L'Argus
8 août 1897
Incendiaire. - Le 3 courant,
la Cour d'assises de Meurthe-et-Moselle a condamné un
incendiaire du nom de Léon Liotté, 39 ans, cultivateur à Vého,
dans les circonstances suivantes :
Le 23 mars 1897, le curé de Vého recevait une lettre anonyme
dont l'auteur déclarait qu'il se préparait à mettre le feu à
plusieurs maisons du village.
La nuit suivante, un incendie se déclarait dans un hangar
attenant à une maison en construction et appartenant à M. Friot.
L'incendiaire avait eu le soin d'arroser la paille avec du
pétrole; mais celle-ci étant mouillée, le feu ne s'était pas
propagé et n'avait brûlé qu'une partie du plancher, ne causant
ainsi que des dommages insignifiants.
Trois jours plus tard, le 27 mars, vers une heure du matin, M.
Simonin (Hippolyte), qui s'était levé pour soigner un de ses:
enfants: malade, s'apercevait que le grenier de la maison Liotté,
située en face de la sienne, était en feu.
Il courut donner l'alarme à la famille Liotté et aux habitants
du village; mais tous secours furent inutiles.
La maison Liotté fut consumée avec ce qu'elle contenait, à
l'exception des chevaux et de la vache, que l'accusé était
parvenu à faire sortir de l'écurie.
Les pertes étaient à peu près couvertes par une assurance de
15,200 francs à la Compagnie La Confiance ; seuls, les animaux
n'étaient pas assurés.
Le 28 mars, un brouillon de le lettre de menace d'incendie,
portant la date du 13 mars 1897, également anonyme, mais à
l'adresse du « greffier municipal », était trouvé par M.
Gaillon, sur la route d'Emberménil à Vého.
L'examen de ces deux lettres et leur comparaison avec un corps
d'écriture que le magistrat instructeur fit exécuter à Liotté,
établirent que celui-ci était le criminel, et, le 6 avril, il
fut arrêté.
Cependant l'accusé opposait les dénégations les plus énergiques
à l'accusation qui pesait sur lui, quand le découverte d'une
lettre qu'il avait écrite à la maison d'arrêt, et qui fut
interceptée, l'obligea de modifier son système de défense.
Il avouait au destinataire de cette lettre être l'incendiaire et
l'auteur des lettres anonymes, qu'il reconnaissait avoir été
écrites pour dépister les soupçons.
Il adressait une troisième lettre anonyme en le suppliant de la
recopier et d'imiter son écriture.
Il espérait que cette troisième lettre, reçue par le curé de
Vého pendant que lui, Liotté, était à la maison d'arrêt,
dérouterait l'instruction.
Obligé de reconnaitre, lorsque cette lettre lui eût été mise
sous les yeux, qu'il était bien l'auteur des lettres anonymes,
l'inculpé s'empressa d'ajouter que ce n'était pas volontairement
qu'il avait mis le feu le:26 mars.
Liotté était co-propriétaire, avec ses deux frères, de la maison
incendiée, qui était restée dans l'indivision, et dont le père,
Julien Liotté, avait l'usufruit. L'accusé habitait avec son
père, son frère, Nicolas-Christophe, la femme et les enfants de
celui-ci.
Paresseux et débauché, il avait dissipé son patrimoine ; comme
il le dit dans sa lettre qui fut interceptée à la prison, il
était à bout de ressources, et c'est pour toucher sa part dans
la somme qui devait être versée par la Compagnie d'assurances,
qu'il a mis le feu.
La Cour a condamné Léon Liotté à cinq ans de travaux forcés et
dix ans d'interdiction de séjour. |