordre, causés par les
conspirations de la Môle et de Coconas et des mouvements d'une
nouvelle guerre civile, Louis de Nassau ne put attendre l'entrée
en scène de la France, agissant comme puissance. Il lui fallait
agir au plus tôt : car, dès le mois de décembre, le Taciturne
poussait vers lui un véritable cri d'alarme (7). Il avait
d'ailleurs reçu de l'argent à suffisance pour marcher. Il
rassembla la petite armée qu'il avait formée, et dans laquelle
on distinguait, entre autres Français, un corps de cavalerie qui
avait escorté le duc d'Anjou jusqu'à Blamont. Il en prit le
commandement de concert avec le prince Christophe, fils de
l'électeur Palatin, et son propre frère le comte Henri de
Nassau. Il espérait surprendre Maestricht, faire soulever
peut-être Anvers, où il avait des intelligences, faire enfin sa
jonction avec le Taciturne qui l'attendait avec un petit corps
d'armée dans l'ile de Bommel. Mais Requesens était sur ses
gardes. Le comte Louis échoua devant Maestricht. L'entreprise
d'Anvers ne réussit pas. Les Espagnols à leur tour, concentrant
leurs forces et levant le siège de Leyde, coururent au devant
des envahisseurs, et leur infligèrent à Mokerheide une sanglante
défaite où les deux Nassau et le palatin trouvèrent la mort (8)
ED. POULLET.
(1) Qui semblait avoir envie de se marier.
(2) Groen. tom. IV, p. 279, 280, 81, etc.
(3) De Thou, liv. LVII. Juste, le soulèvement des Pays-Bas, tom.
I, p. 263, 264.
(4) Groen. IV, 230.
(5) Il mourut en juin.
(6) Voir Groen. IV, p. 277, 309, 311
(7) Groen. IV, p. 284, 282, voir aussi p. 358.
(8) Voir sur l'ensemble Nuyens, 165, 166, 167.
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