Notice sur Blâmont et
Bon Accueil
Don de la Croix-Rouge Américaine
Oeuvre Sociale et d'Éducation Physique et Morale pour la ville
et la canton de Blâmont
Par J. Colin
Professeur au Lycée Louis-le-Grand
Etablissements Mazerand, Cirey
1926
NOTICE SUR BLAMONT
Blâmont est un chef-lieu de canton de l'arrondissement de
Lunéville, département de Meurthe-et-Moselle, situé sur la route
nationale n° 4 de Paris à Strasbourg, à 60 kilomètres à l'Est de
Nancy, à 90 kilomètres de Strasbourg.
La ville est bâtie, moitié dans l'étroite vallée de la Vezouse,
affluent de la Meurthe, qui descend des Vosges, moitié sur le
revers d'une colline, sorte de promontoire dominé par les ruines
imposantes d'un vieux château féodal. Tout autour, d'autres
collines dont l'altitude atteint 380 mètres masquent la vue de
la ville aux regards du voyageur, de quelque côté qu'il vienne.
Si, partant de Lunéville, on suit la route nationale qui déroule
ses 28 kilomètres dans la belle vallée de la Vezouse semée de
nombreux villages industrieux, arrivé au sommet de la colline
qui, à l'Ouest, domine Blâmont, on s'arrête instinctivement
frappé par la beauté du paysage que l'on a sous les yeux.
Devant. soi et à ses pieds, la ville avec ses toits rouges, son
église gothique aux flèches élancées, son château au donjon
pointu. Autour de soi, les pentes verdoyantes sur lesquelles
sont bâtis le chalet Saint-Pierre appartenant a M. le baron de
Turckheim le château Sainte-Marie, détruit par les Allemands en
1914, aujourd'hui complètement restauré par son propriétaire M.
d'Hausen.
Mais surtout, dans le fond du paysage, la belle ligne bleue des
Vosges, d'où émerge à l'horizon le rocher imposant de Dabo et
que surplombe le dôme majestueux du Donon.
Jadis, les rouliers, les conducteurs de diligence, arrivés ou
nous sommes, pressaient leurs chevaux, hâtaient leurs lourds
attelages ; leurs fouets claquaient joyeusement et les bêtes
prenaient d'elles-mêmes le chemin de l'hôtellerie, où leurs
maîtres savaient trouver, pour elles, litière et picotin, et,
pour eux, table rabelaisienne. C'est qu'autrefois, en effet,
Blamont fut une petite ville peuplée, riche, commerçante, le
trait d'union entre la Lorraine et l'Alsace.
La guerre de 1870, en l'isolant à la frontière lui a porte un
premier coup, En 1914, elle fut occupée une première fois du 8
au 14 août, par l'armée allemande qui s'y livra à des excès,
allant jusqu'au meurtre d'habitants inoffensifs. Elle revit les
Français le 15 aout. Mais, après Morhange et Sarrebourg, elle
redevint la proie des Allemands qui y séjournèrent jusqu'à
l'armistice. Placée à 4 kilomètres du front stabilisé, elle eut
à souffrir des bombardements intermittents, mais surtout du
pillage et des déprédations des Allemands. Aujourd'hui, après
huit années d'un dur labeur, elle a à peu près réparé ses
ruines, elle renait peu à peu à la vie normale. Comme tant
d'autres, elle a perdu nombre de ses meilleurs enfants, tombés
au Champ d'Honneur.
Lors de la cérémonie commémorative du combat de Léomont, prélude
de la grande bataille du Couronné de Nancy, le Maréchal Foch a
accordé la Croix de Guerre à la Ville de Blâmont.
Le voyageur qui la visite n'y doit pas chercher l'animation des
villes industrielles ou des grandes stations estivales ; il n'y
trouvera ni casino, ni musée, ni monuments plus ou moins
historiques à admirer par définition. Aussi ne doit-on pas y
venir en coup de vent ; il faut lui réserver quelques semaines
au moins, si l'on veut en emporter un souvenir heureux..
C'est, en effet, la campagne la plus tranquille, le séjour
indiqué pour celui qui a besoin de calme, de repos, d'air
vivifiant. C'est le coin rêvé où le Parisien, conservant en son
âme inquiète et fiévreuse, un petit grain de sentiment, s'évade
avec joie du labeur et du tumulte de la grande ville ; et le
petit. grain germe en son âme apaisée et s'épanouit vite en une
fleur suave de poésie intime.
Quelques mots d'Histoire
Sans se perdre dans la nuit des temps, l'antiquité de notre
petite ville est cependant respectable : il en est fait mention
comme bourgade dans un acte de l'Abbaye de Senones qui date de
661. Une tradition qui s'est conservée dans le pays prétend que
sur la colline où s'étage aujourd'hui la cité, il y avait une
forêt de bouleaux à l'écorce de satin blanc : le Blanc-Mont est
devenu Blâmont par simplification.
Au Xe siècle, la Lorraine depuis longtemps déchirée par les
invasions, vit rompre son unité et ses formes administratives. A
cette époque remonte l'origine des souverains de Dabo,
Blâmont...
La châtellenie de Blâmont était indépendante du Duché de
Lorraine ; elle appartenait à une famille aussi bien fieffée que
le Duc, qui n'aurait point obéi aux volontés capricieuses de
celui-ci (Noël : mémoires).
Le Comté de Blâmont confinait aux terres de Salm du côté de
Badonviller et aux châteaux de Réchicourt, de Turquestein, de
Châtillon, ainsi qu'aux dépendances de l'abbaye de Haute-Seille,
de l'ordre de Citeaux.
Il en fut fait plusieurs reprises et partages.
Dans l'un de ces partages de 1342, on voit que le domaine
comprenait :
1 ° Le château ;
2° Le bourg, entre la première et la deuxième enceinte des murs,
aboutissant très probablement à l'actuelle rue des Capucins et à
la place Carnot où l'on devine l'existence d'une ancienne porte
;
3° Le vieux marché (actuellement la place située au bas de la
Grande-Rue, près l'Hôtel du Commerce) et les faubourgs.
Les seigneurs de Blâmont étaient issus de la puissante famille
des comtes de Salm, dont les armoiries consistaient en deux
saumons adossés sur fond de croisettes.
Los croisettes disparurent dans la suite. On a découvert, dans
les ruines de l'abbaye de Saint, Sauveur, le tombeau d'un de ces
princes, sans doute du prince Henri qui, en 1301, fonda la
collégiale de Deneuvre. Le bouclier du guerrier porte les deux
saumons sans les croisettes. On peut voir, dans la cour de la
gendarmerie de la ville, une fenêtre enclavée dans le mur de
l'ancien Collège et portant un écusson semblable à celui qui se
trouve sur le bouclier du comte Henri.
Les deux saumons et la rose qui les surmonte sont encore
aujourd'hui les armes de la ville; on les voit sur un vitrail
derrière le maître autel de l'Eglise.
Les comtes de Blâmont furent, en général, les protecteurs des
églises et des monastères ; certains devinrent abbés de
Saint-Sauveur. Un de leurs descendants, Hermann, devint abbé du
monastère de Saint-Epvre-lès-Toul, et fut choisi par le clergé
pour assister au Concile de Constance (1414). Enfin, Olry, comte
de Blamont, fut nommé évêque de Toul en 1495.
D'autres, cependant, furent des guerriers, très jaloux de leur
indépendance, Placés entre la Lorraine et l'Alsace et le duché
de Metz, ils mettaient leur épée, selon les circonstances, au
service de l'un ou de l'autre de leurs voisins.
Le comté de Blamont conserva son autonomie jusqu'au XVIe siècle.
OIry avait été nommé évêque de Toul grâce à l'influence de René
II, duc de Lorraine, son parent éloigné. Le prélat reconnut les
bons offices du duc en lui faisant donation du comté de Blamont
dont il avait hérité. C'est le 27 Mars 1503 que lu duc de
Lorraine prit solennellement possession de la ville.
Quelques années plus tard, Blâmont fut donné en douaire à
Christine de Danemark, mère de Charles III, duc de Lorraine.
Elle y établit sa résidence, embellit le Château et fit placer
au-dessus de la porte principale un écusson où les armes de la
Lorraine se mariaient à celles de Suède et du Danemark.
La cession faite à René fut ratifiée plusieurs fois. Dès 1594,
Blâmont ost compris dans les villes et châtellenies faisant
partie du duché de Lorraine. La ville eut beaucoup à souffrir
des guerres de religion. En 1586, les protestants entrent en
Lorraine. Pris par la famine, harassés, affaiblis par la
division des chefs et l'indiscipline des soldats, ils marquent
leur passage par des ruines affreuses. Les reitres allemands,
ayant échoué dans une attaque infructueuse où ils avaient perdu
plus de 200 des leurs, brûlent les faubourgs. Les mêmes causes
produiront plus tard les mêmes effets. C'est pour avoir échoué
dans leur tentative de pénétrer dans la trouée de Charmes que
les Bavarois se livreront, en Août 1914, aux excès qui ont été
signalés plus haut.
Mais c'est surtout pendant la guerre de Trente ans, en 1635-1636
que la ville connut toutes les horreurs de la guerre. Elle fut
rançonnée, pillée, tour à tour, par les Impériaux, les troupes
lorraines, les troupes françaises et les armées suédoises.
En 1636, le duc de Weimar en fit le siège. La ville et le
château furent défendus par le vaillant gouverneur Mathias de
Klopstein, qui incendia la ville et les faubourgs et se retira
dans le château où il subit trois assauts. Au troisième, les
Suédois s'en emparèrent ; la garnison entière fut passée par les
armes, le château incendié et son brave défenseur cloué à la
porte du fort. C'est un de ses descendants qui, en 1914, fut
tué dans son château, à Châtillon, par les Allemands.
Après le passage des Suédois, en 1638, le château fut démantelé
et démoli d'après les ordres de Richelieu. Ici finit non pas
l'histoire de Blâmont, mais son histoire héroïque. Ruinée,
déserte, elle voit sa population qui était de 924 ménages en
1526, tomber à 327 habitants en 1697, année du traité de
Ryswick. Mais à partir de cette date, elle renait pour ainsi
dire de ses cendres ! Pendant tout le XVIIIe siècle, la
population augmente chaque année, les finances deviennent
prospères,
En 1790, on compte 2.009 habitants.
Les guerres de la Révolution et de l'Empire ne modifient pas
beaucoup ce nombre.
En 1828, on compte 1.946 habitants.
En 1836, 2.281
En 1846, 2.679
En 1856, 2.521
A partir de ce moment, la population baisse constamment.
En 1866, 2.298 habitants.
En 1876, 2.272
En 1886, 2.175
En 1896, 1.934
En 1901, 1.708
Actuellement, il y a environ. 1.400 habitants. Les raisons de
cette diminution sont diverses. Il y a d'abord celle que l'on
déplore dans toute la France, qui a failli nous mettre à la
merci de nos prolifiques et ambitieux voisins et qu'il est du
devoir urgent de tout Français soucieux de l'avenir de notre
pays de faire cesser. Il y eut aussi la disparition de certaines
industries incapables de lutter contre les grandes
BON ACCUEIL. - FAÇADE SUR LE PARC
BON ACCUEIL. - LE PAVILLON
(Façade de la rue des Capucins)
BON ACCUEIL. - LA VILLA
(Façade Est)
BON ACCUEIL. - PAVILLON DES BAINS ET DE L'ÉDUC. PHYSIQUE
concurrentes mieux placées au
point de vue du trafic. Il y a aussi celles qui résultent de
l'attraction funeste exercée par les villes au détriment de la
campagne, et enfin la situation précaire créée par le traité da
Francfort à la ville placée entre Lunéville et Sarrebourg. La
guerre de 1914 par les ravages qu'elle y a produits, a fait
craindre un instant une chute plus grave encore. A l'heure
actuelle une ère nouvelle de prospérité semble se manifester.
Organisation Sociale
Avant la Révolution, l'organisation sociale de Blâmont était la
suivante :
Au spirituel, la ville était comprise dans le doyenné, de Salm;
les curés portaient le titre de « doyen de Salm » auquel ils
joignaient celui de « prévost des Chanoines ».
En 1382, Henri de Blâmont et Valburges de Fénestrange, sa femme,
avaient fondé, sous le titre de l'Assomption Notre-Dame, une
collégiale avec six prébendes. Le comte Ferry en érigea une
septième en 1473, de sorte que le chapitre comprenait six
chanoines et un prévôt.
La collégiale, qui avait été détruite en 1636, fut rebâtie en
1666 et placée sous le vocable de Saint-Maurice, qui est encore
le patron de la paroisse. La statue du saint figurait entre les
deux tours de l'église, au-dessus de l'horloge ; un obus
français le fit choir le 14 Août 1914 : il n'a pas encore été
rétabli.
Outre le chapitre des chanoines, il y avait un couvent de
capucins qui était situé dans la partie Est de la ville, sur la
rive droite de la Vezouse. La rue qui part de la place Carnot et
se dirige vers l'Est, conduisant à Cirey, s'appelle encore la
rue des Capucins. Les maisons de la rue des Voileurs, qui lui
est, parallèle, prenant vue sur cette rue des Capucins, offrent
de manifestes traces des anciennes murailles de la ville.
Ce couvent avait été fondé par Marguerite de Gonzague, seconde
femme du duc Henri II de Lorraine. Les lettres patentes par
lesquelles le duc Charles IV cédait aux Pères les six jours de
terres nécessaires à l'établissement de la communauté datent de
1627. Un autre décret de 1642 accorde aux Capucins le revenu des
moulins de Blâmont.
Le couvent devait servir de refuge aux prêtres des environs
devenus malades ou âgés.
On voit souvent figurer les Capucins dans les annales de la
ville En 1698, ils marchent en tête du cortège qui va recevoir
Léopold, duc de Lorraine, à l'entrée de la ville. A partir de
1739, jusqu'à la Révolution, le Conseil des Echevins leur
accorde une subvention annuelle de 30 livres « en considération
des services qu'ils ont rendus à la paroisse ».
Il existait également un couvent de religieuses de Notre-Dame
fondé en 1629, situé très probablement à l'emplacement de la
gendarmerie actuelle, de l'ancien collège et de l'école des
garçons. La chapelle est désaffectée depuis que le collège,
établi dans les bâtiments, a cessé d'exister.
La petite place formée par l'intersection des rues du Puits-Joppé
et des Voileurs porte encore aujourd'hui le nom de Notre-Dame.
Aux religieuses, il convient d'ajouter les trois soeurs de
Saint-Charles qui, depuis 1706, soignent les malades et les
infirmes. L'Hospice-hôpital actuel est encore desservi par les
soeurs de cette Congrégation, qui ont su s'attirer l'affection et
le respect de toute la population, sans distinction de religion
ou de croyance. L'avant-dernière Supérieure a mérité la Croix de
Guerre pour sa belle conduite pendant les quatre longues années
de l'occupation allemande.
Justice
Les anciens sires et comtes de Blamont avaient droit de haute,
basse et moyenne justice. Après. l'annexion au duché de
Lorraine, le prévôt eut les mêmes droits.
Mais en 1596, à la requête des habitants, le duc Charles II
rendit une ordonnance par laquelle les prévôts connaissaient des
causes « eschéantes entre ou contre personnes de condition noble
ou obtenant franchises », tandis que celles « d'entre ou contre
les bourgeois de la ville ou des faubourgs se traitaient ou
audiençaient par devant le maïeur ou les échevins ».
Les exécutions ordonnées avaient lieu sur l'éminence qui se
trouve à la sortie de Blâmont, entre la ville et le moulin de
Barbezieux, comme l'indiquent sans conteste les procès-verbaux
trouvés dans les archives de l'abbaye de Domèvre.
Stanislas modifia cette organisation judiciaire. Il fit de
Blâmont le siège d'un baillage composé d'un bailli d'épée, un
lieutenant général civil et criminel, un lieutenant particulier
assesseur, deux conseillers, un avocat procureur, un greffier,
des huissiers et des notaires. Cette organisation dura jusqu'à
la réforme opérée par le Premier Consul Bonaparte.
Tous les habitants, hormis ceux de qualité noble et les
officiers municipaux étaient « taillables à la volonté du
seigneur, lequel avait droit de moulin et fours banaux, auxquels
les bourgeois étaient tenus d'y faire moudre leurs grains et
cuire leur pain, en payant un droit de mouture et de cuite ».
Les principales ressources de la ville étaient le revenu de la
gabelle sur les vins, la taille qui se payait à la Saint-Remy,
les ascensements des terrains communaux qui se payaient à la
Sainte-Madeleine, les produits de « l'esglandée » ainsi que la
vente des bois et fagots.
Pendant les années de paix, la situation financière était bonne.
L'organisation actuelle est celle de tous nos chefs-lieux de
canton. On y trouve:
Un juge de paix, un greffier et un huissier ;
Deux notaires;
Un receveur de l'Enregistrement et des Domaines;
Un percepteur des Contributions directes ;
Un receveur des Contributions indirectes ;
Un bureau de Postes, télégraphe, téléphone.
Industrie
Blâmont a possédé une usine appelée « la Forge » ou « l'Usine
des Champs » où l'on fabriquait de la grosse quincaillerie fort
renommée. Bien installée dans la vallée de la Vezouse, cette
usine employait un nombre respectable d'ouvriers venant de la
ville ou des villages environnants. Sa disparition a été une
perte pour la région. Ses bâtiments sont actuellement
transformés, par la famille d'Hausen, pour servir à une
exploitation agricole importante.
Blâmont possédait également plusieurs tanneries, corroieries,
mégisseries qui ont aujourd'hui disparu, absorbées par les
grandes industries similaires.
Il lui reste : l'important établissement de la Maison. « E. BECHMANN & Cie », filature, tissage, teinturerie de coton,
fabrication de velours, une des plus anciennes et des plus
réputées de la région ; la fabrique de fourches de la Maison
FENSCH et LABOUREL, aujourd'hui complètement transformée et
modernisée, et les anciens Moulins devenus établissement
important.
Fondée en 1825 par MM. Lemant Frères, la fabrique de cotonnades
n'était à l'origine qu'une entreprise de tissage a bras. Un des
frères Lemant surveillait à Blâmont l'atelier où l'on parait les
fils, un autre allait dans les villages avoisinants porter la
matière que les ouvriers transformaient, un troisième s'occupait
de la vente. Un peu plus tard, on groupa les ouvriers d'un même
village, qui travaillaient dans une chambre servant d'atelier
sous la direction du plus habile d'entre eux.
Grâce à sa bonne direction, cette entreprise prospéra et se
transforma en un tissage mécanique qui fut inauguré en 1850 à
Val-et-Châtillon, C'est là que se groupèrent et se
développèrent peu à peu la plus grande partie des
établissements industriels où s'exerce l'activité de la maison.
C'est ainsi qu'en 1869, on construisait une filature devenue
d'autant plus nécessaire que le tissage prenait un essor de plus
en plus important.
La même année, la maison passait aux mains de MM. Lémant et
Veil, fils et gendre des fondateurs, et la raison sociale
devenait : « LEMANT, VEIL & Cie » ; le siège social restait
toujours à Blâmont où il avait été dès le début.
Peu après survint la guerre de 1870. Par suite de la perte de
l'Alsace, l'entreprise se trouva placée à quelques kilomètres de
la frontière. Une moitié de la clientèle était perdue, les
services désorganisés, le personnel en partie dispersé. Mais les
chefs ne perdirent pas courage et donnèrent bientôt un nouvel
élan à l'affaire.
En 1872 et en 1877, la Société s'assurait, successivement, le
concours de M. Isay et de M. Bechmann, gendres de M. Veil et
tous deux anciens polytechniciens.
Eux-mêmes, en 1884, formaient une nouvelle Société dans laquelle
entrait M. Jules Zeller, fils du digne et distingué ancien
directeur des usines du Val. La raison sociale devenait « ISAY,
BECHMANN, ZELLER et Cie ».
A cette époque, l'entreprise prit une extension plus grande
encore, qui devait augmenter d'année en année. Sur l'initiative
de M. Bechmann, la fabrication du velours façon soie fut
organisée.
C'était, pour notre pays, une grande victoire car c'était la
première fois que l'on parvenait à réussir et à implanter en
France cette fabrication délicate dont l'Angleterre et
l'Allemagne avaient, jusqu'alors presqu'exclusivement le
monopole dans le monde.
Le velours prit une place appréciable dans la production de la
maison et nécessita la création des établissements de coupe de
Blamont (1884), de Badonviller (1890), d'Ancerviller (1895), d'Ogéviller
(1910), d'Harbouey et Domèvre et l'adjonction d'une teinturerie
chaque jour perfectionnée.
Les acheteurs qui, autrefois, se procuraient tous leurs velours
façon soie à l'étranger, se sont habitués a se fournir en France
et bien que d'autres fabriques se soient montées depuis, la
qualité des velours de Blâmont continue à être réputée et
recherchée.
Indépendamment des velours, la fabrication de la maison comprend
les calicots, shirtings, cretonnes percales, nansouks, batistes,
pékins, façonnés divers, qui trouvent de nombreux débouchés dans
la chemiserie, la lingerie, la nouveauté, etc.
La maison a pris part aux Expositions de Paris (1834), Nancy
(1843), Metz (1861), Paris (1878-1889-1900), Nancy (1909). De
nombreuses récompenses ont confirmé son renom et l'excellence de
sa fabrication. Enfin, en juin 1892, M. Bechmann a reçu, à
Lunéville, des mains du Président Carnot, la croix de la Légion
d'Honneur.
Depuis lors, de nombreux perfectionnements ont été encore
apportés et des agrandissements considérables ont donné un
développement croissant à cette industrie toujours en progrès
grâce à l'effort persévérant et continu des générations de
patrons et d'employés qui s'y sont succédés.
La raison sociale est depuis 1900 « E. BECHMAHNN & Cie », M.
Bechmann s'est adjoint comme co-gérants ses gendres, M. Léon,
neveu de M. Isay, et M. Caen, ancien élève de l'Ecole
polytechnique.
A la mort de M. Léon, un autre gendre, M. Blum lui aussi ancien
polytechnicien est entré dans la Société.
La guerre de 1914 a été funeste à cette maison comme à tant
d'autres des régions envahies; les Allemands ont saccagé et
détruit les usines de Blâmont et des environs.
Les trois gérants furent mobilisés : M. Bechmann, ancien
capitaine du génie, réintégré sur sa demande à 63 ans; M. Blum,
capitaine d'artillerie de réserve, Croix de guerre, mort
glorieusement à Verdun, à la tète de sa batterie, et M. Caen,
promu commandant d'artillerie, Croix de guerre et Légion
d'Honneur.
A M. Blum a succédé le gendre de M. Léon M. André Veil,
ingénieur civil des Mines. Grâce à l'activité et à la compétence
de ses chefs, ln maison s'est relevée de ses ruines.
Aujourd'hui, elle a repris le cours de sa brillante destinée,
Patriarcale dès ses débuts, la direction a su maintenir auprès
d'elle un véritable essaim de travailleurs actifs et dévoués,
qui ont à coeur de redonner son ancienne importance à une affaire
dont la prospérité contribue au bien du pays. Ces lignes
montrent, suffisamment, que la Maison « E. BECHMANN & Cie »
constitue dans l'industrie du coton un des groupements les plus
complets et, à tous égards, les plus intéressants qui soient en
France.
Ajoutons qu'à toute époque, les chefs de cette grande industrie
ont eu à coeur le bien de la cité. M. Isay, trop tôt enlevé à
l'affection des siens, a été un très actif membre du Conseil
municipal et un propagateur zélé des oeuvres sociales.
Son nom est inséparable de ceux des bons serviteurs du pays.
Son beau-père, M. Veil, a mis, lui aussi au service de la
ville, en qualité d'adjoint au maire, son expérience et sa
grande connaissance des affaires. Et, actuellement, M. Caen ne
dédaigne pas de joindre aux graves soucis de sa tâche, celui
d'aider au relèvement de notre cité meurtrie. Sa grande
compétence lui a valu de succéder à la Chambre de Commerce de
Nancy, à M. Bechmann.
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La Fabrique de fourches a été fondée, en 1878, sous la raison
sociale « FENSCH & LABOUREL ».
Elle vendait des fourches américaines, ainsi que des outils de
jardinage (crocs, râteaux, houes, etc...). Elle importait
directement d'Amérique les manches en frêne ou en bois d'hickory
spéciaux pour tous ces articles.
Détruite par les Allemands, elle renaît avec tous les
perfectionnements modernes en machines-outils, grâce au courage
de ses chefs, pour le plus grand bien du pays.
L'un des fondateurs, M. Labourel père a consacré de longues
années de sa vie à l'administration de la ville, soit comme
adjoint, soit comme maire. Son fils, M. Lucien Labourel,
continue la tradition paternelle; il est aujourd'hui le jeune et
actif maire de Blamont.
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Blâmont a possédé autrefois plusieurs Brasseries, dont l'une a
subsisté sous le nom de son ancien propriétaire M. Baumgarten,
qui avait su transformer le matériel primitif et apporter les
améliorations qui ont fait de l'usine une des plus importantes
de la région. A l'heure actuelle elle est devenue une succursale
de la Grande Brasserie Tourtel, de Tantonville, qui y a installé
un dépôt de sa bière renommée.
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Les Moulins de Blâmont, autrefois source abondante de revenus
pour les seigneurs locaux, appartiennent à M. René Scheffler.
Dévastés et saccagés par les Allemands pendant la guerre, ils
ont été restaurés rapidement et remis en exploitation quelques
mois après l'armistice. Ils ont été aménagés en tenant compte
des derniers progrès accomplis dans la minoterie. Leur débit
journalier est de 100 sacs de farine, soit une moyenne de 35.000
sacs par an. La maison étend son activité dans le pays.
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L'industrie de la broderie, sur tulle notamment, introduite par
la regrettée Mme Florentin, continue à faire vivre de nombreuses
ouvrières de la ville et des en virons grâce notamment à M. Aimé
Gérard, successeur de la fondatrice.
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Le commerce local, sous l'impulsion de la reconstitution, est
aussi très actif. Qu'il nous suffise de citer l'importance de la
Maison Zéliker, créée par un modeste enfant du pays, qui a su
établir dans notre ville de véritables docks où chacun peut
s'approvisionner de toutes manières.
Si nous pouvions exprimer un souhait, ce serait de voir le
marché de Blamont autrefois prospère et achalandé, reprendre son
ancienne importance.
En somme, on trouve dans notre petite ville une activité
industrielle, qui la rend intéressante, sans lui enlever de son
charme. Souhaitons que la paix enfin « gagnée » nous ramène à la
belle prospérité d'autrefois.
Les oeuvres Sociales à Blâmont
Les Sociétés S.A.G.
Il est à remarquer que, dans notre ville, où les éléments
favorables abondaient cependant, si on excepte les oeuvres de
bienfaisance, les oeuvres sociales se sont peu développées
pendant longtemps. La cause, il faut le dire courageusement,
tenait à l'incompatibilité des opinions politiques, au manque à
peu près absolu d'union qui en résultait. L'union qui fait la
force des nations fait aussi celle des organisations plus
restreintes. Dans la période qui va de 1870 à 1914, il faut
arriver à 1885 pour voir se créer un groupement vraiment utile.
C'est il cette époque que M. DELABBEYE, capitaine commandant la
Compagnie des sapeurs-pompiers - « la compagnie modèle de la
région » - crée la Société de Tir sous le titre de Société de
Tir du 41e Territorial. Nous étions sentinelle avancée à la
frontière d'Alsace-Lorrains ; le hargneux voisin nous guettait,
il fallait former et entretenir Les bons tireurs qui nous
défendraient à l'heure du danger.
Tel est le but modeste, mais noble que s'étaient proposé le
fondateur et ceux qui l'ont suivi.
En 1902, la Société est transformée en Société de Tir mixte de
Blâmont. Bien modeste jusque là, elle tombe à la mort du
regretté M. DELABBEYE.
Elle est reconstituée en 1903 par M. le Docteur HANRIOT,
Médecin-major de territoriale, secondé par un Conseil
d'administration actif et dévoué.
Dirigée par un homme que les difficultés n'embarrassent pas,
mais stimulent, elle va se relever rapidement et connaîtra une
belle destinée.
Dès la première année, elle compte plus de 400 membres. En 1904,
on lui construit un stand avec cibles électriques Chevalier.
L'inauguration en est faite sous la présidence de MM. les
généraux Groth et de Lastours.
Nombre des sociétaires : 600.
En 1905, il faut agrandir le stand, devenu insuffisant pour le
nombre des sociétaires.
Les réservistes, territoriaux, pupilles venant en masse des
communes du canton de Cirey, la Société prend, avec
l'assentiment de M. J.-B. MAZERAND, Maire de Cirey, le nom de
Société de Tir de Blâmont-Cirey. On institue le tir scolaire, on
dote toutes les écoles des deux cantons d'une carabine et d'un
matériel de tir.
500 enfants de 10 à 13 ans répondent à l'appel et prennent part
aux concours et au championnat au stand de Blâmont.
Dans cette même année, les compagnies et subdivisions des
sapeurs-pompiers ou sauveteurs sont conviées à un concours
annuel de tir : 20 compagnies ou subdivisions y prennent part.
Un organe est nécessaire à la vie d'une société qui prend un tel
développement ; chaque membre doit être tenu au courant des
succès, des besoins de son groupement. En 1906, le Moniteur de
la Société est créé.
Depuis cette époque également la Société prépare au brevet
d'aptitude militaire et fait recevoir bon nombre de candidats.
Un but d'utilité immédiate apparaît, qui va en accroître la
prospérité.
La fanfare et la clique sont créées en 1907 et portent aux
quatre coins des deux cantons le bon renom de la Société. C'est
l'époque glorieuse qui commence. Il va sortir des rangs de nos
modestes sociétaires des jeunes hommes mûrs pour les grands
sacrifices, qui s'en iront au Maroc d'abord, plus près de nous
bientôt, combattre pour la gloire de la France et pour sa
délivrance.
Avec un pareil développement, les services ont besoin d'un abri.
La Municipalité met à la disposition de la Société une aile du
Collège qui est aménagée en conséquence.
En 1908, la Préparation militaire est organisée par la création
d'un terrain de manoeuvres avec appareils, portique, poutres,
barres doubles...
Plus de 1.000 membres actifs, environ 600 élèves. ou adhérents
du tir scolaire ; tel est le résultat des. efforts du Comité
directeur.
La Société est à son apogée. Le nombre des brevets. est porté à
7. A l'Exposition internationale de l'Est à Nancy, un diplôme
d'honneur récompense tous ces efforts.
En Juillet 1909, il est fondé un patronage sous le titre Les
Pupilles de la Préparation militaire qui se transforme, l'année
suivante, en Société de gymnastique, agréée par le Ministre de
la Guerre.
Elle compte, dès ses débuts, plus de 60 adhérents.
On lui fournit tous les agrès, et un généreux bienfaiteur met à
sa disposition un cinématographe. Autour de Blâmont, dans les
communes importantes, Domèvre, Avricourt et autres, des sections
de pupilles se forment également.
Le 13 août 1911 a lien à Blâmont la fête de l'Association des
Gymnastes de Meurthe-et-Moselle et le premier concours régional
du Comité départemental de P. M., sous la présidence de M.
LEBRUN Ministre des Colonies, Député de Meurthe-et-Moselle et de
M. AUGAGNEUR, Ministre des Travaux publics.
Cette imposante réunion mit en évidence la vitalité du
groupement des Sociétés blâmontaises et le rôle éminemment
social de l'oeuvre entreprise. Ce rôle, la Société a continué a
le remplir avec succès jusqu'en 1914.
A côté de ce groupement, l'Oeuvre des Patronages catholiques
avait crée une Société de gymnastique qui se développa également
sans nuire à la première.
Leur but, en somme, était le même : former de bons soldats pour
la Patrie qui allait en avoir besoin.
(à suivre)
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