Le Département
de la Meurthe - Henri Lepage - 1843
HAUTE-SEILLE (Alta Sylva,
Haute-Sylve), petit hameau situé sur les bords de la Vezouse, a
2 kilom. O. de Cirey. Il est composé de 21 maisons et 18
ménages, et, quoique dépendant de Cirey, il a conservé son ban à
part, consistant en terres et prés seulement. La tuilerie qui
est on peu au-dessus, et la maison de ferme dite la Vigne, qui
se trouve à une distance de près d'un kilomètre, font partie de
cet écart, où il y a une espèce de foire le dimanche après la
Saint-Bernard.
C est là que s'élevait autrefois la grande et magnifique abbaye
de Bernardins qu'Agnès de Langstein, comtesse de Salm, et ses
deux fils, Henri et Sterman, avaient fondée en 1140, dans un
endroit que l'on appelait Tanconville. Cette abbaye, ainsi qu'il
est mentionné dans un titre de 1575. n'était d'aucun diocèse, assise au détroit du comté de Salm; elle a toujours été, après
Dieu, sous la garde de ces seigneurs. Néanmoins, en 1257, le duc
Ferry la prit sous sa sauvegarde et protection, ce qui fut
renouvelé plus tard par les ducs Charles et Jean de Calabre. En
1576, l'abbaye de Hesse fut unie à celle de Haute-Seille. Le 18
novembre 1749, le pape Benoît XIV donna au roi Stanislas et,
après sa mort, à ses successeurs, les rois de France, un bref de
nomination à la dignité d'abbé de ce monastère.
Il ne reste plus aujourd'hui, du couvent, brûlé pendant la
révolution, que les engrangements, la maison du portier et une
partie du portail de l'église, servant d'entrée à un jardin
potager. Tout le reste est converti en terres et prés
qu'entourent encore les hautes et vieilles murailles qui
formaient autrefois l'enceinte. On distingue, parmi ces ruines,
des cloîtres et des restes de cellules. L'église, comme tous les
édifices conventuels, était très-longue et avait le choeur tourné
a l'orient. Le couvent était au sud de l'église; au nord,
l'abbaye, dont il ne reste plus qu'une chétive portion de voûte
; la maison abbatiale, qui était très-belle, avait été
reconstruite sous le règne de Stanislas. Saint Bernard visita,
dit-on, le monastère de Haute-Seille, et il est encore, dans
les environs, l'objet d'une vénération particulière.
Les Communes de
la Meurthe - Henri Lepage - 1853
HAUTE-SEILLE. Les pièces
d'une enquête faite en 1789, par un conseiller du Roi, délégué à
cet effet, nous apprennent que, le 1er août de Ile même année,
les habitants de Hesse, Bieberkirch, Trois-Fonlaines,
Hartzviller, Hermelange, Niderhoff et Tanconville, vinrent, au
nom de 3 à 400, armés de haches, de fusils et de bâtons,
attaquer l'abbaye de Haute-Seille, dont ils enfoncèrent les
portes, dévastèrent les caves, livrèrent les archives au
pillage, etc. Néanmoins, la partie de ces archives qui nous a
été conservée, est encore considérable, et l'on y trouve
beaucoup de titres des XIIe et XIIIe siècles, mentionnant des
donations faites à celle abbaye, ou portant confirmation de ses
biens. Je me dispenserai de mentionner ou d'analyser ces titres
; les plus intéressants qui concernent cette maison sont
imprimés dans les preuves de l'Histoire de Lorraine de Dom Calmet, où l'on voit : 1° Une charte d'Etienne, évêque de Metz
(de 1155 à 1160), rappelant la fondation de l'abbaye, faite, en
1140, par Agnès, comtesse de Langstein, et ses fils; 2° un
accord passé (1172), par l'entremise de Pierre de Brixey, évêque
de Toul, entre l'abbaye de Haute-Seille et celle de
Saint-Sauveur, au sujet d'un cens que celle dernière prétendait
lui être dû ; 5° une charte de 1174, par laquelle Henri, comte
de Salm, confirme à l'abbaye de Haute-Seille les biens qu'elle
possédait dans l'étendue de la paroisse de Tanconville; 4° un
accord (1184) entre Henri, comte de Salm, et cette abbaye, pour
l'eau (la Vezouze) qui coule sur les terres de l'abbaye ; 5° une
lettre (1185) de Louis, comte de Sarwerden, qui exempte les
religieux de Haute-Seille de tout droit de péage dans son pays;
6° enfin la donation faite à ces religieux, en 1186, par Henri,
comte de Salm, de la forêt d'Everbois.
L'abbaye de Haute-Seille, qui avait été fondée dans une vaste
solitude (in vasta solitudine), et à laquelle le hameau de ce
nom doit son existence, avait sans doute eu à souffrir, dès le
XVe siècle, soit des ravages du temps, soit des guerres qui
désolèrent si souvent nos contrées, car les lettres par
lesquelles les ducs Charles (1400) et Jean (1447) prennent ce
monastère sous leur protection, portent l'une et l'autre :
« Considérant que ladite église et abbaye commence à descendre
en ruine...; » considérant « le grand amenrissement et
désolation de l'église et abbaye de Haule-Seille... »
Dans le cours des siècles suivants, et probablement surtout au
XVIIe, elle fut encore dévastée et ses bâtiments en partie
ruinés, ce qui nécessita d'importantes reconstructions.
On lit, à ce sujet, dans un « Etat de tous les biens appartenant
à l'abbaye de Haute-Seille, sous le titre et invocation de
Notre-Dame, » fourni, en 1747, par les prieur et religieux de
celle abbaye, en conformité des arrêts du conseil d'Etat du Roi
de Pologne:
« La haute, moyenne et basse justice dans le lieu et ban de
Haute-Seille appartient pour moitié aux domaines en commun, tant
du comté que de la principauté de Salm, et y est exercée par les
officiers, en commun desdites principauté ; et comté, et
l'abbaye n'y a aucune part.
« L'abbaye est entourée de murailles tout autour de son enclos.
Elle a son entrée par une grande porte du côté du village de
Frémonville, flanquée de deux petites tournelles de part et
d'autre d'icelle.
« Une grande et vaste cour, tout autour de laquelle sont des
logements de portier, jardinier et domestiques, avec des
écuries, vacheries et greniers a foin. Dans la même cour, sont
aussi deux maisons de fermiers-laboureurs, avec les écuries,
greniers à foin et autres commodités, et le tout paraissant tout
neuf et eu bon état. De suite est encore une seconde cour,
grande et spacieuse, dans le fond de laquelle, à main gauche,
est un bâtiment tout neuf grand et spacieux, bâti à la moderne
et proprement, et qui n'a pas encore été habité...
« L'église se trouve à côté dudit bâtiment neuf; elle est
très-grande et spacieuse, propre et en état, mais le clocher est
à rebâtir à neuf, il menace ruine et écrase la voûte.
« La maison et logement ancien des religieux, est en
très-mauvais état, étant même déjà démolie pour la plus grande
partie des anciens bâtiments, dans le dessein de les rétablir à
neuf. L'appartement qui était occupé par défunt M. l'abbé, de
même que les chambres d'hôtes, sont et paraissent encore en
mauvais état d'habitation. Il y a encore trois ailes à rebâtir
pour rendre la maison régulière, avec le cloître qui est
très-vieux, en mauvais état, et même avec ruine évidente,
visible, ce qui sera d'une dépense considérable....
« II y a, dans l'enclos, des jardins potagers et vergers....
« II appartient à l'abbaye, dans le territoire de Hesse, 3,488
arpents de bois... La métairie seigneuriale de la Neuve
Grange... Le tiers des grosses et menues dîmes d'Hattigny... Le
tiers des dîmes de Landange, Aspach et Neuf-Moulin... Le tiers
de la dime de Languimbert... Une part de dime grosse et menue
sur les ban de Binsing et finage de Fribourg... Il lui
appartient la neuve Récour avec les droits seigneuriaux... Les
deux tiers de la seigneurie de Lezey... Les deux tiers des
grosses et menues dîmes d'Ommeray... La seigneurie de Xirxange,
etc. (Abb. de Haute-Seille.)
L'église, dans laquelle il y avait une confrérie de
l'Annonciation Notre-Dame, servait de paroisse aux grangers,
censiers et domestiques tant de l'abbaye que des environs. En
1768, la mense abbatiale valait 12,000 livres, et la mense
conventuelle 22,000.
Un titre latin, de l'an 1282, porte : Haute-Seille, alias
Hoenvorst.
Il existe, aux Archives, un plan du portail de l'abbaye, dressé
en 1735.
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