Une certaine confusion règne dans les écrits concernant le siège de Vellexon (département de la Haute-Saône) en 1409, sur le seigneur de Blâmont que combattit le duc de Bourgogne Jean sans Peur (1371-1419).
Car il ne s'agit pas d'un seigneur de Neuchâtel, ou de Blamont (dans le Doubs), mais bien d'un seigneur de Blâmont, plus précisément Thiebaut II, sire de Blâmont.
Voici ce qu'en dit Edmond de Martimprey :
« Thiébaut II, sire de Blâmont, fils aîné d'Henry IV, naquit vers 1371. [...] Nous avons rappelé ses premiers faits d'armes, en parlant de son père et d'Olry, son frère, dont il ne se sépara guère jusqu'en 1409, où leur père lui donna, par lettres du 10 août, la seigneurie d'Oricourt en Bourgogne.
Il partit aussitôt pour aller prendre possession de son fief et occupa aussi les places de Vellexon et de Vaire, qui devaient appartenir à son père en vertu du dernier testament de Jean de Blâmont, son oncle. Mais Guillaume de Vienne, seigneur de Saint-Georges et de Sainte-Croix, prétendant que ces dernières terres lui étaient échues par le décès de Jean de Blâmont, s'adressa, probablement, afin de se les faire restituer, au duc de Bourgogne, qui, prenant fait et cause pour un de ses plus puissants vassaux, donna l'ordre au maréchal du duché de s'emparer des places en litige; car ce n'est qu'ainsi que l'on peut s'expliquer les événements qui suivirent et dont le récit n'est précédé d'aucun éclaircissement sur les causes qui les avaient amenés. »
Dans les récits suivants, Edouard Clerc et
Jean Henri Gratin, s'ils évitent l'écueil de la référence à Henri de
Neufchatel (voir Thirria), ont quelques difficultés à discerner les membres de la famille de Blâmont...
Essai sur l'histoire de la Franche Comté, Volume 2
Edouard Clerc - 1840
1409 [...]
Quelques mois après, le Duc donna l'ordre à Jean de Vergy d'assembler les bannières de Bourgogne, et de prendre à quelque prix que ce fût, le château de Vellexon, dont les tours dominaient la rivière et les plaines de la Saône à l'orient de Gray. Il envoya de Paris des arcs, des traits ferrés, de la poudre, convoqua les Bisontins. Quel crime avait provoqué sa vengeance? Un Lorrain, Henri de Blamont, possédait ce château avec ses deux fils Orry et Thiébaut. On se rappelle que son père, Jean sire de Vellexon et de Vaire était tombé, quatre ans auparavant, dans les mains des sires de Neufchâtel, seigneurs Bourguignons. Etait-il mort dans les fers, ou des suites de sa captivité? Pendant la guerre de Liége, Henri et ses enfants avaient-ils porté le fer et la flamme dans les terres des sires de Neufchâtel, barons dévoués à la maison de Bourgogne, et qui partageaient les périls de cette campagne? C'est ce que l'histoire (1) n'a pas éclairci. Mais déjà le vieux Maréchal de Vergy, Jean de Côtebrune, Jean de Rougemont, Guy de Pontaillier, le sire d'Oiselet, Jean de Cusance, sire de Belvoir, étaient arrivés avec toute la fleur de la noblesse Comtoise, sous les murs de Vellexon. Les Bisontins chargeant quatre mille traits sur une voiture à trois chevaux (15 octobre), pour le service des archers (2), marchèrent eux-mêmes sous la conduite de leurs meilleurs capitaines (3).
« Et y furent charries les canons et les grands engins de siége, dont les boulets et les pierres rompoient toits, murailles et manoirs. Le Maréchal mandoit chaque jour à ceux du dedans que, s'il les prenoit, ils seroient tous morts. Le château fut asprement assailli. »
Mais les assiégés se défendaient comme des lions, et élevaient des murs derrière les murs détruits par l'artillerie. Les Bisontins qui s'étaient engagés trop avant perdirent beaucoup de monde : c'était une rivalité d'honneur entre les hommes des communes et la noblesse. Les paysans de la terre de Baume, gens valeureux et rudes, s'indignaient de la lenteur du siége. Déjà ils ne supportaient plus avec la patience des siècles précédents les ordres hautains des seigneurs.
« Or tost, tost, s'écriaient-ils,
armons» nous contre ces chiens de gentilshommes qui nous veulent ainsi gouverner. (4) » Leurs menaces s'adressaient surtout à Guy de Pontailler, fils de l'ancien Maréchal. Lorsqu'on sut qu'ils avaient emporté leurs armes et qu'ils se retiraient au-delà de la Saône dans la prairie,
« il y eut au camp très grand tumulte, dont le siège fut étrangement troublé. » On les ménagea crainte de pire. (5)
(1410). Cependant les mineurs du Maréchal avaient pénétré jusques sous la grande tour qui s'écroula avec fracas, et Jean de
Côtebrune, « bel et très puissant chevalier, qui depuis devint Maréchal de Bourgogne, » monta le premier à la brèche, emporta la muraille démantelée, et à la tête de ses compagnons courut ouvrir la poterne dont il rompit avec un groin de chien les gonds et les verroux; la ville fut emportée. Les capitaines faits prisonniers furent conduits sous bonne escorte dans les prisons de Gray, de Poligny et de Rochefort, et les vassaux du Duc saisis les armes à la main et convaincus de trahison furent décapités, ou marqués d'un fer chaud aux armes du Prince (6). Le siége avait duré plus de trois mois ; la forteresse fut démolie et abattue à-raz de terre (février).
(1) Trompés par le nom de Blamont, et ignorant la captivité du sire de Vellexon,
nos historiens ont même cru que le siège était dirigé contre un des seigneurs de Neufchâtel, qui étaient tous au contraire alors dans la plus grande faveur du Prince.
(2) Archives de Besançon.
(3) Jean Pourcelet, Jacques Mouchet, Jean Michel et Jean Bonvalot.
(4) Détails extraits d'un compte de Jean Lemoniat, trésorier d'Amont, 14.09-10. (Arch. Du Duché.)
(5) Ils en furent quittes pour quelques amendes. (ibid.)
(6) Cretin, recherches sur Gray, p. 99
Histoire de la ville de Gray et de ses monuments
Jean Henri Gatin - 1851
Quelques mois après, le duc donna ordre à Jean de Vergy d'assembler les bannières de Bourgogne et de prendre, à quelque prix que ce fût, le château de Vellexon, dont les tours dominaient la rivière et les plaines de la Saône à l'orient de Gray. Un seigneur Lorrain, Henri, sire de Blamont, devenu maître de cette redoutable forteresse, se vengeait, par le pillage et par le meurtre, de la captivité de son père, Jean, seigneur de Vellexon, qui était tombé entre les mains des sires de Neufchâtel et de Montaigu. Henri de Blamont avait sous ses ordres une garnison nombreuse et exercée, et ses deux fils, Orry et Thiébaud, qui la commandaient avec lui, étaient encore dans toute la fougue que la jeunesse communique au courage naissant. Le duc de Bourgogne n'ignorait pas les difficultés et les périls de l'attaque. Il envoya de Paris des arcs, des traits ferrés, de la poudre, convoqua les Bisontins, fit un appel à toutes les communautés, au ban et à l'arrière-ban de la chevalerie comtoise. Le siège fut commencé le 22 septembre 1409 et se prolongea jusqu'au 22 janvier 1410.
Erard Dufour, chambellan du duc et bailli d'Amont, nous a laissé le dénombrement des troupes formidables rassemblées devant le château. Il compte trente-six chevaliers, trois cents cinquante écuyers, cinquante-cinq arbalétriers envoyés par la ville de Dijon, et une foule de soldats dont on ignore le nombre. Jean de Côtebrune, Jean de Rougemont, Guy de Pontaillier, les sires de Belvoir, de Ray, de neufchâtel, de Beaufîremont, de Pesmes, d'Oiselay, le seigneur de Roulans, Philippe de Vienne, fils du célèbre amiral dont le nom rappelle tant de gloire et de faits d'armes, Jean de Vergy à qui les ans n'étaient rien de sa vigueur, Antoine, son fils, digne héritier de cette antique et noble race, tels étaient les plus illustres capitaines. Les deux baillis et Hugues de Lantenne, gruyer du comté, partageaient avec le vieux Vergy l'honneur et les dangers du commandement. Quatre mille traits furent amenés par les Bisontins pour le service des archers, sur une voiture à trois chevaux (1),
« et, dit une chronique, y furent charriés les canons et les grands engins de siége, dont les boulets et les pierres rompoient toits, murailles et manoirs. Le maréchal mandoit chaque iour à ceux du dedans que, s'il les prenoit, ils seroient tous morts. Le château fut asprement assailli. »
Les assiégés se défendaient comme des lions et élevaient des murs derrière ceux qui étaient détruits par l'artillerie. Les Bisontins, qui s'étaient engagés trop avant, perdirent beaucoup de monde : c'était une rivalité d'honneur entre les hommes des communes et la noblesse. Les paysans de la terre de Baume, gens valeureux et rudes, s'indignaient de la lenteur du siége. Déjà ils ne supportaient plus avec la patience des siècles précédents les ordres hautains des seigneurs.
« Or. tost, tost, s'écriaient-ils, armons-nous contre ces chiens de gentilshommes qui nous veulent ainsi gouverner. » Leurs menaces s'adressaient surtout à Guy de Pontaillier, fils de l'ancien maréchal. Lorsqu'on sut qu'ils avaient emporté leurs armes et qu'ils se retiraient au -delà de la Saône dans la prairie,
« il y eut au camp très grand tumulte, dont le siége fut étrangement troublé. » On les ménagea, crainte de pire (2).
L'argent commençait à manquer, les troupes se décourageaient, le maréchal de Vergy était rappelé auprès du duc ; tout faisait pressentir que l'entreprise aurait une funeste issue. Dans ces extrémités pressantes, un conseil de guerre et de finances fut convoqué à Gray, sous la présidence d'Erard Dufour, bailli d'Amont. Les trésoriers de Dole et de Vesoul, les receveurs du trésor à Salins, les grenetiers du duché et le bailli de Dijon composaient l'assemblée, avec trente-cinq gentilshommes. La sagesse qui dirigeait ces délibérations inspira un heureux et facile expédient. On proposa aux marchands du duché de prendre dans les Salines une certaine quantité de sel ; le prix en fut diminué, mais il devait être payé au comptant. Cette proposition fut acceptée et mise à exécution. D'un autre côté, le trésorier de Dole ouvrit ses coffres sur un ordre du duc, et ces ressources combinées fournirent les moyens de pousser le siége avec une nouvelle vigueur (3).
L'artillerie n'avait pu renverser les murailles; on prit le parti de les miner par des travaux souterrains. Le 22 janvier,
les ouvriers pénétrèrent enfin jusque sous la grande tour, qui s'écroula avec fracas. Jean de
Côtebrune, « bel et très-puissant chevalier qui devint maréchal de Bourgogne,
» monta le premier à la brèche, emporta la muraille démantelée, et, à la tète de ses compagnons, courut ouvrir la poterne, dont il rompit, avec un groin de chien, les gonds et les verroux (4). Les capitaines faits prisonniers furent conduits, sous bonne escorte, à Gray, à Poligny ou à
Rochefort, où ils furent écroués. Mais comme les prisons de Gray n'étaient pas d'une sûreté assez grande, les captifs furent transférés, quelques jours après, à Apremont ou à Saint-Julien. Les officiers du bailliage, chargés de sévir contre les coupables, établirent une différence entre les étrangers et les vassaux du duc de Bourgogne. On renvoya les premiers,
après leur avoir fait jurer de ne plus reparaître en Franche-Comté ; les autres qui avaient été saisis les armes à la main, furent décapités ou marqués d'un fer chaud aux armes du prince. A peine les assiégeants eurent-ils pris possession de la forteresse, qu'ils s'occupèrent de la réparer. Mais un nouveau conseil tenu à Gray, conformément aux ordres de Jean-sans-Peur, décida la ruine de Vellexon. Les travailleurs changèrent de rôle, et mirent autant de zèle à démolir la place qu'ils montraient d'abord d'empressement à la reconstruire. Le 12 février 1410, la destruction commença ; les tours s'écroulèrent sous les coups des mineurs,
les remparts eurent le même sort, et, au bout de quelques jours il ne resta pas pierre sur pierre d'un château qui avait résisté pendant quatre mois aux efforts et aux coups réunis des chevaliers, des hommes d'état et des bourgeois d'une grande provinces. (5)
(1) M. Ed. Clerc, t. II, 311.
(2) M. Ed. Clerc, t. II, 312.
(3) D. Couderet, Mém. ined.
(4) M. Ed. Clerc, t. II, 312.
(5) D. Couderet a tiré ce récit de l'hist. de Bourgogne; M. Crestin l'a copié mot à mot dans le manuscrit de cet écrivain,
mais sans le citer ; M. Ed. Clerc y a ajouté des détails intéressants, tirés des comptes du domaine. - L'ancien château de Vellexon était assis sur la colline où se voit aujourd'hui un pavillon élégant et moderne, appartenant à M. le duc de Marmier. Il s'appuyait un peu plus au levant, du côté de la voie romaine. Un large puits, entièrement comblé, un reste de mur d'enceinte, de cinq ou six mètres carrés, la base encore facile à distinguer de l'une des tours principales, et quelques débris épars ça et là, cachés sous la mousse et le
lière, c'est tout ce qui demeure de cette antique forteresse.
Manuel à l'usage de l'habitant du département de la Haute-Saône
Édouard Thirria - 1869
En 1409, Henri de Neufchâtel, sire de Blamont, qui s'était révolté contre Jean-sans-Peur, son suzerain, s'empara par surprise du château-fort de Vellexon et y mit une garnison nombreuse qui pillait et ravageait le voisinage. Le
duc de Bourgogne envoya contre le rebelle un corps de troupes qui, quoique supérieur en nombre aux assiégés et pourvu d'un matériel de guerre considérable, ne put se rendre maître du château de Vellexon qu'après un siège de quatre mois et plusieurs semaines de tranchée ouverte. La garnison fut faite prisonnière, et Jean-sans-Peur fit démolir sur-le-champ cette petite forteresse.
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