4 août 1917 -
Secteur de Vého - Infanterie coloniale
Les journaux des marches et
opérations du 2ème régiment d'infanterie coloniale
n'existent pas. L'Historique du régiment s'attache
surtout à décrire une importante attaque allemande le 4
août 1917.
2ème
régiment d'infanterie coloniale
LORRAINE
Secteur de Vého
(Avril à Août 1917)
Le 20 avril,
le régiment cantonne à Bazoches.
Le lieutenant-colonel Philippe prend le commandement du
2e R.I.C. en remplacement du colonel Mayer.
Le 21 avril, le régiment est enlevé en camions
automobiles et va cantonner à Villevenard jusqu'au 26.
Il y reçoit un gros renfort (7 officiers et 315
soldats), puis se porte dans la zone Trouan-le-Grand et
Trouan-le-Petit dans la journée du 27 et y reste deux
jours.
Le 29, il va dans la zone Aubigny-sur-Aube et le 30,
vers Dampierre-sur-Aube.
Le 10 mai, le régiment embarque à Arcis-sur-Aube pour
gagner Bayon.
Le 24 mai, le 2e R.I.C. cantonne à Marainviller et entre
en secteur le 25 mai, pour occuper le sous-secteur de
Domjevin jusqu'au 21 août.
Pendant cette période, l'ennemi effectue, le 4 août, un
coup de main sur le front du régiment.
Depuis plusieurs jours, l'activité de l'artillerie
ennemie avait augmenté. On se demandait si ses tirs
n'étaient pas des représailles sur nos défenses
accessoires ou nos batteries qui avaient tiré plus que
de coutume, ou des réglages préliminaires en vue d'un
coup de main. Cette dernière opinion était celle du chef
de bataillon Boennec.
Le 4 août, à 1 heure précise, après une nuit très calme,
l'ennemi déclenche soudain un violent bombardement par
minen et obus de tous calibres (77, 88, 105 et 150) sur
tout le front compris entre Emberménil jusqu'au P.R.
Unal (quartier Zeppelin).
Peu après, entre 1 h. 15 et 1 h. 30, une attaque
d'infanterie ennemie se développe sur le front
Cuisiniers-Poncheville.
Dans le quartier Sapinières-Vého ouest, le bombardement
intense déclenchée à 1 heure, frappe surtout les P.R.
Gimel, Cuisiniers, Poiriers, Sapinières-Station, les
P.C. des Quatre-Chemins et des Deux-Noyers, les
principaux boyaux d'accès (Cuisiniers, Poiriers), la
route Vého-Quatre-Chemins.
Dès le commencement du bombardement, toutes les
garnisons du Quartier sont alertées, les emplacements de
combat pris. Le chef de bataillon Boennec, contusionné
au début de l'action, le commandement du quartier
Sapinières-Vého est pris par le capitaine Benezet.
Sur le front du quartier Sapinières, il n'y a aucune
action d'infanterie. Les patrouilles qui se trouvent à
l'extérieur de nos réseaux, surprises par le
bombardement peuvent rentrer dans nos lignes sans
rencontrer d'ennemis et sans pertes.
Entre 1 h. 15 et 1 h. 30, une violente attaque se
produit sur le front du C.R. des Deux-Noyers,
principalement à sa droite sur le P.R. Gimel.
La garnison de ce P.R. est constitué par un peloton de
la 6e compagnie du 2e R.I.C. (sous-lieutenant Le Cars).
Ce peloton détache deux groupes de quatre hommes et un
caporal aux petits postes 1 et 2, pour assurer la
surveillance rapprochée.
Dès le commencement du bombardement, la garnison est
immédiatement alertée et occupe ses emplacements de
combat. Une fraction disponible de 11 hommes reste dans
son abri près du P.C. du commandant du P.R., prête à
parer à toute éventualité. Le tir de barrage est demandé
par fusées, la communication téléphonique ayant été
coupée et le poste optique détruit par les obus.
Vers 1 h. 20, un violent combat s'engage. Les Allemands
pénétrant par trois brèches créées dans nos réseaux par
des charges allongées, attaquent nos petits postes 1 et
2.
Le petit poste 1, renforcé par la section de l'adjudant
Brelivet, résiste énergiquement, mais il est attaqué de
face par le groupe ennemi qui a pénétré par la brèche
faite devant le petit poste et en arrière par une
fraction qui s'était infiltrée dans la tranchée nord de
l'ouvrage, est venue l'attaquer à revers par le boyau
Gimel.
Il n'est pas possible de ravitailler Brelivet en
grenades.
Ce dernier, après avoir épuisé toutes ses munitions, se
replie avec les survivants de son groupe par la plaine
et vient rejoindre le sous-lieutenant Le Cars à
l'extrémité sud de l'ouvrage.
Le petit poste 2, violemment assailli, ne peut résister
; tous ses occupants sont tués, blessés ou pris.
La fraction ennemie qui a attaqué le P.R. rentre dans le
boyau Gimel, le suit tout d'abord vers l'ouest et se
heurte à la chicane qui ferme l'entrée du P.R.
Cuisiniers. Arrêtée dans sa marche, elle revient sur ses
pas et contourne le P.R. Gimel par le sud, où elle est
arrêtée par le groupe du sous-lieutenant Le Cars.
Ce dernier, voyant l'irruption de l'ennemi dans son P.R.
a groupé le faible effectif dont il dispose au sud de
l'ouvrage à proximité de l'abri à munitions. Il reçoit
énergiquement l'ennemi qui avance par l'ouest et par
l'est et arrête net sa progression. Sur ces entrefaites
arrive par la plaine, une section de renfort commandée
par l'adjudant-chef Lambache, envoyée par la capitaine
Richer de Forges, commandant le C.R.
L'ennemi se retire rapidement sans attendre le nouveau
choc et un bombardement terrible d'obus de tous calibres
et de minen s'abat sur le P.R.
L'adjudant-chef Lambache reçoit l'ordre de pousser en
avant pour s'assurer que l'ouvrage a été complètement
évacué par les Allemands. Il se porte immédiatement à la
tranchée nord du P.R. qu'il dépasse sans rencontrer
personne. Le sous-lieutenant Le Cars rend compte à 3 h.
30 que l'ennemi a évacué Gimel.
Les pertes s'élèvent à un caporal et quatre hommes tués,
un sergent, deux caporaux, deux hommes blessés, un
caporal et un homme disparus. Les Allemands laissent six
morts et six blessés sur le terrain.
Le P.R. Cuisiniers était défendu le 3 août, par un
peloton de la 11e compagnie du 39e R.I.T., commandé par
le sous-lieutenant Frenant.
Au premier obus, tous les emplacements de combat sont
occupés et le tir de barrage est aussitôt demandé par
fusées.
A 1 h. 10, la sentinelle du boyau de Lille est attaquée
à la grenade. Elle riposte par un tir de F.M. et le jet
de quelques grenades. L'ennemi n'insiste pas.
A 1 h. 30, un groupe ennemi venant par le boyau Gimel,
tente de forcer la chicane du P.R. Il est repoussé par
nos grenadiers. Une petite fraction allemande longe le
réseau d'encerclement et tente une irruption par la face
sud de la position. Cette manoeuvre est éventée par nos
sentinelles qui se trouvent à proximité de la chicane.
Le groupe est dispersé à coups de fusil.
Voyant que l'éveil est donné et qu'ils ont perdu le
bénéfice de la surprise, les Allemands n'insistent pas
dans leur attaque sur le P.R. Cuisiniers et se replient.
Au début du bombardement, le capitaine Richer de Forges,
commandant le P.R. des Deux-Noyers, avait été privé de
toutes liaisons téléphoniques avec le P.R. Gimel et peu
après avec le P.R. Cuisiniers. Il avait pu confirmer
néanmoins à la batterie A.C.O. les demandes de barrage
faites à l'aide de fusées rouges par ses P.R.
Ses observateurs lui avaient signalé vers 1 h. 10 un
combat à la grenade vers Gimel et Cuisiniers. C'est le
seul renseignement qu'il put obtenir jusqu'à 2 h. 10 où
un agent de liaison du P.R. Gimel vint lui apporter une
demande de renfort verbale. Cet agent de liaison donna
quelques détails, l'ennemi avait pénétré dans le P.R.
dont la garnison tenait la partie sud. Le capitaine
Richer de Forges envoya aussitôt à Gimel une section de
renfort sous les ordres de l'adjudant-chef Lambache.
Peu après, cette demande fut confirmée par un message
optique envoyé par le P.R. Cuisiniers et reçu par
l'intermédiaire du poste des Quatre-Chemins.
Le commandant du C.R. Vého ouest était relié à son
commandant de quartier par coureurs et optique. Le
téléphone avait été coupé dès le début de l'action avec
les Quatre-Chemins, néanmoins, il conserva toujours la
liaison téléphonique directe avec le P.C. du
sous-secteur de Domjevin, par lequel il reçut tous les
renseignements sur la situation à sa droite. Ces
renseignements furent aussitôt communiqués au commandant
du quartier.
Prévenu à 2 h. 55 que le P.R. Belgique était occupé par
l'ennemi, que l'on était sans nouvelles de Remabois, et
que les Boches auraient été vus dans le boyau de
Remabois, le capitaine Richer de Forges se couvrit à sa
droite par une demi-section qu'il envoya occuper la
vieille tranchée des Deux-Noyers, à l'est de
l'emplacement de mitrailleuses N.D. 6.
A 4 h. 30, les deux artilleries cessèrent leur tir et
tout était terminé.
Dans le C.R. Vého-est, le bombardement affectait surtout
les P.R. Poncheville, Belgique et Remabois, et était
accompagné d'un violent barrage sur les boyaux de
Belgique, Remabois, route de Vého-Lintrey et ligne de
soutien. Ce tir comprenait des obus de tous calibres
(percutants et fusants) et des minen de gros calibre.
Peu après, une très forte attaque d'infanterie avait
lieu sur le front du C.R. Elle rencontra une résistance
particulièrement acharnée des nôtres et s'y brisa. Le
grand nombre de cadavres allemands sur le terrain ainsi
que le chiffre de nos pertes donnent une idée de la
violence de l'attaque.
Le P.R. Belgique surpris par l'ennemi compte 5 tués, 10
blessés et 37 disparus.
Le P.R. Remabois était défendu par un peloton de la 9e
compagnie du 39e R.I.T. et une demi-section de la 10e
compagnie du même régiment, sous les ordres immédiats du
commandant de la 9e compagnie.
L'entrée du P.C., où se trouve le commandant du P.R.
(capitaine Fauvelle) ainsi qu'un officier de ronde du 7e
d'artillerie à pied (lieutenant Angelis) fut obstruée
par l'écroulement du boyau d'accès, tout au début du
bombardement. Un obus acheva la destruction de l'abri et
mit le feu aux fusées-signaux rassemblées près du P.C.
L'incendie gagna les boiseries disloquées par l'effet
des projectiles. Quelques instants après, l'ennemi
abordait le P.R. par la tranchée Lechère, la tranchée
Marmaz, le boyau Remabois et par la face sud.
La garnison alertée aux premiers coups de canon,
occupait ses emplacements de combat. Le sous-lieutenant
Bourreau défend les faces est et nord ; le
sous-lieutenant Jouette, la face sud dans laquelle se
trouve la fraction réserve de P.R.
Le sous-lieutenant Bourreau refoule à la grenade les
assaillants qui avaient pénétré dans la tranchée Lechère
et la face est de l'ouvrage et réoccupe les chicanes
d'entrée dont les défenseurs ont été enlevés dès le
début.
Le sous-lieutenant Jouette repousse une fraction qui
avait abordé le P.R. par la face sud et qui tentait
d'incendier l'abri à l'aide de lance-flammes. Trois des
agresseurs sont tués, le reste recule et vigoureusement
poursuivi à la grenade, finit par abandonner le combat
et bat en retraite.
Le chef de bataillon commandant le C.R. Vého-est, est
dès le début du bombardement privé de communications
téléphoniques avec ses P.R. de première ligne et ne peut
se mettre en liaison avec le P.C. des Sources que par
coureurs.
Sans aucun renseignement sur ce qui se passe en première
ligne, cet officier supérieur alerte sa réserve de Vého-Vergers
(10e compagnie du 39e R.I.T.) et lui fait prendre
position dans les tranchées de la ligne de soutien au
nord de Vého-Vergers.
Vers 2 heures, le sergent Daumas (du 2e R.I.C.) qui est
allé accompagner le lieutenant Angelis pendant sa ronde,
arrive à Vého-Vergers et rend compte que le P.R.
Remabois est fortement bombardé, entouré par les
Allemands dont il a vu un des groupes dans Ravaud-ouest.
Le commandant du C.R. Vého-est pousse immédiatement une
des sections de la compagnie de réserve qui avait pris
position au nord de Vého-Vergers, vers l'ancienne
tranchée de la Lucarne, avec mission de battre et
reconnaître le terrain en avant, de façon à arrêter
toute infiltration.
A 2 h. 30, un coureur envoyé vers Belgique revient au
P.C. du C.R. annonçant que le P.R. Belgique venait
d'être pris et la garnison était prisonnière. Une
patrouille est aussitôt envoyée sur Belgique pour
confirmation.
A 3 h. 15, un message du commandant du peloton des
Sources confirme que le P.R. Poncheville a été attaqué
et qu'il y a beaucoup de tués et de blessés par suite du
bombardement. Le commandant du peloton sénégalais a
envoyé une section de renfort au P.R. Poncheville.
Le commandant du C.R. demande alors téléphoniquement au
lieutenant-colonel commandant le sous-secteur,
l'autorisation d'employer la compagnie réserve du
sous-secteur Vého-Village. Cette autorisation est
accordée et trois sections se portent rapidement aux
Sources pour renforcer la réserve. La 4e section est
conservée provisoirement à Vého-Vergers pour parer à
toute éventualité.
Sur ces entrefaites, la patrouille qui avait été envoyée
vers Belgique pour rapporter des renseignements rentre,
accompagnant le lieutenant Deslande, commandant le P.R.
Belgique, blessé sérieusement au cours de l'attaque.
Cet officier confirme la prise du P.R. Belgique. En même
temps, trois prisonniers capturés par la section qui a
pris position à Lucarne, arrivent au P.C.
Ces divers renseignements sont immédiatement communiqués
au P.C. du sous-secteur qui prévient le commandant du
C.R. Vého-est que deux compagnies du bataillon réserve
de D.I. sont mises en mouvement sur Vého, pour
organiser, le cas échéant, une contre-attaque sur les
positions perdues.
A 4 h. 30, arrive un nouveau message du commandant du
peloton des Sources annonçant que l'ennemi a abandonné
le combat à Poncheville, mais qu'il y a eu de nombreuses
pertes, en particulier le sous-lieutenant Jouhaud,
commandant le P.R., tué. D'autre part, deux nouveaux
prisonniers sont capturés dans le boyau Remabois et
dirigés sur le P.C. du C.R.
L'ordre est donné à la compagnie coloniale dirigée sur
les Sources, de pousser des patrouilles sur Remabois et
Belgique, afin de s'assurer si l'ennemi s'en est emparé
et s'y maintient. Les deux compagnies de réserve de D.I.
avec le chef de bataillon Chibas-Lassalle arrivent à
Vého-Vergers à 5 h. 30. Cet officier supérieur prend le
commandement du C.R.
Ces deux compagnies ne sont pas employées car, peu
après, arrive le renseignement que Remabois a tenu et
que l'ennemi a évacué Belgique, qui vient d'être
réoccupé par la 7e compagnie du 2e colonial.
Tous les renseignements recueillis sur l'attaque du 4
août établissent qu'elle avait été montée par l'ennemi
avec un soin tout spécial et des effectifs très forts,
environ 800 hommes de Stosstrupps. Le matériel de toute
nature abandonné sur le terrain montre que les Allemands
n'avaient rien négligé pour la réussite de cette
opération, dont les résultats n'ont certainement pas
répondu à leur attente.
Grâce en effet à la vaillance déployée par nos troupes,
l'attaque ennemie s'est heurtée à une résistance
acharnée ; partout elle a échoué, sauf à Belgique.
L'ennemi a dû se retirer abandonnant 13 prisonniers et
une trentaine de cadavres sur le terrain et ramenant de
nombreux blessés.
Après cette affaire, le régiment va au repos.Le 22 août,
il se rend à Marainviller, le 27 à Xermaménil et le 28 à
Hattonville, où il reste jusqu'au 19 septembre, date à
laquelle il s'embarque à Einvaux et se rend dans la zone
d'Echenay, dans la Haute-Marne.
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