Le « 11 novembre »
2012 était un dimanche...
Le hasard
du calendrier a fait coïncider le 11 novembre 2012 avec
un dimanche... mais la commémoration de la victoire et
de la Paix en 2011, aurait eu lieu le dimanche 13 novembre 2011,
si la loi du 24 octobre 1922 n'avait pas abrogé la
précédente loi du 9 novembre 1921.
En 2013, le cas le pire ce serait produit, car le 11
novembre étant un lundi, la commémoration n'aurait eu
lieu que le dimanche 17.
Loi fixant
au 11 novembre la commémoration de la victoire
et de la paix
24 octobre 1922
Le Sénat et la Chambre des
députés ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi
dont la teneur suit :
Art. 1er. - La république française célèbre
annuellement la commémoration de la victoire et
de la Paix.
Art. 2. - Cette fête sera célébrée le 11
novembre, jour anniversaire de l'armistice. Le
11 novembre sera jour férié.
Art. 3. - La loi du 13 juillet 1905 (*)
concernant les fêtes légales ne sera pas
applicable à la fête du 11 novembre.
Art. 4. - La loi du 9 novembre 1921 est abrogée.
La présente loi, délibérée et adoptée par le
Sénat et la Chambre des députés, sera exécutée
comme loi de l'Etat.
Fait à Paris, le 24 octobre 1922.
(JO du 26 octobre 1922)
(*) NDLR : Loi du
13 juillet 1905, décidant que, lorsque les fêtes
légales tomberont un vendredi, aucun payement ne
sera exigé, ni aucun protêt ne sera dressé le
lendemain de ces fêtes; lorsqu'elles tomberont
le mardi, aucun payement ne sera exigé, ni aucun
protêt ne sera dressé la veille de ces fêtes.
Art. 1er. - Aucun payement d'aucune sorte sur
effet, mandat, chèque, compte courant, dépôt de
fonds ou de titres ou autrement ne peut être
exigé ni aucun protêt dressé les 2 janvier, 15
juillet, 2 novembre, 26 décembre, lorsque ces
jours tombent un samedi, et le 14 août,
lorsqu'il tombe un lundi.
Dans ce cas, le protêt des effets impayés le
samedi ou le lundi précédent ne pouvant être
fait que le lundi ou le mercredi suivant,
conservera néanmoins toute sa valeur à l'égard
du tiré et des tiers, nonobstant toutes
dispositions antérieures contraires.
|
Cette loi, prise en urgence avant
les cérémonies 1922, revient sur les dispositions de la loi
du 9 novembre 1921 qui avait fixé la célébration au
dimanche qui suit le 11 novembre quand cette
date ne tombe pas un dimanche, afin de ne pas
créer un jour férié supplémentaire.
Le «
11 novembre
» n'aurait donc été
commémoré le bon jour qu'en 1923, 1928, 1934, 1945,
1951, 1956, 1962, 1973, 1979, 1984, 1990, 2001, 2007 et
2012.
Ainsi, la toute première célébration n'a eu lieu
que le dimanche 13 novembre 1921.
Le 11 novembre n'est devenu une date fixe qu'à la
demande de nombreuses associations d'anciens combattants,
qui entre le 9 novembre 1921 et le 24
octobre 1922, se sont élevées pour que le 11 novembre reste... le 11
novembre ! :
Journal des
mutilés, réformés et blessés de guerre
14 janvier 1922
L'Armistice doit être
célébré le 11 novembre
Une proposition de loi tendant à modifier la loi
du 9 novembre 1921 et à faire déclarer jour
férié le 11 novembre de chaque année, a été
présentée à la séance de la Chambre des députés
du 10 décembre 1921 par MM. Maurice de
Rothschild, Joseph Sempé, Georges Aimond, Léon
Archimbaud, Adolphe Chéron, Marc Doussaud,
Pierre Forgeot, Justin Godard, Lesaché, le
colonel Picot, Renard, Henry Simon, députés.
EXPOSE DES MOTIFS
Le Parlement, tout dernièrement, sur les
propositions de deux de nos collègues, M.
Georges Aimond et Pierre Dignat, a réglé par une
loi la commémoration annuelle de l'armistice
qui, le 11 novembre 1918, mit fin à la guerre et
nous donna la victoire et la paix.
Cette loi qui porte la date du 9 novembre 1921
est ainsi conçue : « La République française
célèbre annuellement l'anniversaire du 11
novembre, fête de la victoire et de la paix.
Cette fête sera célébrée le 11 novembre, si
c'est un dimanche et, dans le cas contraire, le
dimanche suivant. »
Par la présente proposition, nous vous demandons
de modifier, en ce qui concerne le mode e
célébration de cette fête, la loi du 9 novembre
1921.
Voici les raisons de notre proposition.
Sur le principe que l'armistice devait, chaque
année être célébré, il y eut à la Chambre et au
Sénat accord unanime. Le ministre de l'Intérieur
fit connaître à chaque assemblée, par une
déclaration, que le Gouvernement entendait
s'associer étroitement aux décisions que le
Parlement prendrait pour commémorer
solennellement la fêle de l'armistice de la
Victoire et de la Paix.
Sur le mode de célébration de cette fête, il y
eut, au contraire, divergence et discussion en
tant à la Chambre qu'au Sénat. Le ministre de
l'Intérieur semble s'être attaché, sur ce point
spécial, à ne peser en aucune façon sur la
décision des deux assemblées. A la Chambre, sur
la demande de la Commission d'administration
générale, il fut d'abord voté un article unique
portant que « le 11 novembre, anniversaire de la
victoire de la France et de ses alliés est
déclaré jour férié ». Mais un amendement de
notre collègue Ferdinand Bougère prévoyant que
« la fête sera célébrée le dimanche suivant » fut
ensuite adopté. En raison de la contradiction
des deux textes ainsi votés, la Commission
d'administration générale demanda, comme le
permettait le règlement, une seconde
délibération. Après une courte suspension de
séance, cette Commission, par l'organe de son
président, présente un nouveau texte
transactionnel qui fut adopté. Ce texte, très
différent de celui que la Commission
d'administration générale avait primitivement
soumis à la Chambre, était le suivant : « La
République française célèbre annuellement
l'anniversaire du 11 novembre, fête de la
Victoire et de la Paix. Cette fête sera célébrée
le 11 novembre, si c'est un dimanche ou, dans le
cas contraire, le dimanche suivant. En 1921, la
fête de la victoire et de la paix sera célébrée
le vendredi 11 novembre. » Au Sénat, après une
discussion au cours de laquelle se
reproduisirent les mêmes divergences qu'à la
Chambre, moins la disposition spéciale à 1921,
fut voté. La Chambre saisie à nouveau, mais
pressée par le temps ne put qu'enregistrer le 8
novembre 1921 le texte du Sénat. La loi fut
promulguée le lendemain au Journal Officiel.
On ne saurait mettre en doute la bonne intention
des orateurs qui intervinrent soit a la Chambre,
soit au Sénat dans le débat relatif au mode de
célébration de la fête du 11 novembre. Les uns
demandèrent purement et simplement que la fête
de l'armistice soit commémorée le 11 novembre de
chaque année. Les autres faisant observer que le
11 novembre ne tombe point nécessairement un
dimanche, proposèrent que, la fête de
l'armistice soit célébrée le 11 novembre lorsque
cette date tombe un dimanche ou, dans le.cas
contraire, le dimanche suivant. A l'appui de
leur proposition, ces derniers invoquèrent la
nécessité à une époque où la France a besoin de
toute son activité pour la reprise de la vie
économique, de ne pus transformer un jour
ouvrable en un nouveau jour férié. Ils
ajoutèrent même que, par application de la loi
du 14 juillet 1905, concernant les fêles
légales, la commémoration du 11 novembre de la
fête de l'armistice pourrait faire jouer, en
raison de la proximité de la date de la
Toussaint, la question des « ponts », ce qui
aurait pour conséquence regrettable de priver
encore d'un autre jour de salaire ceux dont le
travail est rémunéré à la journée.
De l'analyse des votes émis par la Chambre sur
le mode de célébration de la fête de l'armistice
de la Victoire et de la Paix, il résulte,
semble-t-il, que la divergence s'est produit
parce que nos collègues ont obéi à deux
considérations dont la contradiction, le jour de
la discussion, ressortit du reste aux yeux de
beaucoup, comme plus apparente que réelle. C'est
du moins l'interprétation exacte que leur
donnèrent ceux d'entre nous qui s'inspirèrent de
la seconde de ces considérations. Dans le
premier ordre d'idées, certains s'en sont
référés purement et simplement aux desiderata
vraisemblables et aux préférences présumées des
anciens combattants. Ils se sont, en
conséquence, prononcés pour la date du 11
novembre. D'autres de nos collègues, dans le
second ordre d'idées, ont préjugé que les
employés et ouvriers rémunérés à la journée,
s'ils avaient été consultés, se seraient sans
doute déclarés contre l'institution à une date
de jour ouvrable de la célébration de cette fête
et qu'ayant été en raison de l'égalité de tous
devant la loi militaire, pour la plupart
mobilisés, ils devaient être écoutés et
satisfaits au titre même d'anciens combattants.
Ils ont alors cru pouvoir admettre le mode
transactionnel qui a pour effet de reporter, le.
cas échéant, au dimanche suivant la
commémoration du 11 novembre.
A ceux de nos collègues qui ont volé dans ce
dernier sens, les groupements des anciens
combattants, depuis la promulgation de la loi du
9 novembre 1921, ont d'une façon unanime, fait
connaître par des déclarations qu'à leur avis,
aucune, date autre que celle du 11 novembre, ne
pouvait être annuellement attribuée à la
commémoration de l'armistice, de la victoire et
de la paix. Ces déclarations constituent un fait
nouveau. Sur le mode de célébration d'une fête
instituée en leur honneur, les anciens
combattants doivent-ils avoir le dernier mot ? A
cette question qui ne peut être éludée, la
réponse semble devoir être affirmative.
Puisqu'au moment où la Chambre des députés et, à
la suite, le Sénat se sont prononcés sur
l'amendement de notre collègue M. Ferdinand
Bougère, il y a eu entre les anciens combattants
et une partie du Parlement un malentendu, il est
de toute nécessité qu'un moyen soit offert à la
Chambre des députés et au Sénat de revenir sur
le vote ainsi émis. C'est dans ce but que nous
avons déposé la présente proposition de loi qui
a pour objet de décider que la fête de
l'armistice, de la Victoire et de la Paix sera
célébrée le 11 novembre de chaque année même
lorsque ce jour ne tombera pas un dimanche,
étant entendu seulement que la loi du 14 juillet
1905 sur les fêtes légales ne pourra jamais, le
cas échéant, être appliquée en vue d'établir un
« pont ».
S'il était encore besoin d'invoquer un autre
motif pour justifier notre proposition, il nous
suffirait de rappeler, que, lors de la première
délibération, la Chambre s'est prononcée suivant
la procédure de l'urgence et que, lorsqu'elle
fut saisie à nouveau, il ne lui était plus
possible, en raison même de la date de la mise à
l'ordre du jour, d'apporter la moindre
modification au texte voté par le Sénat.
Pour ces raisons, nous vous demandons d'adopter
la proposition de loi suivante :
PROPOSITION DE LOI
Article premier. - La République française
célèbre annuellement la commémoration de la
Victoire et de la Paix.
Article 2. - Cette fête sera célébrée le 11
novembre, jour anniversaire de l'armistice.
Article 3. - La loi 14 du 11 juillet 1905
concernant tes fêtes légales ne sera pas
applicable. |
Journal des
mutilés, réformés et blessés de guerre
1er avril 1922
L'Anniversaire de
l'Armistice
Au mois de novembre dernier, mes chers
camarades, nous nous sommes laissés surprendre
par un vote des Chambres qui étouffait purement
et simplement la fête du 11 Novembre, la fête de
l'Armistice, la fête des Anciens Combattants.
En effet, il n'y eut pas l'an dernier de fête de
l'Armistice. Le 11 Novembre, date émouvante et
glorieuse entre toutes, date ancrée dans le
coeur de tous les Français, doublement mémorable
puisqu'elle est celle de la Victoire et
puisqu'elle mit un terme aux souffrances de ceux
qui avaient fait et gagné la guerre, le 11
Novembre, jour inoubliable pour tous les Poilus,
fut remis sans façon au dimanche suivant.
Et vous vous souvenez peut-être de ce que fut, à
Paris, cette fête des Anciens Combattants,
célébrée un dimanche pareil à tous les
dimanches, et où elle perdit tout caractère,
toute noblesse, toute grandeur, parmi la
banalité des habituels plaisirs dominicaux.
Toutes nos Associations s'émurent alors d'une
décision qui proclamait que le 11 Novembre ne
serait jamais le 11 que l'année où, par hasard,
il tomberait un dimanche, et condamnait ainsi
l'anniversaire de l'Armistice à n'être célébré
dignement qu'à peu près tous les dix ans.
Et moi-même, me faisant l'écho des protestations
indignées qui s'élevaient de toutes parts dans
les rangs des Anciens Combattants, j'écrivais
alors dans ce journal :
« Il est singulier qu'il ne se soit pas trouvé,
à la Chambre, une majorité pour protester,
lorsque la loi est revenue du Sénat, contre
cette façon cavalière de traiter la plus grande
date historique de ce temps. Il est étrange, en
vérité, que lorsque nos pères conscrits ont
voulu réagir contre l'abus des fêtes et des
congés, ils aient choisi précisément le seul
anniversaire auquel il ne fallait pas toucher,
celui qui retentit plus que tout autre au coeur
des Anciens Combattants celui du jour qui
consacra leur délivrance et leur triomphe. »
L'émotion parmi les anciens combattants fut même
telle qu'elle gagna les couloirs du
Palais-Bourbon et qu'elle inspira à certains
membres de la Chambre des Députés le désir de
faire revenir le Parlement sur sa décision.
C'est ainsi que M. Maurice de Rothschild, député
des Hautes-Pyrénées, a déposé le 10 décembre
dernier, une proposition de loi tendant à
modifier la loi du 9 novembre 1921 et à faire
déclarer jour férié le 11 novembre de chaque
année. Cette proposition a été aussitôt signée
du Colonel Picot, député de la Gironde,
président du Groupe des Mutilés de la Chambre
des Députés, ainsi que de MM. Joseph Sempé,
Georges Aimont, Léon Archimbaud, Adolphe Chéron,
Marc Doussaud, Pierre Forgeot, Justin Godart,
Lesaché, Renard, Henri Simon et Gaston Poitevin.
« Les Groupements des anciens combattants, dit
M. Maurice de Rothschild, dans l'exposé des
motifs de cette proposition, ont d'une façon
unanime, fait connaître par des déclarations,
qu'à leur avis, aucune date autre que celle du
11 novembre ne pouvait être annuellement
attribuée à la commémoration de l'armistice, de
la victoire et de la paix. Ces déclarations
constituent un fait nouveau. Sur le mode de
célébration d'une fête instituée en leur
honneur, les anciens combattants doivent avoir
le dernier mot ! »
La question ainsi est bien posée. Elle ne doit
pas être autrement résolue.
Félicitons donc M. Maurice de Rothschild à qui
revient l'initiative de cette proposition et
dont l'exemple a été ultérieurement suivi par
notre actif et dévoué camarade About et un
certain nombre de ses collègues, qui, quelques
jours après, ont déposé un projet identique.
Mais déposer un projet est une chose, le faire
adopter en est une autre.
Il ne s'agit pas, en effet, d'attendre la
dernière minute, comme l'an dernier, pour régler
une question que tous les anciens combattants,
mutilés et réformés, ont prise à coeur. Pas de
décision brusquée. Pas de ces coups de surprise,
dont le Sénat paraît s'être fait une spécialité
depuis quelque temps, et qui prennent au
dépourvu nos députés, les déconcertent et les
entraînent à des gestes inconscients ou
irréfléchis.
Si je m'y suis pris sept mois a l'avance pour
traiter dans ce journal la question du 11
novembre, c'est précisément pour qu'il n'y ait
pas cette fois de malentendu, et que la fête des
anciens combattants ne soit pas exposée, en
1922, à un sabotage in extremis comme en 1921.
Que M. Maurice de Rothschild se dise que dans
cette affaire il a derrière lui toutes nos
Associations d'Anciens Combattants, de Mutilés
et dé Réformés.
Que tous les députés qu'il a groupés autour de
lui, que notre camarade About et ses
co-signataires joignent leur activité à la
sienne. Nous sommes prêts, dans ce journal, à
seconder leurs efforts réunis. Il faut que ce
projet soit discuté et voté avant les vacances.
La singulière loi du 9 novembre 1921 doit être
modifiée; le 11 novembre doit rester le 11
novembre, la plus grande date historique de ce
temps,
André LINVILLE. |
Rédaction : Thierry Meurant |
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