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Cérémonial ducal - 1489
Baptême du Duc Antoine Ier
 


Histoire de Philippa de Gueldre, reine de Sicile et de Jérusalem
Ed. Baratier et Dardelet - 1889

Le 4 juin 1489, jour de la Fête-Dieu, naquit au château de Bar, Antoine Ier, fils de Lorraine, duc de Calabre. Ce fruit gracieux de l'union de René et de Philippa sembla disputer aux fleurs de ce beau jour l'honneur de naître et de sourire pour embaumer et charmer le Lis-Hostie de notre vallée, le Dieu trois fois saint, le Christ-Roi.
Tandis que Philippa se penchait avec une inexprimable tendresse sur le berceau de son troisième fils, et suppliait le ciel de le conserver à Bon amour et à la Lorraine, le duc René, dans sa fierté de père et sa foi de chrétien, préparait la solennité du baptême ducal.
La vieille histoire du château de Bar-le-Duc conserve dans ses annales les splendides détails du baptême du troisième fils de René II, que la mort de ses deux frères rendait héritier présomptif. Les antiques murailles de la capitale du Barrois semblèrent rajeunir parmi les chants d'allégresse du 16 juin 1489, et, aujourd'hui encore, les murs démantelés de la fière citadelle paraissent redire aux amis de la Maison de Lorraine le joyeux vivat qui salue le nom de l'héritier de René II : Vive très haut et très puissant prince, Antoine Ier, fils de Lorraine, duc de Calabre !
La pompe extraordinaire qui présida à cette religieuse cérémonie a frappé les historiens. Ils se sont plu à nous en conserver les défaits nous transcrivons ceux que fournit Don Calmet et que l'abbé Guillaume a rapportés après lui. Antoine était né le 4 juin 1489, jour de la Fête-Dieu ; le mardi, 16 du même mois, le duc René, qui se trouvait à Bar, accompagné des princes de son sang et d'une nombreuse noblesse, pour la solennité du baptême, donna un splendide festin dans la grande salle du château. Cette salle était tendue des plus riches tapisseries de la couronne. A l'une des extrémités était la table du roi, placée sur une estrade élevée de huit degrés et toute couverte de tapis de Turquie. Au-dessus de cette table, se voyait un magnifique dais de velours cramoisi, orné de perles. A droite et au-dessous, était une autre table pour les princes et pour les dames.
Vers dix heures du matin, le roi sortit de sa chambre, en tenue de cérémonie. Il était accompagné de son oncle, Henri de Lorraine, évêque de Metz et précédé de Gérard Dauviller, grand écuyer de Lorraine, puis des gentilshommes de sa Maison. Le prince ayant pris place, l'évêque de Metz, Mmes Marguerite et Yolande de Lorraine et Mme la comtesse de Saverden, se placèrent à sa droite. De l'autre coté, et â sa gauche, furent placés le cardinal de Gurce, légat du Pape, les évêques de Toul et de Verdun et quelques princes.
Henry, comte de Blâmont, fit l'office de pannetier ; Henry, comte de Réchicourt, celui d'échanson; le comte de Chalant, celui d'écuyer tranchant; le Bâtard de Calabre, celui de grand maître. Les services furent apportés en cérémonie au son des tambours, fifres et trompettes; ils étaient précédés des huissiers de la Chambre, des héraults d'armes, des maîtres d'hôtel,
tous en habit de cérémonie. Derrière ceux-ci marchaient le grand maître, le pannetier, avec les marques de leur dignité, enfin les gentilshommes de la Chambre, portant les services qui furent tous présentés dans le même ordre. Pendant tout le repas, il y eut musique composée de toutes sortes d'instruments.
Sur la fin du dernier service on cria : Largesse de deux grands bassins et d'une aiguière d'argent doré, de la part du jeune prince à l'occasion duquel la fête était célébrée. Au festin succéda le bal qui dura deux heures. Alors le roi se retira dans sa chambre. Mgr
Henri de Lorraine, évêque de Metz, Mmes Marguerite et Yolande de Lorraine, Mme la comtesse de Saverden, tous les princes et toutes les dames s rendirent en la chambre où était le prince de Calabre nouveau-né. Cette chambre était tapissée de tout ce qu'il y avait de plus riche et de plus précieux. Le plafond était tendu de drap d'or, et le plancher couvert d'un grand tapis de Turquie. Le lit de l'enfant était couvert d'un drap d'or frisé, traînant à terre, doublé et fourré d'hermine tout autour. Il était garni de deux oreillers faits en broderie, et couverts de perles et de pierreries. Le ciel et le dossier étaient aussi de drap d'or, ornés de pierreries et garnis de franges d'or, dont les fils soutenaient de grosses perles.
La galerie et l'escalier par où l'on devait descendre étaient tapissés de velours cramoisi-violet, garni defeuilles de chardon et de châtaignier, d'R et de P entrelacés, c'est-à-dire du chiffre réuni de René et de Philippa, avec la devise de la duchesse qui était: Ne mi toqués, il point : N'y touchez pas, il pique ! le tout en riche broderie de satin cramoisi ; ce velours était aussi semé d'alérions en drap d'argent et de croix de Jérusalem faites de drap d'or. La cour du palais était toute tendue de riches tapisseries.
Tous les princes et les seigneurs étant assemblés dans la chambre du royal néophyte, l'évêque de Metz leva l'enfant, et l'on se mit en marche pour accompagner le jeune prince à l'église Saint-Maxe où il devait être baptisé. Le cortège était formé comme il suit :
Les tambours, fifres et trompettes marchaient en avant, puis venaient les huissiers de la Chambre, les gentilshommes, les poursuivants, les héraults d'armes, les sénéchaux de Lorraine et du Bar, les chambellans, tous ayant un cierge blanc à la main. S'avançaient ensuite, l'un derrière l'autre, le comte de Sarbrich, portont le cierge du baptême, le comte de Linange, portant la salière, le comte de Chalant, portant le crémeau enrichi de pierres précieuses, d'une croix par dessus et posé sur un carreau de drap d'or avec garniture de perles. M. de Vatongien portant l'aiguière, M. Henry, comte de Blâmont, portant le bassin ; Jean, comte de Salm, grand maréchal de Lorraine et de Bar, portant l'oreiller et la serviette.
Le parrain, Henri de Lorraine, évêque de Metz, portait le jeune prince, ayant à sa droite Mme Yolande de Lorraine et à sa gauche Mme la comtesse de Saverden, toutes deux marraines. A côté et derrière ces dames étaient Frédéric de Blâmont et Henry de Salm, portant chacun un coin du drap d'or, sur lequel était placé le jeune prince, et servant de chevaliers d'honneur. Marchaient ensuite Mme Marguerite de Lorraine, les comtesses da Blâmont, de Salm, de Valongien, de Chalant et toutes les dames de la Cour.
Les archers de la garde d'un cote, et les suisses de l'autre, ayant chacun une torche allumée à la main, formaient une double haie de soldats depuis le palais jusqu'à l'église. Toute la partie de la cour qu'il fallait traverser pour se rendre du palais à l'église était illuminée par plus de mille lumières placées à un pied de distance l'une de l'autre.
A la porte de saint Maxe, attendaient le cardinal légat de Gurco, avec les évêques de Toul et de Verdun, ainsi que plusieurs abbés, tous revêtus de leur rochet.
Au milieu de l'église, richement parée et éclairée d'une infinité de cierges, on voyait un théâtre supporté par quatre piliers d'or et orné de tapisseries. Sur ce théâtre étaient les fonts baptismaux en argent doré enrichi de pierreries. Le jeune prince y fut baptisé par le légat et nommé Antoine par l'évêque de Metz. Après la cérémonie le hérault d'armes cria : Vive très haut et très puissant prince, Antoine Ier fils de Lorraine, duc de Calabre ! La cérémonie étant achevée, le cortège revint au château dans l'ordre qu'il avait suivi à son départ. Alors on dressa dans la salle du roi des tables chargées de dragées, de confitures et d'épiceries pour toutes les personnes qui avaient pris part à la cérémonie (1).

(1) Nous avons emprunté cette intéressante description à M. l'abbé Guillaume, qui à son tour en avait puisé les détails dans l'ouvrage de Dom Calmet (tome II, col. 1125) et dans les extraits d'une vie manuscrite du duc Antoine par un auteur du temps.

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