1914 - Dimanche 16 août.
Oh ! mon Dieu ! Quel effroyable grondement de tonnerre !...
Cette artillerie, ces coups dont chacun se répercute dans nos
coeurs, est-ce celle de l'ennemi, est-ce celle de nos frères?... Les coups se rapprochent de plus en plus... C'est à devenir sourd... Mais voici que le silence a remplacé le bruit du canon... Il me semble... Non, ce sont mes oreilles, encore endolories par ce tapage infernal, qui sonnent. Mais non!... Je ne me trompe pas... J'entends le clairon... Le clairon qui joue un air vainqueur... Courons... Ciel! Que vois-je?... Des pantalons rouges, des képis crânement posés sur l'oreille... des chasseurs tout en bleu... Oh! ce sont les Français, mes braves Français... Dans le jardin, grand-père agite son mouchoir. Il regarde dans ma direction... Il m'appelle... Oui, ce sont bien les Français... Je cours chercher le drapeau tricolore et je descends, ainsi chargée, rejoindre grand-père qui, bien vite, me prend le drapeau des mains et l'accroche devant la porte. Les soldats, en passant, lui serrent la main. Maman leur fait distribuer du vin blanc, de la bière.
Ils disent qu'ils ont repris Blâmont, Cirey et Avricourt, en Lorraine, et chez nous, Sainte-Marie-aux-Mines, Saint-Amarin.
Ils disent aussi les actes de sauvagerie commis par les troupes allemandes.
Un officier raconte à grand-père qu'ils viennent de voir à
Blâmont, parmi de nombreux cadavres d'inoffensifs civils, celui d'une jeune fille de dix-sept ans et celui d'un vieillard de quatre-vingt-six ans, M.
Barthélémy, l'ancien maire de Blâmont.
- Mais ils l'ont payé cher, conclut le jeune officier, et cela ne fait que commencer...
Puis il reprend sa course triomphale, suivi de ses hommes et acclamé par tous les habitants.
Les évènements à Blâmont sont
cités aussi dans :
- "Les guerres dans
l'antiquité et la guerre moderne" de Henri Aragon en
1916 :
« A Blamont, les soldats fusillèrent sans aucune raison trois personnes, dont une jeune fille, un vieillard de 86 ans, le maire de Blamont. Des prisonniers ont été attachés à des arbres, les pieds écrasés à coups de crosse et le corps lardé de coups de baïonnette. »
- "Les cruautés allemandes - Réquisitoire d'un
neutre", par Léon Maccas, Docteur en droit de l'université d'Athènes
(Paris 1915) :
« Les otages massacrés. - A Blamont, en Lorraine, l'ancien maire Barthélémy, âgé de quatre-vingt-six ans, fut pris comme otage et fusillé. Le même sort attendait le maire en exercice et les notables de la localité. Quand les Français entrèrent dans la ville, ils trouvèrent des affiches sur les murs annonçant que le lendemain matin ces notables seraient fusillés. »
- La directrice de l'école de Blamont, Mme A. Wibrotte, explique
qu'à leur retour, les soldats bavarois, tenus en échec plusieurs jours de suite par des forces françaises régulières,
« [...] pénètrent dans les maisons, revolver au poing, se font livrer de suite tout ce qu'ils exigent, s'emparent des caves qu'ils vident entièrement, puis ressortent ivres pour commencer les horreurs de nuits épouvantables. Auparavant, à coups de tambour, ils ont fait savoir que la première détonation de fusil sera le prélude à la destruction totale de la ville. A peine le crépuscule a-t-il disparu qu'un éclatement se fait entendre ; alors des milliers de coups de fusil y répondent ; les façades des maisons sont criblées de trous de balles, les vitres brisées, les meubles transpercés ; chacun se terre et passe ainsi de terribles moments.»
(Commission pour une histoire de la guerre franco-allemande, rapport de Mme A. Wibrotte, directrice de l'école de Blamont, réfugiée à Lunéville,30 septembre
1915)
- Communiqués Officiels depuis la déclaration de guerre
- 1914
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