Les armées françaises dans la Grande guerre
Tome 2, Annexes Volume 2
Ministère de la guerre, état-major de l'armée,
service historique
Imprimerie nationale (Paris) 1931
GROUPE PROVISOIRE DE L'EST.
LE GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ DU COMMANDANT EN CHEF.
Le 9 février 1915.
Le général Dubail, délégué du commandant en chef, au
général commandant en chef.
[...]
Le 2e groupe de divisions se tient prêt à appuyer
par son artillerie l'opération de la 73e division.
Il ne prévoit lui-même aucune attaque en règle, sans
rester toutefois inactif.
C'est ainsi qu'une reconnaissance du 71e btn de
chasseurs a constaté le vide à Emberménil et a pu
pousser jusqu'à la lisière est de Remabois.
Dans la 09e division, on s'est débarrassé, par
l'artillerie, d'un poste d'observation très gênant à
400 mètres est de Port-sur-Seille. C'était une
tranchée avec blockhaus.
Les obus sont tombés dans la tranchée même et ont
fait exploser 2 mines que les Allemands y avaient
préparées. Nos patrouilles ont-trouvé le
retranchement bouleversé avec des débris de corps et
d'équipements au milieu des traverses de bois.
DUBAIL.
GRAND QUARTIER GÉNÉRAL DES ARMÉES DE L'EST.
ÉTAT-MAJOR.
3e BUREAU.
SECRET.
Au G.Q.G., le 13 mars 1915.
Le général commandant en chef, au général commandant
le G. P. E. à Gondrecourt.
Il est possible que j'aie dans peu de temps des
disponibilités que je compte employer à des actions
offensives de nature à maintenir le moral du pays et
à nous conserver la priorité dans les opérations.
L'action principale sur le front de votre groupe
d'armées doit être l'action de Woëvre que vous avez
déjà envisagée et pour laquelle je compte vous
donner la valeur de 3 corps d'armée et d'une
division de cavalerie. Cette action principale
devant être précédée comme vous l'avez indiqué dans
votre lettre n° 47 C du 10 courant, d'une action
secondaire dans la région de Vauquois à laquelle
pourrait être consacrée une division prise sur les
forces à appliquer en Woëvre.
Une autre région d'offensive est la zone de terrain
comprise entre la forêt de Parroy et les Vosges que
vous n'avez pas encore eu à envisager jusqu'ici. Le
but à y poursuivre serait, par un débouché rapide,
de refouler l'ennemi en vue de vous établir sur une
ligne plus avantageuse que notre ligne de défense
actuelle en récupérant, d'un coup une importante
fraction du territoire national.
La valeur d'un corps d'armée et d'une division de
cavalerie en supplément des forces du D.A.L. serait
affectée à cette action offensive. Ces troupes
pourraient être distinctes de celles consacrées à la
Woëvre.
En outre, si les délais nécessaires à la préparation
de l'attaque en Woëvre dépassaient une quinzaine de
jours, il y aurait intérêt à ce que l'offensive du
D.A.L. commençât la première. L'attention de
l'ennemi serait ainsi successivement appelée sur
Vauquois puis sur la région de Blamont, avant que se
déclenchât l'action principale en Woëvre.
Je vous prie en conséquence :
1° De tenir prêtes les opérations sur Vauquois et en
Woëvre;
2° De faire étudier dès aujourd'hui l'offensive
entre la forêt de Parroy et les Vosges.
J'insiste, en terminant sur le caractère absolument
secret de ces projets.
J. JOFFRE.
GROUPE PROVISOIRE DE L'EST.
LE GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ DU COMMANDANT EN CHEF.
Le 16 mars 1915.
Le général délégué du commandant en chef, au général
commandant le détachement d'armée de Lorraine.
NOTE DE SERVICE.
En raison de l'activité des Allemands sur votre
front, j'estime qu'il y a lieu dès maintenant, et
ainsi que vous en aviez l'intention de pousser les
avant-postes de la 74e division dans la forêt de
Parroy, de manière à occuper solidement le plus tôt
possible la lisière est.
La conséquence de cette mesure est l'occupation de
la crête entre Emberménil et Fréménil.
Ce secteur va appartenir à la cavalerie, qui doit y
relever la 14e brigade, conformément aux
dispositions de mon télégramme n° 779. Je vous
autorise à prélever sur la brigade de Belfort le
régiment à 2 bataillons (172e) et à l'employer en
soutien de la cavalerie dans ce secteur.
L'autre régiment de la brigade de Belfort (171e)
reste à ma disposition; je compte le mettre à la
vôtre, au moment où vous exécuterez l'attaque en
préparation au nord de Badonviller.
Vous me rendrez compte des mesures prises pour
réaliser cette poussée en avant de vos avant-postes.
DUBAIL.
D.A.L.
ÉTAT-MAJOR.
3e BUREAU
SECRET.
Q.G., le 17 mars 1915.
Ordre particulier n° 19 pour: le détachement Lamy,
la 61° division, la
74e division.
I
A la date du 16 mars, le général commandant le
groupe provisoire de l'Est prescrit de pousser les
avant-postes de la 74e division plus à l'est dans la
forêt de Parroy, et d'occuper la crête entre
Emberménil et Freménil.
II
L'opération sera exécutée dans la nuit du 18 au 19
mars en portant sur le front: maison forestière de
Parroy -ferme de Beauséjour- cimetière de
Laneuveville (74e division) crête entre Emberménil
et Freménil (détachement Lamy), hauteur de
Notre-Dame-de-Lorette (142e brigade) de forts
avant-postes qui se retrancheront solidement dans la
nuit même.
Toutes les reconnaissances (itinéraires, positions à
organiser, ponts de la Vezouse pour le passage de
l'artillerie) devront avoir été faites d'avance, en
évitant d'attirer l'attention de l'ennemi.
III
Le général Lamy dirigera l'opération dans le secteur
entre la voie ferrée d'Avricourt et le ruisseau de
Leintrey.
Il disposera de :
La 21e brigade légère et l'artillerie qui lui est
rattachée.
Le 217e régiment, sous les ordres du général
Dessort.
Le 172e régiment, de la brigade de Belfort.
La compagnie spéciale du 41e territorial (rendue le
18 avant midi à Benaménil, venant de Croismare), la
compagnie du génie 13/18 (68e division) transportée
en auto à Saint-Clément le 18 avant midi, sous les
ordres du commandant de la compagnie du génie 13/18.
1 batterie de la 74e division rendue le 18 avant
midi à Thiébauménil.
Le 172e régiment cantonné le 17 au soir à
Flin-Chenevières, sera porté le 18 à Manonviller,
Domjevin, où il stationnera en cantonnement
d'alerte, prêt à appuyer le 217e régiment.
Le général Lamy poussera ses grand-gardes sur la
ligne: croupe dite des Arbres-Jumeaux, cotes 300,
301, 283 (ouest de Veho) : son secteur est limité au
nord par la voie ferrée d'Avricourt exclue (liaison
avec la 74e division, voir par. V), au sud sur la
ligne exclue Fremenil, ruisseau de Letntrey,
Blemerey, sur laquelle il se reliera à la 142e
brigade (voir par. IV).
Points d'appui à organiser :
a. Croupe dite des Arbres-Jumeaux (2.500 mètres
nord-ouest de Veho et 2.500 m. nord-est du fort de
Manonviller) ;
b. Hauteurs 300, 30 ouest de Veho;
c. Hauteurs 301, 283 est de Domjevin.
L'opération sera couverte par des éléments prélevés
sur la brigade légère et poussés sur la ligne cote
315 (3.000 mètres sud d'Emberménil), Veho, bois
entre Veho et Blémèrey.
Le gros de la brigade légère et le bataillon
territorial cantonné à Thiébauménil seront maintenus
sur la rive gauche de la Vezouse où ils continueront
à organiser la ligne principale.
IV
A gauche du détachement Lamy, la 74e division
poursuivra dans la forêt de Parroy l'exécution de
l'ordre particulier n° 9 du 14 mars. De plus, elle
poussera son poste de la station de Laneuveville
(une section) vers la crête orientée sud-nord et
coupant la voie ferrée à 2.000 mètres est de la
halte de Laneuveville (liaison à droite à la
grand-garde de la croupe dite des Arbres-Jumeaux,
voir par. III).
V
Á droite du détachement Lamy, la 142e brigade fera
occuper par une grand-garde solidement retranchée le
point d'appui constitué par le bois à l'est de
Saint-Martin, la clairière du bois du Vannequel, la
crête allant de la corne nord du bois de Vannequel à
la cote 293 (ouest de Saint-Martin). Ce point
d'appui se reliera à droite par la crête est
d'Herbéviller aux défenses existantes du bois Banal.
Un escadron à pied couvrira l'opération. Il sera mis
à la disposition de la 142e brigade légère le 18
mars à midi.
VI
Les premiers éléments des troupes chargées de se
porter sur la position des grand-gardes franchiront
à 19 heures la ligne: halte de
Laneuveville-Domjevin, Saint-Martin.
VII
Artillerie. -La batterie de 75 mise à la disposition
du général Lamy sera, avec les autres batteries dont
il dispose déjà, sous les ordres du commandant
Lefèvre, commandant l'artillerie du détachement Lamy
qui se conformera aux instructions que lui a données
sur le terrain le général commandant l'artillerie du
D.A.L. (position entre le village de Domjevin et la
Bonne-Fontaine-ligne d'observatoires reliée
téléphoniquement aux batteries sur la crête entre
Emberménil et Frémenil et sur la croupe au nord de
Saint-Martin).
VIII
Un auto-projecteur venant de Saint-Nicolas sera
rendu le 18 avant 16 heures à Thiébauménil, à la
disposition du général Lamy.
IX
Outillage. -La compagnie du génie 13/18 emportera
les outils de parc portés par les hommes.
La compagnie du 41e territorial emmènera sur
voitures les outils de parc nécessaires à son
effectif pour les travaux de tranchées et pose de
réseaux de fil de fer.
Le commandant du génie du D.A.L. a reçu l'ordre
(ordre particulier n° 12) de mettre à la disposition
des troupes le matériel nécessaire. Ce matériel,
ainsi que les piquets qui sont à préparer d'avance
par les soins du détachement Lamy et de la 142e
brigade, seront amenés d'avance à pied d'oeuvre.
X
Ravitaillement. - La compagnie du génie 13/18, la
compagnie du 41e territorial et la batterie de la
74e division seront ravitaillées à partir du 19 mars
par le détachementLamy.
Le 172e régiment sera ravitaillé d'après les ordres
du général commandant la 71e division.
HUMBERT.
G.Q.G.
ÉTAT-MAJOR,
3e BUREAU
Opérations-Priorité.
PERSONNE ET SECRET.
Le 18 mars 1915.
Télégramme chiffré.
Général commandant en chef, à Monsieur le général
Dubail, Gondrecourt.
Comme suite à la note n° 4.386-du 13 mars, relative
aux opérations à entreprendre par les troupes sous
vos ordres, j'ai l'honneur de vous faire connaître :
1° L'opération à effectuer en Woëvre est et reste
l'opération principale et je désire l'exécuter le
plus tôt possible et avec tous les moyens dont je
pourrai disposer; j'ai besoin en conséquence de
connaître au bout de combien de temps cette
opération pourrait être déclenchée étant donné
l'état actuel de sa préparation ;
2° L'opération envisagée dans la région de Blamont,
qui n'est que secondaire, ne serait donc entamée que
si la préparation de l'attaque principale nous
laissait le temps d'exécuter cette opération et de
ramener ensuite dans la Woëvre les forces qui y
seraient employées;
3° Je désirerais m'entretenir de cette question avec
vous et vous prie de vous rendre au G.Q.G. lorsque
vos études sur cette question seront terminées.
D'ici là ne laissez rien faire qui puisse dévoiler
nos intentions relativement à l'action éventuelle
sur Blamont, ainsi d'ailleurs que l'indique votre
note n° 56/c du 17 mars.
J. JOFFRE.
GROUPE PROVISOIRE DE L'EST.
LE GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ DU COMMADANT EN CHEF.
Le 31 mars 1915.
Le général Dubail, délégué du cdt en chef, au
commandant en chef.
[...]
DÉTACHEMENT D'ARMEE DE LORRAINE.
Notre progression dans la forêt de Parroy préoccupe
beaucoup les Allemands. Ils prennent des
précautions: ils ont doublé la garnison de Parroy
(elle était d'une compagnie) mis une compagnie à
Mouacourt, une autre à Xures, du canon de 77 sous
abri au N. E. de Mouacourt, fortement occupé la
corne nord de la forêt, et complètement la ligne de
leurs tranchées sur la ligne des hauteurs allant du
signal de Xures sur Leintrey. De plus, ils
bombardent la lisière du bois Legrand et l'attaquent
fréquemment, sans résultat d'ailleurs.
Il ne convient pas de se lancer, en ce moment, dans
des opérations importantes de ce côté. Cependant,
s'il est vrai que la forêt soit peu occupée entre le
rond-point de la tranchée des Sorbiers et
Embermenil, on pourrait en profiter pour gagner
encore un peu de terrain en se raccordant, à
Embermenil, avec la ligne des hauteurs du sud de la
station vers Fremenil. J'ai demandé au général
Humbert d'étudier cette petite opération.
[...]
DUBAIL
GROUPE PROVISOIRE DE L'EST.
LE GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ DU COMMANDANT EN CHEF.
Le 18 avril 1915.
Le général Dubail, délégué du commandant en chef, au
général commandant en chef.
[...]
Détachement d'armée de Lorraine. - En raison de
notre visite, le général Humbert a retardé de 24
heures l'opération consistant à porter en avant la
ligne de résistance des avant-postes de la 2e
division de cavalerie; elle aura lieu du 20 au 21.
On dirait que les Allemands s'en doutent, puisqu'ils
maintiennent une garnison dans Embermenil que leurs
patrouilles se contentaient habituellement de
visiter et qu'ils occupent de plus le mamelon 311 au
sud de la station du chemin de fer.
Des agents sérieux signalent le débarquement à
Blamont de 8 pièces lourdes et à Avricourt de 12 de
ces canons. C'est un accroissement nouveau, dans
cette région, de l'artillerie lourde allemande qui
montre une activité particulière depuis quelque
temps.
Le général Humbert a fait, de son côté, une demande
de canons lourds (2 batteries de 155 L., et 1
batterie de 95) à placer dans le secteur de la 2e
division de cavalerie.
Je lui ai fait remarquer qu'il aurait dû envoyer
cette demande par mon intermédiaire. [...]
DUBAIL
GROUPE PROVISOIRE DE L'EST.
LE GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ DU COMMANDANT EN CHEF.
Le 24 avril 1915.
Le général Dubail, délégué du commandant en chef, au
général commandant en chef.
[...]
Détachement d'armée de Lorraine. - Après une
canonnade violente de quelques jours sur le front du
détachement, un calme relatif s'est rétabli, sans
qu'on ait pu démêler le motif de ce redoublement
passager d'activité. Était-ce pour nous inciter à
dégager la Woëvre ou pour masquer l'évacuation par
la population-civile des villages du front, ou
simplement, comme l'a déclaré un prisonnier fait à
la IIIe armée, parce qu'ils n'avaient plus besoin
d'économiser les munitions et qu'ils devaient au
contraire rendre 2 coups pour 1. Il est aussi
difficile de la définir que de démêler le caractère
de leur action un peu incohérente dans la région
forêt de Parroy, Domèvre.
Il y a quelques jours, ils avaient maintenu une
garnison à Embermenil et occupé, de plus, la station
et la cote 311 plus au sud. Aujourd'hui, Embermenil
est libre et nous avons pu établir des postes à la
station et à la cote voisine. Par contre, l'ennemi a
jeté, la nuit dernière, 2 bataillons Saxons sur nos
avant-postes au N. de Domèvre (saillant 297, S. E.
de Reillon) ; ce qui nous a procuré un petit succès
avec une cinquantaine de prisonniers (blessés ou
non) et une grande quantité de fusils et
d'explosifs.
[...]
DUBAIL
Les armées françaises dans la Grande guerre
Tome 3, Annexes Volume 1
Ministère de la guerre, état-major de l'armée,
service historique
Imprimerie nationale (Paris) 1924
GROUPE PROVISOIRE DE L'EST
Le 24 avril 1915.
LE GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ DU COMMANDANT EN CHEF.
Le général Dubail, délégué du commandant en chef, au
général commandant en chef.
[...]
Détachement d'armée de Lorraine. - Après une
canonnade violente de quelques jours sur le front du
détachement, un calme relatif s'est rétabli, sans
qu'on ait pu démêler le motif de ce redoublement
passager d'activité. Était-ce pour nous inciter à
dégager la Woëvre ou pour masquer l'évacuation par
la population civile des villages du front, ou
simplement, comme l'a déclaré un prisonnier fait à
la IIIe armée., parce qu'ils n'avaient plus besoin
d'économiser les munitions et qu'ils devaient au
contraire rendre 2 coups pour 1 ? Il est aussi
difficile de le définir que de démêler le caractère
de leur action un peu incohérente dans la région
forêt de Parroy, Domèvre.
Il y a quelques jours, ils avaient maintenu une
garnison à Emberménil et occupé, de plus, la station
et la cote 311 plus au sud. Aujourd'hui, Emberménil
est libre et nous avons pu établir des postes à la
station et à la cote voisine. Par contre, l'ennemi a
jeté, la nuit dernière, 2 bataillons saxons sur nos
avant-postes au N. de Domèvre (saillant 297 S. E. de
Reillon), ce qui nous a procuré un petit succès,
avec une cinquantaine de prisonniers (blessés ou
non) et une quantité de fusils et d'explosifs.
GROUPE PROVISOIRE DE L'EST
Le 4 mai 1915.
LE GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ DU COMMANDANT EN CHEF.
N° 94/C.
Le général Dubail, délégué du commandant en chef, au
général commandant en chef.
[...]
Une pièce de marine, de la place de Toul, a été
installée dans le Bois banal (sud de
Domèvre-sur-Vezouse) : elle tire principalement sur
la voie ferrée Avricourt, Blamont,
Cirey-sur-Vezouse, ainsi que sur les organisations
défensives avoisinantes, telles que signal d'Igney.
L'ennemi, sur le front du détachement d'armée de
Lorraine, ne manifeste aucune activité offensive.
Les inondations de la Seille semblent bien avoir
correspondu au retrait de troupes de la région de
Morhange.
GROUPE PROVISOIRE DE L'EST
Le 14 mai 1915.
LE GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ DU COMMANDANT EN CHEF.
Le général Dubail, délégué du commandant en chef, au
général commandant en chef.
[...]
Détachement d'armée de Lorraine. - Sur le front de
Lorraine, l'ennemi ne montre aucune activité.
Les Allemands travaillent toujours aux deux
plates-formes signalées au N. E.d'Avricourt, dont
ils comptent certainement se servir pour bombarder
Lunéville à 24 kilomètres de distance.
Le général Humbert a déjà fait tirer sur ces
plates-formes par le canon de marine établi au bois
des Railleux (sud d'Herbéviller); j'ai vu, sur la
photographie prise par un aviateur, 7 coups à droite
et tout contre les plates-formes, mais non sur le
but même.
L'attaque sera reprise par beau temps. De plus, je
fais étudier s'il ne serait pas possible de pousser,
jusqu'à la station d'Emberménil, les 2 pièces de 120
sur truc que possède le détachement de Lorraine,
pour obtenir, sur les plates-formes d'Avricourt, un
croisement de feux avec la pièce de marine des bois
des Railleux. Malheureusement, la distance sera de9
k. 600, et je crains que ce ne soit trop pour du 120
L.
[...]
DUBAIL
D.A.L.
ÉTAT-MAJOR.
3e BUREAU.
SECRET.
Q.G., le 5 juin 1915.
Projet d'opérations à exécuter au D.A.L.
Désapprouvé par lettre n° 2048 du 7 juin du général
Dubail.
I. - Mission. - Le D.A.L. a pour mission de retenir
devant lui le plus de forces ennemies possible et de
prononcer une offensive ayant pour but d'infliger
aux Allemands un échec local et de réaliser une
avance.
II. - Objectif de l'opération. - L'opération la plus
avantageuse, au point de vue d'une progression
ultérieure, serait la conquête des positions du bois
du Haut de Corbe et du bois du Remabois.
1° Ces positions constituent des observatoires pour
l'ennemi ;
2° Elles protègent et couvrent sa ligne de
résistance Xousse, Amienbois, Igney, Repaix et la
région d'Avricourt;
3° Elles favorisent le débouché de la forêt de
Parroy et nous sont indispensables en vue d'une
offensive ultérieure. ;
Il faudra, tôt ou tard, les enlever; il y aurait
intérêt à le faire dès maintenant avant que l'ennemi
n'ait complété leur organisation défensive.
[...]
V. - Conséquences possibles de l'opération. -
L'ennemi vraisemblablement ripostera.
Il y a en 1re ligne: 5 compagnies (Haut de Corbe,
Leintrey, inclus).
Ses réserves de secteur (5 compagnies à Xousse et
Armenoncourt peuvent intervenir en 1 heure 30).
Les troupes de Moussey (1 bataillon), Avricourt (1
bataillon), Igney (2 compagnies), peuvent intervenir
en 3 heures.
Enfin les réserves de Maizières (1 bataillon) et
Foulcrey (1 bataillon) peuvent intervenir au bout de
5 heures.
L'ensemble donne un total de 7 bataillons, 8 au
maximum.
Nos troupes de réserve, sept bataillons, renforçant
au besoin les bataillons d'attaque, permettent de
répondre à la réaction de l'ennemi.
[...] HUMBERT
GROUPE PROVISOIRE DE L'EST.
ÉTAT-MAJOR.
3e BUREAU.
SECRET.
7 juin 1915.
Le général commandant le groupe provisoire de l'Est
au général commandant le détachement de Lorraine.
A la date du 5 juin, vous m'avez soumis le projet
d'une opération visant la conquête des positions du
Haut de Corbe et du Remabois.
Je n'oppose pas d'objection au choix de vos
objectifs, bien que je considère comme très
discutables certains avantages envisagés par vous:
la question du débouché est de la forêt de Parroy ne
sera nullement réglée par le succès de cette
attaque, puisque le débouché ne peut être assuré que
par l'occupation de la ligne de crête partant du
signal de Xousse et jalonnée par les hauteurs 298,
300 (carte au 80.000e).
Mais votre projet d'attaque soulève des critiques
d'ordre beaucoup plus grave: vous concevez
l'opération comme un coup de force contre des
organisations encore mal reconnues, difficiles à
soumettre à un tir de destruction et présentant un
obstacle continu, c'est-à-dire interdisant
l'investissement rapide et la manoeuvre: une
pareille tentative est vouée à l'insuccès; elle
serait d'ailleurs contraire aux instructions du
général en chef, relatives aux préparations des
attaques. Vous ne semblez d'ailleurs guère vous-même
en escompter la réussite; et vous allez jusqu'à
envisager même le retour complet des troupes
d'attaque sur leur position de départ, comme s'il
s'agissait d'une simple reconnaissance.
Votre projet ne répond donc pas aux conditions que
je vous avais fixées dans mon Instruction n° 15 du 2
juin, et je ne puis lui donner mon approbation.
Il faut donc trouver autre chose.
Après examen du tracé de votre ire ligne entre la
forêt de Parroy et le ruisseau d'Albe, je vous
invite à étudier l'exécution, dans un délai aussi
court que possible, d'un mouvement en avant ayant
pour but d'amener cette ligne sur les positions
suivantes (carte au 80.000e) :
mamelon 1200 m. N.O. d'Emberménil, Emberménil et
croupe au nord de ce village, croupe de la station
d'Emberménil, croupe 311 (déjà organisée à sa partie
supérieure), croupe 303, 1 kil. sud du Remabois
(orientée O.E.), crête à l'est de Reillon (orientée
N.S.) depuis la cote 290 incluse jusqu'à la cote 297
en passant par la cote 303.
La progression destinée à vous rendre maître de ces
positions pourrait s'exécuter en deux temps:
1° Occupation d'Emberménil et des croupes N.O. et N.
du village.
2° Installation sur la croupe 303 S. E. du Remabois
et sur la crête E. de Reillon, après enlèvement des
ouvrages que l'ennemi y a élevés.
Cette opération aurait pour résultats :
de faire subir à votre front une rectification
avantageuse grâce à la suppression du rentrant de
Reillon;
de préparer l'investissement du Remabois, dont
l'attaque ultérieure serait dès lors grandement
facilitée;
d'enlever à l'ennemi la possibilité d'utiliser pour
son artillerie les fonds de Gondrexon;
de vous assurer, autour de Reillon, des positions de
batteries situées à 8 kil. environ de la gare de
Deutsch-Avricourt.
En outre, par le fait même qu'elle vous fera
réaliser une avance de 500 à 1000 m. sur un front de
plus de 6 k., elle constituera pour les Allemands
une menace sérieuse susceptible de retenir les
forces qu'ils peuvent avoir encore disponibles dans
la région.
Ci-joint un extrait de la carte au 80.000e, sur
lequel j'ai fait porter l'indication schématique des
points d'appui jalonnant votre nouvelle 1re ligne.
J'attire votre attention sur la nécessité de
préparer cette opération en ne tablant que sur vos
propres ressources, sans faire état de l'arrivée de
renforts extérieurs pour parer à une
contre-offensive que l'ennemi pourrait exécuter sur
une autre partie de votre front.
DUBAIL.
GROUPE PROVISOIRE DE L'EST.
LE GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ DU COMMANDANT EN CHEF.
N°118/C.
SECRET.
Au Q. G., le 12 juin 1915.
Le général Dubail, délégué du commandant en chef, à
Monsieur le général commandant en chef.
[...]
Détachement d'armée de Lorraine. - Les Allemands
commencent à s'émouvoir de l'avance réalisée par le
D.A.L. sur le front Arracourt, étang de Parroy. Ils
ont dirigé des tirs d'artillerie assez violents,
pendant une partie de la nuit dernière, sur la
région à l'est d'Arracourt, pour gêner la
construction du grand barrage en fils de fer qu'on
établit dans les fonds de la ferme de Vaudrecourt :
leurs patrouilles sont venues au contact des
éléments qui couvraient nos travailleurs et ont
laissé entre nos mains 3 prisonniers du 8e landwehr
bavarois. Plus au sud, le poste de la 74e division,
qui tient la digue sud de l'étang de Parroy, a
repoussé facilement une tentative d'attaque.
Cette agitation montre que l'ennemi a son attention
attirée par l'activité que nous manifestons entre le
Sanon et la forêt de Bezange : elle ne pourra que
faciliter la première phase de l'opération-projetée
au sud-est de la forêt de Parroy, - c'est-à-dire
l'occupation de la crête nord-sud à l'est de
Reillon, qui doit avoir lieu dans la nuit du 13 au
14 juin.
[...]
DUBAIL
GROUPE PROVISOIRE DE L'EST.
LE GÉNÉRAL DÉLÉGUÉ DU COMMANDANT EN CHEF.
SECRET.
Au Q.G., le 13 juin 1915.
Le général Dubail, délégué du commandant en chef, à
Monsieur le général commandant en chef.
[...]
Détachement d'armée de Lorraine. - Le général
Humbert va entamer, cette nuit, la progression que
je lui avais prescrite entre la forêt de Parroy et
la région de Gondrexon. Après avoir un peu
tergiversé, il en revient, dans la conception des
phases de l'opération, à un ordre voisin de celui
que j'avais conçu primitivement: c'est par sa droite
qu'il va progresser, la nuit prochaine (13-14 juin),
sous la forme d'une avance en forêt de Parroy d'une
part, au sud-est d'Emberménil d'autre part (voir
calque n° 1 ci-joint).
Ultérieurement, seront exécutées l'organisation des
croupes nord-ouest et nord d'Emberménil et
l'occupation de la croupe 303 sud du Remabois et de
la crête 290, 303, 297, N. E. de Reillon. Le général
Humbert justifie cette modification de plan par la
nécessité:
1° De se rapprocher, à la lisière sud de la forêt de
Parroy, des ouvrages ennemis du Haut de Corbe, pour
enlever aux Allemands la possibilité d'attaquer à
revers les tranchées que nous établirons sur la
croupe nord-ouest d'Emberménil.
2° De s'assurer, autour de la station d'Emberménil,
point de jonction des 74e division et 2eD. C., et
sur la croupe 311 sud-est de cette station, une
bonne base de flanquement pour l'attaque ultérieure
de la position 303 sud du Remabois et l'exécution
des travaux d'organisation à Emberménil.
A la 71e division, une petite avance a été effectuée
dans le Bois des haies (4 kil. nord-ouest de
Badonviller), mettant notre ligne en contact (150
m.) des tranchées que l'ennemi a établies dans la
partie nord de ce bois. En outre, le commandant de
la division prépare une rectification de son front
entre le Bois des haies et le Bois banal consistant
à englober le mamelon 325 immédiatement à l'ouest du
hameau d'Ancerviller, que les Allemands n'occupent
qu'irrégulièrement avec des éléments légers. Cette
avance et cette rectification offrent un réel
intérêt pour le cas où l'on se déciderait à tenter
l'attaque de la position Clair bois, Bois banal,
Bois des chiens (crête O. de Halloville).
L'occupation et l'organisation du front Arracourt,
extrémité nord de l'étang de Parroy, sont
aujourd'hui réalisées: elles se traduisent par une
progression de 1.000 à 1.500 mètres sur un front de
5 kilomètres.
[...]
DUBAIL
GROUPE D'ARMÉES DE L'EST.
LE GÉNÉRAL DELÉGUÉ DU COMMANDANT EN CHEF.
N°120/C.
SECRET.
Au Q. G., le 16 juin 1915.
Le général Dubail, délégué du commandant en chef, à
Monsieur le général commandant en chef.
[...]
Détachement d'armée de Lorraine. - Le général
Humbert fera exécuter, dans la nuit du 20 au 21
juin, l'enlèvement des postes ennemis placés sur la
crête 290, 297,nord-est de Reillon. L'opération sera
confiée au 223e rég. d'inf. - lieutenant-colonel
Bluzet - partant des fonds de Reillon, vers 22
heures, en même temps que l'artillerie déclenchera
un bombardement intense de la position. On ne pense
pas avoir affaire à plus de deux compagnies,
occupant des ouvrages avancés et de tracé
discontinu.
L'occupation de la croupe 303 (orientée O.-E.) au
sud du Remabois ne serait entreprise
qu'ultérieurement.
Sur la voie ferrée Nancy, Avricourt, au point de
jonction de la 2e div. de cavalerie et de la
74ediv., la position de la station d'Emberménil a
été organisée comme l'indiquait le calque joint à ma
lettre n° 119/C du 13 juin 3. En forêt de Parroy, la
74e div. a réalisé l'avance qui amène sa 1re ligne
en bordure du bois des Arrieux et du ruisseau de
Jalindet (carte au 1/50.000e en couleurs).
Emberménil est tenu par une compagnie, mais
l'occupation des croupes N. et N.O. de ce village
reste à faire.
Toute cette progression s'est accomplie sans amener
de réaction de la part de l'ennemi.
[...]
DUBAIL
GROUPE D'ARMÉES DE L'EST.
LE GÉNÉRAL COMMANDANT.
SECRET.
Au Q.G., le 21 juin 1915
Le général Dubail, commandant le groupe d'armées de
l'Est, à Monsieur le général commandant en chef.
[...]
Détachement d'armée de Lorraine. - Je reviens sur
l'affaire de la nuit du 19 au 20 pour vous en donner
la physionomie.
Les troupes chargées d'enlever les postes ennemis de
la crête E. de Reillon sont parties à l'attaque avec
beaucoup d'entrain. L'opération n'a pas entièrement
réussi par suite de malfaçons de détail dans
l'organisation des colonnes - et, sans doute aussi,
par manque d'audace des éléments qui, ayant pris
pied dans le poste allemand le plus au S. (appelé
l'Observatoire), n'ont point poussé vers le N. pour
prendre à revers les défenseurs des autres ouvrages.
Pour reprendre l'Observatoire, l'ennemi a exécuté
dans la journée 3 retours offensifs: l'un au lever
du jour, l'autre vers 10 heures qui a donné lieu à
une lutte à coups de grenades, le dernier vers 14.
heures 30. Celui-ci nous a rejetés de
l'Observatoire.
A ce moment, le général Humbert, se trouvant au
poste de commandement du général Varin (Domjevin), a
mis un régiment (2 bataillons) à la disposition de
la 2e division de cavalerie, avec ordre de
contre-attaquer avec toutes les disponibilités et de
poursuivre l'offensive jusqu'à la conquête complète
des objectifs primitivement fixés.
Ces disponibilités - en dehors des 3 bataillons qui
avaient exécuté le coup de main de la nuit -
comprenaient 4 bataillons et 400 cavaliers à pied.
Le colonel Challe (commandant la 148e brigade), dont
2 régiments participaient dès lors à l'opération,
arrivait en même temps auprès du général Varin pour
se voir confier la direction du combat, assumée
jusque-là par le lieutenant-colonel Bluzet du 223e.
Il y a là, de toute évidence, un manque de
prévoyance dans l'organisation du commandement :
j'attirerai l'attention du général Humbert sur cette
faute.
Le général Varin a eu le tort de considérer
l'opération comme terminée dès le 20 au matin et de
rentrer aussitôt à son quartier général de
Saint-Clément, en laissant la responsabilité du
commandement direct des troupes engagées au
lieutenant-colonel Bluzet, dépourvu de tout
état-major et de moyens de liaison rapides en dehors
du téléphone. Il avait, il est vrai, en arrivant à
Saint-Clément, demandé au général Humbert, avec
l'envoi d'un renfort de 2 bataillons destinés
à'assurer les relèves, la mise à sa disposition du
colonel Challe; mais cette mesure ne pouvait, de
toutes façons, produire son effet qu'à la fin de la
journée; la plus élémentaire prudence commandait
donc, sinon de faire intervenir le général de
brigade de cavalerie placé le plus à proximité, tout
au moins de donner au lieutenant-colonel Bluzet des
moyens de commandement complets et appropriés, sous
peine de voir celui-ci débordé dès la première
réaction sérieuse de l'ennemi.
Naturellement, le colonel Challe, pris au dépourvu,
a dû procéder à une reconnaissance personnelle avant
de prendre effectivement l'affaire en main. C'est au
cours de cette reconnaissance que, sur l'ordre
direct du général Varin au lieutenant-colonel
Bluzet, s'est produite la charge à la baïonnette des
2 compagnies et de l'escadron à pied (visée par le
compte rendu du D.A.L. d'hier soir 20 heures), qui
nous a rendus de nouveau maîtres de l'Observatoire.
En résumé, ces événements ont mis en évidence :
- en premier lieu, la bonne volonté et l'inhabileté
incontestables de la troupe, - inhabileté qui
explique son manque de perçant et sa timidité dans
la poursuite du succès;
- en second lieu, la mauvaise organisation du
commandement de circonstance, qui n'a trouvé son
économie définitive qu'au cours même de la lutte et
sous la pression des événements;
- enfin, une propension fâcheuse du commandement
supérieur à passer la main aux sous-ordres dès qu'un
premier résultat même incomplet est acquis,
c'est-à-dire justement à la minute la plus critique,
celle où les réactions de l'ennemi vont commencer à
se produire et où, par suite, la conduite des
troupes exige de la part de tous les chefs la plus
grande activité intellectuelle et physique et le
sens offensif le plus aigu.
Ces observations sont nécessaires au D.A.L., qui
n'est pas entraîné, comme les autres armées, aux
opérations offensives, et dont les cadres manquent
d'expérience.
Quoi qu'il en soit, je me félicite d'avoir invité le
général Humbert à surseoir à l'attaque de la forte
position du Haut de Corbe, pour l'amener à cette
opération d'avant-postes, dont le succès complet,
annoncé ce matin même, sera un excellent stimulant
pour les. troupes qui y ont pris part. Ces troupes
n'avaient pas vu le feu depuis longtemps: elles
pourront maintenant être employées en des actions
plus sérieuses.
[...]
GROUPE D'ARMÉES DE L'EST.
LE GÉNÉRAL COMMANDANT.
N°125/C.
Au Q. G., le 24 juin 1915.
Le général Dubail, commandant le groupe d'armées de
l'Est, à Monsieur le général commandant en chef.
[...]
Détachement d'armée de Lorraine. - Je vous ai
transmis hier le rapport établi par le général
Humbert sur les opérations qui ont permis, dans la
nuit du 21 au 22 juin, d'achever la conquête des
postes ennemis de la crête N. E. de Reillon et de
prendre pied sur la croupe 303 (carte au 80.000e) S.
du Remabois.
Ce double coup de main a été vigoureusement exécuté
à droite par le 234e régt (crête de Reillon), à
gauche (croupe 303) par un btn du 230e appuyé aux
ailes par un peloton de chasseurs à pied cyclistes
et un détachement de cavaliers à pied. Le 22 juin au
matin, l'attaque de gauche constatait qu'un petit
blockhaus tenait encore sur l'extrémité E. de la
croupe 3O3, battant-de ses feux les fonds du
ruisseau de
Leintrey.
Après une préparation d'artillerie, cet ouvrage a
été enlevé dans la journée du 23.
L'ennemi a prononcé plusieurs retours offensifs sur
ses avancées perdues; ils ont été enrayés grâce à la
bonne organisation des barrages exécutés par le
groupe à cheval de la 2e D. C.
Le but de l'opération, que j'avais prescrite le 7
juin au général Humbert, est donc atteint; il ne
reste plus qu'à consolider le terrain conquis en vue
de l'attaque ultérieure du Remabois, dont
l'intérieur semble avoir été assez fortement
organisé (attaque dont nous allons nous occuper).
Nous n'avons pas encore de renseignements très nets
sur les déplacements de réserves que les combats,
livrés ainsi depuis le 19 juin, ont imposés aux
Allemande.
Il semble qu'en dehors des 1006 landwehr (saxon) et
4e landwehr bavarois, dans les secteurs desquels se
trouvaient les objectifs visés, ne soient intervenus
que des éléments de la 7e D.C., cantonnée dans la
région de Sarrebourg. Parade toute locale en somme,
mais suffisante, puisque nous ne mordions pas sur la
1e ligne.
Au D.A.L., ont pris part aux attaques:
les 223e et 230e en entier, 1 btn du 333e (7div.,
148e bde);
la majeure partie du 217e (régt de la 71e div.
détaché à la 2e D.C.);
le 234e en entier (68e div., 135e bde).
C'est un effectif de près de 9.000 h., si l'on tient
compte des chasseurs à pied cyclistes ou des
cavaliers à pied qui appuyèrent l'infanterie.
Evidemment, l'étendue et la force des ouvrages à
conquérir n'exigeaient pas la mise en oeuvre d'une
masse aussi importante. Mais il faut tenir compte à
la fois de l'inexpérience des exécutants et des
avantages que le terrain offrait à l'adversaire,
tant pour l'emploi de l'infanterie que pour le
déploiement de l'artillerie (site élevé, crêtes
concentriques).
Tout l'intérêt de l'affaire, telle qu'elle a été
montée, réside :
d'une part, dans le sentiment du succès qu'elle
laisse à de nombreuses unités que leurs cadres
avaient su amener sur le terrain de l'action en
excellentes conditions physiques et morales;
d'autre part, dans le jeu hardi que le commandant du
D.A.L. a mené avec ses forces disponibles, réalisant
la concentration de douze btns dans la zone de la 26
D.C., transformée en champ offensif.
Ces résultats sont encourageants pour l'avenir.
[...]
DUBAIL
Annexe n° 772.
GROUPE D'ARMEES DE L'EST.
LE GÉNÉRAL COMMANDANT.
SECRET.
Au Q.G., le 27 juin 1915.
Le général Dubail, commandant le groupe d'armées de
l'Est, à Monsieur le général commandant en chef.
[...]
Détachement d'armée de Lorraine. - J'ai vu dans
l'après-midi le général Humbert, que j'aurais voulu
orienter sur la conquête du Remabois, si l'opération
pouvait être exécutée sans trop de risques avec les
seules forces du D.A.L.
Pour réaliser le programme que j'avais fixé
antérieurement, il reste encore à prendre 2 ouvrages
allemands au S. de Leintrey sur les 2 rives du
ruisseau. Ce sera l'affaire de ce soir 27, et le
Remabois sera serré de près.
Mais le D.A.L. va perdre 3 bataillons par suite de
la formation de la 16e division coloniale. C'est un
affaiblissement dont il faut tenir compte. Le
général Humbert estime que 8 bataillons (dont 4 en
1re ligne) lui seraient nécessaires pour prendre le
Remabois. Toutes ses disponibilités y passeraient,
surtout si l'ennemi réagissait quelque temps. Comme
je ne veux pas avoir à le renforcer, je lui ai dit
simplement d'étudier l'opération et de m'en
soumettre le projet.
J'ai visité avec lui une partie de sa 1re ligne, et
j'ai constaté qu'on avait beaucoup travaillé depuis
ma dernière visite.
[...]
DUBAIL
GROUPE D'ARMEES DE L'EST.
ÉTAT-MAJOR.
SECRET.
Au Q.G., le 29 juin 1915.
Le général de division Dubail, commandant le groupe
d'armées de l'Est, à Monsieur le général commandant
en chef.
[...]
Détachement d'armée de Lorraine. - Un coup de main a
été tenté, la nuit dernière (au lieu de la nuit
précédente, comme il avait été convenu tout
d'abord), par un btn du 230e régt contre deux
ouvrages que les avt-postes allemands tiennent
encore dans les fonds du ruisseau de Leintrey, de
part et d'autre du thalweg, à environ 1.000 et 1.200
mètres du village. L'opération a échoué - pour deux
raisons, semble-t-il : difficulté de bombarder les
objectifs placés légèrement à contre-pente, et
surtout erreur de direction commise dans l'obscurité
par la fraction d'attaque de la rive ouest. Du
reste, l'ennemi est fort en éveil sur toute cette
partie de son front, où il a travaillé
fiévreusement, depuis notre attaque des 19 et 21
juin, à relier par une ligne de tranchées solides,
avec réseaux de fil de fer, la croupe 310 (corne
S.O. des Amienbois) au Remabois en passant par
Leintrey; il est malaisé de l'y surprendre.
Néanmoins il importe d'en finir le plus tôt possible
avec cette dernière résistance avancée, pour
reconstituer les réserves du D.A.L. et remettre de
l'ordre dans les unités de la 2e D.C. et de la 74e
div. : j'ai donné des instructions dans ce sens au
général Humbert.
[...]
DUBAIL
D.A.L.
ÉTAT-MAJOR.
3e BUREAU.
Q.G., le 30 juin 1915.
Ordre général n° 110.
[...]
74e division. - Ferme de Vaudrecourt, pentes est de
la croupe 322, Bures, digue sud de l'étang de
Parroy, bois Legrand, extrémité est de la Tranchée
des 3 sorbiers, cote 277, lisière est du bois de la
Gouteleine, Emberménil (croupes N.O., N. et S.E.).
2e division de cavalerie. - Croupes entre la station
d'Emberménil et le Remabois, crête est de la croupe
311, cote 303 au sud de Leintrey, bois Zeppelin (300
mètres ouest de la cote 290), route Amenoncourt,
Blemerey entre le bois Zeppelin et la cote 297, bois
des Haies d'Albe, point d'appui de la rive gauche de
la Vezouse sur la route Herbeviller, Domèvre (2 km.
est d'Herbeviller).
71e division. - Pentes nord du Bois banal,
Ancerviller, Nerviller, ferme de Malgrejean, le
Chamois, le Gros Hêtre (carrefour des routes1 km.
sud-ouest de Thiaville), hauteurs entre la route
Badonviller, Allarmont, et le ruisseau d'Allencombe.
Les armées françaises dans la Grande guerre
Tome 3, Annexes Volume 1
Ministère de la guerre, état-major de l'armée,
service historique
Imprimerie nationale (Paris) 1924
GROUPE D'ARMEES DE L'EST.
ÉTAT-MAJOR.
SECRET.
Q.G., le 15 juillet 1915.
Instruction particulière n° 25 pour le D.A.L.
En exécution des prescriptions du général commandant
en chef, le détachement d'armée de Lorraine doit se
mettre en mesure d'exécuter, avec ses propres
ressources en hommes et en munitions, une attaque de
division.
Cette attaque sera menée en direction générale
d'Avricourt avec front de départ entre Emberménil et
Reillon. Elle aura pour objectifs: en premier lieu
les bois du Haut de Corbe et du Remabois, puis les
hauteurs entre Xousse, Leintrey et Gondrexon. Sa
préparation, conduite en conformité des
prescriptions de la note du G.Q.G. n° 5779 du 15
avril 1915, sera entièrement terminée pour le 1er
septembre prochain. Elle ne sera déclenchée que sur
ordre supérieur.
Le général commandant le D.A.L. ne perdra pas de
vue:
- d'une part, l'intérêt que présente, pour la
réussite de cette attaque, l'aménagement
d'observatoires d'artillerie et de positions de
batteries tant en forêt de Parroy que dans la région
entre le Bois banal et Ancerviller, en vue de
contrebattre les canons ennemis qui, des hauteurs
S.O. de Xousse et des environs de Verdenal, peuvent
croiser des feux d'écharpe sur le terrain des
approches;
- d'autre part, l'accroissement de puissance
offensive qu'assure à son artillerie lourde
l'attribution des 2 batteries de 120 C. Baquet (8
pièces) visées par l'ordre particulier n° 60 (12
juillet 1915) du général commandant le G.A.E.
Il donnera des instructions précises à ses
commandants de division pour que dès maintenant des
économies soient réalisées sur les consommations
journalières de projectiles de gros calibre en
prévision de la constitution d'un approvisionnement
de Ire mise au bénéfice des batteries qui
participeront à ladite attaque.
Il enverra le plus tôt possible au général
commandant le G.A.E. une note résumant ses
intentions et les ordres qu'il donne en conséquence
de la présente Instruction.
DUBAIL.
GROUPED'ARMÉES DE L'EST.
LE GÉNÉRAL COMMANDANT.
N*146/C.
SECRET.
Au Q.G., le 16 juillet 1915.
Le général Dubail, commandant le groupe d'armées de
l'Est, à Monsieur le général commandant en chef.
[...]
VIle armée et Détachement d'armée de Lorraine. - La
VIIe armée me demande également un supplément de 3
bataillons pour étayer son front dans l'attaque
qu'elle va entreprendre.
Le général de Maud'huy motive maintenant sa demande,
qui n'est pas nouvelle, par la présence de la 8e
division bavaroise à Schlestadt : c'est là
certainement un fait nouveau dont il y a lieu de
tenir compte pour les réactions possibles de
l'ennemi.
Je m'étais donc efforcé de lui donner satisfaction,
et j'avais espéré un moment pouvoir prélever 3 à 4
bataillons sur la réserve du D.A.L., auquel le 206
corps donne, par sa présence, une grande sécurité.
Mais j'ai dû y renoncer, l'état de fatigue de
certaines de ses unités (région de Reillon où le
bombardement est presque continuel - et où une
contre-attaque s'est encore produite hier)
obligeant le général Humbert à faire concourir
toutes ses unités de réserve à la relève (très
répétée en ce moment) de ses forces de 1re ligne.
J'ai seulement pu lui prescrire de faire glisser
vers Thiaville (près de Raon-l'Etape) un régiment de
cette réserve, dont il ne disposera pas sans mon
ordre, et qui serait prêt, à la rigueur, à étayer le
front du Ban de Sapt, ce régiment continuant à
participer aux relèves du D.A.L.
[...]
DUBAIL
GROUPE D'ARMÉES DE L'EST.
LE GÉNÉRAL COMMANDANT.
N°152/C.
SECRET.
Au Q.G., le 23 juillet 1915.
Le général Dubail, commandant le groupe d'armées de
l'Est, à Monsieur le général commandant en chef.
[...]
Détachement d'armée de Lorraine. - Pendant mon
déplacement dans la zone de la VIIe armée, j'ai
envoyé un officier de mon état-major au D.A.L., avec
mission de me renseigner spécialement sur les
dispositions prises par la 2e division de cavalerie
pour l'occupation du nouveau secteur qui lui a été
affecté, à la suite de notre avance sur Leintrey, -
sur certaines questions intéressant l'artillerie de
gros calibre, - et sur la
mise en chantier des bétonnages prescrits par vote
note n° 7944, du 20 juin.
2e division de cavalerie. - Cette unité occupe
maintenant le créneau compris entre Arracourt exclu
et le Sanon, où elle a relevé l'aile gauche de la
74e division, dont la zone s'étend du Sanon jusqu'à
la ligne incluse Herbeviller, bois des Railleux,
Hablainville, Azerailles. Son Q.G. est installé à
Dombasle. Elle a une réserve d'une brigade (8
escadrons), répartie entre Jolivet, Chanteheux (E.
de Lunéville) et Dombasle, Sommerviller. Le 60e régt
d'inf. territorial (3 btnq) lui a été rattaché et
participe, avec les escadrons et le groupe léger, au
service des tranchées et aux travaux d'organisation.
Le dispositif de la div., que j'estime judicieux,
est étayé par la présence, à courte distance, de 3
btns faisant partie de la réserve du détachement
d'armée à Valhey, Einville et Raville, Bionviller.
Ce déplacement de la 2e D.C.met définitivement la
74e div. dans le secteur offensif du D.A.L.; c'est
donc à la 74e div. qu'incombe la préparation de
l'attaque partielle, qui a fait l'objet de mon
Instruction particulière n° 25 du 15 juillet. Le
général Humbert, avant de quitter St-Nicolas, m'a
adressé son projet d'attaque, que je vais examiner.
Les armées françaises dans la Grande guerre
Tome 3, Annexes Volume 2
Ministère de la guerre, état-major de l'armée,
service historique
Imprimerie nationale (Paris) 1925
GRAND QUARTIER GÉNÉRAL DES ARMÉES DE L'EST.
ÉTAT-MAJOR.
3e BUREAU..
Au G.Q.G., le 25 août 1915.
Le général commandant en chef au général commandant
le groupe des armées de l'Est, Neufchâteau.
J'ai l'honneur de vous faire connaître que, tout en
approuvant dans son ensemble le projet d'attaque du
D.A.L. transmis par votre lettre 3432 du 23 août, je
dois appeler votre attention sur les deux points
suivants:
1° La préparation de l'attaque principale sur le
Remabois, Leintrey, est effectuée avec des moyens
insuffisants. Les 14 canons courts (10/155 et 4/120)
qui en sont chargés doivent en effet battre le front
compris entre le Remabois et la cote 302, soit 3
kilomètres environ. Ce front, outre les tranchées de
première ligne, comprend les organisations du
Remabois et de Leintrey qui nécessiteront la mise en
oeuvre de moyens puissants.
Si donc le D.A.L. devait être réduit à ses seules
forces pour cette attaque, il y aurait intérêt à
n'effectuer tout d'abord que l'attaque de Leintrey,
Remabois, puis ensuite celle du Haut de Corbe, afin
de consacrer à chacune d'elles le maximum de moyens
dont on dispose.
2° II est nécessaire de couvrir le flanc droit de
l'attaque de Leintrey. Le bataillon de droite de
cette attaque, partant de l'ouvrage 7 pour marcher
sur Leintrey, sera en effet pris en flanc par toute
l'organisation allemande comprise entre la cote 302
et le ruisseau de Leintrey. Il faut donc couvrir ce
flanc par une attaque partant du Bois noir, dirigée
sur le saillant ennemi à 200 mètres au nord-ouest de
ce bois.
Ces deux remarques faites, il convient, en raison de
la situation actuelle et du but poursuivi, de
laisser préparer les deux attaques sur Leintrey et
le Haut de Corbe. Puis, dès que la préparation sera
terminée, on cherchera à les élargir, de façon à
continuer à attirer l'attention de l'ennemi et être
prêt à faire ultérieurement sur ce front des
opérations
de plus grande envergure.
En ce qui concerne les préliminaires des opérations
sur Leintrey, Remabois, comme elles peuvent être
traitées en rectification de front laissant le gros
de la division disponible, je vous laisse le soin de
déclencher l'attaque sur le Bois noir et les
ouvrages 2 et 7, dès que vous le jugerez possible.
J. JOFFRE.
D.A.L.
ÉTAT-MAJOR.
3e BUREAU.
SECRET.
Q.G:, le 30 août 1915.
Le général Gérard, commandant le D.A.L., à Monsieur
le général commandant le G.A.E.
Par votre lettre n° 3536 du 28 août, vous me faites
observer que le retrait de la 2e D.C. met le D.A.L.
« dans une situation nouvelle qui aura forcément une
répercussion sur ses capacités offensives, en
réduisant les disponibilités qui permettaient de
faire agir la 74e division avec toutes ses forces
sans arrière-pensée ».
En conséquence, vous m'invitez à faire remanier le
projet d'attaque de cette division dans le sens
d'une réduction sensible des effectifs consacrés à
l'attaque du Haut de Corbe, « laquelle prendrait le
caractère d'une simple démonstration, tout l'effort
devant être reporté sur le Remabois et Leintrey ».
J'ai l'honneur de vous soumettre sur cette question
les remarques suivantes:
Le premier résultat que l'autorité supérieure
recherchait en prescrivant la préparation d'une
attaque sur le Remabois et le Haut de Corbe, c'était
de fixer devant nous des forces ennemies.
L'activité déployée sur tout le front du D.A.L.
(travaux simulés, nombreuses reconnaissances), les
travaux de préparation de la 74e division, ses tirs
de réglage, la présence du 20e C. A.,
intentionnellement manifestée par nos agents et par
le dépôt, effectué par nos patrouilles auprès de
réseaux ennemis, de képis appartenant au corps
d'armée, ont obtenu pleinement ce résultat.
L'ennemi a senti la menace, il a renforcé sa
fortification et il a amené dans la région une
nouvelle division et une brigade (à 3 régiments),
plus une certaine proportion d'artillerie révélée
par nos reconnaissances aériennes.
Ses préoccupations se manifestent par l'activité de
son artillerie et par les nombreuses reconnaissances
d'officiers que signalent nos avant-postes.
Dans ces conditions, je me trouve avoir en face de
moi des forces notablement supérieures à ce qu'elles
étaient auparavant.
Jusqu'à présent, le D.A.L. a opéré avec des
effectifs réduits; la situation nouvelle, créée par
le renforcement ennemi, mériterait déjà de retenir
sérieusement l'attention s'il s'agissait seulement
pour le D.A.L. de conserver une attitude défensive.
En outre, il me paraît indispensable de prononcer
une offensive sur mon front lorsque se produiront
d'autres offensives plus importantes dans d'autres
régions.
Pour me permettre de satisfaire à cette nécessité,
il convient d'affecter au D.A.L. une « réserve de
sécurité » afin de répondre victorieusement à une
offensive que l'ennemi pourrait lui-même entamer
comme diversion, ou, tout au moins, afin de
l'obliger à maintenir devant moi les renforts qu'il
y a amenés.
Or le 20e corps vient d'être enlevé et le retrait de
la 2e D. C., qui correspond à un affaiblissement de
près de 4 bataillons, réduit d'autant les faibles
réserves de D.A.L. qu'avaient pu me constituer les
divisions.
Pour toutes ces raisons, il s'impose de mettre à ma
disposition tout au moins une division pour assurer
la sécurité.
En ce qui concerne les attaques, les ordres
antérieurs ont prescrit que celle du Remabois et
celle du Haut de Corbe seraient simultanées.
Comme il en a déjà été rendu compte, celle de
Leintrey doit comporter deux phases, et les travaux
préparatoires sont suffisamment avancés pour que la
première soit déclenchée quand vous m'en donnerez
l'ordre.
Du côté du Haut de Corbe, j'ai dû, tout d'abord, me
rapprocher de la ligne ennemie; dès maintenant, nous
sommes accrochés, et, que nous le voulions ou non,
ce contact exige un renforcement des troupes
d'occupation; quatre bataillons ont été
antérieurement prévus pour cette opération, il est
impossible d'y opérer des réductions.
24 escadrons à 100 carabines : 2.400
6 groupes légers à 160 : 960
1 groupe cycliste : 420
3.780
Aussi, suis-je d'avis de mener de front les deux
actions dans les conditions précédemment prévues.
En résumé, pour conduire l'offensive nécessaire qui
a été préparée par le D.A.L., pour être prêt à la
riposte contre une attaque ennemie, j'estime qu'il
est indispensable:
a. D'étayer le D.A.L. par une réserve de sécurité
(voir ci-dessus), c'est-à-dire par une division en
arrière de mon dispositif et susceptible, le cas
échéant, de remplacer les réserves partielles
dépensées dans les attaques;
b. De confirmer l'attitude agressive du D.A.L. en
attaquant simultanément sur le Remabois et le Haut
de Corbe, étant entendu qu'aucune réduction ne peut
être opérée sur les effectifs prévus pour l'attaque
du Haut de Corbe.
GÉRARD.
3e BUREAU.
Le 31 août 1915, 21 h 45.
Télégramme chiffré.
Général commandant en chef à général Dubail,
Neufchâteau.
Réponse à lettre du D.A.L. transmise sous n° 3572.
Primo. - Conformément au télégramme 21025 du 29
août, artillerie de la 2e D.C. doit être cantonnée à
proximité des lignes, afin de pouvoir en cas de
nécessité être employée sur le front.
Ce groupe ne sera enlevé au D.A.L. que quand il sera
possible de le remplacer par un groupe de la 129e
division.
Secundo. - En raison du départ de la 2e D.C.,
l'attaque à exécuter sur la ligne avancée devant
Leintrey et qui peut provoquer une réaction ennemie
inopportune ne sera déclenchée que sur mon ordre. La
préparation des attaques au D.A.L. doit, bien
entendu, continuer dans les conditions prévues par
ma lettre 19867 du 25 août.
J. JOFFRE.
GROUPE D'ARMEES DE L'EST.
ÉTAT-MAJOR.
SECRET.
Q.G., le 31 août 1915.
Le général de division Dubail, commandant le groupe
d'armées de l'Est, à Monsieur le général commandant
en chef.
Par lettre n° 19367 du 25 août 1915, vous m'avez
adressé vos observations sur le projet que le
général commandant le D.A.L. m'a soumis pour
l'attaque des positions ennemies du Remabois,
Leintrey et du Haut de Corbe.
Vous attirez mon attention sur les deux points
suivants:
1° Nécessité de couvrir le flanc droit de l'attaque
de Leintrey par une attaque secondaire partant du
Bois Noir, dirigée sur le saillant ennemi à 200 m.
N.O. de ce bois.
La 74e division avait jugé, d'après l'expérience des
combats livrés au mois de juin pour la conquête de
la crête E. de Reillon, que cette couverture pouvait
être assurée par des barrages d'artillerie;
néanmoins, une action de flanquement par
l'infanterie m'avait, comme à vous, paru nécessaire,
et, dès le 17 août, je chargeai l'officier de
liaison du D.A.L. de la signaler au général Gérard.
Je viens de la prescrire par écrit (lettre en date
du 28/8).
2° Intérêt qu'il y a à faire procéder successivement
à l'attaque du Remabois, Leintrey, et à l'attaque du
Haut de Corbe, si le D.A.L. ne doit pas disposer
d'un nombre de canons courts plus considérable que
celui dont fait état le projet (14 canons seulement
à mettre en ligne pour battre le front de 3
kilomètres compris entre le Remabois et la cote
302).
La simultanéité des deux attaques m'avait d'abord
paru s'imposer pour la raison suivante: L'ennemi
dispose pour son artillerie d'un ensemble de crêtes
disposées concentriquement par rapport à la zone de
départ des assauts que la 74e° division doit lancer
sur le Remabois et sur Leintrey : ces crêtes sont
jalonnées (carte au 80.000e) par le signal de
Xousse, la cote 308 à 1.500 m. N. de Leintrey, les
Amienbois, les hauteurs entre Chazelles et Verdenal.
Par suite, le seul moyen d'amener l'ennemi à diviser
ses moyens d'artillerie dans la parade ou la riposte
était de conjuguer l'attaque du Haut de Corbe avec
l'attaque du Remabois.
Cependant, lorsque vint l'ordre de retirer du front
la 2e D. C., j'estimai que ce retrait allait
diminuer notablement la capacité offensive du D.A.L.
et je priai le général Gérard (lettre du 28/8) de
faire remanier le projet de la 74e division dans le
sens d'une réduction sensible des effectifs
consacrés à l'attaque du Haut de Corbe, laquelle ne
conserverait plus que le caractère d'une
démonstration.
Le général Gérard vient de me répondre, à ce sujet,
que l'avance progressive réalisée par la 74e
division dans la partie sud de la forêt de Parroy a
mis cette unité en contact des organisations
ennemies du bois des Arrieux et de la lisière N.O.
du Haut de Corbe; et il conclut en ces termes: « du
côté du Haut de Corbe.,... dès maintenant, nous sommes
accrochés et, que nous le voulions ou non, ce
contact exige un renforcement des troupes
d'occupation: 4 bataillons ont été antérieurement
prévus pour cette opération; il est impossible d'y
opérer des réductions. Aussi suis-je d'avis de mener
de front les 2 actions, dans les conditions
précédemment prévues ».
Je crois donc finalement qu'il n'y a pas lieu de
modifier le projet de la 74e division en ce qui
concerne le déclenchement simultané de ses 2
attaques.
Au surplus, j'avais toujours envisagé la possibilité
de renforcer le D.A.L., pour cette opération, avec
des canons courts tirés de ma propre réserve. Si
vous voulez bien donner votre approbation aux
mesures que je vous ai soumises dans ma lettre n°
3607 du 30 août courant, ce renforcement sera
possible et mettra le D.A.L. - avec sa dotation
propre d'une batterie de 220 - en mesure de préparer
et d'appuyer convenablement les divers assauts de
son infanterie.
DUBAIL.
D.A.L.
ÉTAT-MAJOR.
3e BUREAU.
Q.G., le 18 octobre 1915.
Compte rendu des événements du 8 au 16 octobre dans
le secteur du bois Zeppelin.
I. - POSITION DU ZEPPELIN.
La position du Zeppelin est une position de fin de
combat. Le bois a été occupé au mois de juin, parce
qu'à ce moment il formait obstacle aux vues et qu'on
ne pouvait pas le laisser à l'ennemi. En fait c'est
un saillant, une pointe, sur un terrain à formes
molles, qui remonte d'une façon générale vers, les
positions allemandes S. des Amienbois. Pendant
longtemps son occupation a été précaire; on y
travaillait à la vue de l'ennemi, il fallait donc
attendre la nuit.
La division était orientée sur ce point de
faiblesse. Le flanquement à l'est était bien assuré
par une section de mitrailleuses au Bois
rectangulaire; au N.O., les formes indécises du
terrain rendaient le flanquement plus difficile.
La division avait fait du bois Zeppelin un ouvrage
fermé en complétant le triangle par un réseau de
fils de fer, battu par une tranchée de gorge placée
au sud de ce réseau. Un second cloisonnement était
prévu plus en arrière et en partie réalisé par 3
ouvrages fermés se flanquant réciproquement (en
arrière du bois Boué, à 293 et entre ces
deux points). En somme, la division avait amélioré
le plus possible une position difficile.
II. - ATTAQUE DES ALLEMANDS.
Les Allemands ont procédé le 8 octobre à un
bombardement extrêmement violent, avec un emploi tel
des gaz asphyxiants que les effets ont été
ressentis, d'une part par les aviateurs jusqu'à
2.000 m. d'altitude, d'autre part jusqu'à Bénaménil.
Des tirs de barrage, également avec obus
asphyxiants, étaient effectués en même temps en
arrière de nos tranchées de 1re ligne.
Les avions ont compté 14 batteries allemandes en
action.
Nos tirs de barrage, bien préparés, se sont
déclenchés efficaces, mais l'étirement du D.A.L. ne
permettait d'avoir sur ce point (qui est entre les
plus favorisés) que 2 batteries de 75, l'une faisant
des barrages directs, l'autre ayant ces barrages à
titre éventuel.
Les réserves partielles et les réserves de division
ont été alertées immédiatement, puis rapprochées.
L'attaque ennemie peut être ainsi résumée:
Le bombardement commence à 13 h. 30.
Une compagnie sort à 14 h. 20 de l'ouvrage 7,
marchant sur notre point d'appui à l'O. du ruisseau
de Leintrey.
A 15 h. 10 une force, non évaluée, venant des
ouvrages au S. des Amienbois, marche sur le
Zeppelin.
A 15 h. 35 une force, non évaluée, venant de
Gondrexon, attaque dans la direction de Reillon.
A 16 h. on signale encore une compagnie sortant des
Amienbois et se dirigeant vers le Zeppelin.
En même temps, une attaque se dessine dans la forêt
de Parroy au bois des Arrieux.
L'attaque débouchant de l'ouvrage 7 est arrêtée par
nos tirs de barrage, elle oblique vers le bois Boué;
celle de Gondrexon est arrêtée également par nos
tirs de barrage, elle ne peut progresser; celle de
la forêt de Parroy est arrêtée par le feu de nos
postes et par les tirs de barrage.
A 16 h., la division a la sensation que la véritable
attaque ennemie se produit sur le Zeppelin.
A 16 h. 50 les Allemands sont signalés entrant dans
le bois Zeppelin. Le colonel Chenèble, qui commande
le point d'appui et dispose de 2 compagnies,
contre-attaque immédiatement avec cet effectif, mais
cette contre-attaque ne donne pas de résultat.
A 17 h. 32, les Allemands débouchent du Zeppelin en
colonne serrée et marchent sur le Bois
rectangulaire. Ils sont arrêtés par des tirs de
barrage d'artillerie et de mitrailleuses.
Une seconde contre-attaque (2 bataillons) est
placée aux ordres du lieutenant-colonel d'Espérey
(18 h. 30). Cette contre-attaque, appuyée par 4
batteries (3 de 75, 1 de 90), se déclenche à 23 h.
30.
Elle ne parvient pas à repousser l'ennemi; après
avoir repris des éléments de tranchée au bois Boué
et aux abords, elle s'accroche au terrain.
Les ordres pour la journée du 9 prévoient la reprise
de l'attaque dès que l'artillerie l'aura préparée.
Cette attaque, qui comprend 5 compagnies, est
-lancée à 17 h. 15 : le centre ne peut progresser;
la droite parvient à 40 mètres de la tranchée
arrière du Zeppelin; la gauche reprend la tranchée
10, puis le combat continue à la grenade pour
essayer d'enlever la tranchée arrière par ses deux
extrémités.
En résumé, l'attaque ennemie a compris: un
bombardement intense exécuté par une artillerie de
gros calibre et l'emploi de gaz lacrymogènes, des
démonstrations ou tentatives d'attaques sur
plusieurs points, avec effort sur un saillant de
notre ligne.
Une des causes de succès peut résider dans
l'étirement de nos troupes, qui éloigne les réserves
et qui étale les batteries.
Deux choses peuvent encore être retenues :
1° L'organisation du commandement qui laisse, d'une
part, le colonel Challe à Bénaménil et confie,
d'autre part, la direction de la contre-attaque au
lieutenant-colonel d'Espérey stationné à Bénaménil;
2° La lenteur du mouvement des réserves, qui ne
permet de déclencher qu'à 23 h. 30 une attaque
préparée à 18 h. 30.
III. - PRÉPARATION DE L'ATTAQUE.
La préparation méthodique de l'attaque a été
conduite par le colonel Challe avec soin et
précision. L'artillerie lourde de la réserve du
D.A.L. est installée et fait ses réglages pendant
que l'infanterie met en place ses troupes d'assaut.
2 groupes montés de 120 L., 1 batterie de 155 L. à
tracteurs, 1 batterie de 155 C., 2 batteries de 120
C. et 2 batteries de 75, prélevés sur les réserves,
sont amenés d'Essey et Lunéville et mis à la
disposition de la 74e division.
2, puis 4 compagnies de la brigade Tourtebatte
aident l'infanterie à creuser des places d'armes
pour mettre en situation d'assaut les 4 vagues de
l'attaque qu'on monte pour reprendre le Zeppelin.
Ce travail s'est poursuivi aussi rapidement que le
permettaient les bombardements méthodiques de
l'ennemi, obligeant à des réfections constantes.
Dans cette phase, le seul point à retenir est la
faiblesse des tirs de nuit, qui peut permettre à
l'ennemi de parfaire son organisation.
IV. - ATTAQUE DU 15 OCTOBRE.
L'ordre était donné par le général cdt la 74e
division de reprendre, le 15 octobre, les tranchées
perdues le 8. L'attaque devait être menée par 1
bataillon: 2 compagnies à droite, 2 compagnies à
gauche, appuyées, à droite par 1 compagnie, à gauche
par 1 bataillon.
Chacune des vagues dans chaque attaque est
constituée par 1 peloton.
Notre artillerie procède à un bombardement des
tranchées allemandes qui va en augmentant
d'intensité, de 11 h. 30 à 15 h. 45.
L'artillerie allemande répond par un violent
bombardement de toutes nos tranchées au N. et à l'E.
de Reillon.
A 15 h. 45 l'attaque sort.
A droite, la première vague atteint la tranchée
arrière du Zeppelin et paraît avoir été bien appuyée
par les vagues suivantes.
A gauche, la première vague, qui semble avoir été
brillamment enlevée et avoir dépassé la tranchée
arrière du Zeppelin, a été mal appuyée en raison du
bombardement auquel l'attaque se trouva soumise et
du fait que le commandant Kappeloff, qui commandait
de ce côté, a été blessé grièvement dès les premiers
instants.
C'est ainsi que, de ce côté, les autres vagues
auraient appuyé trop à droite sans qu'on ait pu le
déterminer exactement, tout le secteur de l'attaque
se trouvant dans un nuage de fumée.
Il est probable que la première vague de gauche a
subi des pertes; n'ayant pas été soutenus, les
survivants ont vraisemblablement été tués ou faits
prisonniers.
A 20 h. 30 j'étais informé que nous tenions sûrement
la tranchée arrière du Zeppelin.
Le 16 vers 2 heures du matin, la division annonçait
que nous occupions tout le Zeppelin sauf la tranchée
9.
A 6 heures on me communiquait que la situation était
encore confuse, que nous tenions sûrement la
tranchée arrière du Zeppelin, mais que nous ne
devions plus être dans le bois.
Ce renseignement était confirmé dans la journée,
notamment par un compte rendu de 17 h. 5.
Pourtant, à 19 h. 25 un nouveau renseignement
indiquait que l'ennemi avait repris la partie AB de
la tranchée arrière et que nous ne tenions que la
partie est (BCD).
Il n'est pas vraisemblable que ces renseignements
contradictoires s'appliquent à des situations
effectives résultant du combat; tout porte à croire
que leur différence résulte du fait que le général
de division, comme le colonel commandant la brigade,
du reste, ont tardivement connu la situation réelle
par suite du fonctionnement insuffisant des
liaisons.
Dans la nuit du 15 au 16 et la journée du 16, la
lutte a continué avec des alternatives de violence
et de calme relatif: le récit des événements sera
donné dans le compte rendu dont je prépare
l'établissement, en exécution de la note du G.Q.G.
du 3 mars 1915.
V. - CONCLUSIONS.
La lutte qui s'est engagée autour du Zeppelin a
revêtu, dans son ensemble, un caractère de violence
caractérisée par l'emploi par l'ennemi d'une
artillerie de gros calibre à tir accéléré
concentrant ses efforts sur un espace restreint.
Le Zeppelin peut être repris: la grosse difficulté
sera de s'y maintenir.
Actuellement les efforts tendent à reconstituer une
position de défense partant du Bois rectangulaire
pour rejoindre le bois Boué en utilisant les places
d'armes construites en vue de l'attaque du 15
octobre.
C'est seulement lorsque la position sera organisée
qu'on pourra envisager la reprise d'une opération
offensive.
Général GÉRARD.
Les armées françaises dans la Grande guerre
Tome 3, Annexes Volume 3
Ministère de la guerre, état-major de l'armée,
service historique
Imprimerie nationale (Paris) 1926
ÉTAT-MAJOR GÉNÉRAL.
2e BUREAU.
Au G.Q.G., le 16 novembre 1915, 5 heures.
Compte rendu de renseignements n° 516.
[...]
III. - CORPS VENU DU FRONT ORIENTAL. - LORRAINE. -
58e DIVISION.
Des indices (chien portant un collier avec
l'inscription: 107°, 58e div., capturé le 11 nov.
vers Domèvre) avaient signalé la présence d'un rgt
de la 58e div. dans la région de Blamont.
Les armées françaises dans la Grande guerre
Tome 3, Annexes Volume 4
Ministère de la guerre, état-major de l'armée,
service historique
Imprimerie nationale (Paris) 1926
GROUPE D'ARMÉES DE L'EST.
LE GÉNÉRAL COMMANDANT.
Au Q.G., le 17 octobre 1915.
SECRET.
Le général Dubail, commandant le groupe d'armées de
l'Est, à Monsieur
le général commandant en chef.
Vu : Joffre.
Détachement d'armée de Lorraine. - Je me suis rendu,
le 15, à ce détachement d'armée et, du poste de
commandement du général Bigot, commandant la
74°D.I., j'ai assisté à l'attaque sur les positions
allemandes du bois Zeppelin.
Après une préparation à laquelle l'artillerie
allemande a peu répondu, notre infanterie est sortie
très crânement de ses éléments de parallèle de
départ, a atteint les tranchées et même pénétré dans
le bois Zeppelin.
Je dis « éléments de parallèle » parce que, en effet,
on s'était contenté de deux éléments représentant
chacun un front de peloton, de telle sorte qu'on
allait en être réduit à partir d'un front trop
étroit par rapport à l'objectif. J'en ai fait
l'observation; le général de division m'a répondu
qu'on n'avait pu faire mieux, parce que les
travailleurs avaient dû opérer de nuit sous un feu
presque ininterrompu. Quoi qu'il en soit, l'attaque
a réussi d'abord; mais on n'a pu se maintenir dans
le bois Zeppelin et, finalement, des contre-attaques
répétées, venant surtout des Amienbois et de
Leintrey, ont fini par nous rejeter de la partie O.
de la tranchée ABCDE. Je passe rapidement sur ces
incidents, qui vous ont été déjà donnés par les
comptes rendus, pour en arriver à la situation de ce
soir.
Nous tenons actuellement en BCD et, sur ma
recommandation, nous nous y consolidons, en nous
couvrant de fils de fer. Je regrette qu'on n'ait pas
pris cette précaution dès le 15 au soir, avec du
réseau Brun tout au moins: c'est un système qu'on
peut ensuite enlever facilement pour progresser; et,
peut-être, grâce à cette précaution, serions-nous
encore en AB et en DE.
J'attends les comptes rendus de ce soir pour voir
s'il y a lieu de pousser l'opération ou, au
contraire, de se contenter momentanément du gain
réalisé.
Les tirs de barrage des Allemands se sont déclenchés
avec une violence extrême dès le départ de notre
infanterie; ils ont été faits surtout avec du gros
calibre et ont immédiatement couvert tout le terrain
d'une épaisse fumée noire, dans laquelle les
éclatements de 77 fusants étaient relativement
rares. Il n'est pas douteux qu'il y ait une très
forte concentration d'artillerie sur ce point (30
batteries contre 18 des nôtres).
Quand j'ai quitté le terrain vers 17 heures, je
voyais les éclatements allemands au-dessus du bois
Zeppelin et j'ai pu en conclure que nous étions
dedans. C'était exact à ce moment.
[...] DUBAIL
|