Jean Joseph Aimé Ours nait le 14 septembre 1839 à Harbouey, fils de Jean Joseph
Ours (Harbouey 20 juin 1807 - Verdenal), facteur rural, et Marie Bridey (Blâmont
11 décembre 1805 - Blâmont 12 juin 1882). Les parents, mariés le 20 juin 1832 à
Harbouey, ont eu sept enfants : Jean Joseph(1833- 1838), Marie Joseph Phylomine
(1834 -), Marie Sigisbert Victor OURS (1836 -1836), Georges Marie Joseph Hubert
OURS (1837-), Jean Joseph Aimé (1839-1905), Odile Antoinette Jeanne Marie
(1842-1842) et Marie Joseph (1844-1911)
Entré au 6ème régiment d'infanterie de ligne en 1861, il rejoint les
équipages de la flotte en 1862, et participe à la campagne du Mexique à
Vera-Cruz (1864-1867). Il obtient la médaille militaire le 21 janvier 1870 au
siège de Paris. Puis il est l'aéronaute du 53ème ballon monté du
siège de Paris, le « Newton » expédié de Paris le 4 janvier 1871, en tant que
quartier-maître de la Marine nationale, détaché du Fort de Rosny.
Journal officiel - 18 mars
1871 :
« LA POSTE PENDANT LE SIEGE [...]
VII. - DÉPARTS DE JANVIER
C'est le Newton qui inaugure l'année 1871 sous la direction du
quartier-maître Aimé Ours, en compagnie de M. Brousseau; il emporte 95
kilogrammes de dépêches et 214 kilogrammes de matériel. L'ascension se
fait en direction ouest-sud-ouest, à la gare d'Orléans, le 4 janvier, à
4 heures du matin, et l'atterrissage à Mortagne, tout près de l'ennemi.
Les navigateurs réussirent à s'évader. » |
Revue Icare N° 56 -
Hiver-Printemps 1971 4 janvier 1871 - 53 - Le Newton
De Trochu à Gambetta
Cet aérostat était piloté par Aimé Ours, quartier-maître de la Marine nationale,
détaché du Fort de Rosny. L'accompagnait un officier chargé par Trochu d'une
mission pour Gambetta, Amable Brousseau. On avait chargé le ballon de six sacs
de lettres pesant au total 310 kg et d'un panier contenant quatre pigeons.
Le Newton s'éleva de la gare d'Orléans, le mercredi 4 janvier, à 1 heure du
matin, par une brume épaisse.
Pus le moindre vent ne s'était levé. Aveuglés par le brouillard et privés du
moindre repère, six heures après leur départ, les voyageurs n'avaient pas la
moindre idée du territoire, qu'ils survolaient.
L'oreille aux aguets, ils risquèrent prudemment un atterrissage qui,
heureusement, s'effectua le plus naturellement qu'il fut possible.
A 10 h 30, Ours et Brousseau se posaient dans l'Eure-et-Loir, au lieu-dit
Champtier-de-la-Gabrielle, près de Digny, à 23 km à l'ouest-nord-ouest de
Chartres.
La région était constamment sillonnée par les convois ennemis. Les deux hommes
trouvèrent aussitôt refuge à la ferme toute proche, de Firmin Maudemain, située
au lieu-dit Gouasteux où ils s'empressèrent de se vêtir en ouvriers agricoles,
se mêlant aux domestiques de la ferme. Le repas terminé, Maudemain alla informer
son voisin, le fermier de l'Erable. Auguste Lécuyer, et tous deux attelèrent à
une vieille guimbarde garnie de paille (et où l'on avait placé une antique
charrue) le plus vieux des chevaux afin de prévenir toute réquisition de la part
des Allemands. Le charretier était un vieillard, domestique à la ferme. Cet
équipage, où s'était dissimulé Brousseau, parvint à rouler sans encombre jusqu'à
Senonches, où le maire se chargea de faire franchir les lignes prussiennes à
l'envoyé de Trochu par La Ferté-Vidame et Verneuil.
Pendant ce temps, Maudemain et Lécuyer se préoccupaient de cacher le ballon et
de sauver le courrier.
Ils avaient dû, pour cela, faire appel aux exploitants d'une marnière située à
200 m du lieu d'atterrissage.
L'enveloppe du ballon fut pliée, roulée avec les cordages, et ensevelie dans la
marne. La nacelle dissimulée dans un pli du terrain fut incendiée. Le brouillard
avait, caché l'opération aux yeux d'un détachement d'artillerie prussien qui non
loin de là circulait sur la route, venant de Senonches et se dirigeant vers
Chartres. Quant à Ours, il avait suivi Lécuyer à sa ferme pour se mêler au
personnel de l'Erable, avec ses pigeons qu'on avait cachés dans une mansarde. Il
fallut attendre jusqu'au surlendemain, 6 janvier, pour conduire le marin jusqu'à
Longny dans l'Orne, lieu où, par suite d'un ordre militaire, le bétail des deux
fermes avait dû être transféré.
On chargea les sacs de dépêches - qui étaient restés cachés dans la marnière -
et les pigeons dans une charrette où prit place le marin. La nuit tombée, Ours
remit les sacs de lettres à la receveuse des postes de Longny, qui les envoya au
bureau de poste de Mortagne-sur-Huine (Orne), le 9 janvier. Au soir de ce même
jour, à 10 heures, Aimé Ours, porteur de ses pigeons, arrivait à Bordeaux. |
La Poste par Ballons Montés (1870-1871)
- J. Le Pileur - Ed. Yvert et Tellier, Amiens, 1943
Le voyage se fit par une pluie diluvienne
rendant la navigation fort difficile; l'atterrissage eut lieu dans un
région occupée et les navigateurs ne durent leur liberté qu'au
brouillard épais et à l'hospitalité d'un fermier. Les pigeons furent
lâchés porteurs du message: « Ballon tombé à Digny, Eure-et-Loir.
Hommes sauvés» et le courrier fut remis à Senonches d'une part, à La Loupe
d'autre part.
Plis datés des 31 Décembre, 1er, 2 et 3 Janvier. |
Aérostiers du siège de 1870 - A droite, Aimé Ours |
Commis principal au Ministère de la marine et des colonies en 1874,
Aimé Ours
obtient len 1880 le poste de Chef de Bureau à la Direction de l'Intérieur à Tahiti
(1883-1884) puis à la Nouvelle Calédonie (1884-1886) pour revenir à Tahiti le 10
mai 1887. Chef de bureau de 1ere classe, il est administrateur provisoire de
l'archipel des Marquises en 1889, puis en 1889-1890, chef de bureau des
Directions de l'intérieur, et en 1891-1892, directeur de l'intérieur par
intérim.
Il assume le poste de gouverneur par intérim de Tahiti du 7 décembre 1893 au 28
avril 1894. (Le poste de gouverneur de Tahiti avait été créé le 29 juin 1880,
lorsque le dernier souverain tahitien, Pomaré V avait cédé, après trois ans de
règne, les territoires du Protectorat à la France, en échange d'une rente
viagère pour lui-même et trois personnes de sa famille, et moyennant le maintien
des symboles de sa royauté, l'île devenant ainsi partie des « Établissements
français de l'Océanie ». Après la création d'une direction de l'intérieur des
établissements français de l'Océanie par décret du 13 mars 1882, un décret du 8
mai 1882 en avait déterminé l'organisation).
On notera que le remplacement de Ours par Papinaud n'est pas liée à l'affaire
Magier (voir ci-dessous), puisque le nouveau gouverneur, arrivé le 29 avril
1894, était nommé depuis un an. Ours reprend son poste à la direction de l'intérieur, et est nommé Chevalier de
la Légion d'Honneur par décret du 3 août 1894 du ministre des colonies, en tant
que directeur de l'intérieur des établissements français de l'Océanie à Tahiti.
En 1899, M. Ours, après un retour en France, et toujours chef du bureau des
Directions de l'intérieur doit embarquer à Lorient sur « La Vire » pour Tahiti,
mais son nom est rayé par ordre supérieur.
Une telle décision, sans doute facilitée par l'âge d'Aimé Ours qui a lors 60
ans, est peut-être une séquelle de l'affaire du journaliste politique Henri
Mager (1859-1938), spécialisé dans les articles sur la France coloniale, et
éditeur à partir de 1889 des « Cahiers coloniaux », puis en 1890 de « Les Droits
coloniaux de la France ». Mager a donné de nombreuses conférences, et est entré
en 1892 au Conseil Supérieur des Colonies comme représentant des territoires
français de Madagascar : partisan des colons, il a entamé en juillet 1893 une
tournée des possessions françaises d'Asie et d'Océanie.
En janvier 1894,
Magier arrive à Tahiti, et y constate une large influence du commerce étranger du fait
de l'absence de liaison maritime directe avec la Métropole. Il propose aussi une
nouvelle liaison maritime qui déclenche une hostilité financière et politique,
notamment d'Aimé Ours, qu'il a volontairement froissé dès le 27 février 1894 en
lui écrivant au sujet de son plan de « Rénovation » une lettre en forme
d'injonction, dont Aimé Ours dira : « Il m'invitait même de façon assez formelle
à soumettre sa nouvelle combinaison au Conseil Privé. ».
Suite à la réponse
officielle de Ours, Henri Magier engage la polémique dès le 5 mars en répliquant
« Vous me dites dans votre lettre que les questions dont je m'occupe en ce
moment vous semblent constituer un empiétement inconcevable sur les attributions
des autorités régulièrement constituées, ... que je me suis placé au-dessus des
lois et des règlements . »
Henri Magier écrit à ce sujet :
« En dépit des instructions ministérielles, Je
n'avais pas à compter sur le bienveillant concours du Gouverneur, M. Ange-Aimé
Ours (sic), ancien matelot, devenu l'instrument de conseillers irresponsables ;
il rêvait de se révéler homme à poigne et il projetait pour ses débuts de... me
mettre en prison ; il avait donné l'ordre de balayer la geôle, estimant que des
poursuites, avec arrestation préventive, étaient justifiées du fait que je
semblais ne pas partager son opinion... Je dus la liberté à un pur hasard. Les
conseillers du Gouverneur n'avaient pu, avant l'heure du dîner, définir la
nature du délit ou du crime, crime de lèse-opinion, qui m'était imputé. Le dîner
ne pouvant attendre, ils se séparèrent. Le lendemain, la nuit ayant porté
conseil, ils sentirent le ridicule de leur attitude et cherchèrent autre chose.
Ils me firent surveiller étroitement de jour et de nuit : le commissaire de
police, qui habitait une case voisine de la mienne, abattit une partie de la
cloison de séparation des jardins, afin de pouvoir, à toute heure, venir sous
différents prétextes, jeter un coup d'oeil dans mon salon : deux gendarmes
européens furent placés en permanence devant ma porte...
J'ai ainsi connu les gaîtés de l'ostracisme... »
Mais Magnier utilise la presse, et dès le 24 mars, attaque Ours, gouverneur par
intérim, en première page du Messager de Tahiti :
« La Décision du 6 mars.
Décision Illégale sur considérants faux. Dans quel mobile ? Respect aux lois M.
le Gouverneur ! Recours au Ministre.
Tous les Français, quelle que soit leur condition sociale, doivent obéissance
aux lois. Le Gouverneur doit les respecter et s'y soumettre, comme le plus
humble de ses administrés. Ce principe qui est la base du droit français vient
d'être méconnu ici. violé. Le Gouverneur p.i. de cette Colonie a violé les lois
en frappant d'une retenue de frais de représentation te chef du district de
Punaauia ... Je signale à M. le Sous-Secrétaire d'Etat des Colonies cet acte
illégal, injuste, inconsidéré s'il n'est coupable et je lui demande de frapper -
d'une manière éclatante - une Administration locale qui ne mérite pas. qui ne
mérite plus sa confiance. ».
M. Ours. Gouverneur p.i., par faiblesse peut-être, par condescendence blâmable
dans tous les cas. a pris une décision illégale, sur des considérants qu'il
savait faux. »
Magier quitte Tahiti le 10 avril 1894 : il aura suffi de trois mois pour que le
nom d'Aimé Ours soit impliqué dans une polémique que l'on retrouvera
souvent évoquée dans l'histoire coloniale de la France.
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Aimé Ours prend ainsi sa retraite en 1899 et se retire à Nancy, où Il décède le 15 octobre
1905, à l'hôpital civil (rue de Strasbourg). Il est inhumé au cimeterre du sud
le 17 octobre 1905.
Le courrier de Metz -
20 octobre 1905 Obsèques à Nancy
Mardi ont eu lieu à Nancy les obsèques de M. Aimé Ours, âgé de 66 ans, directeur
des colonies en retraite, décoré de la Légion d'honneur et de la médaille
militaire.
Durant la campagne de 1870-71, M. Ours avait fait partie des aéronautes du siège
et avait réussi à franchir les lignes d'investissement de Paris.
Il était originaire de la Lorraine. |
L'Aéronaute -
Novembre/décembre 1905 NÉCROLOGIE
Nous apprenons la mort de M. Aimé-Jean-Joseph Ours, membre honoraire de la
Société. Ours était un marin-fourrier, qui avait été chargé de partir avec un
ballon pendant le Siège de Paris. Il montait le Newton sorti le 4 janvier 1871.
Notre regretté collègue habitait Nancy (Meurthe-et-Moselle), il avait reçu au
cours de sa carrière la médaille militaire. |
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