|
Sépias sur Blâmont
signées Guibal (1/2) |
|
La bibliothèque de
Nancy possède une importante collection de sépias,
signées Guibal, dont plusieurs
représentent Blâmont (l'abée Dedenon en a reproduit
2 dans son « Histoire du
Blâmontois dans les temps modernes » ).
Qui est ce Guibal ?
Congres Scientifique de France, Volume 1 ;Volume
17
17ème session, tenue à Nancy en septembre 1850.
Ed. 1851
Séance du 5 septembre
« M. Guibal, juge de paix à Nancy, communique à
la Section une collection de cent dessins à la
sépia, représentant de vieux édifices et les
ruines d'anciens châteaux du département de la
Meurthe, dont quelques-uns ont été démolis
depuis que M. Guibal les a dessinés. Une notice
abrégée, jointe-à chaque vue, indique l'époque
présumée de la construction de ces châteaux. Ces
derniers, quoique moins nombreux et moins
importants que ceux que l'on voit en Alsace, sur
le versant de la chaîne des Vosges, et qui ont
été décrits dans le grand ouvrage de MM. de
Golbéry et Schweighaeuser, sont loin d'être
dépourvus d'intérêt, au double point de vue
archéologique et historique. » |
Les dessins sont donc
de Charles François Guibal (1781-1861), magistrat à
Nancy et membre de l'Académie de Stanislas, petit fils
du sculpteur Dieudonné-Barthélemy Guibal, (1699-1757,
auteur, entre autres, des célèbres fontaines de Neptune
et d'Amphitrite de la place Stanislas).
Né le 26 juin 1781 à Lunéville, il est le fils de
Barthélémy Guibal (1754-1818), avocat au parlement
(reçu en mai 1774) exerçant à Lunéville (où il est né et décédé).
Charles François Guibal est diplômé de l'école
polytechnique en 1800,
Il se marie le 16 avril 1806 avec Rose-François Drouin :
l'acte de mariage porte comme profession « Professeur de
dessin à l'école d'artillerie de Valence »
Il sera ensuite professeur à l'école militaire de
Douai, mais ayant fait aussi des études de droit, il
abandonne le professorat et s'installe à Lunévillle
comme avoué, puis comme notaire.
Veuf depuis 1815, il se remarie le 19 avril 1819 à Nancy
avec Ursule Amélie Poirel (*) : l'acte l'indique notaire
à Lunéville.
Il est finalement nommé juge de paix à Nancy, où il
s'installe en 1831.
Charles-François Guibal, cultivait les diverses sciences
(géométrie, géologie, paléontologie...), voire même la
poésie (« Ruth, poème en trois chants », 1818, où il se
présente comme « ex-professeur à l'école d'artillerie de
Valence, avoué à Lunéville, et adjoint au maire de la
même ville »).
On sait aussi que Charles François Guibal était
passionné de botanique, et, orchidophile émérite,
herborisait avec ses deux petits fils (Charles-Paul et
René Zeiller) à travers les bois et des coteaux des
environs de Nancy. A compter de 1860, les accompagne
dans leurs promenades, l'ami de lycée de Réné,... Emile
Gallé (1846-1904), comme on le lit dans l'article des
Mémoires de l'Académie de Stanislas reproduit
ci-dessous.
Charles François
Guibal décède à Nancy le 27 décembre 1861.
(*)
Ursule-Amélie Poirel (1799-1869) est la soeur de
l'architecte Victor Poirel,(1804-1881) qui a laissé son
nom à la « Salle Poirel ». Victor Poirel a épousé en
1834 Élisabeth Guibal, petite-fille du sculpteur
Barthélemy Guibal Elle a donné en 1882 à la ville de
Nancy 118 tableaux de l'école italienne ainsi que le
capital nécessaire à l'édification de la salle qui porte
désormais son nom.
On voit donc que Victor Poirel (1804-1881) est le
beau-frère de Charles-François Guibal.
Mais Elisabeth Guibal (1808-1885) est la fille de
Dieudonné-Barthelemy Guibal (1745-1832), frère de
Barthélemy Guibal (1754-1818), le père de
Charles-François Guibal : elle est donc cousine de
Charles-François Guibal. En épousant Victoire Poirel,
elle devient donc à la fois pour Charles-François, sa
cousine et sa belle-soeur.
Mémoires
de l'Académie de Stanislas -1920-1921 « René Zeiller -
Ses origines et ses amitiés lorraines »
Charles Guyot
[...] Avec le fils de
Dieudonné Guibal, nous arrivons au grand-père de René
Zeiller, Charles-François, figure très originale et que
des liens nombreux rattachent à l'Académie de Stanislas.
Né à Lunéville en 1781, il était admis comme « membre
associé » de notre Compagnie en 1818, et s'étant fixé à
Nancy en 1831, il devenait en 1833 membre titulaire.
C'était un esprit encyclopédique, comme on en
rencontrait à cette époque, et la liste de ses
productions. offertes à l'Académie peut donner une idée
de la variété de ses occupations. Il débute en effet par
un discours en vers sur l'Education, dont une partie
nous a été conservée, celle où il stigmatise l'Ignorant.
Puis c'est un mémoire, de 1838, sur le système métrique
un autre, de 1844, sur les tangentes au cercle, et, en
1861, la Théorie de l'art du dessin, dont l'Académie,
vote l'impression. Très dévoué, à ses devoirs.
académiques, il remplit pendant. plusieurs années les
fonctions de président de la Commission pour
l'impression des mémoires, qu'il cède ensuit
à.Soyer-Willemet. Son ouvrage capital, qu'il soumet à la
Compagnie en 1861 et 1862, c'est la « Géologie et
paléontologie du département de la Meurthe » dont la
partie paléontologique comprend des planches et une
liste de-fossiles pour, chaque terrain depuis le grès
bigarré. L'Académie, dont le président était alors
Jérôme Nicklès, vote l'impression de cet ouvrage, que
complète une carte géologique au 200.000e, la première
que nous possédions sur notre région. L'auteur se
qualifie : élève de l'École polytechnique en 1800,
ancien juge de paix à Nancy, petit-fils du sculpteur des
ducs de Lorraine Léopold et Stanislas.
Poète, mathématicien, magistrat, géologue,
Charles-François Guibal cultivait aussi avec Godron la
botanique; il fut enfin professeur bénévole à l'EcoIe
des sciences appliquées temporairement organisée dans
notre ville avant le rétablissement des Facultés. II eut
certainement une influence très grande sur la formation
intellectuelle de son petit-fils « C'est à lui, dit René
Zeiller dans sa demande d'admission à notre Académie en
1894, c'est au goût qu'il avait su me communiquer pour
l'histoire naturelle, que je dois de m'être consacré
plus tard aux études de paléontologie végétale, » Mais
ce petit-fils, doué, d'une rectitude de jugement et
d'une force de volonté peu communes, ne se laissa pas
entraîner à disperser ses efforts comme son grand-père
Charles-François, polytechnicien de 1800, comme l'un de
ses oncles, Charles-André, qui fut inspecteur général
des Ponts et Chaussées (1), et comme son père, ingénieur
en chef au même service (2), René Zeiller. ne pourra se
dispenser d'entrer lui aussi dans la grande Ecole; mais
il ne perdra pas son temps à des essais poétiques ni à
des conceptions juridiques; il saura de bonne heure se
proposer, un but unique, la paléontologie, vers lequel
il marchera sans dévier.
Le goût des sciences naturelles se fit aussi sentir chez
le frère aîné de René, Paul Zeiller (3), qui fut toute
sa vie très porté vers la botanique; il était entré à
l'École forestière et devait poursuivre sa carrière
administrative, lorsque des circonstances extérieures
l'obligèrent à abandonner assez vite ses fonctions de
garde général; il devint successivement sous-directeur
des cristalleries de Baccarat, puis industriel à
Lunéville.
René Zeiller avait quatorze ans à peine lorsque son père
mourut (4), trop tôt pour qu'il ait pu diriger son fils
au moment où ses soins lui eussent été le plus utiles;
rien d'étonnant alors à ce que le souvenir des Guibal,
son oncle et son grand-père, - du grand-père surtout -, soit resté chez ce jeune homme le plus net et le plus
vivant. Il eut de plus le bonheur inappréciable de vivre
ces. années critiques de l'adolescence auprès de sa
mère, dont la tendre affection acheva ce qu'une
éducation exclusivement masculine laisse toujours
d'incomplet. René lui dut cette aménité de caractère,
cette grande courtoisie qui faisaient le charme de ses
relations. Mme Zeiller habitait alors, à Nancy, dans la
rue Mazagran, au point où fut percée depuis la rue
Gambetta, une maison entourée d'un jardin où elle se
plaisait à cultiver des roses. Elle avait su grouper
autour d'elle de fidèles amitiés, et c'est dans ce
milieu d'hommes instruits et de bonne compagnie que le
jeune Zeiller, alors externe au lycée, pouvait puiser le
goût d'une société polie et d'une bonne tenue morale qui
chez lui ne se démentit jamais.
Déjà, dans ces années de lycée, il se montrait tel qu'il
devait être pendant toute sa carrière grand travailleur,
intelligence très ouverte et prompte à s'.assimiler les
matières les plus difficiles. En 1863, j'étais assis sur
les mêmes bancs que lui, mais pour mon malheur je
n'étais pas externe, et je me souviens de ce camarade
d'aspect un peu triste et sévère, il était encore en
deuil de son père, et des succès qu'il remportait, en
sciences et en lettres. En ce temps-là, nous avions avec
nous, aux lettres Emile Gallé et Gabriel Thomas, aux
sciences Gaston Floquet et un peu plus tard. Ernest
Bichat, noms qui retentissent ici douloureusement, car
ce sont ceux d'hommes éminents à divers titres, que trop
tôt nous avons perdus..
.Comme diversion aux études mathématiques, René Zeiller
suivait alors avec Gallé les excursions de botanique du
professeur Godron, l'auteur de la Flore de Lorraine,
souvent accompagné par son grand-père, qui
l'encourageait à lire, comme on disait alors, dans le
grand livre de la Nature. Ce fut l'origine de relations
très intimes entre Zeiller et le grand artiste lorrain,
dont témoignent des lettres (5) qu'ils continuaient à
échanger alors que leurs carrières, également
brillantes, les avaient depuis longtemps séparés.
Ainsi, en 1898, Gallé envoie à Zeiller une fleur
anormale d'Aceras hercinia, en le consultant sur les
causes d'une monstruosité qu'il ne s'explique pas. En
1900, Zeiller fait hommage à son ancien condisciple d'un
exemplaire de ses « Éléments de paléontologie », qu'il
vient de publier « Tu avais, il y a quelques années,
témoigné tant d'intérêt aux plantes fossiles, tu leur
avais fait tant d'honneur en reproduisant quelques-unes
d'entre elles sur tes admirables chefs-d'oeuvre, que je
me permets de t'adresser le petit volume que je leur ai
consacré et qui résume bien succinctement ce que nous
savons de plus certain à cet égard. » Le livre porte
cette dédicace « A mon cher et vieil ami Emile Galle, en
souvenir du temps où nous préludions aux plantes de
cristal ou de pierre en récoltant ensemble nos jolies
orchidées ou fougères nancéiennes. » Gallé s'empresse de
le remercier (4 décembre 1900); il se plaît à reporter à
son ami le mérite de lui avoir ouvert une échappée sur
le monde végétal « Il me paraît, ajoute-t-il, qu'à une
époque où l'art se rajeunit par le contact avec les
spectacles et les modèles naturels, ceux de la
paléontologie sont de nature à fournir des objets
d'inspiration à l'artiste, par les caractères grandioses
et originaux des espèces... »
Puis, le 12 juin 1902, Gallé ayant annoncé à son ami le
mariage de sa fille, Zeiller lui adresse ses
félicitations « .Combien je suis touché de ton si amical
souvenir. Tu m'as déjà gâté jadis avec ce verre
ravissant qui me rappelle, avec tes débuts dans l'art
que tu as élevé si haut et si profondément transformé,
nos bonnes herborisations de Maxéville et du vallon de
Champ-le-Boeuf. Tout en gardant notre amour pour la
flore, nous en avons l'un et l'autre quelque peu changé
depuis lors le mode de manifestation tu fais fleurir le
bois et le cristal, tandis que moi je ne connais plus
que les plantes mortes et les espèces éteintes.
Symbolisme à part, nos courses d'autrefois me laissent
toujours le plus charmant souvenir, et parce que nous
étions jeunes, et parce qu'elles me rappellent lés
débuts de notre bonne amitié, »
[...]
(1) Né à Lunéville en 1807, mort à Paris
en 1887.
(2) Antoine-Jacques-Eugène Zeiller, né à Paris en 1810,
mort à Nancy en 1861 descendant d'une famille rhénane
qui s'était transportée à Paris après la Révolution.
(3) Né à Nancy en 1842, mort à Pau en 1919.
(4) Le père de René Zeiller passa la plus grande partie
de sa carrière dans la région de l'Est. C'était l'époque
de la construction du chemin de fer de Paris a
Strasbourg et du canal de la Marne au Rhin; il s'y
employa activement, ainsi que son beau-frère Charles
Guibal (NDLR). Il collabora notamment à la construction
du viaduc de Chaumont, à cette du tunnel du canal à
Liverdun, ainsi qu'à plusieurs autres ouvrages d'art
importants.
(5) Ces lettres nous ont été obligeamment communiquées
par Mme Perdrizet, fille d'Émile Gallé. Déjà; peu de
temps après la mort de René Zeiller, notre confrère M.
Émile Nicolas avait fait paraître dans un journal de
Nancy (L'Étoile de l'Est, 12 décembre 1915), une notice
biographique dans laquelle il mentionne les relations
intimes que conservèrent ces deux amis d'enfance. M.
Douvillé s'est inspiré de cette notice, très complète et
bien documentée, dans celle qu'il a consacrée à René
Zeiller.
Rédaction :
Thierry Meurant |
|