En bordure du
chemin rural de Frémonville (dans le prolongement de la
rue de la Gare de Blâmont), se dresse une croix d'une
hauteur de 1,20 m, portant
cette inscription :
ICI EST
MORTE
ACCIDENTELLEMENT
LA VENERABLE
SoeUR CLOTILDE VIARD
SUPERIEURE GENERALE
DES SoeURS DE St CHARLES
DE NANCY
LE 24 JANVIER 1795
A L'AGE DE 72 ANS
La croix ne porte aucune
autre inscription permettant d'en connaître la date ou le
commanditaire. |
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Histoire de
Nancy
Tome II - 1909
Christian Pfister (1857-1933)
p. 1011
Portrait de Clotilde Viard, dernière supérieure des soeurs de
Saint-Charles sous l'Ancien régime.
Nous empruntons ce portrait à
l'Histoire de la congrégation de Saint-Charles. La vénérable
mère Viard gouverna la maison de Saint-Charles avec la plus
grande énergie de 1776 à 1781, puis de 1788 jusqu'à son
arrestation le 11 septembre 1793. Nous racontons plus loin sa
mort, p. 1019, n. 2.
[...]
p. 1019.
[...]
La loi du 18 août 1792 supprime les congrégations; les soeurs
continuent à titre individuel le service dans les hôpitaux;
elles cessent de porter le costume religieux et restent sans être
inquiétées jusqu'au milieu de 1793. A cette date, elles furent
accusées de donner asile aux prêtres réfractaires, de refuser
les soins aux bons républicains, de se livrer auprès de leurs
malades à une propagande politique et religieuse. La
municipalité de Nancy ordonna, le 11 septembre, une
perquisition dans les hôpitaux de Sainl-Charles, de
Saint-Julien, chez les « enfants naturels » de la patrie,
comme l'on nommait les enfants trouvés, à l'hôpital militaire
et à celui de Boudonville. On initia main sur la supérieure générale
Clotilde Viard, qu'on transporta au couvent des dames prêcheresses,
devenu une prison, et qui plus tard fut conduite à Strasbourg
(2) ; avec elle furent arrêtées trois ou quatre soeurs, qu'on
accusait de fanatisme ou qu'on avait trouvées sous le «
ridicule » costume de la congrégation. Mais, dans les papiers
saisis, on ne découvrit rien de suspect, et les religieuses qui étaient laissées en liberté
poursuivirent leur service.
(2). Elle ne fut délivrée qu'au début de 1795 et voulut
revenir à Nancy : « Mais près de Blâmont, en descendant la côte
si rapide de la Coupe, la diligence verse dans le fossé de la
route et écrase la pauvre religieuse qui n'avait quitté la
prison que pour monter au ciel. » Histoire de la congrégation,
t. 1.
Dictionnaire
des ordres religieux,
ou Histoire des ordres monastiques, religieux et militaires
et des congrégations séculières de l'un et de l'autre sexe,
qui ont été établies jusqu'à présent.
T. 4 - 1859
par le R. P. Hélyot
La digne Mère
Clotilde Viard fut élue supérieure en remplacement de la Mère
Jacquemart. On ne pouvait se lasser d'admirer dans les premières
années qu'elle était dans la maison de Saint-Charles sa piété
si vive, sa modestie si parfaite, sa soumission entière, son
inaltérable douceur; dès les premières années de sa
profession elle fut un des ornements les plus brillants de la
congrégation. Sa sagesse et ses vertus, la firent placer sur le
chandelier. comme une lumière qui devait éclairer la congrégation
tout entière. Ce fut un bonheur et une grâce insigne de la
Providence pour la congrégation qui touchait aux mauvais
jours;. que l'élection de la soeur Clotilde au généralat.
Elle se livra d'abord sans relâche aux travaux pénibles de sa
place; elle entreprit des voyages; visita une-foule d'établissements
pour ranimer partout l'esprit religieux de ses filles, quand tout
à coup sonna l'heure fatale de la puissance des ténèbres.
La France avait bu à la coupe de l'impiété; ivre, elle
chancelait sur les bords de l'abîme; les incrédules s'étaient
ligués contre Dieu et contre son Christ: ils veulent secouer le
joug de l'Eglise et briser les liens qui les attachent à elle.
Toute autorité devient odieuse; aussi bientôt le trône est
renversé, le vertueux monarque et sa famille périssent sur l'échafaud;
les autels sont abattus, les églises détruites ou profanées;
les prêtres sont obligés de choisir entre l'apostasie, les.
supplices ou la mort. La mesure des crimes est comble; la
justice divine éclate; rien ne reste debout, on ne rencontre
plus que des amas de ruines. Les servantes des pauvres, les mères
des malheureux, celles qui veillent au chevet du moribond, les
mains charitables qui remuent sa couche, ne trouvèrent pas grâce
devant ces farouches persécuteurs. Ils procédèrent à
l'arrestation de toutes les religieuses qui ne voulurent pas prêter
un serment sacrilège. La Mère Viard donna à toutes ses soeurs
l'exemple édifiant d'une fermeté inébranlable, d'un courage
à l'épreuve; elle résista à toutes les sollicitations.
Cent trente-deux évêques sur cent trente-six, dont se
composait l'épiscopat de notre patrie, la masse des prêtres et
des religieux, qui périssaient sur les échafauds ou qui
partaient pour l'exil, tant d'héroïnes chrétiennes arrachées
de leurs cloîtres et qui préféraient la mort à l'apostasie,
tel était le magnifique spectacle offert par l'Eglise de
France. La digne Mère Viard fut prise, arrachée des bras de
ses filles, conduite à Strasbourg et jetée dans une prison où
elle resta seize moins sans autre consolation que celle qu'elle
puisa dans sa piété et sa résignation aux volontés du
ciel.
Après cette douloureuse séparation de seize mois, on vint lui
annoncer son retour à Nancy. Rien ne peut égaler la joie
qu'elle ressentit. Elle allait retrouver ses chères filles, les
consoler, les confirmer dans leurs résolutions généreuses de
tout souffrir plutôt que de se rendre coupables par la
prestation d'un serment contraire à leur conscience Mais hélas
! la voiture qui la portait ayant versé, elle fut écrasée
dans sa chute.
Voir aussi : Clotilde VIARD
(1723-1795)
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