Le dernier nom en bas à
droite du monument aux morts de la commune de Blâmont est celui
de « MAGRON Marcel » sous l'indication « INDOCHINE »
Mais si l'Indochine (Laos) est bien le lieu du décès, il ne
s'agit pas de la guerre dite couramment « d'Indochine ». |
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Marcel Charles Deviers nait le 22 aout 1917 à Croismare. Il est
légitimé par le mariage à Marainviller le 29 décembre 1923, de
sa mère, Juliette Deviers avec Charles Constant Magron.
Il faut attendre 1949 pour voir Charles Magron apparaître dans
le registre communal des décès de Blâmont. Le 1er mars 1949,
figure la transcription suivante :
« Extrait des Registres d'Etat Civil de Ban Lan (Laos) -
Centre administratif d'Extrême Orient.
« Le sept juin mil neuf cent quarante six, à huit heures est
décédé à Banlan (Laos) "Mort pour la France", le sergent chef,
Marcel Charles Magron, du dixième Régiment mixte d'Infanterie
Coloniale, né à Croismare (Mthe et Mlle) le vingt deux août mil
neuf cent dix sept, domicilié en dernier lieu à Blâmont, fils de
Charles Constant Magron, Employé à la S.N.C.F et de Juliette
Amélie Deviers, sans profession, son épouse, domiciliés à
Blâmont, époux de Marie Paule Doat.
« Dressé le vingt septembre mil neuf cent quarante six, par moi
Joseph Lahouze, Sous Lieutenant, Centre Administratif d'Extrême
Orient, Officier de l'Etat Civil, sur la déclaration de Jean
Abouladejos, Sergent, vingt-neuf ans, Bataillon de garnison à
Saïgon, qui a signé avec moi, après lecture. Suivent les
signatures.
Transcrit le premier mars mil neuf cent quarante neuf par nous,
Docteur Maurice Thomas, Adjoint au Maire de la Ville de Blâmont
Officier de l'Etat Civil par délégation. »
Mais le 5 juillet 1949 apparait la transcription d'un jugement
rectificatif ::
« Extrait des Minutes du Greffe du Tribunal Civil de première
instance à Lunéville »
« La mention rectificative ci-dessous se réfère au jugement
déclaratif de décès de Marcel Charles Magron transcrit le
premier mars mil neuf cent quarante neuf sous le numéro huit.
Par ces motifs... Dire que dans l'acte de décès de Magron Marcel
Charles, transcrit sur les registres de l'Etat Civil de la Ville
de Blâmont, le premier mars mil neuf cent quarante neuf, la date
du sept juin mil neuf cent quarante cinq sera substituée à celle
du 7 juin mil neuf cent quarante six.
« Fait au parquet le treize juin mil neuf cent quarante neuf par
nous, Procureur de la République près le Tribunal de première
instance de Lunéville.
« Transcrit le cinq juillet mil neuf cent quarante neuf par nous
Jean Crouzier Député Maire, Officier de l'Etat Civil de la Ville
de Blâmont. »
Marcel Magron est donc décédé au Laos le 7 juin 1945. La guerre
d'Indochine ne commencera pourtant que le 19 décembre 1946.
Si la capitulation de l'Allemagne nazie est intervenue le 8 mai
1945, la seconde guerre mondiale ne prendra fin dans la zone
pacifique qu'avec la capitulation du Japon le 2 septembre 1945 :
le nom de Marcel Magron devrait donc figurer dans la catégorie
« Seconde guerre mondiale ».
C'est d'ailleurs dans cette rubrique qu'est classé son dossier
AC 21 P 279580 par le Service historique de la Défense à Caen.
Déclaré mort pour la France « Magron (Marcel-Charles),
sergent-chef, 10ème régiment mixte d'infanterie
coloniale » se voit attribuer la médaille militaire à titre
posthume par décret du 20 novembre 1951 (JO 22 novembre 1951).
Mais c'est cependant une page très particulière de la seconde
guerre mondiale que rappelle le destin tragique de Marcel
Magron. Indochine
1945 Au début de
1945, le Laos est divisé en deux parties : au nord, le royaume
de Luang Prabang, sous protectorat français, au sud, des
provinces administrées directement par le résident supérieur à
Ventiane. La situation militaire difficile des forces japonaises
dans le pacifique leur fait craindre que le territoire de
l'Indochine puisse servir de point de passage à l'armée
américaine : les troupes japonaises se déploient début mars, et
exigent le 9 mars du Général Decoux, gouverneur de l'Indochine,
la reddition des troupes françaises.
Mais dès 20 h, l'armée impériale japonaise attaque les garnisons
françaises. Dans de nombreuses villes, les soldats français
luttent désespérément avant d'être décimés et massacrés. Les
survivants sont enfermés dans des camps de travaux forcés, et le
15 mai 1945, le général japonais déclare les opérations
terminées.
Avec quelques milliers d'hommes, le général Gabriel Sabattier et
le général Marcel Allessandri parviennent à remonter vers la
Chine, harcelés par les Japonais. Des groupes de résistance
français se créent au Laos, menant une guérilla contre les
Japonais (mais, dans son étude sur La Libération du Laos
1945-1946, le Général Jean Boucher de Crevecoeur évalue à la
date du 15 août le total de ces soldats clandestins à seulement
200 européens et 300 Indochinois).
Le 26 mai 1945, la France met officiellement sur pied le corps
expéditionnaire français en Extrême-Orient, sous les ordres du
Général Leclerc, et se prépare à l'envoyer combattre les
Japonais : mais à la conférence de Potsdam (du 17 juillet au 2
août 1945) les Alliés décident que les opérations d'Indochine
seront menées sans la France, au sud par les Britanniques et au
nord par les Chinois ; ces interventions militaires
interviennent dès la capitulation du Japon.
Dans quelles circonstances est décédé
Marcel Magron le 7 juin 1945 ?
Le 9 mars 1945, le 10ème régiment
mixte d'infanterie coloniale est stationné est à Hué, chargé de
la protection de l'Annam. On sait que certains soldats vont
échapper à l'encerclement japonais et rejoindre la résistance :
mails ils sont cependant peu nombreux et beaucoup d'entre eux
seront capturés par la Japonais.
Le 3ème bataillon du 10ème RMIC, sous les
ordres du capitaine Profit, est en garnison à la forteresse de
Lang Son, lorsque le 9 mars 1945, le résident-général Auphelle,
le colonel Robert, son adjoint le commandant Leroy et le
lieutenant-colonel Amiguet, qui commande l'artillerie, sont
conviés à 18 heures 30 à un dîner par le colonel japonais
Shizumé.
Ils sont arrêtés vers 20 heures à la fin du repas, et les
Japonais veulent les contraindre à signer l'ordre de reddition
de la garnison : devant leur refus, Amiguet et Leroy sont
abattus.
Dès 21 heures, l'attaque japonaise se déclenche, mais la
garnison refuse de se rendre et résiste, jusqu'au 10 mars à 17 h
où elle se résigne à la capitulation. Une grande partie des
survivants (460 prisonniers) sera massacrée par les Japonais
(décapités au sabre, à la hache, mitraillés, tués à la
baïonnette, achevés à coups de pioche...).
Le général Emile Lemonnier (commandant la défense de la province
et de la citadelle), qui refuse la reddition totale de la
province, et le résident-général Camille Auphelle sont décapités
par les Japonais le 12 mars dans les grottes de Ky Lua. Le
colonel Jean-Baptiste Robert est exécuté le 13 mars dans sa
prison.
On perd donc toute trace officielle du 10ème régiment
mixte d'infanterie coloniale dès les combats des 9 et 10 mars
1945.
Il est donc probable que, le 7 juin 1945, Marcel Magron soit
décédé dans un camp japonais de prisonniers, même si la nom de
Ban Lan ne figure pas dans l'arrêté du 22 janvier 1951 (voir
ci-dessous) : ce qui explique le classement de son dossier
militaire sous la rubrique « AC 21 P » qui regroupe les dossiers
individuels des déportés et internés
résistants.
Arrêté du 22
janvier 1951 fixant la liste des camps et prisons, établis par
les Japonais en Indochine, durant la guerre, considérés comme
lieux de déportation - Ministère des anciens combattants et
victimes de guerre. (JO du 3 février 1951)
Liste des camps et prisons
établis par les Japonais en Indochine durant la guerre,
considérés comme lieux de déportation
Le ministre des anciens combattants et victimes de la guerre et
le ministre d'Etat, chargé des relations avec les Etats
associés,
Vu la loi n° 48-1251 du 6 août 1948 établissant le statut
définitif des déportés et internés de la Résistance;
Vu le décret n° 49-427 du 25 mars 1949 portant règlement
d'administration publique pour l'application de ladite loi, et
notamment son article 7;
Vu l'avis de la commission nationale des déportés et internés
résistants en date des 6 octobre 1950 et 13 octobre 1950,
Arrêtent:
Article unique. - Sont considérés comme lieux de déportation, en
Indochine, les camps et prisons instaurés et administrés par la
gendarmerie japonaise, énumérés ci-après:
Les cellules de l'immeuble Shell, de la sûreté, et de la maison
centrale à Hanoï.
Les cellules de la sûreté, de l'école Henri-Rivière et de la
prison civile à Haïphong.
La prison municipale à Namdinh.
Les camps de travail forcé le long de la route en construction à
Hoa Binh.
La prison civile et les cellules de la chambre de commerce à
Saigon.
Les cellules de la sûreté à Vinh.
Les cellules de la gendarmerie japonaise, de la sûreté et du
commissariat central à Pnom-Penh.
Le camp de Paksong.
Fait à Paris, le 22 janvier 1951.
Le ministre des anciens combattants et victimes de la guerre,
LOUIS JACQÜINOT.
Le ministre d'Etat, chargé des relations avec les Etats
associés, JEAN LETOURNEAU.
Rédaction :
Thierry Meurant |
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