Dans son étude Une carrière
aventureuse - le Général Brice publié dans Le Pays
Lorrain en 1923, Raoul Brice raconte ainsi la tentative ratée,
le 10 juillet 1815, de capture simultanée par les partisans du
général Brice du tzar de Russie, de l'empereur d'Autriche, et du
roi de Prusse :
Les trois souverains alliés, le
czar de Russie, l'empereur d'Autriche, le roi de Prusse
s'étaient longtemps tenus à Heidelberg, dans l'attente
des événements de Belgique. [...] Ils arrivèrent à
Sarrebourg le 9 juillet et y séjournèrent le lendemain.
« Il s'en fallut de peu qu'ils ne fussent enlevés par le
corps franc du lieutenant-colonel Brice. ». L'officier
commandant l'avant-garde des partisans démasqua
l'entreprise en échangeant des coups de feu inopportuns
avec la cavalerie russe qui se trouvait à Héming. La
fusillade s'entendit à Sarrebourg. Elle alerta les deux
bataillons d'infanterie qui y cantonnaient. Ils se
disposèrent à défendre les abords de la ville. Le corps
franc ne s'attendait pas à rencontrer une résistance
aussi avertie. Brice dut renoncer à poursuivre un combat
inégal. Le zèle de son trop ardent adjoint avait fait
manquer une prise qui eut été unique dans l'Histoire. |
Raoul Brice appuie son exposé
sur la relation des campagnes de 1814-15 du général Guillaume de
Vaudoncourt, qu'il aurait écrite d'après des renseignements
directs :
Histoire
des campagnes de 1814 et 1815, en France
T. IV, Livre III, Chap. III
« Le 27 juin, le prince de
Schwarzenberg porta son quartier-général à Spire, où
vinrent les empereurs de Russie et d'Autriche, et le roi
de Prusse. Le corps russe de Rajewsky, destiné à
ccouvrir le grand quartier-général, passa le Rhin le
même jour à Spire, et s'avança vers Landau. Le 30 juin,
le quartier-général et son escorte étaient å Haguenau,
où se présentèrent les plénipotentiaires français, ainsi
que nous l'avons déjà dit. La démarche du gouvernement
provisoire, et la marche des armées anglo-batave et
prussienne sur Paris, ôtant toute idée de résistance
sérieuse et par conséquent de danger, le
quartier-général ennemi et son escorte continuèrent leur
marche, par Saverne et Sarbourg où ils arrivèrent le 2
juillet et séjournèrent le 3. Il s'en fallut peu qu'ils
ne fussent enlevés par le corps-franc du
lieutenant-colonel Brice. L'entreprise manqua par
l'imprudence de celui qui commandait son avant-garde, et
qui, au lieu de marcher directement à Sarbourg, où il
n'y avait que deux bataillons, s'amusa à attaquer la
division de cavalerie russe qui était à Heming. Le 5
juillet, les souverains et Schwarzenberg étaient à
Nancy [...] » |
Mais la version est toute
autre dans les écrits russes, comme ont le voit dans les
Mémoires 1814-1815 du lieutenant général russe Alexandre
Ivanovitch Mikhailovski-Danilevski :
Erinnerungen aus den Jahren 1814 und 1815
Alexandre Ivanovitch Mikhailovski-Danilevski
Ed. Dorpat, 1838
(édition allemande traduite du russe)
Kaum hatten wir die Vogesen im
Rücken, als die Franzosen den Guerillas-Krieg eröffneten;
ihre Corps standen unter dem Commando zweier
verabschiedeten Offiziere, Wolf und Brice. Einer meiner
Cameraden war von Saarburg nach Nancy abgeschickt worden.
Nachdem er bereits einige Werst zurückgelegt hatte,
erblickte er gegen hundert Bauern, die aus einem Walde
hervorkamen, und auf ihnzu feuern begannen, ungeachtet
er eine Bededung von acht Cosaken mit sich führte, sie
verwundeten den Offizier und zwei Cosaken. Diese
Nachricht erregte einige Unruhe in unserm Hauptquartier,
weil man beschlossen hatte, vom Abend an, die uns
begleitende eilfte und siebenzehnte Division
vorausziehen zu lassen, und der Kaiser beabsichtigte,
ihnen am andern Morgen nadhzufolgen; in der Convoi
Sr.Majestät befanden sich aber nur zwölf Leib-Kosaken.
In Folge dieses Vorfalls wurde nun befohlen, den Rand
der Wälder an den Straßen mit Infanterie zu besetzen,
und wir zogen mit den Truppen zusammen weiter. Welch ein
groBer Unterschied fand aber zwischen den Franzöfischen
Partheigängern und den Russischen während des
vaterländischen Krieges Statt ! Die unfrigen fanden die
lebhafteste Minwirkung bei den Einwohnern derjenigen
Stellen, wo sie sich zeigten, die Franzosen dagegen
schmäheten ihre Partheigänsger und gaben sie an. So
zum Beispiel benachrichtete uns der Maire des Städtchens
Blamont durch ein Schreiben, daß eine Räuberbande non
Partheigängern die Absicht gehabt, einen Anslag auf das
Leben des Kaisers auszusführen. |
Записки 1814-1815 - А. Михайловский-Данилевский
(1ère édition en 1832)
Ainsi, on connaissait
l'intervention du maire de Blâmont,
François Balthazard Lafrogne (1769-1845), pour la signature
de la Paix de Frémonville (19
juillet 1815), entre le Général Brice et le colonel russe Orloff
(Revue de l'Est de 1868 : « [...] la conférence de Frémonville,
qui mit fin aux corps-francs de la Meurthe (19 juillet) et dont
l'issue honorable fut due au patriotisme de M. Lafrogne, maire
de Blâmont, puis député. »).
La convention de Frémonville porte aussi la date du 7 juillet,
correspondant apparemment à la rédaction, par le gouverneur général russe M. d'Alopeus, du projet de reddition
des partisans.
François Balthazard Lafrogne avait-il dès cette date pris contact avec les
russes pour cette reddition qui n'interviendra que le 19 juillet ?
Car
Mikhailovski-Danilevski nous apprend que l'échec de la
capture des trois empereurs le 10 juillet 1815 est du à une
dénonciation écrite du projet de Brice, par François Balthazard
Lafrogne !
Ce qui permet aussi aux russes de renforcer la protection
initiale du tzar par 12 cosaques seulement, en garnissant
d'infanterie.les routes jusqu'à Nancy.
Cette information semble avoir échappé à la Revue de l'Est
citée plus haut, car, 36 ans après la première publication de Mikhailovski-Danilevski,
et en plein second Empire, on imagine mal qu'elle aurait
été aussi enthousiaste sur le « patriotisme de M. Lafrogne
».
On ignore ce qu'il serait advenu si les partisans français
avaient capturé les trois empereurs ennemis.
Mais sans l'intervention de François Balthazard Lafrogne, la
face du monde aurait pu être radicalement changée...
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