Le pays lorrain -
1910
[...] Entre Sarrebourg et Blâmont, le
cortège passa à Héming et Saint-Georges et sur le chemin
rencontra les habitants d'Imling, Barchin, Xouaxange, Hesse,
Herzing, Landange, Guédrange, Lorquin, Ibigny, Hattigny,
Foulcrey, Frémonville, etc... qui s'y étaient rassemblés.
Blâmont se targuait d'être la première ville de Lorraine où
entrerait la descendante des ducs. Jusqu'ici elle n'avait
traversé que des localités évêchoises ou des villes cédées, en
1661, à Louis XIV pour l'établissement de la route de France.
Aussi, les Blâmontois avaient tenu à bien faire les choses. Dès
la veille, le canon et les cloches avaient annoncé l'heureux
évènement. Le matin, à 8 heures, les gardes nationaux réunis à
ceux de Badonviller prirent les armes. Rangés en bataille sur la
place, vis-à-vis de l'hôtel de ville, l'adjoint Chaton les
pérora en leur montrant combien grand était l'honneur que
l'impératrice allait faire à la cité.
Les rues étaient soigneusement sablées. De chaque côté se
dressaient des sapins entremêlés de guirlande « ce qui flattait
assez le coup d'oeil ». A l'entrée de la ville, d'autres sapins,
réunis par des guirlandes de verdure semées de fleurs
artificielles de toutes les couleurs, formaient porte. Sur la
place de l'hôtel de ville, le goût et le zèle des jeunes filles
avaient élevé un majestueux arc de triomphe : « hommage de la
ville de Blâmont à l'épouse chérie du grand Napoléon », ainsi
qu'en témoignait une inscription. Il était terminé au faite par
un médaillon où s'entrelaçaient les chiffres des époux en roses
artificielles blanches et rouges, surmontant une couronne
impériale en lauriers parsemée de fleurs. Au milieu de l'arc et
de chaque côté, sortant des touffes de verdure, trois jets d'eau
lançaient à vingt mètres de haut les pures eaux des montagnes
vosgiennes qui retombaient en cascades perlées dans des bassins
couverts de mousse et de branches de sapins. Plus de 10.000
personnes se pressaient dans les rues étroites de la petite
ville, que dominaient les ruines encore imposantes de son
château féodal. Sur la place où l'on avait établi le relais
s'étaient placés 25 maires et adjoints, venus des villages
voisins, des conseillers municipaux, le juge de paix qui, pour
la circonstance, avait composé une pièce de vers ingénue et
plate, le clergé, les fonctionnaires de Badonviller, Réchicourt
et Cirey et Châtillon en costume. Au son du canon et des
cloches, des jeunes filles en blanc « coiffées, en cheveux » et
ceinturées de vert, présentèrent à la hâte des gerbes de fleurs
et des couronnes, pendant que sur une jonchée de fleurs on
changeait les huit chevaux de la berline impériale.
La municipalité de Blâmont jugea que c'était là une fête trop
rapidement écoulée. Aussi elle fit aussitôt organiser un bal
qu'ouvrirent le maire et les autorités et auquel participa toute
la foule, rassemblée dans la citée. A sept heures du soir,
celle-ci, précédée d'une nombreuse musique, parcourant les rues
au cri de « vive Marie-Louise ! vive la Lorraine ! » en un
cortège que dirigeaient les autorités et que les gardes nationaux
encadraient. Des secours furent distribués aux pauvres et tard
dans la nuit l'allégresse générale se manifesta.
Sur la route de Lunéville, Marie-Louise et sa suite furent
saluées avec un enthousiasme dont elle commençait à se fatiguer.
C'est sans doute avec lassitude qu'elle entendit les cantiques
qu'on chantait sur son passage et les acclamations ordinaires.
A une lieue de Lunéville, à Croismare, elle trouva la garde
d'honneur lunévilloise, 150 carabiniers, les gendarmes, et 250
chasseurs à cheval du 20e régiment. Les gardes d'honneur, par
permission de Sa Majesté, entourèrent sa berline à la porte de
laquelle se tint leur commandant, l'ancien émigré Saucerotte qui
jadis avait servi sous Brunswick avec le grade de major.
Il était sept heures et la nuit était complète lorsque l'on
parvint au premier arc de triomphe, qui marquait l'entrée de la
ville. [...]
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