On trouve dans divers textes
la trace d'un missel, ou livre d'heures, de Marguerite de
Lorraine, avec parfois la mention de « Dame de Blâmont ».
Mais, comme on le verra ci-dessous, il semble qu'il règne une
confusion entre les « Marguerite de Lorraine » :
-
Marguerite de Lorraine
est la fille de Ferry Ier de Vaudémont (fils de
Jean Ier, duc de Lorraine, et frère du duc de
Lorraine Charles II) et de Marguerite de Joinville. Elle a
épouse le comte Thiebaut II de Blâmont, mais devenue veuve
en 1431, va exercer le gouvernement du comté (mainbournie)
puisque ses six enfants sont mineurs, jusqu'à la majorité de
Ferry II en 1437 ; elle est ainsi souvent désignée sous le
titre de « Dame de Blâmont » (voir par exemple
Lettre de Marguerite de Blâmont -
1444).
-
Marguerite de Lorraine,
parfois appelée de Lorraine-Vaudémont (1463-1521), évoquée
dans le premier texte ci-dessous comme « Marguerite de
Lorraine, Duchesse d'Alençon, bisaieule de Henri IV » : il
s'agit ici de Marguerite de Lorraine-Vaudémont (1463-1521),
fille de Ferry II de Vaudémont, duc de Lorraine.
Leur relation familiale
s'établit ainsi :
Ferry Ier de Vaudémont |
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Marguerite de Joinville |
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Marguerite de Lorraine |
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Thiébaut II de Blâmont |
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Antoine de Vaudémont |
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Marie d'Harcourt |
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Ferry II de Vaudémont, duc de
Lorraine |
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Yolande d'Anjou |
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Marguerite de Lorraine-Vaudémont |
René d'Alençon, duc d'Alençon |
La « Dame de Blâmont » est donc la grand-tante de la « Duchesse
d'Alençon » et il y a deux générations d'écarts.
L'ouvrage cité ci-dessous, offert à Marie-Louise et Napoléon en
1811, serait donc celui de la « Duchesse d'Alençon » :
Histoire
de Marguerite de Lorraine, Duchesse d'Alençon, bisaieule
de Henri IV, abbé E. Laurent, ed. Argentan 1854
« L'empereur Napoléon, revenant de
Cherbourg avec l'impératrice Marie-Louise, le vendredi
31 mai 1811, et se rendant à Alençon, arriva à Argentan
vers trois heures d'après-midi, et s'y arrêta une
demi-heure, sans toutefois descendre de voiture. Mme
Provost présenta à l'impératrice le missel ou livre
d'heures de Marguerite de Lorraine, « parente de la
maison d'Autriche, ayant eu soin de recouvrir ce beau
volume de velours rouge et d'y ajouter la généalogie de
la sainte duchesse d'Alençon. L'empereur trouva ce livre
si intéressant, qu'il le parcourut avec l'impératrice,
d'Argentan à Alençon. » Depuis cette époque, jusqu'à la
fin de l'empire, c'est-à-dire pendant trois ans,
Marie-Louise envoya chaque année une somme de 500 fr.
aux dames religieuses de Sainte-Claire d'Argentan. Nous
avions espéré que le précieux manuscrit dont nous
parlons aurait pu être recueilli par quelque
établissement public de la capitale. M. Ferdinand Dénis,
conservateur de la bibliothèque Sainte-Geneviève, a eu
l'extrême obligeance de faire pour nous des recherches à
la Bibliothèque impériale, à celle du Louvre et au Musée
des Souverains. Il n'y a trouvé aucune trace du livre de
Marguerite; or, il est certain que, si jamais il y avait
été déposé, on en eût gardé quelque souvenir. » |
On ignore cependant ce que ce
livre d'heures est devenu puisque le Bulletin de la Société
historique et archéologique de l'Orne de 1911 publie la
question suivante :
« M. le Chanoine Dumaine demande ce qu'ont pu devenir les
Heures de Marguerite de Lorraine données à l'impératrice
Marie-Louise, lors de son passage à Argentan, en 1809, par une
religieuse survivante de l'abbaye de Ste-Claire de cette ville.
Pour répondre à cette question.il y aurait à rechercher si la
princesse les a emportées en Autriche, puis à Parme. Sont-elles
en quelque dépôt public de France, ou de l'étranger, ou bien
sont-elles passées par héritage dans la descendance de l'une ou
de l'autre des deux familles morganatiques de l'ex-impératrice,
les Neipperg ou les Bombelles. M. le baron de Mackau, notre
éminent collègue, est l'un des représentants de la dernière. »
Cependant, en 1861, dans « Les maisons du vieux Nancy »,
de Léon Mougenot, on trouve cette information curieuse :
« Près l'Arsenal, s'élève l'hôtel de Beaufort de
Gellenoncourt, appartenant, depuis l'an XI, à la famille de
Roguier. [...].
Le propriétaire actuel possède quelques morceaux lorrains fort
intéressants qu'il nous a montrés avec courtoisie: un portrait
du duc Antoine, de l'école de Clouet; le livre d'heures de
Marguerite de Lorraine, enluminé sur vélin, avec reliure de
maroquin fleurdelysé; [...] »
A quelle Marguerite de Lorraine appartient ce livre présent à
Nancy en 1861 ?
Car l'affaire se complique en 1928 :
Les
Cahiers lorrains : organe des sociétés littéraires et
scientifiques de Metz et de la Moselle
Société d'histoire et d'archéologie de Lorraine, Metz
1er septembre 1928
Le livre d'heures de
Marguerite de Lorraine. - Un libraire de Berlin a mis en
vente, il y a quelque temps, au prix de 9.500 marks-or,
un livre d'heures qui a appartenu à Marguerite de
Lorraine, dame de Blâmont. Ce manuscrit, sur parchemin
de 132 feuillets, encadrés de bordures dorées et
coloriées, renferme treize grandes miniatures: dans
l'une d'elles, la dame de Blâmont est représentée priant
la Vierge avec l'Enfant. Marguerite, de Lorraine, fille
de Ferri de Vaudémont, frère du duc Charles II de
Lorraine, avait épousé vers 1415 Thiébaut II, comte de
Blâmont, qui mourut des suites d'une blessure reçue à la
bataille de Bulgnéville (1431), où il combattait dans
l'armée du duc René Ier contre le prétendant au trône
ducal Antoine de Vaudémont, frère de Marguerite de
Lorraine. Par son testament, daté de 1469, cette
dernière légua à sa petite-fille Marguerite de Blâmont
un livre d'heures qui est probablement le manuscrit à
miniatures du libraire berlinois. Ce libraire note dans
le même article de son catalogue qu'un livre d'heures
analogue, ayant appartenu au duc René fut vendu à la
vente "Thompson, à Londres, le 23 mars 1920, au prix de
4.800 livres, ce qui fait plus d'un demi-million de
notre monnaie. A propos de la vente Thompson, rappelons
que le pontificat de Metz, à l'usage de l'évêque de Metz
Renaud de Bar (1302-1316), et qui fut reproduit dans la
belle édition de 1920, a été distrait de la vente et
donné par M. Thompson au Fitzwilliam Muséum de
Cambridge. |
L'ouvrage aurait donc été
acquis par la librairie Gumuchian (112 rue de Richelieu à Paris)
puisque qu'on retrouve les Heures de Marguerite de Lorraine en
1929 à son catalogue.
Manuscrits, incunables, beaux livres en tous genres
By Gumuchian & cie
Ed. Paris, 1929
HEURES DE MARGUERITE DE LORRAINE,
DAME DE BLAMONT (1398-1469 ?)
6 bis. HORAE beatae Mariae Virginis. Manuscrit latin sur
vélin, du début du XVe siècle (avant 1431 ?). Petit
in-4, 130 ff. (2 ou 3 semblent manquer), avec large
décoration florale en marge, or, vert, bleu, rouge. 13
grandes miniatures. Veau fauve orné à froid, dos à
nerfs, tranches originales conservées. (Rel. mod.).
45.000 fr.
Très beau ms. très grand de marges, grandes lettres
gothiques noires et rouges. Calendrier en rouge et bleu
alternés, quelques lignes en or. Les treize jolies
miniatures représentent : 1. SAINT JEAN ASSIS DANS UNE
CHAIRE, devant son livre posé sur un pupitre. 2. LA
VIERGE TENANT SUR SES GENOUX l'Enfant-Jésus et portant
sur sa tête une couronne de comtesse (?) ; devant eux
est agenouillée Marguerite de Lorraine dans sa robe rose
pâle bordée de fourrure et coiffée du hennin (il est à
noter que la petite taille de Marguerite de Lorraine est
évidemment intentionnelle et symbolique). 3.
L'ANNONCIATION ; sous cette miniature s'en trouve une
plus petite représentant la Vierge devant son métier à
tisser ; près d'elle un ange file. 4. LA CRUCIFIXION. 5.
LA NATIVITÉ. 6. L'ADORATION DES MAGES ; le fond de cette
miniature est orné d'une mosaïque quadrillée or, bleu et
rouge. 7. LA PRÉSENTATION AU TEMPLE. 8. SAINTE
MARIE-MADELEINE tenant un vase d'or. 9. SAINTE CATHERINE
tenant d'une main son épée et la roue de son supplice et
de l'autre un livre d'heures. 10. SAINTE MARGUERITE
assise sur un dragon vert et or. 11. SAINTE APOLLINE
attachée à un poteau, les mains liées avec une corde ;
un homme vêtu d'un pourpoint rouge lui arrache les dents
avec de longues pinces, tandis qu'un autre personnage la
maintient. 12. SAINTE AVOIE, penchée à la fenêtre de sa
prison, dans un château, reçoit le Saint-Sacrement des
mains de la Vierge, assistée d'un ange aux ailes roses
(Avoie = Avia, Aveze : ces reliques étaient conservées
dans un couvent d'Ursulines à Paris). Nombreuses
initiales en couleur dont un grand nombre sont sur un
fond d'or en feuilles. Fins de lignes en or et couleurs.
Ce manuscrit présente un intérêt exceptionnel non
seulement par ses mérites artistiques, mais par sa
provenance. Il a, en effet, appartenu à un membre de la
famille de DUCS DE LORRAINE et peut être
approximativement daté par le blason qui se trouve au
bas de la 2e miniature (écartelé au 1 et au 4 de deux
bars adossés de ... sur fond de gueules ; au 2 et au 3
d'or à la bande de gueules chargée de trois alérions
d'argent, qui est de Lorraine). Ce blason est celui de
MARGUERITE DE LORRAINE, fille de Frédéric, comte de
Vaudémont, tué en 1415, à la bataille d'Azincourt, et de
Marguerite, héritière de Vaudémont et de Joinville,
morte en 1416. Elle épousa vers 1415, Thiébaut II,
seigneur de Blamont (1371-1431). Tous les renseignements
à ce sujet se trouvent dans l'ouvrage de Martimpré de
Romécourt, les Sires et Comtes de Blamont, Nancy, 1890.
Elle fit son testament le 6 avril 1469 et après les dons
à son fils on lit : Item, je donne à Marguerite, fille
de mondit fils Ferry, mes heures où je dis chacun jour
mes heures, pour prier Dieu pour moi et afin qu'elle ail
souvenance de moi. Il est hors de doute que nous sommes
ici en présence des Heures mêmes qu'elle légua à sa
petite-fille. La date du testament fait preuve, mais en
outre le ms. fut certainement écrit avant la mort de son
mari en 1431, très probablement peu après son mariage
vers 1415. La date de sa mort est inconnue, mais elle a
du mourir peu après avoir fait son testament. La
seigneurie de Blamont ou de Blankenberg était en
Lorraine, entre Lunéville et Sarrebourg et fut cédée au
duc René II, en 1503. |
L'information sur la vente à
Berlin réapparait tardivement en 1930
Annales de
l'Est
1er janvier 1930
Un livre d'heures orné de treize
grandes miniatures, a appartenu à Marguerite de
Lorraine, dame de Blâmont. Il vient d'être mis en vente,
par un libraire de Berlin, au prix de 9.500 marks-or. Un
anonyme qui signe des initiales P. A.-J. rappelle à ce
sujet (2) que par son testament, daté de 1469,
Marguerite fille de Ferri de Vaudémont et épouse de
Thiébaut II, comte de Blâmont, légua à sa petite-fille,
Marguerite de Blâmont, un livre d'heures qui pourrait
bien être celui-ci.
(2) P. A.-J., Notes de lecture (C L 1928,
p. 127). |
Il y a donc très clairement
un livre d'heures de la « Dame de Blâmont ». Est-ce le même que
celui que possédait la « duchesse d'Alençon » (le livre remis à
Napoléon ?) ? Est-ce le livre signalé à Nancy en 1861 ?
Et la question se complique lorsqu'on apprend par Le
Quotidien, du 20 novembre 1935, qu'un livre d'heures de
Marguerite de Lorraine à été vendu dans une « Vente Barthou
à Paris les 18/19 novembre 1935, par Me Ader et M. Giraud-Badin
: 18050 fr. (avec reliure moderne) ».
D'où un énigme que des bibliophiles avertis pourront peut-être
résoudre, car nous ne trouvons plus aucune trace après 1935 :
-
existe-t-il deux Livres
d'Heures de Marguerite de Lorraine, ou s'agit-il d'un seul
et même livre que Marguerite de Lorraine-Vaudémont aurait
reçu de sa grand-tante ?
-
et où est (sont)
aujourd'hui ce(s) livre(s) ?
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