NDLR : Le mémoire
posthume
d'Edmond de Martimprey a été publié en deux parties, en
1890 et 1891. La présente page reprend le début de
la seconde partie de 1891 ; les notes et planches sont
regroupées dans un autre document..
Il n'existait pas à notre
connaissance de version en mode texte de ce document,
permettant recherche et manipulation aisée : le présent
texte est issu d'une correction apportée après
reconnaissance optique de caractères, et peut donc,
malgré le soin apporté, contenir encore des erreurs. Pour cette raison, vous pouvez consulter en PDF le
document d'origine ci-contre.
Par ailleurs, les notes de bas de page ont été ici
renumérotées et placées en fin de ce document. |
|
ÉTUDE HISTORIQUE - SUITE ET FIN
HENRY IV, SIRE DE BLAMONT
Il est déjà fait mention d'Henry IV en 1363, dans une donation faite par Thiébaut Ier, son père, à Habran de Landres, écuyer (4). Trois ans plus tard, le 20 novembre, il fut fiancé à Valburge de Fénétrange, fille aîné d'Olry, sire de Fénétrange et de Faulquemont, qui promit de donner à sa fille, un an après la célébration du mariage, une dot de 3500 florins ou une rente de 350 sur ses domaines du duché de Bar et offrit comme cautions ses frères Hugues, abbé de Gorze, Jean et Brocard, lesquels, au cas où le paiement ne se ferait pas à la date indiquée, devaient envoyer chacun un chevalier et deux chevaux à Vic, pour y demeurer en otage jusqu'à entière satisfaction ; Thiébaut s'engagea de son côté à lui assigner en raison de son douaire une rente de 400 florins sur la terre de Bouligny et à faire construire à Henry, son fils, une bonne forteresse dans le Barrois (5).
En 1371, le mariage étant célébré depuis plus d'un an, les parents se mirent en devoir de remplir leurs promesses : Olry, ne pouvant ou ne voulant payer les 3500 11., assigna, pour la rente convenue, « la droite moitié de la forte maison de Mandres (6), » qu'il tenait en gage du duc de Bar, et la moitié de ce qu'il possédait, à cause de Marie d'Apremont, sa femme, aux lieux d'Essey, Maizerais. Rembucourt, Ressoncourt, Xivray, Marvoisin, Jouy, Broussey, Raulecourt, Waicourt (?), Aulnois et Vertuzey en toute seigneurie, plus la moitié de l'étang de Verrières situé dans la forêt de Woëvre, le tout sous condition de foi et hommage (7). Le sire de Blâmont constitua le douaire de sa belle-fille sur Bouligny, Amermont, Piennes, Bertrameix, Dommarie, Bouvigny, Domremy, Gouraincourl, Baroncourt, Joudreville, Preutin, Amel, Senon, les étangs de Bouligny, d'Amermont et d'Amel, et renouvela son engagement de faire bâtir un château-fort au lieu que son fils choisirait, laissant à Valburge, dans le cas où il n'aurait pas été construit à la mort de son mari, la faculté de prendre son douaire sur la terre de Blâmont en se conformant à la coutume du pays (1),
Une rupture dont les motifs sont inconnus ayant éclaté entre Henry et Valéran de Luxembourg, comte de Ligny, le duc de Bar s'entremit, au mois d'octobre 1374, et réussit à leur faire signer une trêve; cependant les hostilités semblent avoir recommencé bientôt, car Olry de Fénétrange dut aussi intervenir plus tard pour amener son gendre à faire la paix avec le comte, et, en considération de ce qu'il avait suivi ses conseils, lui donna 200 petits moutons d'or (2). Henry était alors à Mandres où, depuis sou mariage, il faisait sa résidence habituelle ; c'est là que le duc de Bar lui manda (1375) de venir le rejoindre avec des troupes, afin d'arrêter ensemble les Bretons qui menaçaient d'envahir le Barrois (3).
La mort de Thiébaut Ier fit Henry seigneur de Blâmont (8) ; il devait être alors âgé de 30 à 35 ans. On a vu qu'il débuta, avec l'aide de ses frères, par une guerre contre Marguerite de Blâmont, dame de Puttelange, qu'il accusait de la mort de son père. Celle-ci fut complètement battue ; l'évêque de Metz et le duc de Lorraine ayant offert leur médiation, la paix se fit le 23 juin 1370. Marguerite dut payer l'amende qu'exigeait son cousin et dont le chiffre n'est pas connu et lui céder tout ce qu'elle possédait en la seigneurie de Blâmont ; puis elle traita, moyennant 8000 florins, de la rançon des gentilshommes de son parti qui étaient tombés aux mains des vainqueurs (9). Cette somme ne fut payée que six mois plus tard, le 29 décembre, où Henry remit en liberté ses prisonniers sous la promesse qu'ils lui firent de ne jamais chercher à se venger de leur captivité ; c'étaient Jean, sire de Thil, Hanequin de Meckenheim, Jean Wolf de Becklenheim, Jean Luxer de Didensheim et Jacques de Raville, chevaliers. Lodeman de Castres, Jean de Bouxières, Jean d'Espinal. Aubert de Deux-Ponts, Ottheman Storme, Frédéric de Meckenheim, Hans de Flerescheim, Conne de Gontheim, Eberhart Risser de Didensheim, Wilhelm de Durckeim, Hartewin de Partenheim, Henne de Morscheim, Henne Blenner, Coutzeln d'Altdorf, Henrich Wallexelaigner, Henrich Holthcappel, Conne de Groppexeberg, Henselin Oppelbohel, Willame Laudere. Emich de Mertenstein, Eme de Nossebonne, Rodolf Dabe, Peter de Millebach et Godefroy de Graissewaigne, écuyers.
On a vu aussi Henry, dit Prévôt, et Adémare de Blâmont donner, l'année suivante, à Henry, sire de Blâmont, leur frère, en reconnaissance du bien qu'il leur avait fait, pour le cas où ils viendraient à décéder sans postérité, leur part de succession dans les seigneuries de Blâmont et de Deneuvre ; le bon accord qui régnait alors entre les fils de Thiébaut Ier ne dura pas longtemps et des difficultés s'élevèrent entre eux dès qu'il s'agit de partager son héritage. Sur les conseils de leurs parents et amis ils s'en remirent, d'un commun accord, à la décision d'Etienne, comte de Montbéliard et sire de Montfaucon, leur cousin, qui se fit assister d'Henry, seigneuir de Villersexel, de Jean, seigneur de Ray, et de Jean, sire de Vaire, et tous quatre s'étant réunis, le 2 mars 1379, dans la grande salle du château de Montbéliard, firent, par devant Renaud de Clairvaux et Renier de Blâmont, prêtres et notaires impériaux, et en présence des quatre frères et de Henry et Jean de Montbéliard, Gérard de Cusance, Henry de Lanoy, Jean d'Ogéviller, Thiébaut de
Barbas, Jean de Brouville et Jean de La Chambre, l'attribution des biens laissés par Thiébaut, sire de Blâmont, et sa femme, Marguerite d'Oricourt, de la manière suivante :
Considérant les grands inconvénients qui pourraient survenir du partage de la « signourie et baronnie de Blanmont » ainsi qu'il était résulté précédemment de celui qui fut fait des villes fermées de Blâmont et de Deneuvre, particulièrement en la personne de Thiébaut, seigneur de Blâmont, qui, pour ce motif, « est allé par force et violance de vie à traspacement », de même que plusieurs fois la terre de Blâmont fut incendiée et ruinée en conséquence de cette situation ; considérant aussi que souvent les biens qui sont indivis engendrent des haines et des inimitiés, ils ordonnèrent qu'Henry prendrait, tant pour sa part de succession qu'à cause du douaire de Valburge, sa femme, les château, ville fermée, faubourgs, ban et appartenances de Blâmont, « la ville de Barbaix, le molin et l'estang de Wallevacourt, la ville de Berhezuel (10), »
Domèvre, la grande et la petite Herbéviller, Saint-Martin. Blémerey, Leintrey et dépendances, Autrepierre, « la ville de Reppaix et d'Azensey » et Fremonville, plus les château, ville fermée, faubourg et linage de Deneuvre, Fontenoy et ses dépendances, le doyenné de Merviller, comprenant Merviller, Criviller, Brouville, Brouvelotte, Vaxainville, Hadomey et Reherray, la mairie « dou Mesny dessous Aizeraulle (11) » et Hablainville.
Thiébaut, Adémare et Jean devaient avoir, conjointement ou divisément, la forteresse et la ville de Vellexon, « Caiterey, Vauldeu, Francourt-les-Wernois, Balmaite, Bruxey, Les Mesnys et Gilley (12) » ; la forteresse et la ville d'Oricourt, « Erpenant, Apenant, Sare, Longeville, et Wollaffain (13) « ; la forteresse et la ville de Fougerolles (14) et ses dépendances comme Cornimont (15) ;les villes de Bouligny et d'Amermont, la mairie de Piennes composée de Piennes, Bertrameix, Preutin et Domprix, Bouvigny, Dommarie, Gouraincourt, Amel et Senon ; la rente de Bruxelles, les voueries de Vic et de Neufchàteau ; le ban de Saint-Clémenl, comprenant Saint-Clément, Chenevières et La Ronxe ; le ban d'Azerailles, c'est-à-dire Azerailles, Gélacourt, Flin, Glonville et Badménil ; la moitié de l'étang et du moulin de Blémerey, l'étang d'Albe, les deux seigneuries de « Rancogney et de Sawesueres (16) », Domjevin, Gondrexon, Reillon, Chazelles, Vého, La Neuveville-aux-Bois, Remoncourt, Amenoncourt, Igney, Montigny et ce qui dépendait de la seigneurie de Blâmont à Petitmont ; les 100 florins de rente qu'Henry touchait sur les salines de Moyenvic et la terre de Chalaure et de Provins. Le château de Turquestein et les villages en dépendant resteraient à leur soeur Marguerite pour sa part de succession ; Catherine de Blâmont, religieuse à Remiremont, recevrait une rente viagère de 20 florins de chacun de ses frères, qui se partageraient aussi tous les meubles.
Ce rapport terminé, les arbitres demandèrent aux intéressés s'ils l'acceptaient ; tous répondirent affirmativement à l'exception de Thiébaut qui demanda à réfléchir ; mais le lendemain, il déclara, au pied du grand autel de l'église de Montbéliard, qu'il agréait
aussi le partage (17).
En comparant cette liste des possessions de la maison de Blâmont avec celle de 1311, on est surpris des changements survenus dans l'intervalle et de l'amoindrissement de son ancien patrimoine ; plusieurs de ses seigneuries étaient passées, par suite de mariages, en des mains étrangères, d'autres avaient été rachetées par leurs premiers possesseurs, quelques-unes enfin, mais de moindre importance, se trouvaient vendues, données ou engagées. Ne comprenant qu'une partie des châtellenies de Blâmont et de Deneuvre, le domaine d'Henry était bien réduit si on le comparée celui dont jouissait son père ; cependant la sagesse de son administration, les successions de ses frères et le riche mariage qu'il avait contracté contribuèrent à accroître ses possessions de telle sorte que, sur la fin de sa carrière, il ne pouvait rien envier à la puissance de ses prédécesseurs.
Pendant la guerre que Thierry Bayer, évêque de Metz, soutint, en 1380, contre les ducs de Lorraine et de Bar et qui ne se termina qu'au printemps suivant, Henry donna à son suzerain l'aide et le secours auxquels il était tenu, et, après la paix, Thierry reconnut devoir, de ce chef, « à son cher conseiller, Henry, sr de Blâmont, 800 francs d'or de France pour pertes de chevaux et harnois qu'il avoit faites, lui et ses gens, et pour missions faites dans ses forteresses (18).
Le sire de Blâmont ayant aussi secouru, la même année, Pierre de Bar qui guerroyait contre le duc Robert, son cousin, celui-ci, pour se venger de son vassal, fit confisquer ses fiefs de Bouligny-Amermont, Amel et Senon et les réunit à son domaine. Malgré l'alliance conclue depuis entre les ducs de Bar et de Luxembourg, Henry continua à soutenir fidèlement son allié (19) ; mais Pierre étant mort les armes à la main vers le 20 octobre, Henry entra en négociations avec le duc de Bar, et, après de longs pourparlers, la paix fut conclue à Condé-sur-Moselle (Custines), le 11 juin
1381. Robert consentit à pardonner la félonie et à rendre les terres saisies : il exigea toutefois que la part revendiquée par son cousin dans la seigneurie d'Amel et Senon, en sus de l'échange qui en avait été fait précédemment avec Thiébaut Ier contre celle d'Etain restât entre ses mains jusqu'à ce que le bailli de Saint-Mihiel et Jean de La Chambre, appelés à statuer sur
cette question comme arbitres, ou son cousin, le sire de Ray, en qualité de surarbitre, eussent rendu leur jugement (20).
Sur ces entrefaites, Jean de Watronville, écuyer, qui guerroyait contre le comte de Salm, ayant fait une course au Val de Senones, dans le dessein de gager sur les biens et les sujets du comte, prit certains hommes dépendant de l'abbaye de Senones et les emmena avec leurs bestiaux. L'abbé en étant informé pria le sire de Blâmont, comme voué du monastère, de
les réclamer ; de son côté, le seigneur de Watronville promit de les rendre à condition qu'il fût prouvé que ces hommes n'étaient pas sujets du comte de Salm. Le 8 octobre 1381, jour convenu, Jean et l'abbé se trouvèrent au château de Blâmont et Henry, après avoir entendu les raisons des parties, ordonna la pleine et entière restitution à l'abbaye de tout ce qui lui avait été pris (21).
Olry de Fénétrange étant mort (vers 1387), ne laissant que des filles, le seigneur de Blâmont, son héritier par sa femme, eut, au sujet de la succession, de nombreuses difficultés (22). Dès 1388, il était aux prises avec Hanneman et Wecker, comtes de Deux-Ponts, Jean, comte de Salm, Henry, comte de Sarrewerden, Jean de Vergy, seigneur de Fouvens, Eymequin, comte de Linange, Henry et Jean, seigneurs de Lichtenberg, Jacques et Jean, seigneurs de Fénétrange, que favorisait le duc de Lorraine.
Ce prince, nommé arbitre, rendit une sentence, entre Henry et le comte de Sarrewerden, au sujet des lieux de Weyer et d'Euzeville (23), que le sire de Blâmont revendiquait comme lui ayant été cédés par Marie d'Apremont, sa belle-mère (24), et dont il réclamait les revenus, se montant à 4000 livres, qui avaient été perçus par le comte ; celui-ci prétendait au contraire qu'à Weyer étaient deux mairies, l'une à lui et l'autre aux seigneurs de Fénétrange, qu'il n'avait touché que son dû et qu'Euzeville était de son ancien fief. Le duc décida qu'Euzeville resterait la propriété du comte et que pour Weyer des officiers vérifieraient s'il n'avait pas perçu plus que sa part (1389) (25). Cependant tout n'était pas réglé ; Henry fit encore assigner le comte de Sarrewerden et les seigneurs de Lichtenberg par devant le duc, et la paix ne fut conclue entre eux qu'en 1391, par la médiation de l'évêque de Strasbourg (26).
Du Ghesne a rapporté un traité d'alliance, passé le jour de la saint Georges 1391, entre Jean de Vergy, les comtes de Deux-Ponts, de Salm, de Sarrewerden et les seigneurs de Lichtenberg, lesquels s'engageaient à commencer la guerre contre le seigneur de Blâmont « tantost dedens les quinze jours après la requeste ehue sens malengin », à fournir chacun dix hommes d'armes et à les envoyer à Badonviller ou à Pierre-Percée « ou autre part que meilleur seroit aussi près des terres du dit de Blammont (27). » Henry s'accorda pourtant avec Jean de Vergy, grâce à l'entremise de son frère Thiébaut, sire de Vellexon, au jugement duquel ils s'en étaient remis et qui ordonna que les sujets de la seigneurie de Chàtillon, appartenant à Jean, qui étaient allés demeurer dans celles de Turquestein et de Blâmont devaient lui être rendus, que
l'entrecours resterait en usage entre les deux seigneurs comme du passé et qu'enfin l'étang de Gresson devait demeurer en la possession de son frère (28).
Restait encore Jean de Fénétrange, qui avait usurpé la part revenant à son cousin dans les seigneuries de Fénétrange et de Faulquemont (29) ; profitant même de l'absence de celui-ci, il avait assailli en armes la forteresse de Fénétrange et l'avait prise d'assaut
(« waingniet a l'espée »), causant des dommages pour 60000 fr. Après bien des réclamations et des menaces, malgré l'intervention de l'évêque de Toul et toute la bonne volonté d'Henry, qui offrait de s'en rapporter à la décision, soit du duc de Lorraine, soit de l'évêque de Metz, du comte de Salm ou de Jean de Linange, la guerre finit par éclater entre eux. Aidé de ses fils, Thiébaut et Olry (30), le seigneur de Blâmont remporta de grands succès sur son adversaire et fit prisonniers plusieurs chevaliers comme Nicolas de Grostein, Jean et Burcard d'Oberkirch et Frédéric Stahel (31). La paix ne se fit que sur la fin de novembre
1399, par l'entremise de Jean, comte de Salm, et les parties promirent de ne plus rien entreprendre l'une contre l'autre sans se l'être fait savoir quatre semaines auparavant dans leurs demeures respectives (32).
Pendant que duraient ces longues querelles, Henry avait eu ailleurs d'autres difficultés. En 1389, ce fut avec le duc de Lorraine, dont les sujets de
Raon-l'Etape s'étaient plaints que les receveurs des droits de flottage sur la Meurthe, à Deneuvre et au Ménil, voulaient percevoir une taxe plus forte que celle exigée de toute ancienneté; on convint, le 18 janvier suivant, qu'il serait perçu sur chaque flotte de « marrien » (33), de planches ou d'autres bois, 27 deniers au passage de Deneuvre et trois à celui du Ménil, que la flotte de planches contiendrait six « bousselz (34) » et celle de marnage treize pieds de largeur sur soixante de longueur, sans compter les pièces de bois qui seraient mises par dessus ou sur les côtés afin de la consolider (35). Cet impôt produisait un revenu considérable, sur lequel Hartung de Wangen touchait, chaque année, une rente de 70 florins d'or, qu'Henry lui avait accordée pour être son homme lige et qui fut rachetée, en 1411, moyennant 700 florins (36).
Au cours d'hostilités qui éclatèrent, l'année suivante, entre Jean de Lanoy et Jean d'Herbéviller, chevaliers, Renaud, frère de ce dernier, délia le seigneur de Blâmont et se jeta avec quelques partisans sur ses terres, où il flt de grands ravages; mais bientôt, ayant été pris par Thiébaut de Faucogney, il fut remis entre les mains de son suzerain, auquel il dut payer 2200 florins pour sa rançon et les dégâts commis, et abandonner la maison qu'il possédait à Blâmont (37).
Valéran de Luxembourg, comte de Ligny et de Saint-Pol, voulant attaquer la cité de Metz, fit alliance avec le sire de Blâmont. Par ce traité, celui-ci devait défier les Messins, prêter ses forteresses au comte et même déclarer la guerre à l'archevêque de Trêves, s'il en était requis; de son côté, Valéran s'engageait à défier le comte de Sarrewerden, contre lequel Henry était en guerre ; l'une des parties ne pouvant faire la paix sans le consentement de l'autre (5 mai 1391) (38). « Le comte de Blâmont, dit Dom Calmet, fut battu près de Cirey par les troupes de Metz, qui firent quelques prisonniers de marque, comme Henry d'Ogéviller, Jean d'Herbéviller, Constantin d'Haussonville, François de Verey et François d'Autrey, chevaliers. La paix se fit la même année, par l'entremise de l'évêque de Metz et du duc de Lorraine (39). »
En 1395, Henry guerroyait à la fois contre ses frères, Jean de Fénétrange et Raoul de Coucy, évêque de Metz. Cette dernière querelle avait pour cause une rente de 100 livres donnée autrefois par l'évoque Thierry à Thiébaut Ier sur la ville de Sarrebourg et dont les arrérages se montaient alors à 1000 florins; Charles, duc de Lorraine, s étant encore interposé, les hostilités cessèrent et il fut convenu que les prisonniers faits de part et d'autre seraient délivrés sans rançon et que le duc déciderait si la somme qui faisait l'objet du débat devait être payée par l'évêque (40). Il rendit son jugement quelques jours avant Noël et déclara que Raoul était tenu de satisfaire à toutes les réclamations du seigneur de Blâmont et de ses fils (41).
Henry sut reconnaître les bons offices de Charles dès l'année suivante, en venant à son aide contre les habitants d'Epinal ; la lettre de défi qu'il leur envoya à cette occasion a été conservée :
« Je Hanry de Blanmont, au quaitres et aux bourgeois de la communauté de la ville d'Espinal. Je vous fais assavoir que je suis tant tenu à mon très chier seigneur, monseignour le duc de Lorraine et marchi, car je le serviray encontre vous de cesluy débat que vous avez ensamble par maintenant ; et par ces présentes lettres tanroie je à vous bien salver mon honnour encontre vous ; saellez de mon scel et furent faictes l'an mil CCCIVxx et XVI, la vigile de la Trinité (42). »
Depuis longtemps, le sire de Blâmont avait à se plaindre de Robert, duc de Bar, malgré le traité conclu en 1381 ; des questions importantes attendaient encore leur solution et le duc était resté son débiteur de plusieurs grosses sommes, notamment des dépenses se montant à 400 florins faites par Thiébaut Ier à Metz lorsqu'il négociait sa mise en liberté (43). Robert, dont les finances étaient épuisées par l'énorme rançon payée aux Messins, reculait de jour en jour l'époque du remboursement. Depuis, la forteresse de Mandres avait été prise et saccagée par le comte de Juliers et les ennemis du duc de Bar (1386) et, plus tard, ravagée de nouveau, ainsi que la terre de Bouligny, par les Liégeois, avec lesquels Henry était en guerre (1397) (44). Il y eut enfin, le jour de Pâques 1398, une transaction par laquelle le duc reconnut devoir à son vassal, à cause des grands travaux par lui exécutés au château de Mandres, 1000 francs d'or en sus des 4740 pour lesquels il le tenait en
gage (45) et lui donner le surplus jusqu'à concurrence de 6000 francs d'or de France ; en conséquence il lui engagea, moyennant cette somme de 1260 fr., tout ce qui lui appartenait encore dans la châtellenie, à charge de foi et d'hommage (46).
Cependant Henry n'était pas encore complètement désintéressé et il formula ses réclamations dans ce long mémoire :
« Ce sont les demandes que je Hanry, sires de Blanmont, faix à mon redoubté seignour monseigneur le duc de Bar...
« Premier, connue aultrefois j'ahuxe pris et détenu prisonnier Thielrich de Kerpes, à bonne et juste cause, mon dit signourvolt avoir en sa maison le dit Thiedrich, par teil qu'il coignostroit si j'avoie bone cause à lui ou non, et j'en ai esteir à plussours journées..., et nulz drois ne m'en est fait; et toutevois je ehuxe ehut doudit Thietrich bien xve' frans, et leis despens des dites journées montent bien à iije frans,..; ce demande [à] mon dit signour de Bar les dis milles et octz centz frans ou li dit prisonniers.
« Item, environ sept ans, Esselin de Lai Ghausssie (47), prévost mon dit signour, prit en une petite haie desus Resoncourt plussours porcs qu'estoienl à meiz bonnes gens de la dite Resoncourt et les dissipait, vendit et aliénait... ; leis dis pors n'estoient point en hault boix ne en leu de prise... ; par quoy je demande la value des dis porcz qui peullent bien monter à quarante frans...
« Item, pour leiz despens quant missions que je fix en pourchassant le mariaige le marquis de Baude, ce que mon dit signour me promist de bien garendonneir, milles frans.
« Item, environ l'an iiijxx, fuit Husson de Thiacourt, prévost de Trougnon par le temps, encompaignietz de Jehans de Nouroy, prévost de Bouconville par le temps,
et estoil, a la requeste du dit prévost de Trougnon, avec eulx tout ceu de gentz qu'ils peorent avoir, et avaient avec eulx X homes d'armes ou environ, et vinrent contre le ban de Broucey
et prirent homes et tous biens d'oisteil et affolèrent femes et fixent aultres villonnies et mirent hommes en gehynes et ardont leus pieds, sens ce que je, ne meis dis hommes, heuxiens riens à faire aus dis prévoslz, ne sens ce que ils me requixent onques de nulles choses my ne leis miens ; se porront faire [leis] dapmaiges pour celle fois environ la somme de dous centz et cincquante frans, n'y ant compteit la villenie et injure faite.
« Item, pour ceu quant leis gentz de mon dit signour revinrent de davant dou Pont (48), une partie d'yceulx gentz se lungèrent à Resoncourt, une partie à Alnoy et une aultre partie à Vertusey, et estoient adonc leis grainges de bonnes gens plaine de bleifs et avones et
aultres biens ; leis dis gentz ardont eiz dites villes... environ viijxx que grainges que maisons et tous leis biens qu' estoient dedans, dont leis damaiges puellent bien monter à la somme de iiijm frans...
« Item, pour les damaiges que moy, mes officiers, sergents et bones gens avons eu parceque le prévost dou Pont fit prendre par gens d'armes les bestes de Rauleucourt, l'an mil iije iiijxx et x, lou samedi davant l'Ascension N. S., sans qu'il en fut fait nulle sommation à moy, à mes officiers
et au maire du lieu, laquelle chose ne se pouvoit faire par droit, environ XXX frans.
« Item, le lundi suivant, le dit prévost avec plusours gens d'armes en faisant oeuvre de fait, brisent et sarclont toute la ville et assalèrent le mostier ou que plusours bones gens estoient retirés et mis leurs biens, et s'etaigèrent deis femes et enfants que prirent en la ville afin que ceux qui estoient dans le mostier ne leur getaisent pierres, et tant assalèrent le dit mostier, que le prirent et xiij deis hommes de la ville, lesquel ils emmenèrent ou Pont et la demorent prisonniers l'espace de xv jours...
« Item, on temps ou mon dit signour eut guerre à Pierre de Bar, ses gens qui estoient en garnison firent damaiges à Bouligney-Amermont, qui pour lors appartenoit à mon frère Emar, cui Deu pardont, dont j'ai la succession... ; pour cela trois cens cincquante frans.
« Item, mon dit signour me promit à Thiaucourt, qu'il m'aideroit contre le sire de Vergey, quant il volloit meffaire Chestillon (49) ; pourtant il ne m'aidait point, je ai eu des damaiges quant je m'en avois asseuré du tout à lui.
« Item, quant je ehus guerre au conte de Sallewerne (50), je requis et somai mon dit signour, comme homme doit faire son signour et n'en fus aidé.
« Item, convenance des damaiges que furent faits nouvelment en la terre de Mandres par messire Jehan de Fénestrange par le deffault des gens monsignour de Bar, car s'ils ehussent fait lour devoir, le signour de Blanmont tient qu'ils n'y fussent ja entrés... (51)
Un dernier traité vint, en avril 1399, terminer toutes ces difficultés : « Henry, sire de Blâmont, dit Du Fourny, et le duc de Bar font accord et transaction par lesquels le sr de Blâmont quitte et remet au duc et à ses hoirs tout ce qu'il (le duc) pouvoit lui devoir pour pertes de chevaux, dépenses et dommages causés tant par lui que par ses ofiiciers et tout ce qui le (Henry) pouvoit toucher et regarder lui, ses frères et soeurs et ses hommes, sujets et domestiques, pour les services qu'il avoit rendus au duc. En réciproque, le duc quitte Henry et ses hoirs de tout ce qu'il pouvoit prétendre contre lui ; sauf et réservé que, si leurs sergents ou officiers avoient entrepris aucunes choses sur l'héritage de l'un ou de l'autre ou en leurs gagères, on en sauroit la vérité, pour en estre fait droit et raison (52). » Le seigneur de Blâmont donna, peu après, quittance à Robert de 600 francs, en attendant un prochain versement de pareille somme (53).
En 1400, Henry fit alliance avec le comte de Réchicourt (54); ce fait doit se rattacher à une petite guerre qu'il eut à cette époque contre Jean, sire de Lichlenberg, et Berthold Krantz, et qui se termina, en juillet 1401, par l'entremise des comtes de Salm et de Réchicourt; les belligérants convinrent de ne plus s'attaquer à l'avenir sans s'être avertis, quatre semaines auparavant, des causes de leur rupture
(55).
Il se rendit, cette même année, vers Pâques, avec ses fils à Bruxelles, afin d'y réclamer le paiement de la rente accordée autrefois à Henry Ier, son bisaïeul et dont les arrérages dus depuis vingt cinq ans se montaient à 7500 livres ; Jeanne, duchesse de Luxembourg et de Brabant, ne pouvant alors lui remettre cette somme, le pria de lui accorder un délai de six mois à l'expiration duquel elle le rembourserait (56).
Le château et la châtellenie de Turquestein, qui appartenaient encore en 1390 au seigneur de Blâmont, avaient été rachetés depuis par l'évêque de Metz (57) ; cette seigneurie ne resta pas longtemps hors des mains d'Henry, car, le 28 décembre 1402, Raoul de Coucy la lui engagea de nouveau pour 1000 florins d'or qu'il lui devait (58).
Une ligue s'étant formée entre le duc d'Orléans, les comtes de Nassau, de Sarrebruck, de Sarrewerden et de Salm. le sire de Boulay et autres contre le duc de Lorraine, celui-ci demanda du secours au seigneur de Blâmont. Par un traité passé le 22 février 1407, Henry promit de l'aider et de lui ouvrir, s'il était nécessaire, ses forteresses de Blâmont, Deneuvre et Turquestein, moyennant la somme de 2400 vieux florins du Rhin ; Charles, de son côté, s'engagea à le secourir, lui et ses fils, dans la guerre qu'ils avaient alors contre Jean de Fénétrange au sujet des terres de Fénétrange et de Faulquemont et contre l'évêque de Strasbourg, et à ne rien acquérir à Fontenoy ou à Frémonville des biens que les gens d'église y possédaient (59). Peu après, le duc et l'évêque de Metz, sentant la nécessité de mettre le bourg de Baccarat à l'abri d'un coup de main, chargèrent Geoffroy de Sampigny et Henry de Barbas,
écuyers. d'en demander l'autorisation au sire de Blâmont, qui leur permit de faire établir un fossé et une « soipe » à condition de les détruire après la conclusion de la paix et de remettre les choses en l'état où elles se trouvaient (60). Charles remporta, près de Nancy, une victoire complète et reconnut bientôt (le 28 juin) devoir encore à son allié 500 florins « pour cause
de l'ayde et recept » que celui-ci lui avait donnés, promettant de verser cette somme entre les mains de Jean Blâmont, de Marsal, alin de retirer les « wages et jueilz » de Valburge de Fénétrange, qu'il tenait en gase (61). Il offrit ensuite sa médiation entre Henry et l'évêque de Strasbourg et leur fit faire la paix (1408) (62).
Le seigneur de Blâmont avait en avec ses frères de graves différends, principalement avec Jean, sire de Vellexon et de Vaire ; celui-ci, après l'avoir d'abord déshérité, changea plus tard de sentiment et, par ses dernières dispositions testamentaires, lui laissa tous ses biens qui étaient considérables, car il avait hérité de ses deux autres frères, Adémare et Thiébaut. A sa mort, Henry recueillit sa succession qui consistait, outre une partie de l'ancien patrimoine de sa maison, dans les châtellenies de La Garde, Vellexon, Vaire et Oricourt; le 10 août 1409, il donna à Thiébaut, son fils aîné, la seigneurie d'Oricourt, priant le duc de Bourgogne, comme suzerain du fief, d'agréer cette cession et de recevoir l'hommage de son fils au lieu du sien, « veu et attendu, ajoutait-il, l'infermetté de mon corps qui est tèle que les jambes ne peuent porter le corps et aussi que il puet estre mieulx servy de mon dit filz que de moy » (63).
Henry était alors dans son château de Blâmont qu'il ne semble plus avoir quitté à partir de cette époque ; depuis longtemps déjà il avait associé ses fils à son gouvernement et s'était déchargé en partie sur eux du soin de ses affaires extérieures, dont ses infirmités l'empêchaient de s'occuper aussi activement que par le passé; aussi, malgré l'assertion de plusieurs auteurs, qui mettent le comte de Blâmont au nombre de ceux qui commandaient un corps de troupes à la bataille d'Azincourt, nous ne pensons pas qu'il s'agisse de lui, mais bien d'un de ses fils.
En 1411, il fonda, avec Valburge, sa femme, dans l'abbaye de Belchamp, deux « services à note, » à célébrer chaque année à perpétuité, le premier, du Saint Esprit, pendant la semaine suivant la Pentecôte, et l'autre, de Requiem, le lendemain de la Toussaint, et y affecta une rente sur le ban de Saint-Clément (64).
Deux ans après, il permit à Henry de Barbas, bailli de Vosge, de créer, entre Nonhigny et Montreux, un étang dont la chaussée serait située au moulin de « Gellenel », à condition de le tenir de lui en fief et de ne pas le faire pêcher en même temps que celui de Vilvaucourt, se réservant, en outre, les droits de passage sur la digue du nouvel étang (65).
Il s'accorda ensuite avec Jean Dieuamy, de Metz, héritier de Poincignon, son père, auquel Thiébaut Ier avait emprunté 4000 florins ; sur cette somme il en remboursa 3000 et promit d'acquitter le reste par versements annuels de 100 florins (66). Jean de Fléville, qui avait, sur la terre d'Amermont, une hypothèque de 390 francs, fut aussi désintéressé (67) ; ce qui n'empêcha pas le sire-de Blâmont d'acheter (1416) à, Philippe de Norroy
le quart des châteaux et châtellenies de Salm, Pierre-Percée et
Badonviller, qu'il tenait par engagement du comte de Salm, moyennant 900 vieux florins (68).
Des hostilités éclatèrent l'année suivante entre Henry, assisté de Thiébaut. son fils, et Jean, sire de Créhange; on sait seulement que le duc de Lorraine amena les parties à traiter et à promettre de ne plus s'attaquer qu'un mois après la dénonciation de la trêve et l'envoi réciproque d'un cartel (69),
Thiébaut de Blâmont fut cause d'une autre guerre, dont les motifs ne sont pas connus, contre plusieurs gentilshommes d'Alsace (70). Henry de Barbas, bailli de Vosge, qui semble avoir partagé avec lui le commandement des troupes, fit prisonnier Henry de Molberg, écuyer, lequel ne sortit de captivité qu'après avoir acquitté les dégâts que lui, Arnould de Châtel et Jacques de Xonoive, aussi écuyers, avaient commis sur les terres de Blâmont (71). Martin Munch de Vildsberg fut aussi pris, et, afin
d'obtenir sa mise en liberté, ses parents et amis Martin, Jean et Henry de Wildsberg, Bernard et Jean de Lutzelbourg, Henry de Hérange,
Raimbaud Zorn, le jeune, Jean-Louis de Kageneck et Nicolas Fuissel de Lutzelbourg, durent s'engager avec lui par serment de ne plus rien entreprendre à l'avenir contre le seigneur de Blâmont (72). Cependant celui-ci avait fait des pertes sensibles, puisqu'il engagea à Henry de Barbas les villages et bans de Gondrexon. Chazelles, Reillon et Blémerey pour 200 vieux florins, dont il lui était redevable à cause des chevaux et harnais perdus à son service (73). Il eut encore à restituer à Jean de Hohenstein un valet, un page et deux « grands chevaux », qu'il avait fait prendre, « en certain temps de guerre », à leur passage à Blâmont, « à tort et sans cause évidente, cuidant qu'ils estoient ses ennemis » (1420) (74).
Henry IV mourut en 1421, après le 28 avril, mais avant la veille des Rois (5 janvier) suivante où Ferry d'Abocourt, écuyer, fit ses reprises de Thiébaut II, sire de Blâmont, en raison de certains fiefs qu'il avait repris auparavant de son « très chier et redoubtei seigneur, messire Hanry, seigneur de Blanmont que fut, eui Deu pardoint (75) ». Il fut inhumé dans l'église de la collégiale de Blâmont, fondée par lui et son épouse, en 1382, pour six chanoines, lesquels jouissaient chacun d'un revenu de 25 florins (76).
L'époque du décès de Valburge de Fénétrange nous est inconnue; toutefois elle survécut à son mari et existait encore au mois de décembre 1423 (77). Elle avait donné le jour à plusieurs enfants, trois fils: Thiébaut II, seigneur de Blâmont, dont on lira la vie en dernier lieu, Olry Ier et Jean II, et trois filles: Valburge, Jeanne et Henriette, et peut-être aussi une quatrième nommée Adélaïde, desquelles nous parlerons d'abord.
VALBURGE et JEANNE DE BLAMONT furent, en 1392, l'objet d'une donation de la part de Catherine de Blâmont, leur tante, dame du chapitre de Remiremont, à condition cependant qu'elles entreraient elles-mêmes dans ce monastère.
Elles avaient atteint l'àgc de quinze et quatorze ans révolus, quand elles déclarèrent solennellement, au château de Deneuvre, le 25 novembre 1403, vouloir prendre l'habit de religieuses à Remiremont et renoncer, au profit de leurs frères et soeurs (sic), à tous leurs biens et héritages, se réservant seulement chacune 15 livres de rente viagère, qu'Henry, leur père, assigna sur les revenus des étangs de Vilvaucourt, « deGresson (78), près d'Haute-Seille et de Grandseille, près d'Autrepierre. » L'acte fut scellé par le seigneur de Blâmont, Thierry d'Ogéviller, abbé de Moyenmoutier. et Geoffroy, abbé de Saint-Sauveur, en présence de Geoffroy de Sampigny et de Jean d'Herbéviller, écuyers, de Jean, curé d'Ogéviller, et d'Henry Breton, prévêt de la collégiale de Deneuvre (79).
Valburge entra, dans la suite, au chapitre d'Epinal, et en fut abbesse,
selon Dom Calmet, de 1420 à 1439.
Henriette de Blamont épousa Bernard, comte de Thierstein, seigneur de Pfeffingen, d'une maison célèbre originaire de Suisse (80), et reçut en dot 4,000 florins, dont 2,000 furent assignés sur la partie des châtellenies de Salm, Pierre-Percée et Badonviller, que son père tenait en gage, et le reste converti en une rente de 200 florins sur la seigneurie de Blâmont ; moyennant cette somme, elle renonça à toute succession paternelle et maternelle, réservant seulement ses droits à la ligne collatérale (1417) (81). Trois ans plus tard, elle reconnut que les titres de son douaire lui avaient été remis par son père, entre les mains duquel ils étaient demeurés, et lui en donna quittance (82).
C'est là tout ce que l'on sait d'Henriette, qui ne vivait déjà plus en 1434, où Marguerite de Lorraine, dame de Blâmont, racheta au comte de Thierstein la rente de 200 florins qu'il continuait à percevoir chaque année, à cause de Suzanne, sa fille, sur les revenus de la seigneurie de Blâmont.
ADÉLAÏDE de BLAMONT, que nous supposons aussi fille d'Henry IV, bien que n'en ayant trouvé la preuve nulle part, était, en 1442, d'après Dom Calmet, abbesse de Saint-Pierre-aux-Nonnains, à Metz.
OLRY DE BLAMONT, Ier du nom, apparaît en 1392, dans l'acte des reprises qu'il fil avec Thiébaut, son frère, à cause du tiers du château de Mandres et de ses dépendances, à eux donnés par Marguerite, dame de Fénétrange, leur grand'mère maternelle (83). Trois ans plus tard, il était chevalier et prit dès lors, ainsi que son frère aîné, une part active aux affaires de leur père ; ils tirent même, après la guerre qu'il soutint, cette année, contre Raoul de Coucy, évêque de Metz, leur traité particulier avec ce prélat qui, sur les conseils du duc Charles, leur céda, pour se les attacher, une rente de :200 florins a prendre sur les salines de Marsal et de Moyenvic, et qu'ils réclamaient comme leur provenant de l'héritage de leur oncle Jean de Fénétrange (84).
Dans un voyage que fit à Paris Edouard de Bar, fils du duc, Olry était au nombre des gentilshommes qui accompagnèrent ce prince ; il passa à Saint-Mihiel en revenant, le 14 juin 1401 (85), et arriva à Blâmont juste à temps pour repousser une troupe d'aventuriers français qui, sous la conduite du seigneur de Courgirons, avaient attaqué Henry de Barbas et, après l'avoir
poursuivi dans tout le pays, assiégeaient son château, qu'ils eussent démoli sans ce secours imprévu. En reconnaissance d'un si grand service, Henry de Barbas lui donna 3,000 écus d'or de France, pour lesquels il lui engagea sa maison forte d'Herbéviller et ses dépendances, sa maison de Blâmont et ce qu'il possédait à Montreux et à Nonhigny ; comme suzerain de ces fiefs, le seigneur de Blâmont en confirma la cession (2 septembre) (86).
Son frère et lui firent encore, l'année suivante, par l'entremise de Jean de Blâmont, sire de Vellexon, leur oncle, un nouveau traité de paix avec l'évêque de Metz « sur les guerres, poursuites et demandes faites entre eux et prises d'hommes et bestiaux, incendies, meurtres et autres dommages », et lui promirent, moyennant une nouvelle rente de 300 florins, d'être à l'avenir ses hommes liges (87). L'exécution de cette clause rencontra cependant une vive opposition de la part des feudataires de l'évêché, qui prétendaient, non sans raison, que les seigneurs de Blâmont avaient abusé de la faiblesse ou de la bienveillance de Raoul de Coucy à leur égard, puisque, étant ses vassaux, ils ne devaient pas porter les armes contre lui ; aussi, lors de la tenue des assises à Vic, en juin 1403, citèrent-ils à leur tribunal l'évêque et Thiébaut
de Blâmont, afin d'entendre leurs explications et examiner les conditions de l'accord fait entre eux (88). Le jugement qui fut rendu ne nous est point parvenu, mais tout porte à croire que la donation contestée fut maintenue (89).
Au commencement de l'année 1406, Olry était à Paris auprès du duc de Bourgogne, qui lui fit présent d'un cheval de prix (90). Bientôt il revint en Lorraine, où il assista activement son père dans ses nombreuses guerres.
C'est dans un accord fait en 1411, entre Thiébaut, son frère, et Guillaume de Vienne, qu'il paraît pour la dernière fois ; d'où nous concluons qu'il périt, avec la fleur de la chevalerie française, à la sanglante bataille d'Azincourt (1415), suivant la chronique du doyen de Saint-Thiébaut : « Le jour de la feste saincts Crespin et Crespinet, en hyver, fut une grand battaille où il mourut de vaillans princes, chevalliers et autres grands seigneurs, c'est assçavoir le boin duc Endouwart de Bar, le duc de Brabant, le comte de Vaudémont et les enfans de Blâmont (91).» Il devait être alors âgé d'environ quarante ans et s'était peut-être marié, quoique les archives soient muettes à cet
égard.
JEAN DE BLAMONT, IIe du nom. dernier fils d'Henry IV. fut d'abord destiné à l'Eglise. Il était chanoine de Toul, lorsqu'en 1403. les dames du chapitre de Remiremont, par considération pour son père, le nommèrent,
quoiqu'il n'eût pas atteint l'âge requis, prévôt de leur monastère : « concederunt, dit l'acte qui en lut dressé le 29 juillet, officium prepositure monasterii et ecclesie jamdictorum, nobili viro lohanni de Albomonte, canonico tullensi, nato nobilis et potentis domini, Henrici domini de Albomonte, comitis » ; Henry s'obligea en
même temps, au nom de son fils mineur, à satisfaire aux droits dus à l'abbaye pour cet emploi (92).
Ces droits, qui étaient considérables, ne furent pas régulièrement acquittés par le seigneur de Blâmont, que l'état de ses finances empêchait sans doute de remplir ses promesses ; les dames les lui rappelèrent avec ménagement, puis avec plus de fermeté, et, dans la crainte que son fils ne perdit la dignité dont il était revêtu, Henry ne put se refuser à l'entrevue qu'elles lui proposaient afin de régler cette affaire. Il se rendit donc
à Remiremont et, le chapitre s'étant assemblé « en la maison de la crosse d'abbasse, en la grant saule hault », dame Agnès de Chauvirey, sonrière, prenant la parole au nom de toutes, lui dit : « Sire, bien vegnant soiés vous. Nous fumes bien liées quant vous estes cy venus; quar se vous ne fuissiés venus, nous fuissiens alées parleit à vous en chiés vous à Blanmone. » Et se tournant vers Jean Bauzey, chanoine de Remiremont : « Messire Jehan, je vous requier et commande, de part nos dames doienne et chapiltre de nostre englise de Remiremont, par le sairement que vous avés à nostre englise, que vous dittes et requérisses à monsignour de Blanmont, que cy est présent, ceu que vous savés qui est accordey par les dittes dames de lui dire et requérir. » Jean Bauzey dit alors à Henry : « Ghiers sires, vous savés que vous avés retenut à ferme pacte et promission, l'office de la prévostey Sainct Pière de nos dames de l'englise de céans, pour mondemoisoul Jehan de Blanmont, vostre fil, et lour avés promis, jurey et crantey, ensy que il appert par bonnes lettres qu'elles en ont de vous, de elles paier toutes les anciennes droitures appartenant d'anciennetey à la ditte pirévostey ; se vous prient nos dittes dames, pour Deu en almonne, et vous requièrent, que vous les veulliés paier de ceu que vous et vos gens lour avés laixier à paier du temps passey. Et aultrefoy lour avés dit que vous les paieriés voluntiet, mais que monsignour de Lohorène en ehut levey sa main, qu'il l'avoit mix en saizine ; sy ont tant pourchassier nos dames par devant monsignour de Lohorenne, qu'il ail levey la main de tous les biens appartenans aux provendes de l'englise et de chapiltre entièrement. Se vous prient encor nos dames et requièrent de elles paier et les aultres personnes de l'englise que vous les veuillès paier. » Et remettant au seigneur de Blâmont une pièce signée d'un notaire de Remiremont, il ajouta : « Monsignour, véés cy par escript ceu que nos dames vous demandent et que vous lour avés laixier à paier. » En voici la teneur :
« A vous, noble signour, monsignour Henry, sire de Blanmont, nous, religiouses dames, Henriette d'Amoncourt. par la pacience de Deu, abbasse, et chapiltre de lenglise et monastère Sainct Pière de Remiremont, tous honours et biens en Nostre Signour Ihesus Grist. Vous savés, quant l'an mil quatre cens et trois, le vingt nuefvime jour du mois de julet. pour contemplacion et à la prière de vous, nous donames et conférames, par pacte ferme et admodiation, à Jehan de Blanmont, vostre fil, nostre prévostey Sainct Pière, chargié des charges accoustumés à faire pour cause et occasion d'icelles, tant à nous comme es aultres personnes de nostre ditte englise, chascun an. Et pour tant que le dit Jehan, vostre fil, estoit mandre d'aaige pour le temps que nous li conferimes la ditte prévostey, que vous, tant en vostre nom comme on nom de vostre dit fil, promittes et juraites es sainctes ewangiles de Deu, par vous corporelment touchiées et, entre les aultres choses, soubs
peine d'excomuniement, que vous satisferiés des dittes charges... lesquelles n'avés point satisfait ne escomplis depuis le terme de la Purification Nostre Dame, l'an mil quatre cens et troix.... (93). Si n'avons encor point, pour l'onour de vous, volui user de nos dittes lettres jusque à présent, de laquelle chose encor nous en desplait ; quar. de nostre pooir, salve nostre sairemens, tousjours vous feriens voluntiei plaisir. Et pour tant que par nos sairemens qu'avons à Deu et à nostre ditte englise, nous sûmes contraintes de tenir, maintenir et soustenir, de nostre pooir, les drois de nostre ditte englise... ; encor dabundant, très amiablument vous prions et instamment, par la teneur de ces présentes, requerrons que vous nous paies et satisfaites de tout ceu entièrement que nous devés... ; sur quoy vous plaise à nous respondre, maintenant et de présent, vostre finable voluntey (94) »
Henry répondit qu'il ferait droit à cette requête dans le mois ; mais, ce délai étant expiré sans qu'il eût rien remboursé, le chapitre le fit sommer d'avoir à lui donner satisfaction avant la fin de novembre (1406), faute de quoi son fils serait irrévocablement privé de sa prévôté, lui défendant même, dès lors, de s'en mêler, jusqu'à l'entier paiement de tout l'arriéré. Le duc de Lorraine, désirant éviter un conflit, écrivit, en faveur de son vassal, au chapitre, auquel, après bien des pourparlers, il proposa une transaction en vertu de laquelle le sire de Blâmont verserait, pour tout ce qu'il devait, la somme de 600 francs, payable en deux termes à la Saint-Remy 1409 et 1410 ; il s'engagerait, de plus, sous la garantie du duc, à satisfaire dorénavant à toutes les charges de la prévôté, et lui, duc, promettrait de le contraindre à les acquitter régulièrement (95). Mais cet arrangement ne fui pas accepté, et il y eut, en cour de Rome, un procès qui dura jusqu'en 1430, où Thiébaut, seigneur de Blâmont, fils et héritier d'Henry, y mit fin en abandonnant aux dames de Remiremont, pour toutes leurs prétentions, ce qu'il possédait à Destord, excepté l'hommage des gentilshommes et la haute justice (96).
Jean de Blâmont figure, à côté de ses frères, dans la transaction faite, en 1411, avec Guillaume de Vienne, et semble, depuis cette époque, être resté en Bourgogne. Il était au nombre des 27 écuyers amenés, en septembre 1414, près d'Auxonne, par Jean de Monthureux-sur-Saône ; en 1417, il se trouvait à Beauvais, avec 128 autres écuyers, sous la conduite de Thiébaut de Neufchâtel, chevalier banneret (97).
L'année qui suivit la mort de leur père, Jean et son frère firent le partage de sa succession ainsi que des biens de Valburge, leur mère ; le premier eut dans son loties terres d'Oricourt, Vellexon, Vaire, Ottange (98), Provins et Chalaure, dont les titres lui
furent remis peu après (99). Il avait consenti antérieurement (1418) à renoncer au bénéfice de certaines lettres que lui avait données son père et dans lesquelles celui-ci déclairait ne pas vouloir qu'après son décès, un de ses fils eût une plus grande part que l'autre dans son héritage (100)
On le trouve encore sur la liste des nobles de Bourgogne, que le duc manda près de lui à Tournus, le premier octobre 1424, pour le servir à la journée assignée à la reddition du château de la Roche-Solutrey, et enfin, mais cette fois avec le titre de chevalier banneret, dans la revue des hommes d'armes qui furent reçus à Yp (?), le 5 octobre 1429, par Antoine de Toulongeon, maréchal de Bourgogne, afin d'aller rejoindre le duc sur les frontières de Champagne (101).
Jean II de Blâmont épousa Jeanne de Vergy, sa cousine, fille de Guillaume de Vergy, seigneur de Port-sur-Saône, et d'Isabelle de Ribeaupierre (102), selon l'auteur de l'histoire de la Maison de Vergy, qui donne sur cette dame les détails suivants : « leanne de Vergy eut deux maris, dont le premier fut Iean de Saint-Chéron, cheualier, seigneur de Sougey et de HoUans, qui l'espousa le XIX iour de septembre, l'an mille quatre cents six, au lieu de Fonuens le Chastel En secondes nopces, elle reprint alliance auec lean de Blammout, seigneur de Vellesson, qui, nonobstant les renonciations susdites (103), accorda, du consentement d'icelle, auec Anthoine de Vergy, seigneur de Champlite et de Rigney, son oncle, et lean de Vergy, seigneur de Fonuens et de Vignorey, son frère, pour les droits de partage qui luy pouuoient appartenir es succession de lean de Vergy, jadis seigneur de Champlite et de Fonuens et de leanne de Chalon, sa femme, père et mère dudit Anthoine de Vergy et grand père et grand mère desdits lean de Vergy et leanne, sa seur, et de feüe Ysabeau de la Hauteribaupierre..., mère des mesmes lean et leanne de Vergy, par Lettres passées le X iour de May, l'an mille quatre cents trente cinq... Cette leanne de Vergy eut, de lean de S.
Chéron..., une seule fille, appellée Béatrix de S. Ghéron, dame de Rollans et de Sougey, laquelle fut mariée en premières nopces a lean de Vienne, seigneur de Chamigny ; et, en second lit. elle espousa Guillaume de Rochefort,
seigneur de Ghastillon en Bazois...
« La mesme leanne de Vergy et son second mary, lean de Blammont, procréèrent aussi une fille nommée Claude (104) de Blammont, qui fut conioincte, par alliance auec lean de Toulongeon, seigneur de Traues et de Beaumont. Et, après la mort d'Anthoine de Vergy, seigneur de Champlite, les uns et les autres disputèrent, pour la succession d'iceluy, contre lean, comte de Fribourg, seigneur de Champlite, lean de Vergy, seigneur de Fonuens et de Vignory, et Charles de Vergy, seigneur d'Autrey et de Vaugrenant, lesquels il auoit institué ses héritiers... »
D'autre part, Moréri nous apprend (105) que Jean de Toulongeon était fils d'Antoine, seigneur de Trave, Montriehard et La Bâtie, maréchal de Bourgogne, chevalier de la Toison d'or, mort en 1432, et de Béatrix de Saint-Chéron. Sa femme, Claudine de Blâmont, dame de Vellexon, en était déjà veuve en 1448, lui ayant donné plusieurs enfants, entre autres Marc de Toulongeon, qui eut la seigneurie de Vellexon et épousa Agnès de Bauffremont-Mirebeau, dont il eut une fille, Clauda de Toulongeon, dame de Vellexon. mariée en 1502 à Claude de la Baume-Montrevel, maréchal de Bourgogne.
Claudine de Blâmont avait peut-être une soeur nommée Amiel (106), qui épousa Guillaume de Fleurey. C'est, du moins, ce qu'il est permis de supposer en les voyant figurer toutes deux dans un acte de dénombrement donné au duc de Bourgogne, le 8 novembre 1462, par Jean, seigneur de Ray, et où se trouvent mentionnés, parmi les fiefs qui relevaient du château de Ray, ceux tenus à Ray par Amiel de Blâmont, veuve de Guillaume de Fleurey, et par Barthélémy de Lavoncourt, et ceux tenus à Vellexon et à Ferrières-lès-Ray par Jean de Toulongeon, seigneur deTraves et de Vellexon, mari de Claude de Blâmont (107).
THIEBAUT II, SIRE DE BLAMONT
Thiébaut II, sire de Blâmont, fils aîné d'Henry IV, naquit vers 1371. Il figure pour la première fois dans le contrat de vente de la censé de Voivre près de Fontenoy, passé par l'abbaye d'Aulrey au profit d'Henry, sire de Blâmont, Valburge, sa femme, et Thiébaut, damoiseau, leur fils aîné (108). Nous avons rappelé ses premiers faits d'armes, en parlant de son père et d'Olry, son frère, dont il ne se sépara guère jusqu'en 1409, où leur père lui donna, par lettres du 10 août, la seigneurie d'Oricourt en Bourgogne.
Il partit aussitôt pour aller prendre possession de son fief et occupa aussi les places de Vellexon et de Vaire, qui devaient appartenir à son père en vertu du dernier testament de Jean de Blâmont, son oncle. Mais Guillaume de Vienne, seigneur de Saint-Georges et de Sainte-Croix, prétendant que ces dernières terres lui étaient échues par le décès de Jean de Blâmont, s'adressa, probablement, afin de se les faire restituer, au
duc de Bourgogne, qui, prenant fait et cause pour un de ses plus puissants vassaux, donna l'ordre au maréchal du duché de s'emparer des places en litige; car ce n'est qu'ainsi que l'on peut s'expliquer les événements qui suivirent et dont le récit n'est précédé d'aucun éclaircissement sur les causes qui les avaient amenés. L'historien auquel nous empruntons
cette relation nous apprend que, pendant que le duc de Bourgogne était à Paris, « on assiégeoit par son ordre, en la comté de Bourgogne, la forteresse de Valexon que le seigneur de Blammont avoit surprise, qu'il gardoit injustement et où il avoit mis une forte garnison qui pilloit et ravageoit le pays d'alentour. La commission du duc pour remettre cette place sous son obéissance fut envoyée à Jean de Vergy, son maréchal, et aux deux baillis de la comté... Ils crurent d'abord qu'ils pourroient s'en rendre maîtres tout à coup; mais, ayant pris conseil des premiers seigneurs du pays, on leur fit sentir que le château de Valexon ne pouvoit être pris de la sorte, qu'il étoit fort, bien gardé et en état de soutenir et même longtemps un siège en forme, et qu'il ne falloit pas se flatter de s'en rendre maître aisément. Sur leur avis, on prit la résolution de l'assiéger et l'on convint qu'il falloit pour cela faire des loges tout autour de la place pour les nobles et les communes et autour des loges, du château et de tout le lieu de Valexon, une forte cloison de gros palis équarris, qui seroit d'environ une lieue en rond, avoir des machines, des canons et des bombardes... Les deux baillis mandèrent tous ceux de la comté avec ordre de se trouver avec eux devant Valexon le pénultième de septembre; on en avoit commencé le siège le 22 du même mois. Tous les ouvriers mandez y arrivèrent au nombre de 121 ; le nombre s'en augmenta beaucoup après. Les maçons travailloient à tailler les pierres pour les bombardes et les accomodoient pour les jeter contre le mur du château. On avoit fait venir les bombardes de Châlon, de Dijon et les deux grosses de Vergy.... celle-ci jettoit des pierres de 8 à 900 livres... » Le siège durait depuis deux mois, quand le maréchal fut remplacé par Jacques de Courtiambles ; dès que celui-ci fut arrivé devant la place, il écrivit au duc « que le jour même, les gens qui gardoient le château pour le seigneur de
Blammont avoient brûlé toute la ville de Valexon et qu'ils paraissoient déterminez à ne se point rendre..., que le siège seroit long et pénible... » ; il terminait en demandant de l'argent, de la poudre à canon, des traits et des maîtres canonniers
dont il manquait (109). Vers le milieu de décembre, il y avait devant la place, suivant la revue qui fut faite alors, 36 chevaliers, 350 écuyers, les communes du pays, 55 arbalétriers de Dijon et d'autres de Châlon, d'autres enfin d'Allemagne ; parmi les chevaliers on remarquait Antoine de Vergy, Philippe de Vienne, Jean de Neufchâtel et Guillaume de Granson. Le 22 janvier, le château fut pris, après quatre mois de siège, et la garnison faite prisonnière ; au mois d'avril ceux des prisonniers qui étaient étrangers furent mis en liberté et renvoyés dans leur pays sous la promesse de ne plus revenir en Bourgogne ; les autres qui étaient vassaux du duc furent tous décapités, pendus ou marqués d'un fer chaud.
On faisait réparer le château, quand on reçut ordre du duc de le faire démolir et de n'en rien laisser subsister ; la destruction commença le 12 février, les gros murs et les tours furent minés et on les fit sauter en peu de temps. « Pendant qu'on travailloit à cette démolition, Jacques de Gourtiambles écrivit aux chevaliers et écuyers de la comté de se trouver en armes devant la forteresse de Verrière (Vaire ?) que tenoit encore le sire de Blammont et où il avoit mis garnison. Ces chevaliers et écuyers étoient environ 400 que l'on mandoit au 22 du mois... ; mais, sur le bruit qu'on alloit faire ce siège, la garnison, craignant d'avoir le sort de celle de Valexon, se rendit... La garnison du fort
d'Autricourt ou Oricourt, que le sire de Blammont y avoit mise pour le garder, suivit l'exemple de celle du château de Verrière et se rendit comme elle (110). »
L'échec que Thiébaut venait d'éprouver ne lui fit pas abandonner la revendication des droits de sa maison sur les fiefs de Bourgogne; mais il prit, cette fois, la voie de la conciliation, qui lui réussit mieux que celle des armes. Dès le 10 février 1410 (v. st.), il fit, au nom de son père et de ses frères, avec Guillaume de Vienne, un traité dans lequel on voit que celui-ci, soutenant lui appartenir « les chasteaux,
villes, terres, hommes, femmes, seignories, justices et toutes autres appartenances de Wellesson et de Varres,
à luy advenus et escheus par le trespassement de feu bonne mémoire messire Jehan de Blanmont,
chevalier, jadis seigneur des dicts lieux et par l'ordonnance de son testament », tandis que Thiébaut affirmait le contraire « pour plusieurs raisons qu'il disoit ou entendoit à dire, tant par la révocatoire du dit testament comme autrement», plusieurs de leurs parents et amis, Jean de Bourmont, abbé de Beaupré, Jean de Neufchâtel, seigneur de Montaigu et de Fontenoy-en-Vosges, Amé de Sarrebruck, seigneur de Commercy, Philippe de Cervolles, seigneur d'Estrepy, Colard de Foug, chevaliers, et Gérard de Deneuvre, châtelain de Mandres, s'étaient entremis et avaient rendu un jugement arbitral en vertu duquel Guillaume devait renoncer en faveur du seigneur de Blâmont aux droits qu'il disait avoir sur lesdites terres, a condition que Thiébaut ou Olry, son frère, deviendrait son homme lige,« pour luy faire service toutesfois que requis en seroit »,
excepté contre le roi de France, le duc de Bourgogne, le duc de Lorraine, le duc de Bar, le marquis de Pont-à-Mousson et l'évêque de Metz, et le resterait jusqu'à l'entier paiement, au seigneur de Saint-Georges, d'une somme de 1,000 florins d'or (111).
Il travailla ensuite à se faire remettre en possession des mêmes seigneuries qui avaient été confisquées ; le duc de Bourgogne, alors à Paris, lui en accorda des lettres de main-levée, que la duchesse régente confirma, le 25 août 1411, en faisant cesser l'opposition du bailli d'Amont, qui s'était refusé à exécuter les lettres du duc, prétendant qu'elles n'étaient point assez explicites « pour ce que le chastel du dit Valexon par sentence avoil esté démoly et icely, ensamble ses appartenances. déclariez confisqués à mon dit seigneur et aussi que la terre appartenant au dit chastel si estoit mise en domaine de mon dit seigneur (112). » Cette
grosse affaire terminée, Thiébaut revint en Lorraine et, jusqu'à la mort de son père, assista celui-ci dans toutes ses entreprises ; ce fut Jean, son frère, qui le remplaça dès lors en Bourgogne.
Quelques années plus tard, il fonda, dit-on, cet ordre de chevalerie appelé de la Fidélité, dont les insignes étaient un collier portant la devise
Tou! un (113). Il est certain qu'il paraît avoir été tout au moins le promoteur du traité d'alliance en forme de confrérie passé le 31 mai 1416, en présence et sous les auspices du cardinal Louis, duc de Bar, puisqu'il y est nommé le premier, en têtu de la liste des 20 chevaliers et des 25 écuyers des duchés de Lorraine et de Bar qui adhérèrent aux statuts (114). Ce traité n'était fait que pour cinq ans ; mais, quelques jours avant son expiration, treize des premiers associés le renouvelèrent, tant en leur nom qu'en celui des absents, pour une durée indéfinie, et c'est là qu'aurait pris naissance l'ordre de Saint-Hubert, qui subsista dans le Barrois jusqu'à la fin du XVIIIe siècle (115)
C'est en 1421 que Thiebaut succéda à son père. Un de ses premiers actes fut, « pour la rédemption de tous ses péchiés, salut et remède de son aime, dez aimes de son peire et de sa meire, de dame Margueritte de Lorrenne, sa femme, de tous sez enfans et de tous sez prédécessours et successeurs », de renoncer, en faveur des chanoines et des autres prêtres, alors au nombre de sept, demeurant à Deneuvre, au droit dont il jouissait, comme seigneur de ce lieu, d'en hériter après leur mort, retenant seulement un florin d'or au décès de chacun d'eux : en reconnaissance de cet abandon, ceux-ci promirent de célébrer à perpétuité, dans l'église de la collégiale, quatre « haultz services » aux quatre temps de l'année, dont deux du Saint-Esprit pour les vivants et deux de Requiem pour les trépassés, auxquels ils devaient tous assister, sous peine d'une amende de cinq sols (116).
Par ce titre nous apprenons que, non seulement Thiébaut était marié, mais qu'il avait déjà plusieurs enfants de son épouse Marguerite de Lorraine, fille de Ferri de Lorraine, comte de Vaudémont, tué à Azincourt, et de Marguerite de Joinville. Cette alliance illustre plaçait le seigneur de Blâmont dans une situation délicate entre le duc de Lorraine, d'une part, et son beau-frère Antoine, comte de Vaudémont, d'autre part, lequel prétendait devenir le successeur de Charles II à l'exclusion des filles de celui-ci. Que se passa-t-il entre le duc et Thiébaut ? L'histoire ne le dit pas ; mais, le 22 septembre 1422, le seigneur de Blâmont et « Marguerite, fille feu monseigneur Ferry de Lorraine que Dieu absoile », sa femme, considérant qu'ils avaient fait certaines choses « au très grant desplaisir » du duc de Lorraine, pour quoi ils avaient été longtemps en son « indignation et malle grâce », et désirant recouvrer son amitié, promirent de ne jamais prétendre à quoi que ce fût du duché et de ses dépendances pour quelque raison que ce put être, même par succession, et renoncèrent à tous les droits qu'ils pouvaient y prétendre. Thiébaut s'engagea de plus, par serment, pour lui, ses héritiers et sujets à ne jamais être sous aucun prétexte l'adversaire du duc ; il promit que ses successeurs renouvelleraient ce serment à leur avènement, que tous ses sujets de Blâmont et de Deneuvre jureraient de ne reconnaître aucun seigneur avant qu'il n'eût accompli celle formalité, et enfin qu'il ferait observer dans ses seigneuries tous les édits qui seraient publiés dans l'étendue du duché, comme les ordonnances sur les monnaies, les vivres et les marchandises.
L'évêque de Toul et Thierry d'Ogéviller, abbé de Moyen-Moûtier, furent priés de mettre leurs sceaux à cet acte, qui enlevait aux seigneurs de Blâmont une partie de leur antique indépendance (117).
L'année suivante, Thiébaut fit avec Jean, son frère, le partage de la succession de ses parents. Connaissant la part du cadet, il est facile d'établir celle de l'aîné, laquelle devait comprendre les
châtellenies ou prévôtés de Blâmont, Deneuvre, Mandres, Amermont avec la mairie de Piennes, Fougerolles, Turquestein, La Garde (118), les bans d'Azerailles et de Saint-Clément, et des seigneuries détachées, comme Destord, les voueries de Vic et de Neufchâteau, les rentes de Rosières, Bruxelles (119), Hainaut, Luxembourg, etc.
Liétard de Raon-sur-Plaine, demeurant à Badonvil1er, ayant fait des courses armées et commis des dégâts sur les terres de Blâmont, se vit contraint d'implorer le pardon de Thiébaut et de promettre de ne jamais porter les armes contre lui, excepté pour son « droicturier et souverain signeur » le comte de Salm, et, au cas où il serait obligé de le combattre, de; lui faire savoir « ouverteiment davant le cop » (12 mars 1424, V. st.) (120).
Une guerre dont les motifs ne sont pas connus éclata bientôt après entre le seigneur de Blâmont et
l'évêque de Strasbourg. Charles, duc de Lorraine, s'interposa et amena les parties à faire la paix, le lundi après la Conception N.-D. (décembre) 1426 (121). Jean de Mullenheim, écuyer alsacien, fut fait prisonnier et enfermé à Blâmont, puis remis en liberté sous caution (122).
Des difficultés s'étant élevées, au sujet de leurs droits respectifs dans certains villages, entre l'évêque de Metz et Thiébaut, celui-ci se livra à de telles violences contre les habitants de Baccarat et d'autres, que
l'évêque, ayant épuisé les voies de la conciliation, fut obligé de déclarer la guerre à son vassal. Mais, instruit de cet état de choses, le duc de Lorraine voulut encore le faire cesser ; à cet effet, il chargea de ses instructions Jean d'Haussonville, son sénéchal, et Jean de Fléville, écuyer, qui, s'étant rendu près du seigneur de Blâmont, obtinrent de lui la remise de la lettre de « defience » qu'il avait reçue de son suzerain, puis se transportèrent à Vic, où ils la remirent au prélat, qui consentit à la reprendre et à cesser les hostilités. Une copie de ce document a été conservée, et, comme on y trouve l'exposé des événements qui amenèrent cette guerre, il est utile de la reproduire ici :
« Nous Conrad, par la grâce de Deu évesques de Metz, faisons sçavoir à Vous, messire Thiébaul de Blanmont, chevalier, comme par plusieurs fois vous aiens escrit amiablement, summeis et requis de nous faire amendeir la vilonie, injure et les dapmages que vos gens de Deneuvre ont faict en plusieurs manières, sans cause et raison, à nous et à noz gens de Baccarrat, yssans de Deneuvre, nostre fief rendable et rentrans en icelle ;
et avec ceu, les griefz et dapmaiges que plusieurs de voz hommes, servans et subgés ont faict à nous et à noz gens de Wathiemesnil (123) et aultres contre honneur et raison, yssans de Deneuvre et de Blanmont, noz fiedz rendables et rentrans en icelles, par vostre scehu et consentement ; et sur ceu que vous estiés nostre homme liege, que nous ne nous en wardiens aucunement de vous ne d'eulx, et que nous vous aviens offert et présenteit, de bouche et par noz lettres, droit et raison de tout ceu que vous et eulx nous volriés demandeir, comme il puet apparoir par noz lettres que pour ceu escrit vous en avons ; de quoy n'avons encore jusques icy pehu avoir, de vous ne d'eulx, amande ne satisfaction, on très grant préjudice de nous et de nostre éveschiet ; ancors en persistant en vostre perverse volunteit que vous aviens à l'encontre de nous, sont venues depuis voz servans et subgés et ont prins aucunes de nos gens de Baccarrat et meney iceulx prisonniers au leu de Durquestain et les ont mis au fonds de tour, en fers et en ceps et mis en gehynne et grans tourmens de lors corps, en manière que on ont accostumeist de faire à malfaiteurs notoires ; et avec ceu sont partis de Deneuvre et venus en nostre ville de Broville et la, prins, navreil, baitut et viloneit de noz gens dlou dit leu, teillement que l'un d'eaulz en ait esteit mort, et sont rantreiz icelui jour à Blanmont ; de quoy vous en avons escrit en vous priant et requérant que la vilonnie nous fuit amandée, comme le cas le désiroit et désire, et en aviés esteit reufusans et vous enforceis à chascun jour du nous faire plus grand dapmaige et desplaisirs, comme le faict le démonslre. Et volriens bien que vous heussies
tellement faict envers nous, que nous heussiens pehu demoureir en bonne paix et amitiet ensamble ; et puisque faire ne se puelt à vostre deffault, c'est nostre entention, au plaisir de nostre signorie et de noz biens, de résister à rencontre de vous et de vostre perverse voluntei et d'entrepranre de vous constraindre de venir en voie de droit et de raison, et sy, en se faisant, aucuns damaiges et inconveniens advenoit à vous et à vos hommes, servans et sugés, en queilconque manière que ce polroit estre, nous en volriens avoir salveir nostre honneur par ceiz présentes, faictes et données le quatrième jour dou moy de jullet, l'an mil quatre centz et vingt sept (124) »
A cette lettre étaient joints les cartels de Conrad et Henry Bayer de Boppart, écuyers, et de Ferry de Baucourt, seigneur de Créhange.
D'autres détails se trouvent dans Meurisse, qui dit en parlant de la construction de l'église des Carmes de Baccarat par Conrad Bayer : « Il avoit fait jeter les fondemens d'un bien plus bel ouvrage ; mais les seigneurs de Blâmont, avec lesquels il n'estoit point alors en bonne intelligence, vinrent renverser tout par terre ; cela lui donna le sujet de faire mener le canon contre les murs de Deneuvre et d'incommoder extrêmement cette petite place qui tient à Baccarat (125). » La paix se fit sous cette seule condition qua les choses seraient remises en l'état où elles se trouvaient lors de la déclaration de guerre. Cette clause était tout à l'avantage du seigneur de Blâmont ; mais les causes de rupture restaient les mêmes et un arrangement devint nécessaire peu après sa mort.
Toutes ces guerres ne pouvaient se soutenir sans de grandes dépenses ; c'est ce qui dut mettre Thiébaut dans la nécessité de vendre à Robert de Sarrebruck, seigneur de Commercy, le tiers des villages de Mandres, Rambucourt. Ressoncourt, Aulnois, Verluzey, Xivray et Marvoisin, moyennant 600 florins (126), et d'engager à Jean de Fléville, pour 100 francs, le quart de Domjevin (juillet 1427) (127).
Il fit, à la même époque, avec Jean d'Haussonville, sire de Châtillon, au sujet du village d'Hattigny, sur lequel ils avaient tous deux des droits à cause de leurs châtellenies de Turquestein et de Châtillon (128), un compromis par lequel ils convinrent de partager par moitié les hommes, les femmes, les tailles et les amendes ; furent exceptés les hommages des gentilshommes possédant des terres sur le ban, la création du maire et des échevins et l'exécution des criminels, que le seigneur de Blâmont réserva pour lui seul (129).
L'année suivante, Arnould de Wolfenberg, dit le Behengnon, et Jean-Didier d'Einvillc, ayant rassemblé quelques troupes, vinrent ravager les terres de
Blâmont ; celui-ci à cause d'une rente de 10 florins qui lui était due sur cette seigneurie, l'autre en raison de certaines sommes qu'il réclamait pour services rendus tant à Thiébaut qu'à son père « en la forteresse de Villesson et ailleurs ». Il y eut,
cette fois encore, « prinse de corps d'ommes, ommes mors, feux boutez », avant que le sire de Blâmont, surpris par cette agression soudaine, eût pu réunir ses gens d'armes ; il accourut bientôt à leur tête, repoussa l'ennemi et le poursuivit jusque dans ses terres, qu'il ravagea à son tour; puis il consentit à traiter par l'entremise de Jean de Lenoncourt, Jean d'Haussonville et Geoffroy de Tonnoy, et à rendre au sieur d'Einville, à charge de foi et hommage, sa rente de 10 florins qu'il avait confisquée pour cause de rébellion d'un vassal contre son suzerain ; mais il refusa d'en payer les arrérages, de même que tout ce qui lui était réclamé par Arnould (130).
Thiébaut fut un des quatre commissaires chargés par le duc de Lorraine de négocier la paix avec les Messins, le 30 décembre 1429 (131) ; on doit en conclure qu'il avait pris part à la guerre et au siège qui avaient précédé.
Peu de temps après la mort du duc Charles, le 20 mars 1431, lui et Marguerite, sa femme, donnèrent à Antoine de Vaudémont une promesse de renoncer à tout ce qu'ils pourraient lui réclamer dans l'avenir ou à ses héritiers, pour raison de succession, partage ou don de mariage, et s'obligèrent sur leur châtellenie de Fougerolles à lui rendre, s'ils mouraient sans enfants légitimes, les 6,000 francs qu'il leur avait donnés pour la dot de Marguerite, payables à certains termes indiqués au contrat. Thiébaut promit de plus personnellement que, s'il décédait avant sa femme, il lui laisserait son douaire coutumier et lui donnerait sa demeure au château de Mandres (132).
Malgré le bon accord qui semblait régner entre eux, le sire de
Blâmont ne prit pas parti, du moins ouvertement, pour son beau-père, lequel se préparait à disputer le duché de Lorraine à René d'Anjou ; il envoya même ou conduisit, à l'armée que celui-ci rassemblait pour soutenir ses droits, 40 chevaux qui prirent part à la bataille de Bulgnéville (2 juillet 1431) (133). Marguerite de Lorraine était veuve à la date du 2 septembre suivant : Thiébaut avait-il péri à Bulgnéville ? Nous ne le croyons pas, car sa mort ne serait pas passée inaperçue et son nom figurerait dans la liste qui a été donnée des principaux lorrains tués dans cette action. S'il est vrai qu'il y assista, comme on l'a dit, il faut plutôt admettre que, blessé, il put quitter le champ de bataille et qu'il mourut bientôt des suites de ses blessures. Il fut inhumé dans l'église collégiale de Blâmont, où se voyait sa tombe portant une épitaphe ainsi conçue : « Cy gist nobles sr messr Thiehault sr de Blâmont qui trespassa l'an de grâce 1431 (134) ».
GOUVERNEMENT DE MARGUERITE DE LORRAINE.
Les enfants de Thiébaut II étant tous mineurs à sa mort, Marguerite de Lorraine, leur mère, demeura chargée de leur mainbournie, c'est-à-dire du gouvernement de leurs états. Cette princesse s'acquitta avec une intelligence et une activité remarquables de cette tâche, d'autant plus difficile que la Lorraine était alors en proie à l'anarchie ; grâce aux sages avis des gentilshommes dévoués dont elle s'entoura, comme Jean d'Herbéviller, déjà auparavant conseiller de Thiébaut, elle sut éviter tout conflit avec ses voisins et améliorer sensiblement le patrimoine de ses enfants,
L'évêque de Metz ayant fait en 1432 le rachat de la châtellenie de Turquestein (135) en remboursant les 2000 livres et les 1000 florins pour lesquels ses prédécesseurs Adémare et Raoul l'avaient engagée, Marguerite se trouva en mesure de prêter à ses cousins le duc René et Isabelle de Lorraine, sa femme, une somme de 4500 florins, moyennant laquelle ils lui assignèrent 450 fl. de rente sur les salines de Dieuze, et, pour plus de sûreté, lui donnèrent comme cautions sept chevaliers : Jean de Fénétrange, Ferry de Parroy, Ferry de Ludres, Charles d'Haraucourt, Ferry de Savigny, Vary de Fléville et Ferry Parsperguer ; se réservant toutefois la faculté de pouvoir racheter par un seul paiement de 5500 fl., non seulement cette rente, mais aussi le ban d'Azerailles précédemment mis en gage aux seigneurs de Blâmont pour 1000 fl. (136).
Nous avons vu Jean Ier de Blâmont vendre la vouerie de Neufchàteau aux seigneurs de Bauffremont; ce fief, qu'Henry IV et Thiébaut II avaient déjà réclamé, se trouvait entre les mains de Philippe de Norroy, seigneur de Port-sur-Seille, en sa qualité d'époux de Catherine de Ludres, veuve de Philibert de Beauffremont, lorsque Marguerite le revendiqua comme étant de l'ancien patrimoine de la maison de Blâmont. Elle soutint, à ce sujet, un procès, terminé par une transaction (1433) en vertu de laquelle elle fut mise en possession de la vouerie, en remettant à Philippe de Norroy la somme de 450 fl. pour laquelle Jean de Blâmont l'avait vendue (137).
Elle eut, l'année suivante, avec le comte de Thierstein, son beau-frère, agissant au nom de Suzanne de Thierstein, sa fille, un différend à cause d'une rente de 200 fl. que le comte touchait, du chef d'Henriette de Blâmont, sa femme, sur la seigneurie de Blâmont. Marguerite en avait fait le rachat pour 2000 fl. qui, aux termes du contrat de mariage de Bernard, devaient être placés en acquêts afin d'en assurer le retour en cas de mort ; ce que le comte se refusait à faire (138). Ils décidèrent de s'en rapporter au jugement du duc de Lorraine, lequel déclara que cette somme lui ayant été prêtée par le comte, il lui avait assigné 200 fl. de rente sur les étangs de Dieuze et d'Einville (139).
Mais toutes ces acquisitions ne pouvaient se faire avec les seuls revenus des domaines dont Marguerite avait la gestion, et il lui fallut emprunter, notamment à « Jehan de Mandres qu'on dit aux quatre tours », châtelain et receveur du dit lieu, auquel elle reconnut devoir 1225 vieux florins du Rhin, qu'il lui avait prêtés et qu'elle avait employés « tant en rachet de certaine grosse censive que Bernard conte de
Tierstein avoit et prenoit par chacun an sur toute nostre signourie et terre de Blanmont, comme on rachet de la vowerie de Nuefchaslel, que nous avons retraite de la main messire Philippe de Noweroy, chevalier » (1435) (140). Elle avait déjà emprunté, en son nom et en celui des damoiseaux Ferry, Olry et Thiébaut, ses fils, à Jean et Renaud les Gournay, changeurs de Metz, 500 francs garantis par la châtellenie de Mandres à l'exception de la forteresse, des bois et étangs qui en dépendaient (141).
Des difficultés s'étant élevées entre l'évêque de Metz et la dame de Blâmont, à cause des entrecours de leurs sujets, spécialement dans les villages indivis entre eux, ils convinrent, en 1436, sur les conseils de Jean d'Herbéviller et d'Androuin de Sampigny, de ne pouvoir, pendant cinq ans entiers, sauf en cas de mariage, retenir un seul habitant de Deneuvre, Fontenoy, Merviller, Brouville, Brouvillette, Montigny, Azerailles, Gélacourt, Glonville, Flin et Badménil, sujets du seigneur de Blâmont, et de Baccarat, Merviller, Brouville, Brouvillette, Montigny, Azerailles, Vathiménil, Thiaville, Bertrichamp, Neufmaisons et Vacqueville, dépendant de l'évêché (142).
Marguerite eut encore, la même année, un différend avec Jean, sire de Créhange, mais on n'en connaît ni les raisons ni les conséquences ; on sait seulement qu'il fut terminé par jugement du Conseil de Strasbourg (143).
Ferry II étant devenu majeur, la tutelle de sa mère prit fin. Depuis, la vie de celle-ci n'offre plus guère d'intérêt ; elle continua à résider souvent à Blâmont ou à Deneuvre et ensuite, soit à Badonviller où elle acheta, en 1438, pour 240 florins, une maison, que son cousin Simon, comte de Salm, déchargea de l'hommage qui lui était dû, soit au château de Mandres qui faisait partie de son douaire (144).
En 1437, Ferry, son fils, se portant fort de ses frères et soeurs, voulant l'indemniser d'une somme de 4000 florins formant la dot de Valburge de Blâmont, sa soeur, dont Marguerite avait consenti l'assignation sur sa part des salines de Dieuze, lui donna une rente viagère de 200 f1. d'or sur les revenus de la seigneurie de Blâmont, à condition de n'en pas jouir tant qu'elle resterait près de lui, comme elle le faisait alors, mais seulement quand elle tiendrait sa maison, et d'y renoncer si elle se remariait (145).
Elle reçut aussi, le 9 mai de l'année suivante, de Conrad, évêque de Metz. 3500 fl. à compte sur les 4500 que le comte de Vaudémont, son frère, lui devait sur sa dot et que l'évêque avait promis d'acquitter en sa qualité de gouverneur des duchés de Lorraine et de Bar (146).
Marguerite de Lorraine figure encore, toujours avec la qualification de dame de Blâmont, dans des titres sans importance des années 1430, 1440, 1449, 1450, 1453, 1455, 1463 (147).
Elle fit, le 6 avril 1469 (v. st.), le testament suivant, qui mérite d'être reproduit ici :
« On nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, amen.
« Je Marguerite de Lorraine, vefve, dame de Blanmont, en mon bon sens et entendement, advis et mémoire, resgardant et considérant la fragilité de vie humaine, qu'il n'est chose plus certaine que de la mort, ne moins certaine que del'eure d'icelle : et pourtant que je ne sois prinse en desprouveu de ladite heure, fay et ordonne mon testament, ordonnance et darrienne volunté, en revocquant dès maintenant tous autres testamens que je pourroie avoir faict devant cesluy mien présent, en quelconque manière que ce fust.
« Premier, je rend mon ame à Dieu mon Créateur, qui l'a faicte et formée à sa semblance, et ly prie humblement qu'il la veuille recevoir et collocquer en son benoit Royaume de Paradis. Item, je esli la sépulture de mon corps en l'église Notre Dame dudit Blanmont, delez la sépulture de feu messire Thiébault, jadis seigneur dudit Blanmont, mon marit, cui Dieu absoille.
« Item, je veul et ordonne que toutes mes destes soient paiées, et mes tors fais amendés, que bonnement et dheuement se pourront prouver. Item, je donne à mon filz Ferry tous les meubles que j'ay on chastel dudit Blanmont, que m'appartiennent et doient appartenir. Item, je donne encore à mondit filz Ferry tout ce de joyaux que sont en ung petit escrin, onquel escrin y a une cédule escripte de ma propre main, et veul que mondit filz Ferry donne de ce qu'est ondit escrin à mes deux petis filz, a chacun d'eulx ung fermellet d'or, tel qu'il l'y plaira ; c'est assavoir, à Guillaume et à Claude.
« Item, je donne à Marguerite, fille de mondit filz Ferry, mes heures, où je dy chacun jour mes heures, pour prier Dieu pour moy, et afiln qu'elle ait souvenance de moy. Item, je donne encor à madite iille mon exarpe de perles. Item, je donne à Alix, fîlle de mondit filz Ferry, une patenostre de coralz et les heures que ma fille Yzabel m'a envoyé. Item, je donne à Agnion, fille de mondit filz Ferry, ung poytral d'argent de diverses couleurs et ung poytral de perles. Item, je donne à Yzabel, fille de mondit filz Ferry, ung colleret de perles à clochettes pendans, et ung collier d'argent à poires. Item, je donne à ma fille Ysabel. dame de Passavant, tout ce qu'est en ung escrinet, onquel escrinet y a une cédule escripfe de ma propre main, par ainsi que je veul qu'elle donne à mon filz Loys, son lilz, ung lermellet d'or, où il y a ung gros saffir assis au milieu, et six perles à l'environ ; et l'y donne encor une courroye que fust à madame ma mère, cui Dieu pardoint.
« Item, je donne à mon filz Olry tout le demeurant de mes biens meubles que j'ay à Deneuvre et à Bauldonviller, en quelque manière que ce soit, soit en or ou argent monnoyé ou non monnoyé, ou autrement, excepté que je vueil que mondit filz Ferry ait encor la moitié de la couronne d'or que j'ay. Item, je donne encor à
mondit filz Olry, devant tous partages, les gagières que j'ay sur toute la conté de Salmes, pour les bons plaisirs, supportances et amyabletez qu'il m'a faict,
avec l'acquest que j'ay l'aict à Bauldonviller, et èz bans joingnans, tant en maisons comme aultrement, ainsy qu'il est contenu èz lettres de gagières dudit acquest sur ce faictes. Item, je donne encor à mondit filz Olry toutes les gaigières que j'ay et puis avoir de Jolïroy de Turquestain, tant en la ville de Parru, èz bans joingnans, comme en réfections ou aultremenl, ainsi qu'il est contenu es lettres sur ce faicteS; avec aussi la gagière que j'ay et puis avoir, du dessusdit Jolîroy de Turquestain, en la ville, finaige et bans joingnans de Rébauviller, tout ainsi et par la forme et manière qu'il est contenu es lettres sur ce faictes.
« Item, je donne à l'église collégial Sainct George de Deneuvre vingt cinq frans pour une fois. Item, à l'église collégial dudit Blanmont, vingt cinq frans pour une fois, pour acquester terre ponr augmenter mez anniversaires. Item, je donne à l'église de Haulte Saille cinq frans pour une fois, pour faire ung service et pour prier Dieu pour moy. Item, je donne pareillement à l'église de Sainct Saulveur cinq frans. Item, à l'église de Senones, pareillement cinq frans. Item, je donne à l'église parochial de Deneuvre, pour aider à faire ung ciel de planches à la nef du moustier, six frans. Item, je donne a l'église conventuel de Moyenmostier, pareillement cinq frans ; et à celle d'Estival pareillement cinq frans.
« Item, je donne a Jehanne, ma gentil femme, huict frans pour une fois, pour prier Dieu pour moy. Item, je donne à Yzabel, fille le grand Jehan, ma fille de chambre, cinq frans. Item, à Alizon de Saincte Paule, deux frans pour une fois. Item, à Alizon Boyliawe, ung fran. Item, je donne à Henry Clasquin, pour une fois, huict frans. Item, je donne à Jaquemin le cellerier, trois frans pour une fois. Item, je donne à messire Loys Lambellet, prebtre, vicaire de Champs, quatre frans, pour prier Dieu pour moy, et pour faire assevir et accomplir ce mien présent testament, ordonnance et darrienne volunté, et pour faire faire mon enterrement et mes services, ainsy que j'en ay ma parfaicte fiance en ly.
« Je esly pour mon exécuteur mon chier et bien amé filz messire Olry, seigneur dudit Blanmont, dessusdit seul par ly et pour le tout, et l'y mets es mains dès maintenant tous mes biens meubles quelconques, présens et advenir, par tout où qu'ilz soient ou pourroient estre trouvez, sens nulz excepter, ne fuer mectre, et ly donne plainne puissance, qu'il puist constraindre mes debteurs et eulx faire paier par toutes les meilleures voies, forme et manière qu'il pourra et saura, comme je feroye et faire pourroie, se présente personnellement je y estoie : auquel je prie qu'il en veulle pranre la charge. Veul aussi et ordonne ce présent testament avoir force et vigueur, soit enforme de testament ou de ordonnance de darrienne volunté ou de codicile, ou donation à cause de mort, ou entre les vifs, et par toute la meilleure voie et manière qu'il puisse sortir son plain effect, ainsy qu'il est dessus déclairié en tous ses poins.
« Et pour ce que toutes les choses dessusdites, et une chacune d'icelles soient plus fermes et estables, j'ay prié et supplié à vénérable personne monsieur l'official de la court de Toul, qu'il veuille mectre le seel de ladite court de Toul pendant à ce mien présent testament, ordonnance et darrienne volunté, avec le signet manuel de messire Loys Lambelet, prebtre dessus dit, notaire juré de la dicte court. Et nous official de la dite court de Toul, à la prière et requeste de la dicte testatresse et par la fiable relation de nostre dit notaire faicte à nous, avons faict mectre le seel de nostre dite court de Toul pendant à ces présentes ; que furent faictes le sixième jour dlu mois d'apvril l'an mil quatre cens soixante neuf. Présens vénérable et discrète personne messire Nicole Mougenet prévost de la dite église collégial St George
de Deneuvre, et messire Jehan Mathieu, chanoinne de la dite église, prebtres, témoings ad ce appellez et espécialment requis. - Ainsy signé : P. Lambeleti.
Ita est. - Seellées d'un seau de cire verde sur double queue (148). »
Thiébaut II avait eu de Marguerite de Lorraine six enfants (149) : Ferry II qui lui succéda, Olry II qui devint plus tard seigneur de Blâmont (150), Thiébaut dont il sera question après ses soeurs, Valburge, Marguerite et Isabelle.
Nous croyons qu'il eut aussi, avant son mariage, Jean, bâtard de Blâmont, sur lequel on possède quelques renseignements. Il était déjà marié en 1433, où il acheta, avec Jeanne de Nomeny, sa femme, une maison à Blâmont, près du château (151) ; en 1442, 1444, 1454,
ils acquirent encore des biens à Blâmont et aux environs (152). Plus tard, Jean se remaria ; mais nous ignorons à quelle famille appartenait sa seconde épouse, qui est nommée Alix dans un contrat de 1464 (153).
VALBURGE DE BLAMONT. l'aînée des trois soeur», épousa Jacob ou Jacques, comte de la Petite-Pierre, et reçut, à cette occasion, une dot de 4000 fl.. ou plutôt 400 fl. de rente, que Marguerite, sa mère, assigna sur ses revenus des salines de Dieuze. Le comte lui reconnut en outre un douaire de pareille valeur et affecta à la garantie de cette somme totale de 8000 fl. les terres de Retsenholtz et de Franckenberg, que l'évêque de Strasbourg lui avait engagées (154).
MARGUERITE DE BLAMONT ne prit pas d'alliance (155) ; elle ne vivait plus en 1469, car il n'en est pas fait mention dans le testament de sa mère.
ISABELLE DE BLAMONT devint femme de Jean de La Haye, seigneur de Passavant, Mortagne, Chevillé. Elle fut mère de Louis de La Haye, lequel eut de Marie d'Orléans, sa femme, une fille, Yolande de La Haye, que nous verrons disputer au duc de Lorraine l'héritage de la maison de Blâmont (156).
THIÉBAUT DE BLAMONT, quoique plus jeune que ses frères, mourut cependant bien avant eux, en 1464 ou 1465, sans laisser de postérité et très probablement sans même avoir été marié (157).
Le peu que l'on sait de lui n'offre rien d'intéressant ; au reste, ne possédant qu'un tiers indivis dans les seigneuries de sa famille, sa vie politique se confond avec celle de son frère aîné. Il semble avoir fait sa résidence habituelle à Blâmont où il acheta, à plusieurs reprises, des maisons et des jardins (158).
FERRY II, SEIGNEUR DE BLAMONT.
Ferry II devint majeur en 1437. On ignore a'il garda, comme sa mère, la neutralité dans la guerre qui durait encore entre le comte de Vaudémont, son oncle, et les partisans du duc de Lorraine ; on peut supposer toutefois que, sans se prononcer ouvertement contre le second, il devait aider le premier dans son entreprise. C'est ce qui expliquerait pourquoi les Lorrains mirent le siège devant la forteresse de Mandres et ne le levèrent, au bout de huit jours, que sur le bruit de l'approche du comte, ainsi que le raconte la Chronique de Lorraine :
« L'an dessus dit (1438), fut mis le siège devant Mandres aux iiij tours, qui estoit au signour de Blanmont, et l'y fist mestre le sire Bauldoin de Fléville, abbé de Gorze, pourtant que le comte de Vaudémont avoit couru a Novian qui est au dict abbé. Sy furent soustenus les dits courrous à Mandres et pourtant il fust le dict siège bien en nombre de six cens chevals et y fust le signour Wainchelin de la Tour, Henry de la Tour, signour Ferry de Savigny, mareschaux de Lorraine, bien viij jours ou environ et le vanredy, lendemain Sainct
Sacrement de l'autel, se levèrent dou siège pour le double dou comte Anthoine de Vaudémont qui avoit des gens ensemble, sy ne l'osèrent attendre. »
Les cinq années pendant lesquelles devait durer la convention faite entre Marguerite de Lorraine et l'évêque de Metz touchant l'entrecours des châtellenies de Deneuvre et de Baccarat étant expirées en l441, de nouvelles difficultés ne tardèrent pas à surgir entre Conrad Bayer et le seigneur de Blâmont. De plus, ce dernier revendiquait la jouissance tant de la vouerie de Vic, dont l'évêque s'était emparé, que d'une rente de 300 florins d'or, qui lui était due sur les salines de l'évêché. Ne pouvant obtenir justice, Ferry leva des troupes et fit à son suzerain une guerre acharnée. Un premier essai d'accommodement eut lieu, le 2 février 1442, à Pont-à-Mousson, par devant la duchesse de Lorraine, qui déclara que tout acte d'hostilité devait cesser et assigna les parties pour les entendre à Nancy le 18 du même mois (159). Le résultat de cette conférence, si elle eut lieu, ne nous est pas parvenu et la paix ne fut définitivement conclue que le 5 mai, à Raon-l'Étape, par les soins du marquis de Bade assisté de plusieurs conseillers de la duchesse, lequel ordonna : que tous les prisonniers, nobles ou roturiers, seraient mis en liberté ; que l'évêque conserverait la vouerie de Vic pendant cinq ans, en payant chaque années 70 florins au seigneur de Blâmont, qui ensuite en jouirait comme ses prédécesseurs et lui faisaient auparavant ; que celui-ci serait mis en possession de ses 300 florins de rente ; que tous les travaux de fortification commencés seraient suspendus ; qu'enfin les parties désigneraient des représentants pour résoudre au conseil de la duchesse les questions qui restaient pendantes. Rodolphe Bayer et Liébaut d'Aboncourt, qui faisaient pour leur compte la guerre au seigneur de Blâmont, de même que Geoffroy de Turquestein, qui guerroyait contre l'évêque, furent compris dans ce traité, que scellèrent avec les intéressés Jacques, marquis de Bade, Jean, sire de Fénétrange, Jacques d'Haraucourt, Vary de Fléville, Thiéry Bayer, François de Chambley et Henry Hase (160).
A leur majorité, Ferry et ses frères avaient fait un arrangement assez singulier par lequel ils étaient convenus, tout en laissant dans l'indivision la succession paternelle, de gouverner chacun des seigneuries différentes ; Ferry, comme l'aîné, avait retenu celle de Blâmont avec Mandres ; à Olry était échu Deneuvre ; la part de Thiébaut n'est pas connue. Une telle situation offrait de grands inconvénients, parce qu'on avait omis de prévoir une foule de cas qui pouvaient se présenter, notamment une guerre particulière à l'un des trois frères, ou des réparations à faire.
Il fut accordé, en 1446, entre Ferry et Olry, Thiébaut étant absent, que, s'ils en venaient plus tard à un partage, chacun d'eux rendrait ce qu'il détenait et serait remboursé des réparations qu'il aurait faites ; que tous trois aurait une clef différente des archives de Blâmont, de Deneuvre et de Mandres, afin que l'un ne puisse y prendre un titre sans l'agrément des deux autres ; qu'en cas de guerre particulière à l'un d'eux, celui-ci ne pourrait se servir des forteresses de ses frères (161). Plus tard. Ferry demanda à être mis en possession du préciput auquel il avait droit en sa qualité d'aîné ; mais ses frères s'y opposèrent et une rupture regrettable était sur le point d'éclater entre eux, quand plusieurs de leurs amis les amenèrent à s'en remettre à la décision du duc de Lorraine et de l'évêque de Metz, lesquels rendirent, le 22 juillet 1457. le jugement suivant : Ferry aura, pour son droit d'aînesse, le château fort de Blâmont, le pourpris des fossés, la grange et la « mareschaulcie » voisines et tout le jardin longeant en partie les fossés, moyennant quoi il supportera toutes les charges de la forteresse comme portiers, gardes et guetteurs et les fournira à ses dépens ; ses frères pourront faire construire une forteresse à Blâmont, en achetant les maisons dont l'emplacement serait nécessaire, et devront en faire reprises de l'évêque de Metz ; le surplus de leurs terres et seigneuries restera indivis entre eux, de manière qu'ils aient chacun les mêmes droits (162). Les choses restèrent en cet état jusqu'à la mort de Thiébaut, laquelle arriva au bout de huit ans, trop tôt pour que la forteresse en question ait pu être terminée, si toutefois elle fut commencée
(163).
Une guerre sur laquelle on ne possède pas de détails eut lieu, quelques années plus tard, entre les trois frères d'une part, Jean de Lawenberg, Antoine de Hohenstein et leurs alliés d'autre ; Rodolphe, comte de Linange et de Réchicourt, fut l'arbitre du traité de paix qui la termina (14683 (164).
La mort de leur frère Thiébaut laissa Ferry et Olry seuls maîtres des vastes domaines de leur maison. Ce fut sans doute à cette occasion que Ferry donna au duc de Lorraine plusieurs actes de reprise ou de dénombrements, savoir : 1° pour Mandres, dont il tenait un tiers comme fief ancien des ducs de Bar et le reste des « ville, forteresse et chastel » à cause de l'engagement fait, moyennant 6,000 francs, par les ducs de Bar aux seigneurs de Blâmont, le tout mouvant du château de Mousson (165) ; 2° pour les trois étangs qu'il possédait dans la forêt de Woevre (166), c'est-à-dire l'étang de Romé, le Neuf-Etang et et l'étang du Moulin-Neuf, ainsi qu'une partie de cette forêt, relevant du château de Saint-Mihiel (1467) (167) ; 3° pour la moitié de la terre d'Ansauville, indivise avec le duc et mouvant du château de Bouconville (168) ; 4° les trois quarts des lieux d'Amel et de Senon, du ressort de la châtellenie d'Etain indivis avec le duc et l'abbé de Gorze (169) ; 5" pour la moitié des villages d'Aulnois et de Vertuzey, au duché de Bar, indivis avec le seigneur d'Apremont (170) ; 6° enfin pour
Amerraont, Bouligny, Bouvigny. Baroncourt, Piennes, Bertrameix,
Joudreville, Domprix, Domremy-la-Ganne, Dammary, Gouraincourt, Eton (1468) (171).
Le procureur général du duché de Lorraine intenta cependant des poursuites au seigneur de Blâmont et à son frère, en raison de ce qu'ils avaient omis de renouveler le serment porté dans les lettres données par leur père en 1422 (172) ; ils promirent, le 1er février 1470, que, si le duc imposait silence à son procureur général, ils accompliraient, avant la fm de l'année, le contenu des dites lettres et ne souffriraient pas qu'il lût fait, dans l'intervalle, de leurs forteresses, terres et seigneuries, un usage qui put déplaire au duc (173). Deux ans plus tard, à Lunéville, ils renouvelèrent en présence du duc Nicolas les promesses de leur père, et, en conséquence, les commissaires délégués à cet effet se rendirent aussitôt à Blâmont et à Deneuvre, et firent jurer les bourgeois de ne recevoir aucun seigneur qu'il n'eût auparavant fait serment au duc de Lorraine (174). Quelques jours après, les deux frères tirent leurs reprises pour ce qu'ils possédaient mouvant du duché ; les bans d'Azerailles et de Saint-Clément, Domjevin, Gogney, Verdenal, Ghazelles, Igney, Halloville, Badésemont, le moulin neuf situé sur la Vezouse entre Blâmont et Barhezieux, la vouerie de
Domèvre, la forteresse et châtellenie de Fougerolles, les bois de « Valle », de « Xetnemberch », de « Thiesselin » près de Cirey, et Haut-Bois au-dessus d'Ibigny (1472) (175). Le duc René reconnut aussi (1475) que Ferry, seigneur de Blâmont, son cousin, « comme aîné de l'hôtel et seigneurie de Blâmont », lui avait fait les foi et hommage qu'il lui devait à cause de ce qu'il tenait en fîef au duché de Lorraine (176).
Pendant la guerre célèbre que les Lorrains soutinrent contre le duc de Bourgogne, nous croyons que Ferry se borna à défendre ses Etats sans prendre part à la lutte. Allié par sa femme, Marie de Vienne, aux premières maisons de Bourgogne, beau-frère de Rodolphe de Hochberg, marquis de Rolhelin, un des principaux capitaines de Charles le Téméraire, sa position était délicate ; on possède même l'analyse de lettres (177) par lesquelles « Charles, duc de Bourgogne, fait savoir qu'à la prière de Ferry, comte de Blâmont, et d'Olry de Blâmont, son frère, il a pris sous sa protection et sauvegarde, les comté, terre et seigneurie de Blâmont et de Deneuvre et appartenances, tenus en fief de l'évêque de Metz, et les château, terre et seigneurie de Mandres-aux-Quatre-Tours, au duché de Bar. » Cet acte est du 29 octobre 1475 ; Charles était alors arrivé devant Nancy après une marche victorieuse au cours de laquelle Deneuvre, Lunéville et d'autres villes des environs lui avaient envoyé des députés pour lui présenter leurs hommages ; des garnisons bourguignonnes durent occuper ces places et aussi celle de Blâmont, qui aurait été en conséquence prise d"assaut et saccagée par les Allemands et les Suisses confédérés contre le duc de Bourgogne, lorsqu'ils vinrent au secours du duc de Lorraine (178). Celui-ci se montra cependant satisfait de la conduite tenue par Ferry et Olry; car, un mois après la défaite de son adversaire, il leur rendit, en considération, dit-il, de leurs bons services, la seigneurie de Fougerolles. dont les Bourguignons s'étaient emparés pendant la guerre (179).
Ferry était encore dans son château de Blâmont le 20 novembre 1476, date d'une permission de demeurer à Deneuvre, accordée par lui à une famille juive et qui renferme des détails assez curieux pour mériter d'être reproduite en entier :
« Nous Ferry, seigneur de Blanmont, de Saincte-Croix et de Monpont, faisons savoir à tous que nous avons prins et retenus, prenons et retenons par ces présentes, Moyse le juif et Belle, sa femme, et ses enffans pour demeurer dessoubs nous, tenant conduis en nostre ville de Denuevre ou aultre part eu nostre seigneurie ou que bon leur semblera, pour parmey paiant la somme de deux viels florins d'or chascun an. Et parmey ce peullent prester à monte, c'est assavoir ung frans pour trois bons deniers la sepmaine, par lettres d'obligations ou sur gaiges ou sans lettres et sans gaiges, en quelque manière que ce soit, et ne les en peult on accuser ne repranre. Aussi leurs consentons qu'ils puissent arrester ou faire arrester leurs debteurs en toutes foires et marchiez en nostre puissance. Item, se les dessus dis... a voient presté sur aulcun gaige qui fuissent desrobés, et iceulx gaiges fuissent encor en leurs mains, rendre les doient parmey paiant le principaul qu'ilz aueroient preste, et ne seroient point tenus de révéler ou nommer ceulx qui lesquels gaiges aueroient mis en leurs mains. Item, leur debvons soingnier force pour eulx faire paier de leurs debtes de noz subgéz en lu fourme et manière que on seront obligier. Et peullent aller et venir parmey nos terres et seigneuries, vendre, achetter, mercbander, eschangier et mettre avant en foire, en merchiéz sans paiier gabelle, malletotte ou aultre hante, sans nulx dangiers ne empeschemens de nous ne de nos ofliciers. Ilem, se ledit Moyse, sa ditte femme...,
se vouloient partir de dessoubs nous, le peullent parmey paiant leur dit censaul entièrement de l'année où ils sont entrez. Encore octroions au dit Moyse, sa ditte femme et à tout leurs mesgniés, tant et si longuement qu'ils seront demourans dessoubs nous, que se ils trespaissent qu'ils les puissent ensevelir èz cimitières dez juifs que sont en nostre ditte ville de Denuevre ; c'est assavoir que lesdits juifs ou juife qui mouroit aaigiés de trèze ans passés paiera seize gros et celuy et celle dessoubs trèze ans paiera huicts gros. Item, leurs octroions quelconques gaiges qu'ilz aient à censaul entre les mains dedans la traizenne passée se ceulx à qui ils appartanront ne sont tanl à eulx qui leurs souflice que les dits gaiges soient appropriés à eulx sy leurs plait. Et avons encore octroiéz aux dessus dis... tous teils privilaiges et franchises que le duc Charles de Lorraine donnait à son vivant aux aultres juifs.
« En signe de vérité nous avons fait mettre nostre seel pendant en ces présentes lettres, faites et données en nostre chastel de Blanrnont le vingtime jour du moix de novembre, l'an mil quatre cens seixante et seize (180). »
On ne possède plus sur ce seigneur que des renseignements sans importance jusqu'en 1491. où il fonda à perpétuité, dans le couvent des Frères-Prêcheurs de Toul, quatre hauts et solennels services à célébrer aux vigiles de chacune des quatre fêtes de la Vierge, plus un Salve Regina tous les samedis à l'heure de complies, leur donnant une rente d'un muid de froment, mesure d'Essey-en-Woëvre, payable chaque année sur les greniers de Mandres, et six marcs d'argent fin pour restaurer plusieurs vases sacrés (181).
Ferry vivait encore dans les derniers jours de l'année 1493. suivant la date d'une lettre d'une lettre qu'il écrivit au seigneur de Fénétrange (182), et mourut peu après. Il avait épousé, en 1448 selon Moréri (183), Marie de Vienne, dame de Montpont, fille et héritière de Guillaume V de Vienne (184), seigneur de Saint-Georges, Sainte-Croix, Montpont, etc., et d'Alix de Chalon, laquelle lui apporta les seigneuries de Sainte-Croix et de Montpont, et lui donna quatre fils : Claude et Louis, qui lui succédèrent et dont nous ne parlerons qu'après leurs frères, Guillaume et Olry III, et quatre lilles : Marguerite, Alix, Aginon et Isabelle, connues seulement par
le testament de Marguerite de Lorraine, leur aïeule (185).
En outre, Ferry parait avoir eu deux enfants bâtards : Françoise, mentionnée, comme on le verra, dans le testament de Claude, et Gaspard, auquel il donna la terre de Ranzières, qu'il avait achetée en 1451 à Jean de Saulx (186). et pour laquelle il avait fait, cinq ans plus tard, ses foi et hommage au duc de Lorraine (187). Gaspard mourut vers 1511, où le duc Antoine
fit don à Jacques Wisse de tout ce que feu Gaspard, bâtard de Blâmont. tenait à Ranzières (188).
GUILLAUME DE BLAMONT n'est connu que par le testament de Marguerite de Lorraine et par celui de son frère Claude ; on lit dans ce dernier que Guillaume avait cessé de vivre en 1496. Il est probable que ni lui, ni Olry, dont on va parler, ne furent mariés.
OLRY DE BLÂMONT, IIIe du nom, figure, avec le titre de damoiseau, au nombre des seigneurs en présence desquels le duc Nicolas prêta le serment ordinaire à son entrée à Nancy, le 7 août 1471 (189). Il devint dans la suite sénéchal de Lorraine et bailli de Nancy, et fut, en cette qualité, témoin d'une reprise de fief faite au duc, à Nancy, le 22 juin 1489. (190) Le testament de Claude, son frère, nous apprend qu'Olry n'existait plus en 1496; d'autre part, on sait que, dès le mois d'octobre 1489, un autre que lui était sénéchal de Lorraine (191).
CLAUDE SEIGNEUR DE BLAMONT.
Claude dut succéder à Ferry II, son père, en 1494. Deux ans après, il fit son testament ; cette pièce, le seul acte important que l'on possède de lui, peut se résumer ainsi :
« Je Claude, seigneur de Blâmont, eslis la sépulture de mon corps en l'église collégiale Nostre Dame de Blâmont, en la chapelle Saint Georges, en la fosse de Monsieur mon grand père, que Dieu absoille.... Je donne à la ditte église collégiale la somme de quatre cens forins d'or de Rin d'argent contant, pour mettre en acquest pour la ditte église et pour avoir, à tousjours mais perpétuellement en icelle, deux messes chacune semaine à l'autel Saint George..., et avec ce à tousjoursmais un Salve Regina que se dira chacun jour après vespres en laditte église..., encore une messe de Requiem estre dite chacun vendredy en l'église parochialle de Monsieur Sainct Maurice de Blâmont ; lesquelles trois messes et Salve seront dictes par les prévost et chapitre de la ditte église collégialle... et est mon intention que messeigneurs père, mère, soeurs et frères trespassez, desquels j'ay receu des biens, soient associez es diltes messes et Salve... Je vueil avoir trois services solennels en la ditte église collégiale... ; je donne trente six francs, monnoye de Lorraine, pour avoir un annual en la ditte église, c'est à sçavoir un an durant chacun jour une messe de Requiem.
Je donne à la ditte église collégiale, cent francs d'argent pour faire un repositoire pour mettre Corpus Domini et douze florins de Rin pour la façon et dorure du dit repositoire... Je donne encore a la ditte église ma part des héritages de Hauterive, pour chacun an avoir mon anniversaire, comme mes frères Olry et Guillaume ont faits par leurs testamens... Je donne à l'église Monsieur Sainct Hubert d'Aultrey, où j'ay ma parfaite fiance et dévotion, trente six francs, pour avoir un annual... Je donne à l'église collégiale Sainct George de Deneuvre, six francs pour avoir deux trentaux de messes...; à Nostre Dame des Carmes de Baccarat, six francs... ; à Nostre Dame de Sainct-Saulveur, six francs... ; à Nostre Dame de Haute-Seille, six francs... Je; donne encore à Nostre Dame de Sainct-Saulveur et de Haute-Seille les deux meilleurs chevaux de mon char... Je donne à la messe des trespassez qu'est chantée tous les lundys en l'église parochiale de Blâmont, pour une fois un franc... Je donne à mon très honnoré sieur et oncle monsieur Olry, seigneur de Blâmont, eslu
de Toul, mon petit bayequin. Je donne à Françoise, mn soeur bastarde, et à Claude, mon fils, à chacun d'eux cent florins d'or de Rin, lesquels sont assignez sur ma grande escharpe et sur ma vaisselle d'argent; je donne encore à ma dilte soeur bastarde ma robbe d'escarlate, pour l'aire une robbe le jour de ses nopces et, avec ce, les meubles que j'ay en mon chaslel de Blâmont, excepté l'or, l'argent, vins, froment et avoine, et luy donne encore ma part de la maison que fut à Jean le bastard, séant au-dessous de mon chastel de Blâmont. Je donne encore à Claude, mon fils, ma grande robbe de tanne, avec la maison que fut à Pierre Faulquet, séant en la grande rue de Blâmont, devant le grand puis... Je donne à toutes les femmes vefves de la prévosté de Blâmont, à chacune un bichet de froment, pour prier Dieu pour moy...
« Et eslis pour mes exécuteurs... monsieur Olry seigneur de Blâmont, esleu de Toul,... monsieur l'abbé de Sainct-Saulveur en Vosge et messire Jean Didier, prévost de l'église de Blâmont,
et prie et supplie à mon frère Loys., mon héritier, qu'en ce présent mien testament ne vueille mettre aucun empeschemont, ainsi de tout son pouvoir le vueille faire accomplir...
« Et pour approbation... des choses dessus dites..., je prie et requiers à... monsieur l'Official de la Cour de Toul que veuille mettre le scel de ladite Cour pendant à ce présent mien testament.... avec le seing manuel de... messire Jean Didier, prévost de l'église de Blâmont, mon administrateur... »
Fait, au château de Blâmont, le 4 juillet 1496 « Scellé en cire verte, sur deux queues (192). »
Claude ne survécut guère à la rédaction de ses dernières volontés. Il s'était marié, nous ignorons avec qui, et avait eu un fils, nommé également Claude, lequel ne vivait déjà plus en 1499.
LOUIS, COMTE DE BLAMONT.
Louis succéda à Claude, son frère, en 1496 ou 1497. Il figure, avec Olry, évêque de Toul, son oncle, dans un arrêt de la Cour des Grands-Jours de Saint-Mihiel, rendu sur appel interjeté par eux contre Emich, comte de Linange et seigneur d'Apremont, au sujet de leurs étangs de la Woevre ; ce procès dura deux ans et prit fin en 1499 par la renonciation que firent les seigneurs de Blâmont à leurs droits sur le Neuf-Etang situé près de Raulecourt (193).
Un an avant, Louis, comte de Blâmont (194), seigneur de Sainte-Croix et de Montpont, avait fait ses reprises d'Henry de Lorraine, évêque de Metz, son cousin, pour les fiefg qu'il tenait de lui comme ses prédécesseurs : le château et la ville fermée de Blâmont ainsi que les deux foires annuelles ; le château, la ville et le marché de Deneuvre ; la vouerie de Vic (195).
Le peu que l'on sait encore de la vie de Louis n'offre aucun intérêt (196) ; au reste ce seigneur, presque toujours malade, pouvait à peine gouverner ses états, et c'était l'évêque de Toul, son oncle et successeur, qui dirigeait ses affaires. Il mourut sur la
fin de l'année 1503 ou au commencement de la suivante, sans laisser d'enfants quoiqu'ayant épousé Bonne de Neufchàtel, fille, selon Moréri, de Claude de Neufchàtel, seigneur du Fay, de Châtel-sur-Moselle, etc., et de Bonne de Boulay,
Bonne de Neufchàtel se remaria à Guillaume, comte de Furstenberg
et, après le décès d'Olry, dernier comte de Blâmont, réclama au
duc René II, comme possesseur du comté, l'assignation de 1200
francs de Lorraine que son premier mari lui avait donnés en
douaire, plus une rente de 120 florins, qu'il lui avait assignée
pour son « mergengaw (197) » sur le comté de Blâmont avec sa
demeure au château de ce lieu, puis enfin les arrérages de cette
rente depuis la mort de Louis. Le duc lui répondit que le
château de Blâmont, étant la capitale du comté, ne pouvait lui
être donné pour sa résidence, mais qu'elle pourrait choisir
toute autre place qui lui conviendrait ; qu'en échange de ses
droits il offrait de lui payer une rente viagère de 1000 francs
de Lorraine et, pour les arrérages, la somme de 2000 livres une
fois payée. Ce qui fut accepté par la comtesse de Furstenberg et
par le comte, son époux (198). En 1518, le duc Antoine fut
encore obligé de verser à ce dernier 1000 francs pour faire
cesser ses réclamations tant au sujet d'une somme de 500 florins
qui lui était due qu'à cause de certains meubles laissés au
château de Mandres et devenus sa propriété par suite du décès de
Bonne, sa femme (199).
OLRY, COMTE DE BLAMONT.
On a parlé des traités qui furent conclus entre Olry et ses frères, en 1446 et 1457 ; à la suite du second, il se trouva possesseur d'un tiers indivis dans les seigneuries de sa famille (200).
Entré dans l'Eglise, Olry était chanoine de Verdun en 1456, lors de l'élection de l'évêque G. d'Haraucourt, et deux de ses confrères lui donnèrent même leurs voix, bien qu'il n'eût pas encore reçu les ordres sacrés (201). Nommé bientôt protonotaire du Saint Siège et chanoine de Metz (202), il fut, en cette dernière qualité, élu évêque pur le chapitre de cette ville : « Conrad Bayer de Boppart, évoque de Metz, dit Dom Calmet, étoit mort le 20 avril 1459, Georges de Bade, nommé son coadjuteur en 1457 avec droit à la succession au trône épiscopal, ne fut cependant pas élu. et 13 chanoines élurent, le 23 may 1460, Olry de Blâmont, qui étoit chanoine de cette église et recommandable par sa naissance et son mérite ; 16 autres chanoines refusèrent d'assister à cette élection, qui fut faite en présence de Guillaume d'Haraucourt, évêque de Verdun, des abbés de Saint-Symphorien, de Pontifroy, de Saint-Pierremont et de quelques autres... Olry de Blâmont remercia d'abord ses confrères de l'honneur qu'ils lui avoient fait et ne signa qu'avec répugnance l'acte de son élection. Il ne laissa pas de se rendre à Mantoue, auprès du Pape Pie II, pour essayer de faire valoir son droit ; mais le Pape déclara son élection clandestine, nulle et téméraire, et les chanoines qui l'avoient faite furent peu de temps après contraints de recourir à Rome pour obtenir l'absolution des censures qu'ils avoient encourues (203). » Cependant Olry se qualifiait encore d'élu de Metz en 1465 (204),
Le point de départ des relations d'Olry avec le roi de France nous est inconnu. Toujours est-il que Louis XI l'avait en grande estime ; il lui écrivit, le 20 septembre 1470, pour le remercier des plaisirs qu'il avait procurés à ses gens et le prier de venir près de lui afin de pouvoir lui communiquer les affaires dont il s'était entretenu avec Dieudonné de Deneuvre, son conseiller et maître des requêtes du palais royal (205). Olry se rendit à cette invitation, et, le 28 novembre suivant, le roi étant à Tours, en considération de la confiance qu'il avait dans la personne de son « chier et amé cousin, Olry, comte de Blanmont, prothonotaire ». le nomma conseiller de son grand conseil avec tous les droits et honneurs attachés à ces fonctions (206).
Quelques jours après, Louis XI, voulant, par une faveur plus insigne, reconnaître les services rendus à lui et aux rois ses prédécesseurs par Olry et ses ancêtres, lui accorda, ainsi qu'aux aînés de sa maison, le privilège de pouvoir ajouter à ses armes un petit écusson d'azur chargé d'une fleur de lys d'or; les lettres patentes de cette concession sont intéressantes à cause des détails qu'elles renferment :
« Loys, par la grâce de Dieu roy de France, à tous ceulx qui ces présentes lettres verront, salut.
« Comme noslre cher et amé cousin, Olry, conte de Blanmont, prothonotaire du Saint Siège apostolique, nous ait, tousjours et de tout son cueur, amé et servy avec désire et pourchassé de tout son effort le bien, honneur et prospérité de nous et de nostre royaume sans persorme espargner, en suivant la trace de ses prédécesseurs du pays de Lorraine et d'Alemaigne, qui tousjours et de toute ancienneté l'ont ainsi fait et servy les aucuns nos prédécesseurs roys de France on fait de la guerre et autrement, comme avons esté deuement informez, à rencontre des ennemis de nostre dit royaume et des fleurs de liz jusquesà la mort inclusivement (207) ; et
mesmement se soit présentement nostre dit cousin tiré et venu par devers nous du dit pays de Lorraine, onquel il nous a fait et ailleurs plusieurs grans services en aucunes grandes matières secrètes que avions très fort à cueur, et se soit en oultre en sa personne libéralement offert de nous complaire, obéir et servir à son honneur de toute sa puissance contre et envers tous qui pourroient vivre et mourir, savoir faisons que nous, voulans recongnoistre envers nostre dit cousin et les siens, qui à présent ou pour le temps advenir seront chiefs de la ditte maison de Blanmont. les dis services, désir, hault vouloir et entière affection telz que dessus, et de ce aucunement le rémunérer en chose et manière perpétuelle et notoire à tous, qui soit à l'accroissement de l'onneur et de la gloire de la ditte maison de Blanmont, à icellui nostre cousin et aux chiefs des armes de la ditte maison présent et advenir, pour ces causes et autres raisonnables à ce nous mouvans, avons, de nostre propre mouvement, certaine science, plaine puissance et auctorité royal, donné et donnons par ces présentes pouoir, prérogative, faculté, prééminence et auctorité de pouoir faire paindre, sculper (sic) ou autrement en que manière que ce soit, asseoir, porter et faire asseoir en leurs armes perpétuellement et à tousjours une flecr de lis d'or en ung escu d'azur, entre et au mylieu des deux testes des saulmons qu'ilz portent en leurs dittes armes.
« Si donnons en mandement à tous noz séneschaulx, bailliz et autres justiciers et officiers quelconques que des dessus dittes armes, prééminence, faculté et auctorité, ils seuffrent et laissent nostre dit cousin et chiefz de la ditte maison de Blanmont et ses successeurs joïr et user plainement, paisiblement, perpétuellement à tousjours, sans en ce leur faire, mettre ou donner ne souffrir estre fait, mis ou donné aucun destourbier, contredit ou empeschement à ce contraire ; car ainsi nous plaist il et voulons estre fait. En tesmoing de ce, nous avons fait mettre notre scel à ces dittes présentes. Donné à Amboise, le vingt huitiesme jour de novembre, l'an de grâce mil quatre cens soixante dix et de nostre règne le dixiesme (208). »
A ces marques de reconnaissance et d'estime, le roi ajouta encore une pension de mille livres tournois (209). Il eut bien voulu faire obtenir à Olry l'administration du diocèse de Verdun pendant que l'évêque d'Haraucourt était enfermée la Bastille, et écrivit dans ce sens au pape et au chapitre ; mais le duc de Bourgogne en ayant eu avis, envoya aux chanoines un de ses chambellans pour leur signifier qu'il ne le souffrrirait jamais, car l'évêque était détenu injustement par le roi, et que, quand même l'évêché viendrait à être vacant, il saurait bien empêcher qu'on en disposât sans lui (210).
Georges de Bade, évêque de Metz, étant mort, Henry de Lorraine fut élu, le 15 octobre 1484. « Il y eut, dit à ce sujet Meurisse, quelque difficulté en son élection, d'autant que la pluspart des chanoynes et mesme des bourgeois de la ville désiroient avec une très grande passion qu'un nommé Oulry
de Blâmont, qui avoit esté déjà esleu contre Georges de Baden, remplit ceste place ; mais le duc de Lorraine ayant mis des troupes sur pied et ayant envoyé le séneschal de Bar, le baillif de Nancy et le baillif d'Allemagne vers les mesmes chanoynes, ils les fléchirent à porter leurs voeux sur Henry de Vaudémont, de quoy la ville tesmoigna recevoir un très sensible déplaisir sur la jalousie, l'appréhension et l'aversion qu'elle avoit des Lorrains (211). »
Olry était alors à la fois protonotaire, chanoine de Metz, Toul, Verdun et Strasbourg, et abbé de Saint-Mansuy-lès-Toul (212). Il fut enfin élu évêque de Toul en mars 1495, et, un peu plus tard, se trouvant à Worms auprès de l'Empereur, il en obtint un mandement adressé au duc de Lorraine et lui enjoignant de saisir les terres de l'évêché de Toul, et de n'en faire délivrance à d'autres qu'à l'élu du chapitre (213). René II avait appuyé de toutes ses forces la candidature de son parent ; de son côté, Olry s'était engagé par écrit, le 7 mars 1495, au cas où il serait élu, à faire tout le nécessaire afin de soutenir ses droits, et à n'y renoncer en faveur de qui que ce soit sans le consentement exprès du duc; ajoutant que, si son élection ne pouvait se soutenir et donnait lieu à des censures ecclésiastiques, il ferait alors tel arrangement qu'il plairait à celui-ci de lui indiquer (214). On a accusé Olry d'avoir fait avec René II un traité secret par lequel il promettait de lui céder ses seigneuries si le duc parvenait à le faire arriver à l'épiscopal et à lui fournir 500 hommes et 4,000 florins pour faire le siège de Metz. Il est certain qu'il se montra avec René II un parent dévoué et qu'il lui céda dans la suite, outre ses seigneuries, quelques-uns des droits régaliens dont il jouissait dans la ville de Toul (215).
Malgré l'appui du duc et de l'empereur, et bien qu'élu à l'unanimité des voix par le chapitre, Olry dut soutenir un long procès et renoncer à la moitié des revenus de son
évêché pour obtenir du Pape la confirmation de son élection ; en considération de ce sacrifice, René lui abandonna jusqu'à sa mort la prévôté d'Azerailles ; l'acte est du 13 octobre 1499. Dix jours avant,
l'évêque de Toul avait fait à son cousin une donation beaucoup plus importante. Considérant que de tous les enfants de Ferry, son frère, il ne restait plus en vie que son neveu Louis, comte de Blâmont, si gravement malade qu'il n'y avait pas d'espérance de lui voir jamais d'enfants pour lui succéder, il avait cédé au duc toutes ses seigneuries, en s'en réservant seulement l'usufruit.
Il semble que tout se passa de l'agrément de Louis, lequel ne tarda pas à mourir, laissant son oncle seul seigneur de Blâmont, de Deneuvre, de Mandres, d'Amermont et de Fougerolles (216). Olry renouvela alors la donation qu'il avait faite au duc, l'étendant cette fois à la totalité des seigneuries dont il ne possédait auparavant que la moitié (16 mars 1504) (217).
Il continua cependant à jouir de cet héritage jusqu'à sa mort, arrivée le 3 mai 1506 (218), au château de Mandres, où il faisait sa résidence habituelle, sans doute à cause de la proximité de sa ville épiscopale. Le 23 septembre précédent, il avait fait un testament dont voici les principales dispositions (219) : Après avoir choisi sa sépulture devant le grand autel de l'église des chanoines de Deneuvre et ordonné plusieurs fondations et legs aux églises et aux pauvres, il ratifie la donation par lui faite au duc et l'institue son unique héritier ; lègue à ceux ou celles « qui de droict, us et coutume, » devaient lui succéder, s'il n'avait pas fait de testament, la somme de 1,000 écus d'or, à condition qu'ils ne s'opposeront pas à l'exécution de ses dernières volontés, autrement il ne leur laisse que dix florins du Rhin une fois payés ; nomme enfin ses exécuteurs testamentaires Hugues des Hazards, Didier de Bistroff, son vicaire, Gaspard d'Haussonville, bailli de son évêché,
et Nicolas Thierry, son secrétaire.
Olry fut, ainsi qu'il l'avait demandé, enseveli dans l'église de la
collégiale de Deneuvre ; on y voyait encore, à la fin du siècle dernier, son tombeau orné de sa statue, remarquable, dit Dom Calmet, par la grosseur de sa taille. L'église fut vendue en 1793 comme bien national, puis démolie ; quant au mausolée d'Olry, retrouvé intact, paraît-il, vers 1830, il resta exposé aux injures du temps et des hommes et ne tarda pas à disparaître.
René II ne devint pas sans contestation possesseur de l'important patrimoine de la maison de Blâmont. Olry, dans son testament, avoue qu'il avait des héritiers naturels : ces héritiers étaient Yolande de La Haye, duchesse douairière de Nemours, petite-fille de sa soeur Isabelle de Blâmont, et Pierre d'Armagnac, comte de l'Isle en Jourdan, son époux. Aussitôt que cette dame eut connaissance de la mort de Louis de Blâmont, elle se disposa à revendiquer sa succession.
Il y eut, le 3 juin 1504, au château de Bar, en présence du duc de Lorraine et de son conseil, une conférence à laquelle Yolande et son mari se rendirent en personnes, assistés d'un docteur es lois. Celui-ci commença par déclarer au duc « que le comte et son épouse étoient venus pour fairr les foi et hommage qu'ils lui dévoient à cause de certaine baronnie et dépendances échue à la comtesse par le décès de Louis, comte de Blâmont, auquel elle avoit succèdé pour le tout, et lui justifier comment elle en étoit seule héritière » ; puis il ajouta : « que, par les coutumes de l'évêché de Metz et celles du Barrois où les biens étoient situés, les femmes
succèdent es fiefs nobles en ligne collatérale à défaut d'hoirs mâles habiles à succéder; que les hommes d'Eglise n'y étoient point habiles, conformément aux droits féodaux généraux ; que la succession collatérale ne remontoit pas et que le mort saisissoit le vif le plus proche habile à succéder ; que feu messire Thibaut, seigneur et comte de Blâmont, baron de Deneuvre et de Mandres, etc., étoit décédé en possession de ces seigneuries, laissant survivants Ferry, Olry et Thibaut, ses enfants mâles, et Valburge, Marguerite et Isabeau ; que damoiselles Valburge et Marguerite étoient mortes sans être mariées peu après ledit feu Thibaut, mort depuis 40 ans sans enfants ; que Ferry, Olry et d'Isabeau, frères et soeur, leur avoient succédé ; que depuis Ferry étoit mort, laissant plusieurs enfants, fils et filles, tous décédés peu après lui, excepté feu messire Loys, son fils aîné dernier mort ; que feu d'Isabeau avoit été conjointe en légitime mariage à feu Jean de La Haye, seigneur de Passavant, Mortagne, Chevillé, duquel étoit issu feu messire Loys de La Haye, conjoint à Mle Marie d'Orléans, dont etoit issue la dite dame douairière de Nemours, comtesse de l'Isle, qui est, par ce moyen, issue de germaine de feu Loys de Blâmont ; que messire Olry, frère dudit feu Ferry et oncle du dit Loys, étoit ecclésiastique et évêque de Toul, et par conséquent inhabile à succéder à son neveu ; d'autant plus que la baronnie de Mandres était mouvante du Barrois, le comte et sa femme offroient au duc de lui en faire foi et hommage et lui payer ses droits et devoirs, le requérant de leur laisser aussi la jouissance des terres de Blâmont, Deneuvre et autres qu'il
avoit entre les mains et qui dépendoient de ladite succession. » Après une délibération des conseillers du duc, Jean de l'Eglise, procureur général de Lorraine, répondit: « que Messire Olry de Blâmont, oncle de feu Loys, comte de Blâmont, étoit son plus proche héritier mâle habile à lui succéder en la moitié des dites terres et jouissant de l'autre moitié par le partage qui en avoit été fait passé 40 ans ; que la comtesse de Nemours étoit inhabile à y succéder, étant tous fiefs
masculins, auxquels femmes ne succèdent point ; que ledit évêque étoit plus proche héritier que ladite dame, qui n'étoit qu'issue de germaine. » Le comte et la comtesse de l'Isle, considérant celle réponse comme un refus de justice, s'en portèrent aussitôt appelants et déclarèrent qu'ils se pourvoiraient partout où besoin serait,
par devant le roi de France, l'empereur et ailleurs, et qu'ils soutiendraient leurs droits, en requérant acte ; ce qui leur fut accordé (220).
A la suite d'un long procès, au cours duquel, Olry de Blâmont étant mort, Yolande avait étendu ses réclamations à l'héritage de ce dernier, il y eut entre elle et le duc une transaction par
laquelle René II lui racheta toutes ses prétentions moyennant 12000 livres tournois,en reconnaissant que les terres de Sainte-Croix, de Montpont et de Saint-Georges, et autres situées hors des duchés de Lorraine et de Bar, n'étaient point comprises dans ce traité (25 août 1507) (221).
D'autre part, il paraît que la chambre impériale siégeant à Spire aurait adjugé à Louis de La Haye, père d'Yolande, la seigneurie de Fougerolles, en confirmant le surplus de la donation faite au duc de Lorraine (222).
|