| Les Discours 
				de M. le Prince de Bismarck:Ed. Berlin : 1872
 
 LES DISCOURS DE M. LE PRINCE DE BISMARCK (1871-1872)
 REICHSTAG ALLEMAND
 IIème SESSION DE 1871
 SÉANCE DU 25 OCTOBRE
 Première et seconde lecture 
				de la convention conclue avec la France le 12 octobre 1871 (1).
 Le Chancelier de l'Empire, prince de Bismarck, ouvrit la 
				discussion par le discours suivant :
 Je me permets d'ajouter au projet ainsi qu'au Mémoire dont il 
				est accompagné, quelques mots qui en expliquent l'origine. [...]
 Quant à la question territoriale, c'est-à-dire la modification 
				des frontières déjà approuvées par une loi, modification 
				concernant trois communes (deux qui portent le nom de Raon, et 
				une qui est sise au sud d'Avricourt), elle n'a qu'une importance 
				très minime. Dès l'origine, quand, à Versailles, les frontières 
				furent fixées, le gouvernement français avait élevé des 
				réclamations à l'égard de quelques points de cette 
				ligne-frontière. Ces réclamations portaient en partie sur 
				certaines communes dans le voisinage de la frontière 
				luxembourgeoise, en partie sur un établissement industriel qui 
				est connu sous le nom de Moyeuvre, en partie aussi sur les deux 
				territoires dont il est ici question. Dès cette époque, après 
				avoir consulté les autorités militaires et administratives 
				compétentes, je déclarai au gouvernement français qu'en ce qui 
				concernait la première des deux questions, c'est-à-dire 
				relativement à Moyeuvre, les conditions locales de ce grand 
				établissement, qui se serait trouvé avoir des deux côtés de la 
				frontière des issues souterraines de mines très considérables, 
				nous mettaient dans l'impossibilité absolue de faire une 
				concession. La grande exploitation minière dont il s'agit aune 
				sortie qui nécessairement serait toujours restée allemande, et 
				une autre qui aurait dû devenir française. Les deux parties de 
				la mine se trouvant dans une même main, les travaux y sont 
				poussés d'une manière convergente, et quand elles se seront 
				rejointes, il eut fallu les couper par une frontière de douane 
				souterraine qu'on n'aurait pu contrôler qu'au moyen de puits. - 
				En revanche, je ne laissai pas ignorer dès lors au gouvernement 
				français qu'il nous serait possible de lui faire une concession 
				sur les deux points dont il s'agit à présent. J'ajoutai 
				d'ailleurs que nous ne les céderions pas gratuitement. Mais 
				lorsque le moment viendrait où nous aurions encore à faire 
				quelque règlement de compte, ces deux communes étaient la 
				monnaie qu'à l'occasion nous pouvions, de notre côté, donner en 
				paiement, vu que nous n'y attachions pour nous-mêmes qu'une 
				médiocre valeur. Dans les deux communes se trouvent cependant 
				des bois qui ont pour le fisc beaucoup de valeur ; aussi 
				avons-nous réservé ces bois en dehors de la concession. Les 
				communes mêmes sont françaises, d'après la nationalité de leurs 
				habitants ; sises sur le versant opposé, par rapport à nous, du 
				Donon, hautes montagnes impraticables, comme on sait, elles sont 
				pour leurs affaires mieux placées sous l'administration 
				française. - Quant à la commune au sud d'Avricourt, la situation 
				est différente. A Avricourt s'embranchent deux petits chemins de 
				fer, dont l'un descend au sud vers une localité restée française 
				et l'autre suit au nord une direction qui est devenue allemande. 
				Naturellement il est désirable, dans l'intérêt des deux pays et 
				de la population qui habite aux extrémités de ces chemins de 
				fer, que celle-ci puisse se rendre dans son propre pays sans 
				avoir à traverser le territoire étranger ; ainsi les habitants 
				de la commune française de Cizey, je crois, peuvent entrer en 
				France sans passer sur le territoire allemand à Avricourt. Cette 
				considération a paru juste, et par suite nous avons consenti à 
				laisser la frontière couper, entre les deux embranchements, la 
				ligne principale du chemin de fer, - à la condition que la 
				France nous construise sur territoire allemand une gare dont les 
				avantages compensent ceux que nous avions jusqu'ici, et qu'elle 
				fasse à ses frais les changements nécessaires de la voie ferrée. 
				Une condition antérieure, fixée relativement à la cession de 
				Raon, et d'après laquelle devait être construite à nouveau, en 
				cas de cession, une route traversière, se trouve annulée, parce 
				que cette route est tracée dans l'intérieur de la magnifique 
				forêt que nous avons exceptée de la cession ; ainsi nous gardons 
				la route dans sa forme première. En déclarant que je suis prêt 
				volontiers à donner tout éclaircissement, à qui le désirera, sur 
				les motifs ou sur la portée de la convention, je me permets de 
				recommander d'autant plus vivement à votre bienveillant examen 
				l'adoption du projet, que, vu la connexion qui a été, dans notre 
				intérêt, établie entre les deux traités, il est désirable de 
				pouvoir informer le plus tôt possible le gouvernement français 
				de la ratification, qui est dépendante de votre approbation.
 
 (1) Voici les principales dispositions de cette 
				convention du 12 octobre, qui modifiait sur certains points les 
				conditions de paix antérieurement fixées.
 [...] Convention additionnelle au traité de paix. [...]
 Art. 10 . Le gouvernement allemand rétrocèdera à la France :
 1 ° Les communes de Raon-les-Leaux et de Raon-sur-Plaines 
				exclusivement de toute propriété domaniale ainsi que des 
				propriétés communales et particulières enclavées dans le 
				territoire domanial réservé ;
 2° la commune d'Igney et la partie de la commune d'Avricourt 
				située entre la commune d'Igney, jusques et y compris le chemin 
				de fer de Paris à Avricourt, et le chemin de fer d'Avricourt à 
				Cirey.
 Le gouvernement français prendra à sa charge les frais d'une 
				station de chemin de fer à construire sur le terrain choisi par 
				le gouvernement allemand, et qui suffira aux intérêts militaires 
				et commerciaux autant que celle d'Avricourt.
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