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L'Histoire du
Blâmontois des origines à la Renaissance est tombée dans le domaine public en
2010. Cette version numérique intégrale permet de
faciliter les recherches, y compris dans l'édition papier
publiée en 1998 par Le livre d'histoire.
Le présent
texte est issu d'une correction apportée après
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malgré le soin apporté, contenir encore des erreurs.
Par ailleurs, les notes de bas de page ont été ici
renumérotées et placées en fin de chaque document.
NDLR :
L'abbé Dedenon a laissé dans ses carnets des notes
manuscrites indiquant diverses corrections à
apporter à ce texte. |
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IV
Le déclin de la Maison de Blâmont
1° Maimbournie de Marguerite de Lorraine
La veuve de Thiébaut II était active, intelligente et ferme. Elle eut à coeur de redresser les finances de sa famille et de refaire l'intégrité du comté. Pour l'aider dans cette tâche, elle trouva les compagnons de son mari, surtout Jean d'Herbéviller. Sa maimbournie dura six ans. Elle commença par envoyer à la régente Isabelle, en vue de délivrer son mari prisonnier à Dijon, la jolie somme de 4.500 florins, qu'elle préleva sur le réachat de Turquestein. La duchesse, en reconnaissance, lui octroya une rente sur la saline de Dieuze (1432). La comtesse fit rentrer en sa possession la vouerie de Neufchâteau, précédemment engagée (1433). Elle régla un procès intenté par son beau-frère, le comte de Thierstein (I434). Elle fit un accord avec l'évêque de Metz au sujet des contremands usités dans les régions d'Entrecours (1436) (1) Elle remit en somme, sur un bon pied, toutes les finances de son petit Etat.
En 1437, Ferry, son fils aîné, prit en mains les rênes du gouvernement. Ce fut pour elle le moment de s'effacer, tout en veillant à la formation de ses autres enfants. Un douaire lui fut constitué à Mandres, avec une rente viagère de deux cents florins. Mais elle ne résida guère dans ce domaine écarté. On la vit plus volontiers à Blâmont ou à Deneuvre. Il semble même que Badonviller ait eu ses préférences, du
moins pendant quelque temps. Car elle voulut y avoir une maison, que lui vendit Jean d'Herbéviller (1435). Simon, comte de Salm, son cousin, eut la courtoisie d'affranchir cet immeuble, en le déchargeant de l'hommage qui lui était dû. On ne sait si notre douairière l'habita beaucoup : on n'a, du reste, que peu de renseignements sur la fin de sa vie. Son testament fut rédigé à Deneuvre, le 6 avril 1469, en présence de Nicole Mougenot, prévôt de la Collégiale, et de Jean Mathieu, chanoine. Le texte en a été donné par M. E. de Martimprey; il prouve la foi de cette noble femme, la reconnaissance qu'elle gardait à ses familiers et l'aisance dont elle jouit jusqu'à la fin. Sa mort et sa sépulture en ce lieu expliquent, sans doute, que son fils Olry ait toujours montré plus d'attachement à Deneuvre qu'à Blâmont.
2° Ferry II de Blâmont (1437-1493) :
Partage de famille peu avantageux
Le comte Ferry aurait pu se rendre célèbre. Il gouverna le comté durant 56 ans et il assista aux événements les plus tragiques de l'histoire lorraine. Or jamais prince ne fut plus effacé. Est-ce irrésolution, faiblesse d'esprit ou calcul ? Peu importe. Une telle nullité serre le coeur
SCEAU DE FERRY II DE BLAMONT
et va nous faire assister à l'agonie lente et irrémédiable d'une Maison longtemps florissante.
Ferry brise d'abord avec les traditions de ses parents, en embrassant le parti d'Antoine de Vaudémont. Ce premier acte, qui ne s'explique pas, lui coûte cher. Sous la conduite de Beaudoin de Fléville et de l'Abbé de Corze, les Lorrains se jettent sur ses possessions de Mandres-aux-Quatre-Tours. Le siège du château dure huit jours et cette place est sur le point d'être détruite, quand arrive Antoine de Vaudémont, avec 600 chevaux. Il était temps; les assaillants se dispersent et le château échappe à la ruine (1438). Peu après, Ferry est en querelle avec l'évêque de Metz pour des affaires d'Entrecours, et il promène ses troupes sur les terres de l'évêché. Mais il va perdre la vouerie de Vic dans la transaction qui interviendra, en février 1441, à Pont-à-Mousson, pour régler sous les yeux de la duchesse régente, ses nombreux démêlés avec Raoul de Coucy.
En 1441, le plus jeune frère de la famille atteignait sa majorité. Comme le patrimoine était resté jusque-là indivis, il fallut songer à le partager. Les filles eurent leur dot en argent. Les trois fils convinrent de garder en commun la propriété de leurs seigneuries, tout en attribuant la gestion de Blâmont et de Mandres à Ferry, celle de Deneuvre à Olry et celle des terres de Bourgogne à Thiébaut. Les papiers de famille furent enfermés dans une armoire à trois clés différentes, que se distribuèrent les ayant droit. Mais un tel arrangement ne pouvait durer, et les trois frères allaient en venir aux mains, quand des amis leur firent accepter la médiation du duc Jean II et de l'évêque de Metz (1457).
Les clauses suivantes furent acceptées : « Ferry, pour son droit d'aînesse, aura le château-fort de Blâmont, les pourpris des fossés, la grange et la maréchaussée voisine et tout le jardin longeant en partie les fossés (parterre) moyennant quoi, il supportera toutes les charges de la forteresse, comme portiers, gardes et guetteurs et les fournira à ses dépens. Ses frères pourront faire construire une forteresse à Blâmont en achetant les maisons nécessaires à son emplacement, sauf à les reprendre de l'évêque de Metz. Le surplus de leurs terres restera indivis entre eux, avec des droits égaux pour chacun. » (2).
On peut trouver étrange ce projet d'élever ainsi château contre château. Olry n'y était pour rien, certes, car il convoitait plutôt les dignités ecclésiastiques et s'occupait assez peu de Deneuvre. Mais c'était le rêve de Thiébaut. On le vit, dès lors, acheter maisons et jardins au quartier du Vieux Marché, et commencer une maison princière, en face de la demeure de son frère. La maladie l'arrêta et il ne reste rien de ses constructions. Par son testament, daté de 1459, il laisse tous ses achats à Ferry, et il meurt, en 1465, sans avoir été marié.
Les deux frères survivants firent, en 1471, leur reprise obligatoire vis-à-vis de leurs suzerains : l'évêque de Metz et le duc de Lorraine (3); et remplirent loyalement les obligations féodales qui leur incombaient.
Ferry II et Charles le Téméraire
Une crise redoutable mettait en péril l'indépendance de la Lorraine, que convoitaient à la fois la France et la Bourgogne. On sait les dévastations qui précédèrent la bataille libératrice de Nancy. Notre Blâmontois fut plus à l'abri des chevauchées bourguignonnes, qui causaient tant de ruines, et on le regrette presque. C'est qu'en effet, nos comtes, si
peu empressés à seconder René II, ne semblaient pas comprendre la belle cause que défendait l'infatigable duc. L'idée nationale, dira-t-on, n'était pas encore sortie du chaos féodal et des défections pareilles étaient commises par nombre de seigneurs aussi en vue : nous l'admettons. La femme de Ferry de Blâmont était fille d'un ami de Jean sans Peur; sa belle-soeur, était mariée à Rodolphe de Hochberg, l'un des principaux capitaines de Charles le Téméraire : il était difficile d'échapper à de telles influences, De plus, Georges de Bade, le nouvel évêque de Metz, favorisait le Téméraire. D'autre part, Olry II de Blâmont, chanoine, protonotaire apostolique, était tout dévoué à Louis XI, hostile à René II. Toutes ces raisons expliquent la réserve de Ferry, mais suffisent-elles à justifier son inertie ?
En août 1475, la frayeur causée par l'invasion bourguignonne fut telle que plusieurs villes de Lorraine : Lunéville, Deneuvre. Dieuze, allèrent spontanément faire leur soumission au Téméraire, arrêté devant
Monnaie de René II, duc de Lorraine
Nancy. Le bailliage d'Allemagne opposa bravement sa résistance et fut écrasé de garnisons ennemies.
Sarrebourg fut pris d'assaut. Blâmont reçut au contraire un sauf-conduit et ne fut pas inquiété. Quand Nancy fut assiégé pour la seconde fois (24 octobre-30 novembre), Charles le Téméraire manda (29 octobre) qu'il prenait « sous sa sauvegarde les possessions de Blâmont, Deneuvre et Mandres, à la demande de Ferry et d'Olry ».
En mars 1476, René II partit pour la Suisse, afin d'y chercher du secours. Avec quatre cents lances françaises, il eut l'audace de traverser un pays occupé tout entier par l'ennemi.
Contournant Lunéville et Deneuvre, il vint coucher à Ogéviller, dans la nuit du 1er et 2 mai. Il traversa Blâmont et y reçut des vivres; il parvint ensuite à Sarrebourg, où la réception fut enthousiaste. Là, ses compagnons furent portés de 400 à 800. La chronique lorraine raconte que « les seigneurs allemands faisaient absorber au duc et à ses gens jusqu'à cinq repas par jour : déjeuner, dîner, marande, souper et recinon ou schlaff-trunck, où disparaissaient, à l'envi, chapons, victuailles, pfafferlins (pâtés de moines), largement arrosés de vins blancs d'Alsace ou de vins gris de Lorraine. Les Français en étaient tout ébaubis et se demandaient si c'était l'ordinaire des allemands de manger tant et si souvent ».
A son retour, René II traversa Saint-Dié, Bruyères et essaya de dégager Nancy. Il reprit Lunéville et rallia à sa cause quelques seigneurs qui n'étaient pas pour lui. Mais ses ressources furent bientôt épuisées et il lui fallut retourner en Suisse chercher de nouveaux renforts. Il en revint avec des Alsaciens qu'il rassembla à Bâle, traversa Strasbourg, s'arrêta, le 20 août, à Sarrebourg et remit aux bourgeois une charte où il loue leur fidélité et où il les exempte de tailles pour l'avenir. Arrivé devant Nancy, il refoula les Bourguignons. Mais ce succès ne fut que passager. Charles le Téméraire vint surprendre le noble champion de la cause lorraine avec des troupes fraîches, qu'il amenait de Pont à Mousson, et le fit reculer.
On était en. octobre. L'armée ducale était découragée; ses mercenaires non payés ne voulaient plus se battre. Pour la troisième fois, l'intrépide René reprit le chemin de la Suisse, en promettant de revenir dans deux mois. N'était-ce pas tenter l'impossible ? La ténacité du duc et le souvenir de sa vaillance à Merat firent, de l'autre côté du Jura, une si heureuse impression que plusieurs centaines de volontaires vinrent se ranger sous ses ordres. A Noël, la petite troupe sortit de Bâle, et parvint à Saint-Dié, puis à Raon, à la fin de décembre. En même temps, des recrues d'Alsace arrivaient par Saverne et Sarrebourg. La jonction devait se faire à Hadonviller (Croismare). On sait que René conduisait la première de ces colonnes, car, de Bergarten (4), il expédia, le jeudi 2 janvier 1477, une lettre à Guillaume de Ribeaupierre, pour lui donner rendez-vous à Hadonviller. Le 3, il passait à Ogéviller, où les vivres firent défaut, parce que ce village venait d'être ravagé par les Bourguignons; le lendemain, il était à Hadonviller. On sait le reste. La bataille, engagée devant Nancy, le 5, se termina, le 6, par la déroute des Bourguignons et la mort de Charles le Téméraire.
On peut croire que le comte de Blâmont se départit alors de sa neutralité et envoya quelques hommes de renfort au vaillant duc de Lorraine, car, un mois après la campagne, celui-ci, accordant des récompenses aux seigneurs qui l'avaient secouru, n'oublia pas de concéder Fougerolles à la famille de Blâmont, en spécifiant que cette grâce lui était faite en retour de ses bons services. On sait, en outre, qu'Olry III, quatrième fils de Ferry de Blâmont, déjà damoiseau de René en 1470, passa le reste de sa vie à la Cour de Lorraine, revêtu de l'insigne dignité de sénéchal, puis de bailly de Nancy; jusqu'à sa mort, en 1489.
Famille de Ferry II
Le comte de Blâmont eut une nombreuse famille, où figurèrent huit enfants légitimes et deux bâtards. Ceux-ci, nommés, François et Gaspard, reçurent quelque part de l'héritage, mais moururent sans laisser de traces. Les quatre filles sont connues seulement par le testament de
leur aïeule, Marguerite de Lorraine, où se trouvent leurs noms : Marguerite, Alice, Agenon et Isabelle. Elles moururent, jeunes et sans être mariées. Les quatre fils moururent aussi, sans laisser de postérité; c'étaient : Claude, Louis, Guillaume et Olry III. Ce dernier, nous l'avons dit, eut quelque célébrité comme sénéchal et finit à la Cour de Lorraine, vers 1489. Guillaume disparut, vers 1496, sans qu'on en sache rien d'autre.
Pouvait-on croire qu'une maisonnée si bien fournie fût si proche de son extinction ? La cause d'une telle déchéance reste mystérieuse. En l'absence de toute indication positive, nous nous abstiendrons d'émettre la moindre supposition. Nous dirons pourtant que cette agonie d'une race dut attrister singulièrement le château de Blâmont, alors que retentissait de tous côtés, le bruit des fêtes somptueuses, mises à la mode par le luxe du Téméraire.
On ne. sait quand ni comment mourut la comtesse Marie de Vienne. Le comte Ferry II, valétudinaire et morose, prolongea son existence jusqu'en 1493, et mourut sans avoir rien accompli de remarquable.
3° Claude et Louis de Blâmont
CLAUDE, devenu comte après la mort de son père, ne fit que passer (1493-1496). On n'a de lui que son testament, reproduit par M. de Martimprey. Il fut rédigé en 1496, alors que le malade pressentait sa fin. La mort vint, en effet, peu de temps après. Suivant son désir, le comte fut inhumé à Blâmont, dans la chapelle Saint-Georges de la Collégiale. Il s'était marié, mais on ignore le nom et l'origine de sa femme. Il eut un fils, nommé aussi Claude, qui mourut en 1499, trop jeune pour porter le titre de comte.
LOUIS, frère du précédent, gouverna le comté de 1496 à 1503, avec le concours de son oncle, Olry II,' devenu évêque de Toul. Maladif comme son frère, il s'en tint aux actes de reprises obligatoires et de conservation pure et simple, en laissant à, son oncle le soin de toutes les affaires. Il mourut en décembre 1503 ou janvier 1504; Il avait épousé Bonne, fille de Claude de Neufchâtel et de Bonne de Boulay, qui ne lui donna pas d'enfant. Sa veuve se remaria avec Guillaume de Furstemberg.
4° Olry II, évêque de Toul, dernier comte de Blâmont :
Dignités ecclésiastiques d'Olry
Dernier survivant de la famille de Blâmont, Olry fut peu mêlé à la vie de notre région; mais, quelques détails s'imposent ici sur l'ensemble de sa brillante carrière. Voué de bonne heure à la cléricature, il alla conquérir à Paris ses grades universitaires, vers 1444. Il reçut, coup sur coup, plusieurs bénéfices ecclésiastiques, fut chanoine de Verdun, en 1456, obtint deux voix pour cet évêché, lors de l'élection de Guillaume de Haraucourt reçut les ordres sacrés, devint protonotaire du Saint-Siège et chanoine de Metz, en 1457, chanoine de Strasbourg, puis de Cologne. On a de sa mère, Marguerite de Lorraine, une lettre, qui recommande sa candidature à une stalle du chapitre de Saint-Dié, et qui promet « à ses chiers et grands amis (les chanoines de Saint-Dié), en retour du premier camail vacant, de soutenir leur église et leur personne ». L'évêque de Metz, Conrad de Boppart, étant mort en 1460, le jeune chanoine se met sur les rangs pour briguer sa succession. Il obtient treize voix contre seize abstentions, que motive un vice de forme étranger à ses mérites, Il espère que l'élection sera validée par le pape Pie II, mais elle est rejetée comme « clandestine, nulle, téméraire », et il y a menace d'excommunication, si ses partisans s'y obstinent. Au scrutin suivant, Olry est supplanté par Georges de Bade et il accuse encore sa déconvenue, cinq ans plus tard, en ajoutant à sa signature la mention : « Evesque eslu de Metz » (5).
Pourtant sa réputation grandit à la suite de cet incident. Le roi Louis XI discerne notre chanoine et lui réserve des faveurs signalées. Le 20 septembre 1470, il lui écrit pour le remercier des plaisirs qu'il a procurés à ses gens et le prier de venir près de lui, afin de régler certaines affaires pendantes, Olry va rejoindre le monarque à Tours, en reçoit un accueil gracieux, puis est avisé, le 28 novembre « que le puissant roy de France le nomme membre de son grand conseil avec tous les droits et honneurs attachés à cette charge; qu'en outre, par une faveur plus insigne et en reconnaissance des services rendus à la Royauté par lui et ses ancêtres, il lui permet d'ajouter à ses armes un petit écusson d'azur, chargé d'un lys d'or; qu'enfin il lui accorde une pension de cent livres tournois» (6).
En accordant ces honneurs, le diplomate rusé, qui gouvernait la France, cherchait à se faire des amis pour le jour attendu où il devait annexer à son royaume la cité touloise. Mais le duc de Lorraine caressait aussi le même projet. Entre les deux, Olry n'hésita guère. Aussi le verrons-nous fausser constamment compagnie à René II, dans sa lutte contre le Téméraire. Pourtant le duc victorieux fut sans rancune, et continua au chanoine sa bienveillance accoutumée.
En 1484, la nouvelle se l'épandit soudain que Georges de Bade mourait à Moyen. Déjà, bien âgé, Olry fut repris du désir de ceindre la mître et remit en mouvement tous les amis. qu'il avait gardés à Metz. Il ne comptait pas sur l'opposition qu'allait présenter le duc René, en proposant la candidature de Henri de Lorraine, fils du comte de Vaudémont, son cousin-germain. « Il y eut à ce sujet quelque difficulté, écrit Meurisse. La' plupart des chanoynes et bourgeois désiraient, avec une très grande passion, qu'un chanoyne, nommé Oulry de Blâmont, remplît cette
place; mais le duc de Lorrayne, ayant mis ses troupes sur pied avec le sénéchal de Bar, ils les fléchirent à porter leur voix sur Henri de Vaudémont, de quoy la ville témoigna un grand déplaisir. »
Comme consolation, Olry reçut les revenus de l'abbaye de Saint-Mansuy de Toul. Cette manière de traiter les affaires ecclésiastiques et le cumul des bénéfices étaient, on le voit, une grande plaie à cette époque.
Pourtant René sentait qu'à tout prix, il fallait détacher O1ry du roi de France et l'attirer à sa cause. Une occasion favorable se présenta. Le siège de Toul devint vacant, en mars 1498, par la mort de Jean Maradès. René fit pression sur les chanoines pour qu'ils élisent son protégé. Le vieillard fut ravi de revêtir enfin la dignité épiscopale. Il obtint ses bulles non sans difficultés, et entreprit d'administrer son immense diocèse. C'était un lourd fardeau pour un septuagénaire, obèse, impotent, presque toujours confiné dans son château de Mandres. Mais ce prélat, d'une ambition quelque peu naïve, sut s'entourer d'auxiliaires habiles, et de grandes choses s'accomplirent par ses soins. La discipline religieuse fut restaurée. Le portail de la Cathédrale de Toul, achevé après trois siècles, se vit enfin débarrassé de ses échafaudages. Hugues des Hazards, choisi comme coadjuteur, put préparer, pour la suite, les bases d'un épiscopat fécond.
On a dit - mais le propos est contestable - que, par reconnaissance, l'évêque Olry avait fourni 500 hommes et 4.000 florins au duc René II, pour l'aider à faire le siège de Metz. Il est vrai, tout au moins, qu'il le fit son héritier pour la totalité de ses biens, sauf à en garder l'usufruit, sa vie durant. Il rédigea dans ce sens un premier testament, le 3 octobre 1499, avec, l'assentiment de Louis, son petit-neveu. Quand celui-ci mourut, en 1503, l'évêque devint comte de Blâmont, le dernier de cette longue et illustre lignée. Il compléta son premier testament, le 14 mars 1504, puis, le reprenant une troisième fois, le 23 septembre 1505, il lui donna la forme définitive que nous a conservée D. Calmet (7). Il était temps. Le vieil évêque, âgé de 80 ans, s'éteignit doucement dans son château de Mandres, le 3 mai 1506, n'ayant plus conscience de ce qui se passait autour de lui. Dans son testament, il demandait d'être inhumé devant le grand autel de l'église de Deneuvre, laissait au duc de Lorraine tous les biens de sa famille. faisait diverses fondations pour les églises et les pauvres, réservait mille écus d'or à ceux qui « de droit, us et coutumes» auraient dû être ses héritiers, et désignait, pour exécuteurs de ses volontés, Hugues des Hazards, Didier de Bistroff, son. vicaire, Gaspard d'Haussonville, bailli de son évêché et Nicolas Thierry, son secrétaire.
On remplit tous ses désirs et, en particulier, on transporta ses restes à Deneuvre avec de grands honneurs. Son mausolée se voyait encore dans l'église, à la fin du XVIIIe siècle. Une statue qui le représentait en
faisait l'ornement. Elle était, dit D. Calmet, d'une grosseur non commune. La Révolution dispersa ces pierres, qu'on retrouva plus tard, servant de bornes dans la campagne.
Avec Olry, comte et prélat, disparaissait à tout jamais l'illustre et puissante Maison des sires et comtes de Blâmont.
Cliché Bernhardt
Armoiries de
Baccarat - Deneuvre
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QUATRIEME PARTIE
Les autres Seigneuries voisines
I
Le Pays des Baronnies
1° Eléments des Baronnies :
La Seigneurie de Châtillon
Ce que nous appelons Pays des Baronnies est vraiment en marge du Blâmontois, mais nous lui donnons une place dans notre cadre, à cause de ses nombreux rapports avec notre région. Son nom de baronnie lui vint de ses fondateurs, les sires d'Haussonville, créés barons au XVe siècle. Comme nous connaissons déjà les éléments dont ils formèrent leur seigneurie, nous indiquerons seulement les phases de leurs achats successifs.
Leur première acquisition porta sur Châtillon. On se rappelle que Henri Ier de Blâmont en fut le fondateur, en 1314,et que ses possesseurs, après lui, furent Adélaïde de Blâmont, femme du comte d'Ernstein (partage de 1334), Jean III, puis Jean IV de Salm (achats de 1352 et 1363), enfin Jean III de Vergy (8) (achat de 1384). Cette dernière transaction étonne quelque peu; Comment un descendant de Salm songeait-il à se défaire d'une région si unie à l'héritage de ses aïeux ? Quel motif, d'autre part, attirait dans ces solitudes sauvages. un allié des ducs de Bourgogne, un grand seigneur qui s'intitulait sire de Vergy, Champlitte, Port-sur-Saône, etc ?Ce nouveau possesseur était d'ailleurs un adversaire de la famille de Blâmont qui avait participé aux sièges de Vellexon et d'Oricourt rapportés plus haut et dont le fils devait, peu après, prendre les armes contre elle, à propos de la succession de Fénétrange.
Si Jean III ne vint jamais à Châtillon, Antoine, son second fils, ne cessa d'y résider depuis 1390 jusqu'en 1408 environ. C'est alors que celui-ci fit acte d'hostilité contre Henri IV de Blâmont, en entrant dans la conjuration de 1391, ourdie par tous les partisans des sires de Fénétrange. Un premier accord, conclu à Lagarde (1392), apaisa une partie du conflit; les sujets de Châtillon, qui étaient passés au comte de Blâmont et réciproquement, furent rendus à leur seigneur respectif et l'étang de Cresson fut laissé au comte de Blâmont (9). Un autre traité (1408) affermit l'entente, en stipulant que Cirey et Bonmoutier seraient désormais communs aux deux seigneurs (10). Dès lors, l'amitié des deux voisins ne fut plus troublée.
Nous devons ajouter qu'au sortir de ses montagnes, Antoine de Vergy eut à courir dans le monde des aventures assez glorieuses. On le vit, sous le nom de sire de Châtillon en Vôge, Champlitte, Dommartin, Rigny et Frolois, servir de chambellan à Charles VI de Champagne, puis devenir capitaine aux ordres de Bourgogne. Il était à Montereau, le 10 septembre 1419. Il fut nommé maréchal de France par le roi d' Angleterre (1421), établi gardien des duchés de Bourgogne et de Charolais (1423), gouverneur des comtés de Champagne et de Brie, de la ville de Langres (1427), chevalier de la Toison d'Or (1430). Avec son neveu, il vint au secours de Chappes, assiégé par René d'Anjou, prit part à la bataille de, Bulgnéville contre le même René d'Anjou. Il mourut de maladie, le 29 octobre 1439, et fut inhumé dans la collégiale de Champlitte, fondée par lui en 1437. Marié à Jeanne de Rigny-sur-Saône, il ne laissa pas de postérité.
C'est au cours de ses expéditions qu'il rencontra Jean d'Haussonville et lui vendit ses domaines de la Vôge. Les conditions de ce marché nous échappent. Toutefois nous connaissons deux arrangements avec Thiébaut de Blâmont qui nous en donnent quelque idée. Nous avons rapporté, plus haut, celui de 1430, qui régla le sort de Halloville et de Harbouey (11). Celui de 1427 sera relatif à Hattigny.
La. Seigneurie de Hattigny
Hattigny eut sa petite seigneurie, dès le XIIIe siècle. En 1263, apparaissent Wiric et son fils Mathieu, qui sont probablement les fondateurs (12) du modeste fief. En 1314, Mathe1et, chevalier, est arbitre dans le partage des bois de Turquestein. Il a une fille, Alix. ou Aulix, qui épousera Fourque de Montbey, dit de Montengney (Montigny). Ainsi Hattigny passera-t-il à Montigny, du moins en partie. L'héritier de ces derniers sera Jehan, dit Bezanche, père de Perrin Bezanche et de Liétard. Perrin sera citain de Metz et se retrouvera, comme voué de Clémery, Loisy, Atton (13) et comme seigneur de Hattigny, faisant ses reprises vis-à-vis de Thiébaut II de Blâmont (1422). Les possessions qu'il énumère dans cet acte sont assez étendues : la forte Maison de Hattigny et ses appartenances mouvant de Turquestein, la forte Maison de Montigny, la ville de Saint-Maurice, mouvant de Blâmont, et la vouerie de Bonmoutier (14).Mais il mourra vers 1460, sans héritier, et laissera son avoir de Montigny et Saint-Maurice à Bertrand de Liocourt.
L'autre partie de Hattigny, qui n'entrait pas dans l'apanage de Perrin, était tombée aux mains d'Antoine de Vergy et fut comprise dans la vente de 1427, mais elle était mal délimitée. Dans un accord amiable, Thiébaut de Blâmont et Jean d'Haussonville fixèrent ces limites, l'année même. Ainsi Hattigny, dans la majeure partie de son territoire, fut annexé aux Baronnies.
La Seigneurie.de Turquestein
Nous ne reviendrons pas sur un passé connu. Jusque vers 1344, les évêques de Metz ne songent pas à aliéner cette forteresse de leur Temporel. Mais, sous la pression de Jean de Bohême, un accord conclu entre le duc Raoul et l'évêque Adhémar provoque, entre autres combinaisons, l'échange de Turquestein contre Moyen et Rambervillers. Le duc devient ainsi, sauf réachat, maître de Turquestein. Dans le traité sont énumérés tous les lieux qui composent la seigneurie :le château et ses dépendances, Lorquin, Landange, Aspach, Saint-Quirin, Heille, Vasperviller, Xouaxange, Hermelange, Vilre (Courtegain), Giversin (Guerfin), Rammerspach, une partie de Petitmont, Bonmoutier, Cirey, Vala (Val), Hattigny, Niederhoff, Varcoville (La Neuve-Grange), Mesnil-les-Halloville et l'avocatie du prieuré de Saint-Quirîn (15).
Bientôt après (9 août 1346), le duc Raoul eut à récompenser Thiébaut de Blâmont. Il lui parut opportun de lui rétrocéder Turquestein, à charge de foi et hommage vis-à-vis de lui et sous réserve d'un réachat, qui
Cliché du « .Pays Lorrain»
LES RUINES DE TURQUESTEIN EN 1884
(D'après une sépia de la Bibliothèque publique de Nancy)
serait porté à 2.000 livres de petits tournois. Pendant quatre-vingts ans environ, la seigneurie resta ainsi sous l'autorité des comtes de Blâmont, malgré plusieurs essais de réachat que les évêques ne purent exécuter. C'est pour l'administrer que les comtes y établirent leur écuyer, Hartung, dit de Turquestein (16). Celui-ci, marié à Isabelle de Brouville, eut deux fils : Hamis et Vary, tous deux écuyers au château de Blâmont et dits sires de Turquestein, Parux et Brouville. Vary, seul marié; eut pour fils Geoffroy, qui recueillit les héritages de Parux et de Brouville.
La seigneurie de. Turquestein fut loin de prospérer, pendant la gestion de ces maîtres d' emprunt. Elle fut même tellement délabrée, en 1432, lorsque l'évêque Conrad de Boppart se proposa de la racheter, que le découragement s'empara du prélat et le poussa à délaisser pour toujours un fief que son Eglise possédait depuis cinq siècles. Alors Jean d'Haussonville se présenta.et offrit la somme nécessaire : 6.200 florins du Rhin, pour désintéresser la famille de Blâmont (17) et une autre somme pour l'évêque. Le marché conclu en 1433, en la présence de Jacques d'Haussonville et de Jacques de Savigny, fils et gendre de l'acheteur, permit à ce dernier d'unir Turquestein à Châtillon. Ajoutons, pour être complet, qu'à Turquestein avaient été unis des domaines considérables, situés autour de Réchicourt-le-Château, que Wecker. de Linange et Mahaut des Armoises, sa femme, avaient légués à l'évêque de Metz, le 16 août 1430 : Tout cet ensemble donnait à.la baronnie une grande importance.
2° Les barons d'Haussonville dans la Vôge
Nous n'avons pas à faire l'histoire de l'importante famille d'Haussonville (18), nous nous bornons à exposer son rôle dans la Vôge.
Jean II, notre héros, était le fils de Jean Ier et d'Alix de Chambley. Le père et le fils furent très mêlés aux affaires de Lorraine et obtinrent la dignité de sénéchal. Le premier fut longtemps attaché au parti bourguignon. Le second, devenu fort riche, fut très lié au duc Charles III et l'accompagna dans son expédition en Allemagne. Il en revint avec le titre de baron. De nombreuses relations avec Conrad de Boppart, évêque de Metz, permirent à ce seigneur d'entrer dans l'intimité du prélat et lui facilitèrent ses achats avantageux dans la Vôge.
Le but de ces acquisitions lointaines, qu'il n'était pas question d'habiter, se devine à peine : fantaisie de grand chasseur ou désir d'un gain
LUNÉVILLE : D'or à la bande d'azur; chargé de trois croissants montant d'argent..
PARROY : De gueules à la bordure engrélée d'azur, chargé de trois lions d'or.
CHAMBLEY : De sable à la croix d'argent, cantonné de quatre fleurs de lys d'or.
HAUSSONVILLE : D'or à la croix de gueules frettée d'argent.
Du CHATELET : D'azur à la bande de gueules chargée de trois lys d'argent.
pouvant être réalisé par la vente du bois, peu importe. Les marchés furent effectués entre 1384 et 1435.
Jean II résidait habituellement au château d'Haussonville, tout près de la collégiale qu'il avait fondée. On ne le vit dans le pays des baronnies que pour l'organiser et en tirer les revenus. On sait qu'il fut à Bulgnéville, dans le camp de René d'Anjou, bien qu'il ait manifesté auparavant de la répugnance à prêter serment d'obéissance à un prince qu'il regardait comme un étranger. Sa conduite lui fit peu d'honneur en cette journée, puisqu'il prit la fuite au premier choc, de même que le trop fameux Damoiseau de Commercy. Mais cette faute fut noblement réparée dans la suite, quand, entré dans le Conseil de Régence, il s'employa de son mieux à faire cesser la captivité du duc. Il dut mourir en 1445 (19).
Marié deux fois, il eut de Catherine de Châtel trois enfants, dont aucun n'intéresse notre histoire, et d'Ermenson d'Autel, dite aussi Irmengarde d'EIten, deux fils et deux filles dont les noms suivent : Ermenson, épouse de Ferry de Savigny, bailli de Vosges; Yolande, mariée 1° à Jean de Luxembourg; 2° à Jean de Toulon, sieur de Narcy; Gaspard; marié à Marguerite d'Haraucourt, mort sans postérité; Balthazar, le continuateur de la famille, avec le titre de baron d'Haussonville, Turquestein et Tonnoy, mêlé plus intimement aux affaires de la Vôge
Ce dernier eut pour précepteur Don Saretor, curé de Lorquin, et il acheva ses études à l'Université de Heidelberg. Sa femme, Jeanne d'Anglure, lui donna six enfants, qui tous firent grand honneur à leur famille. Georges fut prieur de Saint-Quirin, abbé de Moyenmoutier, de Saint-Clément de Metz, puis vicaire général de Metz, en 1528. Claude fut évêque dé Sisteron et mourut en 1591. Jeanne mourut religieuse à Saint-Clément de Metz, en 1521.Gaspad, l'aîné, fut bailli de l'évêché de Toul, au temps de l'évêque Olry, puis bailli de Nancy sous le duc Antoine (1529), enfin gouverneur de Blâmont. Il épousa Eve, fille de Henri de Ligniville et de Marguerite Wyse de Gerbéviller, et eut d'elle trois filles : Anne, mariée en 1539, à Georges de Nettancourt; Marguerite, mariée 1° à, Claude de Beauveau (1541) et 2° à Jean du Châtelet; Renée, mariée 1° à François de Boves, 2° à Philippe de Salles, 3° à Jean de Belin. Simon, marié à Marguerite de Landres, ne quitta pas Haussonville et laissa, en mourant, un fils, Claude, chef d'une branche latérale de la famille. Jean III, sénéchal de Lorraine et de Metz, fut plus spécialement chargé de la baronnie de Vôge, non encore partagée. Marié d'abord à Marguerite d'Haraucourt, morte en 1519, il convola en secondes noces (1535) avec Catherine de Heu, dame d'Essey, et mourut en 1545. Les enfants de ce dernier mariage furent : Balthazar, Claude, mariée à Gaspard de Marcossey, et Jeanne, mariée à Jean de Savigny. Les partages successifs et compliqués de cet apanage produisirent les trois baronnies dont l'histoire a rempli le XVIe siècle.
Cliché du « Pays Lorrain»
La tour du château de Pierre-Percée en 1829
(D'après une sépia de la Bibliothèque publique de Nancy.)
Il
Seigneuries de Pierre-Percée et de l'Ober-Salm
Bien que différentes et éloignées l'une de l'autre, ces deux seigneuries, restées en la possession des héritiers de Salm, eurent à peu près le même sort entre les mains de cadets de famille ou de châtelains gérant leurs intérêts.
Leur destinée; par là même, fut modeste et n'est pas comparable à celle des possessions revenant aux ainés dans les pays de Castres, de Morhange et de Fénétrange. Cependant nos annales blâmontoises nous ont montré quelques comtes qui, sans, résider habituellement ont fait plus qu'apparaître dans les deux châteaux. L'un d'eux fut Jean IV de Salm, marié à Marguerite de Blâmont. On le vit réunir, sous ses ordres, Pierre-Percée, l'Ober-Salm et Châtillon : Il acquit ensuite, en 1363, près de Rodolphe de Habsbourg; les villages de Frémonville, Imling, Hattigny, Harbouey. Peut-être voulait-il se faire un petit Etat dans ces parages; quand il fut tué à Ligny (1368). Sa veuve, la Dame de Puttelange, garda Châtillon, dans son douaire. Son fils, Jean V, adversaire obstiné de Henri IV de Blâmont dans l'affaire de la succession de Fénétrange, laissa Châtillon à Jean de Vergy (1384) et garda Pierre-Percée et l'Ober-Salm. Mais, en 1410, il engagea le quart de ces deux châteaux à Philippe de Norroy et il aurait pu les perdre totalement, si un. mariage opportun ne les avait fait rentrer dans l'héritage de Salm (20). C'est ce Jean V, personnage le plus réputé de la Cour de Charles II, qui fut marié trois fois : en 1403, avec Guillemette de Vergy, morte, en 1412,
sans postérité; en 1413, avec Hidelmande de Frize, morte en laissant deux enfants : Simon, tige des Rhingraffs, et Marguerite; en 1426, avec Jeanne de Joinville, veuve de Henri d'Ogéviller, qui laissa Jean VI de Salm, tige de la branche cadette de Salm, et Henry, qui hérita de la seigneurie de Domremy, avec sa soeur utérine, Béatrix : d'Ogéviller.
Pierre-Percée, l'Ober-Salm et une partie de Badonviller passèrent ainsi dans l'apanage des Rhingraffs ou comtes sauvages du Rhin et y restèrent jusqu'au XVIIe siècle. Avec le temps, ce petit Etat s'était accru de parcelles diverses acquises sur les bans de Pexonne, Fenneviller, Sainte-Pôle, Couvay, Pettonville et Ogéviller. Le château d'Ogéviller était lui-même en majeure partie une possession de cette famille allemande.
Retable d'autel (XVIe siècle) provenant d'une église de Badonviller donné par la ville de Nancy au Musée Lorrain
III
Seigneurie de Parux
1° Les premiers Maîtres
Les francs-alleux n'étaient pas rares, au XIIe siècle, dans la région blâmontaise. L'un d'eux occupait les pentes déboisées de nos contreforts vosgiens, à distance presque égale entre Pierre-Percée et.. Blâmont. Il dut être attribué à Hermann III de Salm, fils aîné d'Hermann et d'Agnès de Langstein, dont on sait le mariage avec Mathilde de Parroy. A ce mariage, qui fut de courte durée, remonte, semble-t-il, la formation première de la seigneurie de Parux. Son nom a gardé le souvenir de celle qui s'en est occupée plus longtemps. Car Parux et Parroy sont deux noms identiques, comme le prouvent les anciennes formes de ce mot : Parru, Parroye, également usitées pour ces deux lieux (21).
La création nouvelle végéta longuement dans une obscurité profonde. Cependant on devine qu'elle est possédée par la famille de Parroy. En 1258, André de Blâmont, chevalier, abandonne à Haute-Seille sa part de dîmes « sur le ban de ses villes de Parru » (in banno nostrarum villarum de Parru). Il était marié à Mahaut et eut une fille, Dracelent, et trois fils, Gérard, Thierry et Vary. Une étude attentive des textes nous apprend que cet André appartient en réalité à la famille de Parroy et qu'il est même la tige d'une branche cadette de cette dynastie. Il n'est plus en 1263, mais il a organisé Parux comme Parroy, en y formant deux sections, dites Haute et Basse, dans les deux endroits. Gérard, son premier fils, qui vit à Saint-Sauveur, apparaît en 1254 et en 1264 et passe pour un membre de la famille de Parroy (22).
Après un demi-siècle de silence, la dynastie de Parux revient sur la scène. Un autre André (Andruynus dictus de Parru) est fort mêlé aux affaires du Blâmontois avec Liétard de Brouville. Tous deux apposent leur signature à des actes de 1306 et de 1314 (23). C'est le même qui, sous le nom d'André de Parroy, avec sa femme Margarheta, vend, en 1311, aux religieuses de Vergaville, des terres appartenant à la dite Margarheta et situées sur les bans de Vergaville, Gundersdorff et Zuzelange.
Rapproché d'une autre vente faite, en 1312, par les héritiers de Jacques d'Herbéviller, ce document nous apprend qu'André de Parux ou de Parroy et Jacques d'Herbéviller avaient épousé deux soeurs, originaires.de Vergaville. On voit aussi André de Parroy fréquenter le château de Brouville; nul doute qu'il n'ait séjourné longtemps dans ses domaines de Parux. Cependant il fut inhumé à Beaupré, où les comtes de Lunéville avaient leur sépulture. Son épitaphe rappelle qu'il descend, en ligne droite, des comtes de Metz-Lunéville-Dachsbourg (1343) (24).
2° Nouveaux Maîtres de la Seigneurie au XVe siècle
A partir de 1400, notre seigneurie (Haute et Basse-Parux) se voit aux mains des seigneurs de Brouville. Nous ignorons tout de l'arrangement, contrat ou mariage, qui opéra le changement de maîtres, et nous ajoutons que ce. ne fut pas pour longtemps. Car l'héritage de Brouville, réuni sur la tête d'Isabelle, héritière unique d'une famille qui avait compté tant de rejetons, fut apporté, en dot, à Hartung de Turquestein, mari de cette dernière. Nous connaissons cet écuyer, placé par le comte de Blâmont à la tête de la seigneurie messine qui lui était cédée en gage. Son mariage avec Isabelle de Brouville avait eu lieu vers 1389. Quelle fut la résidence préférée dé ce couple ? Rien ne l'indique. On connait néanmoins ses deux fils, Vary et Hanus, écuyers à la Cour de Blâmont, portant tous deux le titre de sire de Turquestein, Parux et Brouville.
Vary seul se maria et laissa un fils, Geoffroy, que D. Calmet nous présente comme un seigneur puissant, mais que H. Lepage, mieux informé, dénonce comme turbulent, batailleur et criblé de dettes. Quand il mourut, en 1490, ses créanciers détenaient la majeure partie de sa fortune, en particulier une maison, qu'il avait à Blâmont ; Marguerite de Lorraine, veuve de Thiébaut II, avait, par engagement, depuis 1460, plusieurs de ses terres situées à Parux et à Harbouey; le réachat ne fut jamais fait et les terres, laissées pour compte, devinrent la propriété d'Olry II (1469) ou de Haute-Seille (25).
Marié à Isabelle de Sampigny, Geoffroy n'eut qu'une fille, Isabelle,
qui épousa Vary de Lützelbourg (et non Luxembourg, comme l'écrit Lepage). Parux et Brouville furent ainsi, après 1490, fondus dans le riche apanage de Vary, comprenant Lützelbourg, Fléville et quantité d'autres lieux.
Arrière petit-fils de Frédéric de Lützelbourg et fils d'Egenolfe ou d'Adolphe, sieur de Fléville, bailli de l'évêché de Metz, qui avait épousé, en 1494., N. de Haranges, Vary se rendit célèbre à la Cour de René II et fut un bienfaiteur pour Parux et Brouville (26). Mais il n'eut pas d'enfant d'Isabelle et, après la mort de celle-ci, ce qui faisait partie de sa dot eut un sort qu'il est difficile de suivre. Parux fut acheté par un comte de Salm, avant 1599, et fut incorporé au comté de Salm par François de Vaudémont.
Devenu veuf, Vary se remaria à Béatrix de Germiny et en eut un fils, Nicolas, qui épousa, plus tard, Marguerite de Lucy, fille du sieur de Dombasle. De leur union naquirent quatre filles, et ainsi périt le nom de Lützelbourg.
A la mort de Vary (1525), la famille de Ludres recueillit la plus grande partie de son avoir et la transmit à Henri II de Beauveau, en 1613, et à Henri III, en 1643.
Avec des maîtres si souvent absents de leur domaine, la seigneurie de Parux ne pouvait que végéter. On sait que la Haute-Parux, la plus étendue, avait un étang, un moulin et des terres s'étendant vers Harbouey, qui ont conservé le nom de cense de Fléville. L'église y était dédiée à saint Hubert. Quelques maisons de bûcherons l'entouraient. La résidence seigneuriale n'avait qu'une apparence vulgaire, quoiqu'elle fût plus vaste que les maisons voisines. Le ruisseau, qui coulait un peu plus bas, servait de limite entre les deux La Basse-Parux avait aussi son étang, son moulin, ses prés et ses forêts. Chaque portion eut sa justice, haute, moyenne, basse. Les usages féodaux des premiers temps y subsistaient encore à la fin du XVe siècle, Comme l'atteste la charte d'affranchissement, accordée, en 1494, par Vary de Lützelbourg (27). Les manants de ce lieu et ceux de Turquestein étaient les derniers, dans ces parages, à subir encore les rigueurs du servage antique et c'est avec quelque tristesse qu'il nous faut lire dans la charte cette courte réflexion : « La seigneurie n'a que cinq habitants et elle ne se peuple pas, à cause de la dure condition faite aux serfs. »
(A suivre)
(1) On nommait Entrecours les territoires situés entre les lieux relevant du temporel évêchois et ceux qui appartenaient au comté ou à une seigneurie voisine; ainsi : Reherrey, Brouville, Vaxainville, Hablainville, Bertrambois, Lafrimbole, etc... Le contremand, sorte de droit d'option laissé aux époux venant de seigneuries diverses, permettait à ceux-ci de choisir, dans un délai fixé, la seigneurie à laquelle ils voulaient appartenir. Pour cela, certaines cérémonies extérieures étaient à remplir. (B. 580-93, 644--15.)
(2) Du Fourny, t. X, p. 211. - B. 577-68 et 80.
(3) La partie mouvante de Lorraine était : Azerailles, Saint-Clément, Domjevin, Gogney, Verdenal; Chazelles, Igney, Halloville, la vouerie de Domèvre, le moulin neuf, le bois de Voile et le Haut-Bois, près d'Ibigny.
(4) Château de Beauregard, situé au-dessus de Raon-l'Etape,
(5) E. MARTIN : Histoire du diocèse de Toul et. de Nancy, t. I, p. 541.
(6) MEURISSE : Histoire des évêques de Metz, p, 594; - C'est en souvenir d'Olry que la ville de Deneuvre introduisit dans ses armes le petit écu mentionné plus haut.
(7) D. CALMET : Preuves de l'Histoire de Lorraine. - DE MARTIMPREY : Op. cit.
(8) Nous avons relaté plus haut la généalogie de Jean III de Vergy, surnommé le Grand, d'après DUCHESNE : Histoire de la Maison de Vergy, et P. ANSELME : Histoire de la Bourgogne, VII, p. 35. Les armoiries de Vergy étaient : de gueules à trois quintefeuilles d'or, posées 2 et 1.
(9) B. 575-177.
(10) B. 576-18.
(11) M.S.A.L, 1886, p. 189. B. 576-48-49.
(12) CHATTON : Histoire de Saint-Sauveur, p. 61.
(13) H. LEPAGE : Communes : Atton, I, p. 53.
(14) B. 345-18-1 9.
(15) B.. 575-101.
(16) Cet écuyer eut qualité de noblesse, avec les armoiries suivantes : écu de gueules, chargé d'une étoile à six rayons d'or, qui semblent indiquer qu'il était de Cirey.
(17) Marguerite, veuve de Thiébaut, préleva sur cette somme 4.500 florins qu'elle offrit à la duchesse pour payer la rançon de René d'Anjou.
(18) On peut consulter pour cette histoire : D. PELLETIER : Nobiliaire de Lorraine; P. HUGO :Généalogie d'Haussonville, citée par D. Calmet; LEPAGE : Communes de la Meurthe; Ch. PFISTER : Histoire de Nancy, H, p. 633; M.S.A.L., 1851, P. 306 ; 1868, p. 300; 1886, p. 145; B.S.A.L., 1925, p. 27 -1927, p. 85.
(19) Voir son épitaphe mortuaire dans B.S.A.L, 1925, p.44.
(20) L'occupation de Pierre-Percée par le comte de Blâmont dans cette circonstance fut courte, mais effective, puisqu'il y mit. un de ses hommes-liges et qu'il fit construire à Badonviller, pour un autre intendant, une maison forte qui a gardé le nom de Château de famine.
(21) Un ancien document, relatif à un champ d'Ancerviller, le situe sur le ruz de Parroye; c'est le ruisseau de Parux, tributaires du Vacon. (Communication de M. l'abbé Gérardin.)
(22) CHATTON : Histoire de Saint-Sauveur, p. 82.
(23) DUFOURNY : Inventaire; III, p. 13 et 37.
(24) D. PELLETIER : Nobiliaire de Lorraine. Les armoiries de Parux, à cette époque, furent sans doute celles de Parroy, à savoir : écu de gueules à trois lions d'or, :2 et 1, à la bordure engrelée d'azur.
(25) DE MARTIMPREY : Notice sur Haute-Seille, p. 261. -.E. AMBROISE : B.S.A.L, 1914, p. 10, 18.
(26) Les armoiries de Lützelhourg étaient ; d'argent au lion de gueules. couronné d'or, le lion tourné à droite.
(27) On trouve les curieuses dispositions de cette charte, transcrite par H. LEPAGE, dans les communes de la Meurthe, art. Parux, II, P. 270.
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