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Considérations patriotiques d’un citoyen - Antoine Joseph Lottinger - 1789
Voir aussi Famille Lottinger
 


CONSIDERATIONS PATRIOTIQUES D’UN CITOYEN
LEQUEL, par état et par amour pour le bien de la chose publique, s’est depuis long-temps et particulièrement occupé de ce qui peut y préjudicier ou y servir, et qui a publié et adressé au Gouvernement plusieurs écrits relatifs à cet objet d’utilité.

A STRASBOURG, DE L'IMPRIMERIE DE LEVRAULT.
MDCCLXXXIX

CONSIDÉRATIONS PATRIOTIQUES.

Le salut de l’état est le salut de chaque citoyen; chaque citoyen doit donc faire son possible et employer ses forces et facultés pour le sauver, quand il est en danger.
Le péril existe, et l’état immensément endetté se trouveroit bientôt privé de tout crédit, et obligé à une banqueroute qui le deshonoreroit, s’il n’étoit secouru efficacement.
La nation doit donc voler à son secours ; elle doit faire son affaire de la dette, user des moyens les plus convenables pour l’acquitter, et, en remontant aux causes, prendre de sages mesures pour empêcher à jamais un si grand mal.
Si la dette est prodigieuse, les ressources sont immenses.
La contribution des villes jusqu’à présent exemptes ; la cessation de tous priviléges ; les offres de la nation, celles faites par les deux premiers ordres de renoncer à leurs immunités pécuniaires et de supporter les impôts à raison de leurs richesses ; la justice qu’ils ont rendue au tiers en reconnoissant, comme il est arrivé presque dans toutes les provinces, que par ses services de tous genres, par ses lumières, son utilité, son nombre, et par tant d’autres endroits, il convient que dans les assemblées et les délibérations nationales il ait un nombre de suffrages égal à celui des deux autres ordres réunis : tous ces témoignages d’un accord réciproque pour le bien de la chose commune et d’un patriotisme aussi éclairé qu’il est universel, tous ces accroissemens de puissance et de revenu public, sont l’aurore du plus beau jour qui aura éclairé la France, et de la révolution la plus mémorable pour la nation ; puisqu’elle lui permettra non-seulement de libérer l’état, de rétablir ses finances, de les porter sans efforts onéreux au plus haut point, d’en former un fonds de réserve ou un trésor national, et de voter un secours extraordinaire si justement dû à un père qui montre autant d’amour pour ses enfans ; mais encore de travailler avec succès à une constitution la plus sage possible, et assez heureuse pour assurer au souverain ses droits et à la nation les siens, et procurer à l’un et à l’autre toute la puissance, toute la gloire, toute la prospérité et tout le bonheur désirables.
Cependant pour arriver à ce haut degré de splendeur, et vraiment jouir d’une constitution et d’une révolution aussi heureuses, ne le dissimulons pas, quelque sagement que seront établis et répartis les impôts ; quelque prodigieux que sera l’accroissement du revenu public ; quelque prudentes que seront les mesures que l’on prendra à son égard, elles seront très-insuffisantes, et ce qui constitue la gloire d’une nation et la félicité publique ne sera jamais notre partage, si nous ne faisons les plus puissans efforts pour empêcher, arrêter et remédier à des désordres encore plus funestes pour un état que celui de ses finances.
Tels sont l’irréligion, la dépravation des moeurs et le luxe, calamités qui n’ont fait que trop de ravages parmi nous.
« Fils d’Ulisse, disoit Minerve à ce prince au moment de le quitter, craignez les dieux; cette crainte est le plus grand trésor du coeur de l’homme : avec elle viendront la sagesse, la justice, la paix, la joie, les purs plaisirs, la vraie liberté, la douce abondance et la ce gloire sans tache »
Le défaut de cette crainte ou l’irréligion est donc un obstacle au bonheur et à la prospérité d’un peuple :
La dépravation lui est tout aussi funeste ; et véritablement des hommes vicieux et corrompus doivent-ils jouir, sont-ils dignes de la paix et de la gloire que procurent la vertu et les bonnes moeurs ?
Quant au luxe, cet ennemi de l’agriculture et de l’agriculteur, du bon ordre, de l’honnête modestie, de l’aimable pudeur et de toutes les vertus ; ce pere de l’oisiveté, de la mollesse, de la sotte vanité, de la profusion, de l'infidélité, et de cent autres vices : quant à ce fléau, aussi contagieux qu’il est redoutable, semblable à ces fièvres perfides qui, avec les apparences de la bénignité, portent de toutes parts la mort et la dévastation, il ruine, détruit et gangrène les empires ainsi que les familles, dans le temps même qu’il leur donne l’éclat de la prospérité, de l’abondance et de la santé.
Il importe donc à la nation, pour son bonheur, de remédier à d’aussi grands désordres aussi bien qu’à celui de ses finances ! Espérons que la sagesse qui présidera aux règlemens que feront ses représentans, en dictera les moyens, et qu’elle n’oubliera aucune des réformes ni aucun des établissemens qui pourront contribuer à notre gloire et à notre félicité.
Dans les réformes à faire, gardons-nous de quelques-unes qui ont été proposées et publiées; elles mettroient le comble à nos maux : celles qui concernent les institutions publiques et la santé, méritent la plus grande attention ; il en est de même, ce me semble, de certains articles des coutumes qui font loi, quoique manifestement injustes. Tel est, dans cette province, celui qui, pour ajouter à la douleur et à la perte des enfans à qui la mort a enlevé leurs père et mère, les prive d’une hérédité que la nature réclame à grands cris et qu’on lui refuse ou plutôt qu’on lui dérobe malgré ses justes plaintes, et nonobstant toutes les mesures prises par le testateur pour soustraire ses arrière-neveux ou petits-neveux à une exhérédation qui répugne autant à la raison qu’à l’équité naturelle.
Rien de plus cher pour un état que la santé des citoyens. Cependant l’on ne peut se figurer les atteintes qui lui sont portées, et surtout dans les campagnes, par une multitude de téméraires qui, méprisant les ordonnances et se jouant de la vie des hommes, ne se font aucun scrupule de donner, même dans les maladies les plus graves, des remèdes, qui, sortis de pareilles mains, deviennent bientôt de vrais poisons : hommes funestes ! que l’impunité rend de plus en plus osés et nombreux, au grand préjudice et à la honte de l’humanité, se trouvant quelquefois, dit-on, parmi eux jusqu’à des destructeurs de la virilité. Instruit et sensiblement touché des maux que causent ces fléaux de la société, non-seulement par les victimes que leur ignorance précipite dans le tombeau, mais encore par la facilité et les moyens qu’elle donne pour commettre le crime et détourner l’opprobre, plus d’une fois j’ai élevé la voix, et j’ai représenté l’horreur de tels brigandages ; mais les ordonnances, mais les arrêts contre de si grands désordres, semblent être tombés en caducité.
Je ne m’étendrai pas sur les établissemens à former pour le bien de la chose publique ; et me contentant de faire des voeux pour l’exécution de tous ceux qui pourront le procurer, je ne parlerai que de deux.
Le premier a pour objet d’exciter à la vertu. A cet effet je désirerois que l’on y attachât un prix ou une marque d’honneur, et que la nation assemblée voulût statuer que dorénavant un citoyen qui aura acquis de justes droits à l’estime et à la reconnoissance publiques, pour avoir pendant un nombre d’années rempli ses devoirs quelconques et servi la patrie avec distinction, obtiendra la marque de mérite consacrée à son état ou à son rang, et que le citoyen, ainsi décoré, sera non-seulement considéré et traité avec honneur, mais encore aidé dans sa viellesse, s’il en a besoin, par des secours efficaces et non mendiés.
Le second servira à encourager les bons patriotes, à faire des recherches et des observations utiles, à perfectionner les arts, et notamment ceux qui importent le plus, comme l’agriculture et tout ce qui y a rapport, soit par des découvertes, soit en donnant la connoissance des abus ou des pratiques à réformer, soit autrement.
Ce projet pourra facilement être exécuté par l’établissement, dans chaque province, d’un bureau qui sera formé de quelques membres choisis dans ses états ou dans le nombre de ses académiciens. Ce bureau recevra les mémoires qui lui seront adressés ; il en fera l’examen ou il les donnera à examiner ; puis, s’ils sont jugés pouvoir être de grande utilité, il les rendra publics en faisant l'éloge de leur auteur, et il en fera distribuer gratuitement des exemplaires dans toutes les communautés et partout où besoin sera, afin qu’ils soient connus d’un chacun. Il me seroit aisé de produire plusieurs exemples en preuve des grands avantages que pourra procurer un tel établissement ; mais je n’en citerai qu’un. L’académie de cette province ayant reçu, il y a quelques années, un recueil d’observations par lesquelles il étoit démontré que par la manière de traiter les avoines après la coupe, et de les récolter, la Lorraine et les Trois-Evêchés en perdoient, si la saison étoit devenue pluvieuse, jusqu’à huit cent mille sacs, qu’il étoit très-possible de conserver par le moyen le plus facile, et simplement en changeant de méthode : jugeant ces observations des plus importantes, elle chargea l’un de ses membres de les vérifier par des expériences semblables à celles sur lesquelles étoit fondé le mémoire. Le résultat fut que la perte étoit quelquefois plus considérable encore, et que pour l’empêcher, le moyen proposé suffisoit. Quel fruit d’un seul petit mémoire !
François, vous avez le meilleur des rois; vous êtes nés bons, généreux, sensibles, compatissans, avides de la gloire, admirateurs des belles actions, vaillants, industrieux, actifs et patriotes zélés ; vous avez le germe de toutes les vertus: soyez d’un accord parfait, réglez vos finances, usez en sages de leur précieux accroissement, réformez les abus, faites de bons établissements, épurez vos moeurs, ayez surtout cette crainte si salutaire ; et bientôt la puissance, la gloire, la félicité de votre roi et la vôtre, seront sans égales ; bientôt tous les peuples diront : Heureux sont les François, parce qu’ils ont connu leurs avantages :
Felices Galli quia sua bona norunt.
Puissent ces considérations et ces apperçus contribuer aux fins que je me suis proposées !
Puissent mes voeux pour la félicité publique, pour la prospérité et la splendeur de la nation, pour la gloire et le bonheur de notre roi, être exaucés dans toute leur étendue !

LOTTINGER,
Ancien premier échevin et médecin pensionné de la ville de Saarbourg, correspondant au cabinet du roi et de la société royale de Paris, agrégé honoraire du collège royal des médecins de Lorraine.

 
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