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23 juin 1916 - Combat aérien mortel sur Blâmont
 


En complément de l'article Combats aériens - 1914-1918 - 23 juin 1916les récits français de l’époque (L’Aérophile novembre 1916, « Leur dernier vol » de Jacques Mortane 1931...) rapportent que l’avion français heurta l'ennemi et que les deux appareils, enchevêtrés allèrent s'écraser au sol.
Mmais le pilote allemand est sorti vainqueur et indemne du combat, comme en témoignent les habitants de Blâmont, se demandant même si lors de l’enterrement des aviateurs français, le 25 décembre 1916, l’avion allemand qui volait bas n’était pas le pilote allemand adressant un dernier salut à ses adversaires.

L’histoire eut été plus chevaleresque que la tragique fin de l’avion de reconnaissance MF 11 bis : car il apparait que, touché en vol par le tir de mitrailleuse allemande, le moteur aurait pris feu, entraînant la rupture de l’avion. La partie avant, plus lourde, est sans doute tombée avec le pilote Jacques Semelin, retrouvé « carbonisé » dans une grande flambée rouge, et la partie arrière est descendue beaucoup plus lentement, tandis que l’observateur,Théophile Gallon, était projeté dans le vide, dans une chute libre vers le sol.

L’erreur vient peut-être de l’avion français, venu presque immédiatement constater la situation, et qui a clairement dû apercevoir deux masses de débris distinctes, relativement proches. En 1916, aucune communication n’existe entre la ville occupée et le reste du pays, et aucun témoignage local n’a pu relater la vérité à l’extérieur.

C’est encore sur cette erreur que, concernant le nom du pilote allemand, certains ont avancé celui du gefreiter Hermann Keller sur monoplan de chasse fokker monoplace du Fliegerabteilung 32 : mais si Keller est bien décédé le 23 juin 1916, c’est lors d’un vol d’essai à Berticourt dans le Pas-de-Calais, et non en Lorraine.

Les dépêches du grand quartier général allemand indiquent à la date du 24 juin 1916, que le Lieutenant Kurt Wintgens (né à Neustadt 1er août 1894, abattu à -Villers Carbonel le 25 septembre 1916 par le pilote français Alfred Heurtaux), de l'unité allemande FA6, a abattu à Blâmont son septième avion ennemi, un biplan français : à cette période, le seul biplan abattu dans la région de Blâmont ne peut être que celui de Jacques Semelin et Théophile Gallon.

L’information est d’ailleurs confirmé par la photographie publiée dans « Die Königlich Sächsichen Brigade-Ersatz-Bataillone 88 u. 89 und das Königlich Sächsische Ersatz-Infanterie-Regiment 40 im Weltkriege » édité à Dresde en 1929, dont la légende est « Ein von Lt. Wintgens abgeschossenes französiches Flugzeug zwischen Bahnhof Blâmont und der Ferme Ste. Anne ».


Blâmont - Avion abattu par le Lieutenant Wintgens


Déjà décoré de l’ordre « Pour le mérite » le 4 mais 1916, Kurt Wintgens aura compté onze victoires supplémentaires entre sa septième victoire, ce 23 juin 1916, et sa mort en septembre.


Voici ce qu’écrit Jean René Philibert Séliquer (Blâmont 1897- Nancy 1930) dans ses carnets tenus au jour le jour :


Vendredi 23 juin 1916 :

« Nous allons bêcher le reste de nos pommes de terre dans la matinée. Vers 10 h, des obus éclatant en l’air vers Igney nous annoncent un aéro français. Il va vers Gogney. Le canon I entre en action aussi et tire à toute vitesse. De tous côtés autour de l’avion des obus éclatent. Il file vers Cirey ; on ne voit plus que de lointains ballonnets. Ils tournent peu à peu vers Harbouey, puis se rapprochent de nous. L’aéro se rapprochant, je le vois en tête de la bande de ballonnets. Le canon I se remet à tirer dessus. L’avion a pointé droit vers nous et le voici tout au dessus. Il est bien bas et je vois son avant rouge tandis que la partie arrière reluit au soleil. Mais qu’est ce que cette sorte de fusée blanche qui fond sur lui. Mon dieu ! C’est un aéro allemand ! Il va deux fois plus vite que le Français et le domine d’une grande hauteur. Les canons ont cessé de tirer. Une angoisse poignante m’étreint. Que va-t-il arriver ? L’Allemand est maintenant tout près de son adversaire. La mitrailleuse crépite ; mais l’aéro allemand a dépassé le Français ; il retourne. Le nôtre duquel nous ne pouvons détacher notre vue et que nous voudrions voir s’éloigner au plus vite, poursuit toujours lentement son chemin. Mais l’oiseau de proie se rejette sur lui. Ils sont maintenant tous deux juste au dessus de nous. La mitrailleuse se fait de nouveau entendre. Malheur ! à l’instant même l’aéro français pique, se disloque, se sépare en deux, l’avant s’enflamme et tombe tout droit très vite. L’homme ! Regarde l’homme, criai-je à Pierre, trépignant. Un petit point noir tombant en culbute, les bras étendus semble descendre lentement au dessus de la grande flambée rouge. Celle-ci tombe terriblement vite tandis que des hurlées saluent ignoblement sa chute. Il va tomber au pré Welker. Non ! avec un grand bruit il tombe près de la voie du chemin de fer et touche terre avec un bruit mat. La flamme s’élargit, tandis que un des aviateurs, celui que nous avons remarqué, s’écrase presqu’à côté de la route.
L’arrière, très brillant, tombe au début lentement. Nous crûmes qu’il allait tomber près de nous. Mais il mit bien longtemps à descendre et je dus arrêter ma course. Il était allé vers la Ferme. Une foule entoura bientôt les débris fumants du moteur ; de tous les endroits des soldats coururent. Il y eût bientôt une foule qui s’enfla de plus en plus. Je vis à part ce gros rassemblement, un groupe d’une vingtaine de soldats autour de l’aviateur. Le canon I se remit à tirer. Un aéro français s’avançait vers Blâmont. Il venait bien sur constater la mort des aviateurs et remarquer l’endroit où ils étaient tombés. Il repartit bientôt. Nous avions bien envie de courir vers l’aéro mais nous n’y allâmes pas. Pourquoi s’exposer aux rires et aux cris de victoire de ces brutes !
Quelle chose terrible que cette mort impitoyable par le feu et l’écrasement vertigineux ! Nous avions vu avant l’attaque l’aéro se mouvoir avec sûreté défiant les obus ; nous avions entendu battre puissamment son moteur, et maintenant il n’était qu’un monceau de débris informes et ceux qui le montaient n’étaient plus.
Nous vîmes à 11 h un infirmier descendre un casque protecteur et des gants. Ils étaient indemnes. Celui qui les portait était un tout jeune homme que l’on rapporta à l’hospice. L’autre était carbonisé. L’un des deux était anglais, l’autre français [une note ultérieure indique « Tous deux français »]. Des soldats revenaient continuellement, rapportant des parties de l’appareil.
Nous irons voir les deux héros si nous pouvons, ce soir.
A 1 h, en allant au grand jardin entrer encore du fourrage, un camion entouré de Boches attire notre attention. Nous y allons voir. Ce n’est pas sans cause qu’on le regarde : il contient le moteur et toutes les parties de métal de l’aéro.
Du moteur s’est incrusté de la terre. Tourné vers moi, je remarque les tronçons de l’hélice, qui était à 4 palles. Au milieu du fourgon on voit les commandes de l’appareil.
Toute l’après-midi j’ai eu la vision de cette chute effroyable ; de l’aéro allemand, petit point brillant suivi d’un sillage blanc se précipitant sure le français, celui si tombe, la grande flambée rouge, le petit point noir de l’homme qui tombe et l’écrasement à terre.
Nous nous en rappellerons longtemps !!
Ce soir à 4 h un aéro boche a filé vers la France. Si seulement un camarade de celui qu’il a coulé, se lançait sur lui et le mitraille !
L’émotion a été grande en ville. Tous les gens étaient atterés, grand-mère a vu une femme pleurer en revenant du grand jardin. Tout le monde se lamente.
Mme Claudot a raconté à grand-mère qu’un officier lui avait dit que l’allemand avait été aussi endommagé et que le pilote était blessé.
Nous n’avons pu voir les aviateurs ce soir.

Samedi 24 juin 1916

Temps assez couvert toute la journée. Deux voyages d’aéro boches : un le matin pendant que nous bêchons des betteraves à St-Jean, l’autre le soir à 6 h.
On annonce que la population a la permission d’assister aux obsèques des deux aviateurs.
[...] (Nous allons demain à 6 h. à l’enterrement. On ne doit pas s’y rendre en cortège mais précéder ou suivre le cercueil, par groupes, jusqu’au cimetière Jacob).

Dimanche 25 juin 1916 :

6h-1/4 Nous partons à l’enterrement. Un détachement d’artilleurs monte, casque en tête et sabre au côté. De nombreux soldats et des civils en grand nombre, se rendent au cimetière militaire. Il fait très beau temps et déjà un aéro allemand évolue au dessus des environs. Les corps sont déjà là haut et lorsque nous arrivons Mr le Curé et le chantre chantent déjà les prières des morts. Autour de la tombe se tiennent le maire, le commandant, qqs officiers de toutes armes ; des soldats se pressent d’un côté, le public de l’autre. Que de monde. Le commandant prononce en phrases brèves, hachées, un discours en allemand où il dit son admiration pour les deux héros français qui ont souffert une mort terrible pour leur patrie. Le maire, ensuite, remercie le commandant de l’autorisation qu’il a accordée à la population d’assister aux obsèques ; il exprime la reconnaissance et l’admiration que nous avons pour eux, et au nom de la patrie salue les deux braves qui ont donné leur sang pour elle. Plus heureux que bien d’autres, qui sont morts obscurément, ils auront reçu des hommages dignes de leur héroïsme.
Bien des gens sont émotionnés par ces paroles qui expriment si bien nos sentiments, et chacun est saisi plus que jamais par la grandeur du sacrifice qu’ont offert ces deux jeunes vaillants à la patrie tant aimée.
Pendant les discours, l’aéro allemand, peut être celui qui a abattu ceux-là qu’on enterre, évolue à faible hauteur tandis que des obus français détonnent en l’air. On croirait que de là bas, ils viennent saluer les glorieux morts.
(un des deux aviateurs, dit-on, est de Lunéville. J’ai entendu dire qu’il se nommait Leblanc ; d’autres disent Balland. J’ai connu un jeune homme de ce nom au collège mais est-ce lui ?)
Le ciel se couvre dans la journée. Le soir il pleut. »
 

 

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