1914 - Groupe
cycliste de la 10e division de cavalerie
Historique
du groupe cycliste de la 10e division de cavalerie
Ed. Charles-Lavauzelle et Cie (Limoges) 1922
Historique du
groupe cycliste de la 10e division de cavalerie
Renseignements sur
l'organisation du groupe cycliste mobilisé.
Le groupe cycliste avait la composition suivante :
Un petit état-major (médecin, sergent-major,
mécaniciens, conducteurs, approvisionnement).
Trois pelotons de 130 hommes. Chaque peloton fractionné
en trois sections et chaque section en trois escouades.
Armement. - Fusil modèle 1886-1893 avec baïonnette (le
port du fusil à bicyclette est facilité par la rallonge
de bretelle Gérard).
Bicyclette. - Machine pliante Gérard modèle 1913; poids,
14 kilogrammes; développement, 5m,20.
Munitions. - 200 cartouches sur l'homme (dans certaines
circonstances ce nombre a été porté à 300).
Tenue. - Vareuse, culotte, bandes molletières.
Chargement de l'homme. - Vivres du jour, fusil, 200
cartouches.
Chargement de la machine. - Dans une musette (qui a été
remplacée plus tard par le havresac plus solide et
préservant mieux vivres de réserve (deux jours, parfois
davantage), jersey, collet-manteau, gamelle, pièces de
bicyclette de rechange. Plus tard, outil portatif et
piquet avec fil de fer.
Réparations en cours de route. - Le chasseur victime
d'un accident sort du rang en demandant la pièce
nécessaire pour la remise en état de sa machine. Le
porteur de la pièce la remet au mécanicien ou au
caoutchoutier, qui s'arrête pour effectuer le travail.
Dans chaque section, il est emporté un lot de pièces
(pédales, pédaliers, selles, guidons, pignons, chaînes,
rayons) que le mécanicien met en place ; (pneus et
chambres) que le caoutchoutier met en place; les
chambres interrompues permettent leur, remplacement sans
démonter la roue. Le rôle des mécaniciens et
caoutchoutiers est pénible, car ils doivent fréquemment
s'arrêter et rejoindre ensuite. Aucune réparation n'est
faite en route, sauf les remplacements. Pour un effectif
d'environ 400 cyclistes, il y a toujours des chasseurs
arrêtés, par suite d'accidents de machine. Une
arrière-garde fait rejoindre tout le monde; elle n'a à
s'employer que lorsqu'il y a des bicyclettes brisées ou
des chasseurs malades.
Réparations des chambres et pneus. - Effectuées au
cantonnement ou à l'extérieur pendant les longs
stationnements.
La bicyclette au combat. - La machine pliante doit être
portée au dos, suspendue par des bretelles, pendant le
combat; l'homme est ainsi très chargé (35 kilogrammes
environ, y compris l'armement et les munitions). Il est
très gêné pour tirer couché et pour courir.
Le groupe a rarement mis machine au dos. Au combat, on
quittait les bicyclettes qui étaient, autant que
possible, placées à l'abri et sous la garde des
mécaniciens. Les chasseurs, en vareuse, sans sac ni
capote, étaient très agiles et combattaient aisément.
Marche à bicyclette. - Le chasseur, très à l'aise au
combat, a besoin de vigueur et d'endurance pour
effectuer les marches à bicyclette par tous les temps,
sur des routes parfois mauvaises; le fusil, la musette,
les cartouchières garnies gênent beaucoup la
respiration.
Service médical. - Un médecin auxiliaire, deux
infirmiers, dont un à cheval, marchaient avec
l'ambulance au train de combat.
Le dévouement du médecin auxiliaire a permis de sauver
presque tous les blessés (chasseurs et cavaliers). Ils
ont été soignés et évacués sous le feu avec des moyens
de fortune.
Effets des hommes. - Un fourgon par peloton portait les
effets de rechange. Les fourgons n'ont pu suivre la
colonne, car les étapes étaient trop longues. Ils n'ont
pas rendu de services appréciables pendant la campagne
active.
Matériel cycliste. - Un fort camion automobile,
réquisitionné à Limoges, transportait des machines, des
pièces de rechange, de l'outillage, des vivres de
réserve et des munitions. Ce camion a toujours bien
marché et rendu de grands services.
Caisson à munitions. - Ne pouvait pas toujours suivre et
ne ravitaillait qu'après le combat ou lorsque l'on était
en arrière.
Fourgon à vivres. - N'a pu assurer son service dans
l'offensive, en Lorraine et pendant les retraites de
Lorraine et de la Marne. Il a été remplacé par un fort
camion automobile pendant la bataille de la Marne.
Ce camion, qui effectuait journellement de 50 à 100
kilomètres, a toujours bien marché. Les chasseurs,
régulièrement ravitaillés, ont pu surmonter de dures
fatigues et conserver un moral élevé.
Le groupe cycliste.
Le groupe cycliste a été formé le 1er octobre 1913, au
moment où les mesures militaires allemandes orientaient
les esprits vers la guerre prochaine. Il a tout de suite
compris l'effort qu'on attendait de lui. Malgré les
difficultés de toutes sortes rencontrées au début, il
s'est remis rapidement au travail avec énergie et
persévérance.
Le noyau du groupe comprenait, un peloton de la
compagnie cycliste du 25e bataillon de Saint-Mihiel.
L'appoint a été fourni par des volontaires des régiments
d'infanterie du 12e corps
d'armée et par 250 recrues des classes 1912 et 1913.
L'instruction et l'entraînement ont été conduits avec
une ardeur et une émulation remarquables. En quelques
mois, le groupe est devenu une unité de combat de valeur
exceptionnelle.
Aussi, à la mobilisation, il était prêt à remplir la
tâche qui allait lui incomber.
Après avoir reçu ses réservistes qui, convoqués le
premier jour de la mobilisation, devaient porter au
complet son effectif de guerre, il embarque le 3 août au
soir (deuxième jour de la mobilisation).
Commandé par le capitaine Giacomoni, le groupe a
traversé Limoges au milieu des témoignages
d'encouragement et de sympathie.
Les chasseurs ont défilé au milieu de la ville en
chantant la Marche des cyclistes.
Marche des cyclistes.
I.
Nous sommes les chasseurs d'élite
Que l'ennemi verra d'abord;
C'est nous qui marchons le plus vite,
Nos coeurs qui battent le plus fort.
C'est nous qui formons l'avant-garde,
Nous porterons les premiers coups,
Et le pays qui nous regarde
Peut mettra sa confiance en nous.
Refrain.
Chasseurs cyclistes, vite en route.
Pédalons ferme et hardiment.
Passons partout, coûte que coûte.
Notre devise est : « En avant. »
Encore un rayon cassé,
V'la l'cycliste qui passe,
Encore un rayon cassé,
V'la l'cycliste passé.
II.
C est nous qui saluerons l'aurore
Du jour béni du grand combat;
C est nous qui lutterons encore
Quand le combat s'achèvera,
Car, pendant la bataille,
On a besoin de nos efforts,
Et les cyclistes sont de taille
A les fournir jusqu'à la mort.
III.
Nous sommes bien peu, mais qu'importe,
Le nombre n'est rien si l'ardeur,
Qui réchauffe et qui réconforte,
Est chez nous plus grande que ailleurs.
Nous volons à travers l'espace
Plus rapides que des oiseaux,
Pour voir l'ennemi, quoi qu'il fasse,
Et pour le réduire en lambeaux.
IV.
L'espoir, dans nos coeurs est vivace
Que de fiers cyclistes, un jour,
Parcourant la plaine d'Alsace
Victorieux, entrent à Strasbourg;
Que le premier soldat de France
Venu là-bas, après trente ans,
Pour apporter la délivrance,
Soit un cycliste triomphant.
LA COUVERTURE A LA FRONTIÈRE (7-13 AOUT 1914)
Le groupe débarque le 5 août, dans la région de Toul,
puis, tout, de suite, se dirige vers la frontière. Etape
de 60 kilomètres, par une forte chaleur et de mauvaises
routes. Cette journée met à l'épreuve les chasseurs
réservistes et les convois. Le 6, séjour à Rozières-aux-Salines.
Le 7, départ par alerte avec la division, pour opérer
une reconnaissance au nord de Lunéville.
Le 8 août, la 10e division de cavalerie, à laquelle le
groupe est rattaché, va tenir la trouée entre la foret
de Paroy et la voie ferrée au nord-est de Lunéville,
dans une région assez découverte. La principale mission
de surveillance nous incombe.
Le groupe, seule unité à pied dans la division de
cavalerie, « en est le morceau de résistance », suivant
le mot du général Conneau, commandant la division. Il
sait que les tâches les plus dures et les missions les
plus délicates, mais aussi les plus glorieuses, lui
seront confiées.
Nous occupons les coteaux autour d'Emberméml, les 2e et
3e pelotons à Xousse et Vaucourt, face au nord, le 1er
peloton en avant d'Emberménil, face à l'est. Nous sommes
ainsi à quelques kilomètres de la frontière, tandis que
les Allemands occupent des villages français. Nous avons
l'occasion de mettre quelques cavaliers hors de combat.
Des chevaux sont capturés. Le soir, le 3e peloton part
avec un détachement de cavalerie vers Xures, sur le
canal de la Marne au Rhin.
A la nuit, un détachement de dragons bavarois se heurte
au 2e peloton, au signal de Xousse. Il s'enfuit sous le
feu, emmenant des blessés. Le groupe passe la nuit en
avant-postes.
Le 9 août, au petit, jour, départ des reconnaissances de
cavalerie qui attirent, les cavaliers bavarois jusque
sous notre feu; nos hommes, couchés dans les blés.
exécutent des salves meurtrières. Nous repoussons ainsi,
au cours de la journée, de nombreux détachements ennemis
sur la route de Leintrey, en avant de la ligne de chemin
de fer et à la station d'Emberménil.
En fin de journée, les Allemands, appuyés par leur
artillerie, prononcent un mouvement offensif en force.
Le groupe reçoit l'ordre de se replier. Avant, de
quitter ses emplacements de combat dans les blés, le Ier
peloton a l'occasion de faucher à bout portant un fort
détachement de cavalerie. Les chevaux fuient dans tous
les sens; des troupes ennemies, un peu en arrière sur la
route, se replient, en désordre vers Leintrey. Le groupe
rassemblé, moins le 3e peloton, rentre à Lunéville; de
nombreux chasseurs portent des trophées sur leurs
bicyclettes; ils sont acclamés par les habitants. Le 3e
peloton a exécuté une reconnaissance en Lorraine
annexée, aux abords de la Garde. Il s'est heurté à des
forces ennemies très supérieures. Son repli, qui était
difficile, s'exécute en faisant subir de lourdes pertes
à l'ennemi. La section d'arrière-garde, commandée par le
sergent Puydoyeux, résiste énergiquement, fusillant
l'ennemi à bout portant; son chef abat personnellement
de nombreux ennemis; blessé grièvement, il continue la
lutte en encourageant ses chasseurs. Le dévouement de
cette section permet au peloton de se dégager. Son chef
et plusieurs chasseurs ont été tués.
Dans la nuit, le groupe part en avant-postes au nord de
Lunéville. Il reste dans cette situation jusqu'au 14
août. La cavalerie couvre la concentration de l'armée de
Lorraine.
Le 14 août, la bataille est engagée. La 10e division de
cavalerie couvre, vers le nord, le mouvement offensif.
L'artillerie ouvre la voie et la frontière est franchie
en direction de Sarrebourg. Nous passons en réserve
pendant, que le canon s'éloigne vers l'est.
BATAILLE DE SARREBOURG
Après deux jours d'attente, le 2e corps de cavalerie,
dont font partie les 2e, 6e, 10e divisions, reçoit
l'ordre de reconnaître les positions de Sarrebourg.
Départ le 17 après-midi dans le brouillard. La frontière
est franchie à Avricourt. La nuit arrive et nous
rejoignons assez tard l'infanterie à Gondrexange.
Partout, des traces de bataille. Les habitants sont très
réservés et n'osent manifester leurs sentiments.
Certains nous font cependant part de leur défiance à
l'égard des Allemands. Ils les savent très forts et
n'augurent rien de bon de leur rapide recul.
Le 18, la cavalerie opère sa reconnaissance, la 10e
division au nord de la route de Sarrebourg, en direction
de Langatte et Haut-Clocher. Le groupe cycliste couvre
le mouvement à travers un terrain boisé et accidenté. Au
débouché des bois de Rinting. sur le plateau au sud de
Haut-Clocher, nous tombons sous le tir des 77 allemands.
Les formations de combat du groupe permettent d'éviter
des perles; la progression continue vers Haut-Clocher
et- ferme Saint-Ulrich. Les deux artilleries entrent en
action; celle de l'ennemi se tait.. Une patrouille de
cavalerie est surprise par le 2e peloton; son chef, un
officier, est capturé après avoir été blessé. Nous
atteignons les hauteurs au nord-ouest de Sarrebourg,
sous le feu des 150 (les gros noirs). Pendant ce temps,
la 6e division pénètre dans Sarrebourg. En fin de
journée, l'infanterie arrive, les avant-postes placés,
nous nous reportons un peu en arrière.
Le 20 août, le corps de cavalerie a pour mission de
franchir la Sarre et de pénétrer en Alsace, région de
Saverne. Une brigade d'infanterie doit lui ouvrir le
passage; mais l'opération échoue. Les positions,
ennemies sont fortifiées. Il faut se replier devant une
grave menace à notre gauche consécutive à l'échec de
Morhange. Le corps de cavalerie dégage le terrain.
RETRAITE DE LORRAINE
Le 21 août, le groupe couvre la division établie en
surveillance dans la région Repaix-Leintrey-Autrepierre.
Reprise de contact le 22 août, en couvrant la retraite
du 16e corps. Dans la journée, le groupe, établi vers
Domjevin-Vého, subit le tir de l'artillerie ennemie. Le
soir, notre mission terminée, nous nous replions au sud
de la Meurthe, qui est franchie vers Fraimbois, le 3e
peloton restant sur la rivière pour couvrir le groupe et
tenir le pont. A la nuit, nous allons occuper dans la
région d'Hériménil les ponts au sud de Lunéville.
L'ennemi a déjà pénétré dans la ville. Notre mission
remplie, le repli se continue, sous les obus, vers le
sud. Au jour, après nous être reportés en avant pour
défendre les ponts, nous reprenons la retraite et,
franchissons la Mortagne à Lamath. Le pont saute peu
après. Le groupe, avec la division se rend dans la
région de FranconviIIe-Gerbéviller. Mission : surveiller
et interdire le passage des gués de la Mortagne. La
retraite, pénible en elle-même, le devient davantage par
suite du manque de repos et de ravitaillement.
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