Journal de la Société d'archéologie et du comité du Musée lorrain
1876
MÉMOIRE DES FRAIS D'UN VOYAGE DE SAVERNE NANCY EN 1628.
A notre époque, où, grâce à la vapeur et aux chemins de fer, on franchit les distances avec une célérité prodigieuse, on ne se souvient guère de la lenteur avec laquelle s'effectuait autrefois la locomotion. Au commencement du XVIIe siècle, on ne voyageait qu'à cheval ; il est inutile d'ajouter que l'on ne craignait pas les intempéries des saisons, et il est facile de concevoir que l'on ne pouvait aller qu'à petites journées et que, très-souvent, plusieurs jours étaient employés pour faire un voyage d'une vingtaine de lieues.
Les archives communales de Saverne renferment un état des dépenses d'un voyage que fit à Nancy, au printemps de l'année 1628, le sieur Marc Roech, greffier de la ville de Saverne, que le magistrat avait chargé d'une mission secrète auprès du gouvernement de Lorraine.
Il partit de Saverne le 14 mai 1628, en compagnie d'un messager qui lui servait de domestique, et n'effectua son retour dans cette ville que le 19 du même mois.
Ce document est rédigé en langue allemande ; comme il peut donner une idée exacte de la manière de voyager à une époque où les pataches et les diligences n'étaient pas encore inventées, nous avons pensé qu'il offrait assez d'intérêt pour mériter d'être traduit.
En voici la traduction
Le 14 mai de l'année 1628, je ne fus expédié qu'à neuf heures du matin et ai dépensé avec le messager pour
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liv.
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s.
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d. (1)
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la
soupe
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5
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J'ai dîné avec le messager à
Niederwiller, chez Michel Weber, et ai dépensé, y compris le
cheval
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6
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J'ai pernocté à Blâmont
(Blanckenburg) à l'auberge de la Couronne, et dépensé, y compris le messager, le cheval et le pourboire du valet d'écurie
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1
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2
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8
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J'ai payé au maréchal-ferrant pour mettre un fer au
cheval
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4
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Le 15, dîné à Lunéville
(Lienssadt), à l'auberge du Saint-Nicolas
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14
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Et comme le cheval est tombé malade, j'ai payé au maréchal-ferrant pour lui donner un clystère
(cristier).
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4
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Payé au sellier pour réparer la
selle
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4
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Couché à Saint-Nicolas-de-Port, à l'auberge du petit Saint-Nicolas, et dépensé, y compris le messager, le cheval et le droit d'écurie
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1
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2
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Le 16, dépensé à Nancy, à l'auberge du petit Saint-Nicolas pour le dîner, la collation du soir et le coucher ; le 17, pour le dîner, la collation du soir et le coucher, y compris le cheval le messager et le droit d'écurie
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3
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17
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Payé à un maréchal-ferrant pour mettre de nouveaux fers au
cheval
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1
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Offert au commis du secrétaire
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15
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Le 18, dîné à Saint-Nicolas-de-Port, à l'auberge de
l'Ange
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12
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Le soir, rafraîchi et donné de l'avoine au cheval, à Lunéville, à l'auberge de la Croix de
Lorraine
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6
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Couché à Blâmont à l'auberge de la
Croix
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1
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2
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Le lendemain dîné à
Niederwiller
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11
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Total de la dépense
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10
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18
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4
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Plus, j'ai payé au messager qui m'avait accompagné, pour son
salaire,
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15
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Et j'ai reçu du magistrat de la ville une gratification d'un écu d'Empire pour chaque journée de voyage, ou six écus pour les six jours,
soit
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4
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10
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Cette somme
de
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16
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3
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4
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m'a été payée par le sieur Pierre Kranck Oberlohnherr (2) le 8 juillet 1628,
Signé M. Roech.
DAGOBERT FISCHER.
(1) A Saverne comme dans tout l'évêché de Strasbourg, on se servait dans les comptes pour la facilité des calculs, de la livre-deniers, qui était une monnaie idéale ; elle était ainsi appelée parce
qu'on la pesait autrefois ; elle était divisée eu deux florins ou vingt schillings, ou cent vingt kreutzers ; le schilling était divisé en douze deniers et valait un peu plus
que quatre sous de France.
(2). Charge municipale répondant à celle de premier adjoint au maire de notre époque. Cet officier municipal était en même temps chargé de la gestion des deniers communaux.
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