NOTRE-DAME DES ERMITES
A AVRICOURT
La chapelle dédiée à Notre-Dame
des Ermites au village d'Avricourt, n'est pas un but de
pèlerinage attitré; cependant elle reçoit bien des visiteurs qui
s'y rendent avec la pensée d'invoquer ici la Madone vénérée à
Einsiedeln, en Suisse.
Dans cette portion extrême du Blâmontois, les pratiques
religieuses s'inspirent plutôt des traditions messines, puisque
ce pays fit partie du diocèse de Metz jusqu'au Concordat et
qu'après la paix de 1871, il lui fut de nouveau rattaché. Les
pèlerinages de celle région s'acheminent vers Saint-UIrich,
Saint-Quirin, Sainte-Odile, plutôt que vers
Saint-Nicolas-de-Port, Notre-Dame de Sion, ou Notre-Dame de
Bon-Secours. Quant à Notre-Dame des Ermites, en Suisse, c'est le
pèlerinage par excellence. Au temps jadis, on se nommait, par
les villages, les intrépides, hommes ou femmes, qui l'avaient
accompli par longues étapes, une fois, plusieurs fois même dans
leur vie. Alors, quelle matière à récits étonnants, quel thème à
broderies pour le grand renom de la Madone lointaine !
C'est un pèlerinage de ce genre et une grâce obtenue par
l'invocation de Notre-Darne des Ermites qui sont à l'origine de
la chapelle d'Avricourt. C'était vers 1748. Un marchand, nommé
Joseph-Nicolas Deviot, homme pieux et probe, exerçait à
Avricourt un commerce prospère. Une famille juive, établie en
face, devint jalouse de ses succès et résolut de le dépouiller.
Un soir donc, plusieurs membres de cette famille se glissèrent
dans sa demeure, envahirent sa chambre, quand ils le crurent
endormi, et essayèrent de l'étouffer dans son lit. impuissant à
se défendre, Deviot se crut perdu. II adressa aussitôt une
ardente prière à Notre-Dame des Ermites et promit de lui ériger
une chapelle dans son jardin de la Barre, si elle le tirait du
danger. Comme il faisait ce voeu, ses agresseurs tentaient un
nouvel effort pour le serrer plus vigoureusement. Or ce
mouvement le sauva; sa tête passa entre les traverses du lit et
il put respirer; il demeura dès lors immobile, comme s'il était
mort. Les malfaiteurs, ainsi trompés, se hâtèrent d'emporter ce
qui leur convenait et regagnèrent leur logis; on en fit justice.
Le marchand n'oublia pas sa promesse et, en 1749, il fit
construire la chapelle qui se voit encore aujourd'hui; il y
plaça une statue qui reproduit l'image d'Einsiedeln: Vierge
noire, portant l'enfant sur son bras, et habillée de l'ample
manteau brodé.
Il faut avouer que cette chapelle fut, pour son fondateur,
l'occasion de plusieurs désagréments. Le XVIIIe siècle, on le
sait, abondait en chicanes, L'autorisation d'y célébrer la messe
fut d'abord accordée. puis retirée. Deviot vit sa chapelle
classée comme oratoire domestique, mais interdite à tout culte
public; il fallut se soumettre. La Révolution mit fin à ces
démêlés, mais fit à l'édifice un sort plus funeste, en le
déclarant bien national et en y installant une Salpetrière pour
les besoins de l'armée. Les frères Baltz y distillèrent des
Salins jusqu'en 1795. Le bâtiment inoccupé fut vendu en 1811.
Mais l'acquéreur eut la bonne pensée de lui rendre sa première
destination, il le restaura et en fit don à la fabrique
paroissiale. La faveur de l'autorité ecclésiastique et
l'empressement des fidèles revinrent sans peine à un lieu qui
gardait un souvenir religieux. On prit l'habitude de s'y rendre
en procession, aux Rogations et à l'Assomption, et la Messe y
fut célébrée pour des intentions particulières.
Nous ne dirons pas que ce sanctuaire attire des foules ou voit
des solennités imposantes ; il reçoit cependant de fréquentes
visites. Les fidèles y apportent. des demandes ou des
remerciements. Leur passage est discret; il édifie par sa
spontanéité et son recueillement. On n'en attend pas plus d'un
petit pèlerinage. Que les âmes pieuses lui gardent leur faveur,
à défaut de pèlerinages lointains, difficiles à entreprendre.
Que Notre-Dame des Ermites reste secourable aux bonnes gens d'Avricourt
!
(à suivre)
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