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Crimes allemands - 1914
 


JOURNAL DES INSTITUTEURS
N° 30 - 25 avril 1915


LA MENTALITE DES ALLEMANDS
QUATRIÈME ARTICLE.
Leurs propres aveux. - Ce que révèlent les correspondances allemandes. - Esprit de destruction. - Incendies. Vols et pillages. - Massacres de civils et de blessés militaires.

Comme nous l'avons dit dans notre article précédent, nous ne pouvons publier les documents contenus dans les rapports des diverses commissions d'enquête. Mais comme nous entendons qu'on ne puisse nous taxer d'exagération et prétendre que c'est sans preuves certaines que nous avons accusé les Allemands de barbarie, nous nous proposons de reproduire un certain nombre d'écrits, signés et publiés par les Allemands eux-mêmes, prouvant d'une façon certaine et indiscutable l'exactitude des accusations portées contre eux.
Pour faire cette preuve, nous n'éprouvons aucun embarras ; nous n'avons qu'à faire un choix dans la masse énorme des correspondances allemandes qui sont tombées entre nos mains : lettres de bourgeois, d'ouvriers, de négociants, de professeurs, d'artistes, où toutes les classes, tous les métiers, tous les milieux livrent le secret de leur pensée. Descriptions d'incendies allumés de sang-froid; satisfaction non dissimulée en face des ruines accumulées à plaisir ; folie furieuse de buveurs de bière exaspérés ; gloutonnerie de pillards heureux de se gaver sans payer; pédantesque cruauté de massacreurs à froid, qui cherchent dans la philosophie de la guerre la justification de monstruosités inutiles : voilà ce qu'on trouve dans les correspondances allemandes.
Un soldat allemand, Paul Glaède, du 9e bataillon de pionniers, 9e corps, écrit ce qui suit :
«  12 août 4914, en Belgique. - On se fait une idée de l'état de fureur de nos soldats, quand on voit les villages détruits. Plus une maison intacte. Tout ce qui peut se manger est réquisitionné par des soldats non commandés. On a vu plusieurs monceaux d'hommes et de femmes exécutés sans jugement. De petits porcs couraient à l'entour, cherchant leur mère. Des chiens à la chaîne n'avaient rien à manger ni à boire, et les maisons brûlaient au-dessus d'eux. Mais, à côté de la juste colère de nos soldats, grandit aussi un pur vandalisme. En des villages déjà absolument vides, ils dressent à leur plaisir le coq rouge (l'incendie) sur les maisons.-Les habitants me font peine. S'ils emploient des armes déloyales, ils ne font, après tout, que défendre leur patrie. Les atrocités que ces bourgeois ont commises ou commettent sont, en tout cas, bien vengées. Les mutilations de blessés sont à l'ordre du jour ».
Les incendies sont, de la part des Allemands, l'objet d'une véritable prédilection. Le soldat Sébastien Reischaupt, du 1er d'infanterie bavarois, raconte gaiement les incendies, comme une partie de plaisir :
«  Parux (Meurthe-et-Moselle) est le premier village que nous ayons brûlé. Après, la danse commença, et les autres villages furent incendiés l'un après l'autre. Par prés et par champs, nous fûmes à bicyclette jusqu'à des fossés au bord de la route, et là nous mangeâmes des cerises. »
Un officier saxon du 178e régiment, 1er corps, écrit le 26 août :
«  L'admirable village de Gué-d'Hossus a été livré à l'incendie, bien qu'innocent, à ce qu'il me semble. On me dit qu'un cycliste est tombé de sa machine, et que, dans sa chute, son fusil est parti tout seul ; alors on a fait feu dans sa direction. Là-dessus, on a tout simplement jeté des habitants mâles dans les flammes. »
Le soldat Hassamer, du 8e corps, écrit le 3 septembre :
«  Sommepy (Marne). - Horrible carnage. Le village brûle jusqu'à ras du sol, les Français jetés dans les maisons en flammes, les civils et tout brûlent ensemble. »
Quant au pillage, il a été organisé méthodiquement en Belgique et dans le nord de la France; un publiciste allemand, Ludwig Ganghofer, l'avoue du reste cyniquement dans les Nouvelles de Munich :
«  Tout le travail s'accomplit en vertu d'un principe : Faire venir le moins possible d'Allemagne pour les besoins de l'armée; tirer le plus possible du pays ennemi conquis; et tout ce qui ne peut être utilisé au pays, le faire passer en Allemagne. Pendant trois mois, il a été pourvu aux besoins de l'armée dans la proportion des quatre cinquièmes par le pays occupé. Maintenant même, bien que les sources du pays occupé commencent à rendre avec moins d'abondance, notre armée de l'Ouest en tire encore les trois cinquièmes du nécessaire. Par là, d'après un calcul établi sur la moyenne, il est économisé à l'Allemagne environ 4 millions de marks par jour. »
Voici, d'après le carnet d'un soldat de la Garde prussienne, Paul Spielmann, le récit du massacre de toute une population civile, qui eut lieu, le 1er septembre, dans un village, près de Blamont (Meurthe-et-Moselle) :
«  Les habitants ont fui par le village. Ce fut horrible. Du sang est collé contre toutes les maisons ; et, quant aux visages des morts, ils étaient hideux. On les a enterrés tout aussitôt, au nombre de soixante. Parmi eux beaucoup de vieilles femmes, des vieux, une femme enceinte, le tout affreux à voir, et trois enfants qui s'étaient serrés les uns contre les autres et sont morts ainsi. »
En ce qui concerne les blessés militaires, nous ne reviendrons ni sur l'ordre du général Stenger, prescrivant le massacre des prisonniers, ni sur les extraits des carnets, qui disent : «  La mutilation des blessés est à l'ordre du jour ». Nous nous contenterons de ce passage d'un récit du sous-officier Klemt, du 154e d'infanterie :
«  Nous arrivons à une petite dépression de terrain ; des pantalons rouges gisent là, morts ou blessés, en foule. Nous assommons et transperçons les blessés, car nous savons que ces canailles, quand nous sommes passés, nous tirent dans le dos. Là est couché tout de son long un Français, face contre terre ; mais il fait le mort. Le coup de pied d'un robuste fusilier lui apprend que nous sommes là. Se retournant, il demande quartier; mais on lui dit : C'est bien ainsi, brigand, que travaillent vos outils, et on le cloue au sol. »
Il paraît que certains Allemands regrettent les actes accomplis par leurs soldats au mépris des lois de l'humanité la plus élémentaire; cela est possible. A Louvain, raconte-t-on, le colonel allemand Lubbert a laissé échapper cet aveu :
«  Aboutir, à un tel résultat, avec une instruction comme la nôtre, c'est incompréhensible.- » Nous ajouterons : C'est désastreux, et c'est la condamnation d'une culture que les Allemands jugent admirable, et qui n'est que barbare.

E. SAINDENIS,
Inspecteur primaire honoraire

 

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