Revue
Historique
Ed. Paris, Janvier-Avril 1907
Nicolas Remy et la sorcellerie en Lorraine à la fin du XVI
siècle
La fin du XVIe siècle est la période de
l'histoire où furent brûlés le plus grand nombre de sorciers.
Les bûchers s'allumèrent dans tous les États de l'Europe, dans
les pays protestants comme dans les pays catholiques. Il est
malaisé de dire pour quelles raisons le mal sévit avec tant
d'intensité en cette période. Michelet a écrit : « D'où vient la
sorcière ? Je dis sans hésiter : Des temps du désespoir. » Mais
cette époque était une époque relativement prospère. L'Europe
sortait des guerres de religion. Le règne de Henri IV en France
est un règne réparateur ; le commerce et l'industrie renaissent;
l'Angleterre, sous Élisabeth, devient une nation riche;
l'Allemagne elle-même respire après la paix d'Augsbourg et avant
la guerre de Trente ans. En Lorraine, aucune époque n'est aussi
féconde que celle du duc Charles III. Une nouvelle ville de
Nancy sort du sol comme par enchantement à côté de la
Ville-Vieille; des industries de luxe y sont créées et attirent
de nombreux artisans. C'est en des pays heureux que sévit la
sorcellerie. Et sans doute on peut dire que, pendant les guerres
religieuses, les hommes s'étaient habitués aux bûchers; leur
coeur s'était endurci et ils passaient, indifférents ou hostiles,
devant les flammes qui consumaient les prétendues sorcières.
Mais peut-être est-on obligé de reconnaître qu'il y a des
épidémies morales comme des épidémies physiques. Les idées
funestes circulent insaisissables, gagnent de proche en proche
et répandent la contagion. A la fin du XVIe siècle, catholiques
et protestants étaient hantés par l'idée du Démon, être
personnel, doué d'un immense pouvoir, cherchant à nuire aux
hommes de toutes manières. Ils le voyaient partout, dans les
phénomènes naturels et dans les événements les plus fortuits. De
cette croyance, qui est sans doute au fond de christianisme,
mais qui, à cette époque, passe au premier plan, tirez toutes
ses conséquences; les procès de sorcellerie sont au bout.
Or, au moment où les bûchers s'allumaient, il se trouva des
théoriciens pour les justifier et les exalter; et leurs livres,
lus avec avidité (1), propagèrent le mal. Un publiciste qu'on
représente souvent comme un esprit très libre, qu'on a appelé
parfois le Montesquieu du XVIe siècle (2), Jean Bodin, publie en
1580 son Traité de la Démonomanie des sorciers (3) où il étale
un zèle indiscret à poursuivre toutes les personnes suspectes de
ce crime; et les procès de sorcellerie se multiplient aux
environs de Laon, où Bodin est procureur du roi. A quelque temps
de là, en 1602, Henri Boguet, de Dôle, juge à Saint-Claude, en
Franche-Comté, met au jour son Discours des sorciers; il engage
tout juge à ne laisser échapper aucune sorcière, et les bûchers
s'allument en ce coin du Jura plus nombreux qu'ailleurs (4). En
1610, un conseiller du Parlement de Bordeaux, Pierre de Lancre,
visite, à la recherche des sorciers, la terre du Labourd et il
écrit son Tableau de l'inconstance des mauvais anges, les démons
(5); le livre paru, les procès de sorcellerie foisonnent. Entre
le livre de Jean Bodin et ceux de Boguet et de Lancre se place
la Démonolatrie de Nicolas Remy, procureur général de Lorraine,
qui fut écrite en 1592 et vit le jour en 1595. Nicolas Remy
consignait dans son volume l'expérience qu'il avait acquise en
instruisant de nombreux procès de sorcellerie et son livre eut
pour effet de rendre ces procès encore plus nombreux; dans nul
autre pays la sorcellerie n'a sévi davantage que dans le petit
duché de Lorraine.
I.
Nicolas Remy naquit à Charmes vers l'année 1530 (6). Il se
destina à l'étude du droit, et, comme, à cette époque, la
Lorraine ne possédait pas encore d'université, il fit ses études
en France, probablement à Orléans. Il prit le titre de licencié
ès lois et pendant vingt et un ans il enseigna tour à tour la
littérature et la jurisprudence (7). Le 15 mars 1570, au moment
où il atteignait la quarantaine, un de ses oncles maternels,
François Mittat, se démit en sa faveur de sa charge de
lieutenant général au bailliage des Vosges (8), l'un des trois
grands bailliages entre lesquels se divisait la Lorraine; et,
cinq années durant, il résida à Mirecourt, où il passa bientôt
pour un excellent magistrat. Le 4 novembre 1575, le duc de
Lorraine l'appela à Nancy et l'attacha à sa personne en qualité
de secrétaire ordinaire (9); l'année suivante, en 1576, tout en
lui laissant sa charge de secrétaire, il le nomma membre du
tribunal des échevins de Nancy (10).
Les échevins à Nancy ne formaient pas le conseil de la commune;
c'était un tribunal ducal dont les membres, gradués en droit,
étaient nommés par le duc de Lorraine; ils étaient au nombre de
quatre ou six (11), ayant à leur tête le maître échevin, choisi
de même par l'État. Ils jugeaient les causes criminelles dans
l'étendue de la prévôté de Nancy; cette prévôté comprenait,
outre Nancy, soixante-douze villages qui s'étendaient depuis
Frouard au nord jusqu'à l'extrémité sud du département actuel de
Meurthe-et-Moselle, à Affracourt, Xirocourt et Vaudéville. Or,
on remarque que, dans ces villages et dans la ville, furent
instruits, à cette époque, un grand nombre de procès de
sorcellerie (12). Nicolas Remy fut un juge très affairé.
Mais ce n'est pas tout. En Lorraine, il existait un très grand
nombre de tribunaux. criminels : tribunaux ducaux (les autres
prévôtés), tribunaux seigneuriaux et tribunaux des communes. Le
tribunal d'un petit village, comme Amance (13), Arches (14),
Insming (15), Hessen (16), avait le droit de prononcer sans
appel la peine capitale. Ce tribunal communal était composé
tantôt du maire et de quelques échevins, tantôt de l'ensemble
des habitants d'une commune, de la féauté; aucun de ces juges ne
savait le droit; beaucoup même ne savaient pas lire ! Et combien
de sorciers ou sorcières ont été condamnés par de telles
juridictions à la peine de mort ! L'on comprit qu'il était
nécessaire d'exercer sur elles un contrôle, et il fut admis
d'assez bonne heure qu'avant d'ordonner la question ou de
prononcer une sentence capitale ces tribunaux demanderaient
l'avis des échevins de Nancy. Ce qui était un usage devint
bientôt une règle, une obligation (17). On pensait, par cette
consultation, éviter de fâcheuses erreurs judiciaires; on y
voyait un autre avantage. On introduisait l'unité de législation
dans l'enchevêtrement des juridictions. On superposait aux
tribunaux seigneuriaux et communaux le tribunal du duc.
L'échevinage de Nancy a contribué pour sa part à créer l'unité
de la Lorraine.
En vertu de ces principes, tous les procès criminels du duché de
Lorraine, - nous laissons de côté le Barrois, qui avait son
organisation spéciale, - ceux de Lunéville comme ceux d'Épinal,
ceux des terres ecclésiastiques de Saint-Dié et de Remiremont
comme ceux du comté de Vaudémont ou de la seigneurie de Haroué,
aboutissaient à Nancy et étaient examinés par les échevins.
Beaucoup de ces procès étaient des procès de sorcellerie; et de
la place des Dames où siégeait le tribunal dans la maison au
change (18) partaient approuvées les sentences qui ont envoyé au
bûcher d'innombrables victimes (19),
De 1576 à 1591, pendant quinze années successives, Nicolas Remy
fut membre de ce tribunal (20). Toutes les causes de sorcellerie
qui se sont produites dans le duché de Lorraine, durant ces
années, lui ont passé sous les yeux, soit qu'il les ait jugées
directement, soit qu'il ait examiné les sentences des tribunaux
inférieurs. C'est son expérience de praticien qu'il a consignée
dans sa Démonolatrie composée en 1592, alors qu'il sortait à
peine de charge. Combien de sentences capitales avait-il
prononcées comme échevin de Nancy ? Il nous donne lui-même un
chiffre dans le titre de son ouvrage : Ex judiciis capitalibus
nongentorum plus minus hominum, qui sortilegii crimen, intra
annos quindecim in Lotharingia capite luerunt. En ces quinze
années, il avait envoyé au supplice 900 victimes, - un peu plus
un peu moins; - c'est une moyenne de soixante condamnations
capitales par an; et le duché de Lorraine était un pays fort
petit; dans ce chiffre de 900 ne sont pas compris les sorciers
qui ont été exécutés dans le Barrois (21) ni dans les terres des
Trois-Evêchés de Metz qui appartenaient à la France et
déchiquetaient le duché de façon si bizarre (22). Il est
naturellement difficile aujourd'hui de donner des statistiques
exactes (23); mais parfois à Nancy, où l'on exécutait les
sorcières de la ville et quelques sorcières de la prévôté, -
souvent ces sorcières étaient brûlées dans leur village, - ou
trouve trace de six ou même de huit condamnations capitales dans
une année.
La manière dont Nicolas Remy remplissait ses fonctions de juge
lui attirait la considération générale, et le duc récompensa, à
diverses reprises, son zèle. Le 9 avril 1583, Charles III
l'anoblit; il voulait reconnaître ses loyaux services dans
l'exercice de son office, et aussi la manière dont il [avait
rempli certaines commissions qu'il lui avait confiées.« En
chacune de ces charges, disent les lettres patentes, il se
serait comporté avec tel acquit et satisfaction de son devoir
que nous en aurions toujours reçu bon contentement- (24) »
Quelques années plus tard, le 1er août 1589, le duc lui donna le
titre de conseiller en son conseil privé (25), et Remy, à cause
de ses connaissances juridiques, s'y distingua, puisque le
conseil était une sorte de tribunal des requêtes et jugeait les
causes évoquées par le prince (26). Enfin, le 24 août 1591, il
le mit à la tête de la justice en Lorraine, en le nommant
procureur général, en remplacement de Georges Maimbourg (27). Le
procureur général avait juridiction sur toute l'étendue du
duché, c'est-à-dire sur les trois bailliages de Nancy, des
Vosges et d'Allemagne ; il n'était pas attaché à un seul siège;
il était ministère public non seulement au tribunal des
échevins, mais à la Chambre des comptes, aux assises de Nancy,
des Vosges et d'Allemagne, dans les sièges inférieurs, s'il le
jugeait bon. A lui de poursuivre les criminels, d'ordonner les
premières informations, de les faire lui-même s'il l'estime à
propos (28). Dès lors, Nicolas Remy a livré comme ministère
public une guerre redoutable aux sorciers. Il compte soixante
ans. Mais l'âge n'a point refroidi son ardeur; au contraire,
pensant faire oeuvre pieuse, il redouble de zèle. Il stimule les
procureurs des bailliages d'Allemagne et des Vosges, les
substituts et les officiers inférieurs, les exhortant à remplir
leurs devoirs sans fausse pitié (29); lui-même fait, dans le
duché, de fréquentes tournées pour découvrir les coupables; il
siège non seulement au tribunal des échevins, mais aux tribunaux
inférieurs, pour requérir la peine de mort; et comment de
simples prévôts auraient-ils osé juger contre les conclusions de
M. le procureur ? Juge au tribunal des échevins, Nicolas Remy a
fait 900 victimes : combien en a-t-il fait comme procureur ? Il
est difficile de répondre; il faudrait sûrement doubler,
peut-être tripler le chiffre. S'il avait donné à la fin de sa
vie une nouvelle édition de la Démonolatrie, il aurait pu y
ajouter de nombreux compléments. Ses tournées sont marquées par
les bûchers. Incedo per ignes eût pu être sa devise (30). En
1596, il parcourt tous les villages du bailliage de Nancy, et
ces villages sont décimés (31); à la même époque, il visite
Bertrimoutier dans le bailliage des Vosges et il y répand la
terreur (32). Remy exerça sa charge de procureur pendant quinze
années, de 1591 à 1606, et ces temps, marqués en Lorraine par
une grande prospérité, furent les sombres années de la
sorcellerie.
Dans les loisirs que lui laissait l'exercice de ses charges,
Nicolas Remy se livrait à sa passion pour les lettres. La robe
du juge ou du procureur déposée, il s'adonnait, dans sa maison
de campagne de Saint-Mard, près de Bayon, aux études plus
douces, amoeniora studia. Il taquinait la Muse en français et en
latin; il faisait de sérieuses études historiques; il préparait
ses harangues d'apparat. Plusieurs de ses ouvrages sont arrivés
jusqu'à nous. Le plus ancien en date est la Démonolatrie, dont
il nous raconte lui-même l'origine. Il repassait souvent en son
esprit, pendant les vacances, les aveux que les sorciers avaient
faits; et il s'amusait, pour sa distraction, à les écrire en
vers latins (33) ;
Admirable matière à mettre en vers latins !
Il écrivait aussi en prose quelques réflexions sur la
sorcellerie en général. Peu à peu, l'idée lui vint de réunir ces
morceaux détachés pour en faire un livre, de même qu'on coud
ensemble des bouts d'étoffe pour en faire un vêtement. Aussi
redoubla-t-il désormais d'attention dans les procès et fixa-t-il
avec soin en sa mémoire les détails de chaque affaire. Enfin,
une année, la peste lui fit des loisirs plus longs; les
tribunaux vaquaient en Lorraine; et pour charmer sa solitude, -
cum ruris solitudinem eblandiri aliqua ratione cuperem, - il mit
ses notes en ordre et écrivit son traité. Thierry Alix, qui,
après avoir mis en ordre le trésor des chartes, était devenu
premier président de la Chambre des comptes, parla du livre à
Charles III (34). Le duc exprima le désir qu'il fût livré à la
presse, et, après toutes sortes de difficultés, il parut à Lyon
en 1595 (35). Deux autres éditions furent données en 1596 à
Cologne (36) et à Francfort (37); l'ouvrage fut traduit en
allemand (38). Il obtint partout le succès le plus vif. Le
jurisconsulte Charondas en fait un éloge enthousiaste : « C'est
un livre rempli d'exemples notables et d'excellents discours
mêlés de diverses sciences, pour montrer que de si abominables
crimes doivent être sévèrement punis, sans y user de connivence
ni dissimulation (39). » L'oeuvre est dédiée au fils du duc, au
cardinal Charles, évêque de Metz et de Strasbourg, celui-là même
qui deviendra plus tard le premier primat de Lorraine. Ce prince
souffrait de violentes douleurs rhumatismales qu'il attribuait
aux sorciers; il avait fait venir d'Italie pour l'exorciser des
frères barnabites. Certes, il dut trouver plaisir à la lecture
de ce volume, où l'anathème et la mort étaient prononcés contre
ses prétendus bourreaux.
Ce livre est certainement un livre de bonne foi, comme disait
Montaigne, et c'est ce qui en rend la lecture effrayante. A peu
près jamais le moindre doute n'a envahi l'âme du procureur;
jamais aucun scrupule ne l'a effleuré. L'épigraphe de son livre
est un verset de la Bible qui est déjà une sentence de mort : «
Quand un homme ou une femme aura un esprit de Python ou sera
devin, on le fera mourir (40) » Et voici la conclusion : « Pour
ceux qui ont souillé leur vie de tels crimes, je ne doute pas
qu'il soit de droit de les tourmenter par toutes sortes de
tortures et de les faire périr par le feu; il faut qu'ils soient
un exemple aux autres et que la sévérité même de leur supplice
soit un avertissement. » Et dans l'intervalle des 394 pages
revient sans cesse le même mot : la mort ! Et toutes les
déductions de Nicolas Remy sont faites à grands renforts de
citations d'auteurs grecs et latins et avec de véritables grâces
littéraires, en une langue châtiée à laquelle on ne peut
reprocher qu'un peu d'obscurité. Le procureur était nourri de la
moelle de l'antiquité, et il s'appliquait à bien écrire. Il
comptait sur ce livre pour faire vivre son nom dans la
postérité, pour rappeler aux arrière-neveux la grandeur de la
tâche qu'il avait accomplie, les services qu'il avait rendus au
christianisme et à l'humanité !
D'autres oeuvres de Nicolas Remy nous sont parvenues. Il
contribua à la rédaction de la coutume de Lorraine qui parut en
1596 (41). Le « nouveau style » exigeait des avocats la
prestation d'un serment à la séance solennelle de la rentrée des
tribunaux ou, comme on disait alors, « à l'ouverture des
plaidoiries du duché de Lorraine ». La première fois que cette
cérémonie eut lieu en 1597, le procureur général prononça un
intéressant discours; dans un langage très élevé, il rappelle
aux avocats leur devoir, non sans lancer à leur adresse quelques
traits malicieux sur le choix des bonnes causes et des bons
moyens, la modération des honoraires, la bienveillance dans les
relations quotidiennes (42). C'est peut-être le premier en date
des discours de rentrée; la bibliothèque de Nancy en possède un
exemplaire jadis donné par Remy lui-même à fun de ses amis (43).
Puis il préparait une grande oeuvre historique. Il amassait des
matériaux: pour une histoire de René II (1473-1508), et, en
1605, parut à Pont-à-Mousson le Discours des choses advenues en
Lorraine depuis le décès du duc Nicolas jusques à celui du duc
René (44). C'est une oeuvre remarquable qui dépasse
singulièrement les chroniques du moyen âge; c'est la première en
date des histoires parues en Lorraine. Remy fait un usage
judicieux: de la Chronique de Lorraine et du Dialogue de Jean
Lud; il connaît aussi quelques-unes de ces chartes qu'avait si
bien classées son ami Thierry Alix; le style est en général net
et clair; pourtant on peut lui reprocher d'avoir accueilli
quelques légendes que répétait la tradition orale. Nous savons
aussi que Remy réunit en une collection les anciens édits et
ordonnances de la province de Lorraine; le volume demeura
malheureusement manuscrit; Nicolas Remy obtint en récompense 100
résaux de blé à prendre, trois années durant, sur la recette
ducale de Châtel et de Charmes (45).
Ces travaux, aussi bien que la dignité de sa vie, assurèrent à
Nicolas Remy la considération publique; on se tromperait
gravement si l'on se figurait que ses contemporains se
détournaient de lui avec horreur. Non, ses crimes étaient ceux
de son époque, et le zèle qu'il déployait augmentait encore
l'estime générale. Il vivait paisiblement à Nancy, pendant
l'année judiciaire, en une petite maison de la rue du
Haut-Bourgeois (46), entouré de sa nombreuse familles (47). La
ville de Nancy lui fit présent d'un beau tableau pour lui
témoigner sa reconnaissance (48). Le duc l'employa dans ses
négociations diplomatiques. En 1594, le procureur général prit
possession de la ville de Marsal, que Henri IV rendait à la
Lorraine en vertu du traité de Saint-Germain (49); les années
suivantes, il assista à diverses conférences avec les agents du
duc de Deux-Ponts, du comte de Nassau, de la communauté de Metz
pour aplanir diverses difficultés de frontière inévitables en un
pays où les enclaves étaient multipliées; partout il arriva à se
rendre utile (50). Aussi, en reconnaissance de ses services, le
duc accorda, le 26 août 1599, sur la prière de sa belle-fille
Catherine de Bourbon (51), au fils aîné de Nicolas, Claude, la
survivance de la charge de procureur (52); mais Nicolas Remy
continua de l'exercer, tandis que Claude achevait ses études à
Paris; ce n'est qu'en 1606, à soixante-douze ans, que le
procureur prit enfin sa retraite et fut définitivement remplacé
par son fils (53).
Nicolas se retira à Charmes, dont il avait fait une description
enthousiaste dans son Discours des choses advenues; mais il se
rendit encore, à plus d'une reprise, utile à ses compatriotes.
Toutes les fois qu'une cérémonie importante se célébrait à la
cour de Lorraine, on s'adressait à lui et on lui demandait une
pièce de circonstance. Quand Marguerite de Gonzague, seconde
femme du duc de Bar Henri, fit son entrée à Nancy, le 15 juin
1606, Nicolas Remy fut chargé de faire de cette cérémonie une
description officielle en latin (54). Quand, en 1608, le duc
Charles III mourut, l'ancien procureur célébra, en un langage
enthousiaste, les glorieux faits de ce prince (55). Lorsque le
fils de Charles III, Henri Il, forma le dessein de faire son
entrée dans sa capitale, le 13 septembre 1609, le peintre
Florent Drouin fut délégué à Remy, dans sa retraite de Charmes,
pour conférer avec lui sur les vers et les devises à inscrire
sur les arcs de triomphe (56); l'entrée fut remise; elle n'eut
lieu que le 20 avril 1610, et, sur le désir du duc, on évita
tous frais trop considérables ; mais on imprima les vers de Remy
(57), et il figura, avec son fils, le procureur, au banquet qui
fut donné à l'Hôtel-de-Ville (58). Ainsi, jusqu'à la fin de sa
carrière, il connut les honneurs. Il s'éteignit doucement à
Charmes en avril 1612 (59), entouré du respect de tous. C'était
un fort honnête homme que ce Nicolas Remy, qui avait envoyé au
bûcher 2,000 à 3, 000 sorciers, dont les neuf dixièmes étaient
sans nul doute des innocents (60).
Ch. PFISTER.
(Sera continué.)
(1) Nous signalons plus loin les
éditions nombreuses de ces livres. Les dates de ces éditions
nous indiquent les périodes où la sorcellerie a sévi; les
ouvrages cessèrent d'être réimprimés lorsque la contagion
diminua.
(2) Baudrillart, Jean Bodin et son temps, Paris, 1853; Georges
Weill, les Théories sur le pouvoir royal en France pendant les
guerres de religion, p. 159, Paris, 1891. Les six livres de la
République de Bodin, tant vantés, ont été écrits en 1577, trois
ans avant la Démonomanie.
(3) Paris, Jac, Du Puys, in-4°. D'autres exemplaires portent les
dates de 1582 ou 1587. Il y eut des éditions à Anvers, Arnault
Conninx, 1586, In-8°, à Lyon, 1593, in-8°, à Paris et Lyon, Ant.
de Harsy, 1598, in-8°, à Rouen, 1604, in-12. L'ouvrage a été
traduit en latin par Lotarius Philoponus (Fr. Junius), Basileae,
1581, in-4°; Francofurti, 1590, in-4°; il y eut une traduction
italienne, par Herc. Cato, Venezia, Aldo, 1587, in-4°; autres
éditions, 1589 et 1592.
(4) Discours des sorciers, avec six advis en faict de
sorcellerie, et une instruction pour un juge en semblable
matière, Lyon, Pillehote, 1602, in-8°; réimpressions : Paris,
Binet, 1603; Rouen, Osmont, 1606, petit in-12; 2° édition, Lyon,
Pierre Rigaud, 1608, in-8°; autre édition, Lyon, 1610.
(5) Paris, Barjon, 1610, in-4°; 2e édition, 1613, Pierre de
Lancre donne la figure du Sabbat. Il publia dans la suite
d'autres ouvrages sur la sorcellerie, notamment : Du sortilège,
où il est traicté s'il est plus expédient de supprimer et tenir
soubs silence les abominations et maléfices des sorciers que les
publier et manifester, 1627, in-4°.
(6) Nous ne possédons qu'une biographie de Nicolas Remy sous
forme d'un discours de réception à l'Académie de Stanislas. Elle
est due au président L. Leclerc, et elle est en tous points
excellente. M. Henri Lepage avait fourni à M. Leclerc toutes les
mentions qui se trouvent sur Remy aux archives de la Meurthe.
Cf. Mémoires de l'Académie de Stanislas, 1868, p. XXXIX et suiv.
(7) Dans les lettres patentes citées ci-après, il est qualifié
de « licencié ès lois des Universités de France, où il auroit
versé l'espace de vingt ung ans, faisant profession, la plupart
d'lceulx, d'enseigner tant les lettres humaines que les droictz
».
(8) Arch. dép., B. 39, fol. 205.
(9) Ibidem, B. 45, fol. 115.
(10) Il porte pour la première fois le titre d'échevin dans le
compte du trésorier général de 1576 (B. 1172, fol. 166).
(11) A l'origine, il n'y avait peut-être que deux membres :
voilà pourquoi Nicolas Remy désigne ce tribunal sous le nom de
duumviri.
(12) Nous n'avons trouvé aucune trace de sorcellerie à Nancy et
dans les environs au moyen âge. Dans les extraits de la
chronique attribuée à Florentin Le Thierriat, on trouve bien le
récit d'une scène curieuse qui se serait passée sous René II,
soit à la fin du XVe siècle. Une femme, Guillemette Langon, vint
s'établir au village de Saint-Dizier (aujourd'hui faubourg des
Trois-Maisons de Nancy). Elle passa toutes ses journées à
l'église et on la regarda comme une sainte. Mais elle fut prise
d'une maladie « qu'aurait fin en neuf mois ». Un prêtre, Louis
Mousson, fut accusé par les commères du voisinage d'être le père
de l'enfant; il se défendit avec énergie, soutint que
Guillemette avait été ensorcelée par un prêtre du nom de Michel
Adam et qu'elle donnerait le jour à un diablotin tout noir. On
se saisit de Guillemette et de Michel Adam; l'évêque de Toul
évoqua l'affaire; ou incarcéra la prétendue sorcière; mais, sur
ces entrefaites, Louis Mousson prit la fuite et prouva ainsi sa
culpabilité (Recueil de documents sur l'histoire de Lorraine,
1868, 2e partie, p. 79-81). Mais on sait qu'on ne peut attacher
aucune confiance à ces prétendus Mémoires.
(13) Cant. de Nancy, dans les Vosges. Amance avait jadis obtenu
la loi de Beaumont.
(14) Les jugeants du ban d' Arches, cant. d'Épinal, jugeaient
les sorciers des villages d'Arches, Hadol, Le Roulier, Donnoux,
Pouxeux: et des hameaux dépendant de ces localités. Ce sont ces
jugeants qui ont prononcé la peine de mort contre Antoine
Grevillon, dont M. Charles Sadoul nous a raconté l'histoire. Cf.
infra.
(15) Cant. d'Albestroff, aujourd'hui réuni à l'Allemagne. Le
tribunal d'Insming jugeait les procès de sorcellerie dans les
villages environnants : Honskirch, Réining, Wittersbourg, Petit-Tenquin
(Klein-Tänchen), Gréning, Nelling. Cf. Das Elsass Lothringen,
art. Insmingen (Meterei). Ces diverses localités autrefois dans
la Meurthe, canton cité, ou dans la Moselle, cant. de Gros-Tenquin
ou de Sarralbe.
(16) Cant. de Sarrebourg. Cf. Ibidem.
(17) Cf. Charles Sadoul, Organisation judiciaire de la Lorraine,
Nancy, 1898. Seules certaines enclaves lorraines en Alsace,
Sainte-Marie-aux-Mines, Saint-Hippolyte, jugeaient sans en
référer an tribunal des échevins.
(18). La maison porte aujourd'hui le n° 19 de la place des
Dames.
(19) Sur ce tribunal, on consultera le mémoire de Guimet dans
l'Histoire de Lorraine de dom Calmet, III, col. CCXXXIII; L.
Leclerc, art. cité, notes 12 à 17; Henri Lepage, les Offices des
duchés de Lorraine et de Bar, dans les Mémoires de la Société
d'archéologie, 1869, p. 180; Krug-Basse, Histoire du Parlement
de Lorraine, p. 21. Nous n'avons parlé ici que des attributions
criminelles du tribunal des échevins. Au civil, le tribunal
connaissait des affaires personnelles des gentilshommes de
l'ancienne chevalerie, des nobles, anoblis et autres
privilégiés; il s'efforçait d'attirer à lui les affaires
réelles; empiétant sur la juridiction du tribunal des assises;
mais, dans ces divers cas, des gentilshommes venaient siéger à
côté des échevins. Les affaires civiles des roturiers étaient
jugées en première instance par le prévôt; elles venaient en
appel, - pour le cas où l'appel était autorisé, - devant le
tribunal des échevins, et cela dans toutes les prévôtés du
bailliage de Nancy.
(20) Les maîtres échevins furent à ce moment Nicolas Olry
(1572-1592) et Nicolas Bourgeois (1592-1603). Parmi les
collègues de Nicolas Remy, nous citerons Habellon et Mitard.
(21) La sorcellerie dans le Barrois n'a pas encore été étudiée
spécialement. Pourtant, il semble bien certain que l'épidémie a
sévi avec beaucoup moins d'intensité que dans le duché de
Lorraine. Il y a eu quelques exécutions. sommaires dans le duché
de Bar à la fin du XVe siècle. Dans l'année 1473-1474, on fait à
Bar le procès d'Alix, femme de Didier Rollier, de Hargéville, et
de la femme Jacquot, du Plessis. Alix est condamnée à mort et
ses biens sont vendus à l'encan (Arch. de la Meuse, Compte du
receveur général, B. 507). En 1480, on exécuta à Bar Jeanne,
veuve de Jeannesson, de Saulx (Ibid., B. 508). Ces deux
sorcières ont été jugées par le tribunal de l'Inquisition. Au
XVIe siècle, au temps où Nicolas Remy était échevin de Nancy et
procureur de Lorraine, Jean-Baptiste Bournon, Jean Bourgeois,
puis le fils de celui-ci, nommé aussi Jean, furent procureurs
généraux du Barrois ; ils ne paraissent pas avoir partagé les
idées de Remy, et ils se montrèrent certainement plus doux que
lui. Dans le Barrois non mouvant, il y eut bien quelques procès
de sorcellerie et quelques condamnations devant les grands jours
de Saint-Mihiel (cf. Bonnabelle, Notice sur Saint-Mihiel,
Bar-le-Duc, 1889, p. 79). Trois femmes furent brûlées à Étain en
1616, une autre en 1619, deux autres en 1624 (Arch. de la Meuse,
B. 1214, 1216, 1219; Bonnabelle, Notice sur Étain, dans les
Mémoires de la Société d'archéologie de Meurthe-et-Moselle,
1878); d'autres exécutions eurent lieu à Souilly en 1583, 1599
et 1625 (Arch. de la Meuse, B. 1281, 1286 et 1290). A Saucy, il
y eut des exécutions en 1581, 1586, 1594, 1595, 1615 (Ibid. B.
1816, 1820, 1828, 1829, 1832). Mais ces exemples sont en somme
assez rares; et il y eut encore moins d'exécutions dans le
Barrois mouvant, qui relevait, au point de vue judiciaire, du
Parlement de Paris, Nous n'avons trouvé mention que de quelques
exécutions à Bar en 1573 (Ibid., B. 568); une exécution à
Pierrefitte en 1623 (Ibid., B. 2873). Une autre femme y fut
accusée de sortilège en 1599 (Ibid., B. 2867; Bonnabelle,
Pierrefitte et les seigneurs de la maison du Châtelet, p. 8).
Cette observation nous prouve combien est grande la
responsabilité de théoriciens comme Nicolas Remy. Dans les pays
où ils détenaient l'autorité judiciaire, ils stimulaient le zèle
de leurs subordonnés, et les procès se multipliaient.
(22) Sur la sorcellerie à Toul, on consultera Albert Denis, la
Sorcellerie à Toul aux XVIe et XVIIe siècles, Toul, Lemaire,
1888, in-8°. Pour Metz, voir l'article d'E. Boutillier, les
Sorcières de Plappeville, dans l' Austrasie, 1856, p. 149; Nerée
Quépal, Histoire du village dé Woippy, Metz, 1878, p. 104; Louis
Gilbert, la Sorcellerie au pays messin, dans le Pays lorrain,
1907, p. 33. Les procès de sorcellerie étaient très nombreux en
Alsace, et on lira avec intérêt l'excellent travail de Rod.
Reuss, la Sorcellerie en Alsace au XVIe et au XVIIe siècle,
Strasbourg, 1872.
(23) Dumont, la Justice criminelle de« duchés de Lorraine et de
Bar, 2 vol., Nancy, 1848, a relevé les noms d'un certain nombre
de sorcières exécutées; mais cette liste est bien incomplète.
Lepage, dans ses Communes de la Meurthe, a, à propos de divers
villages, signalé les sorcières qui ont été exécutées. La
plupart des actes de procès de sorcellerie ont disparu; nous en
avons pourtant tenu quelques-uns entre les mains. Cf. Manuscrits
de la Société d'archéologie lorraine, n° 135 (procès de 1602,
1619, 1625, 1633); Bibliothèque nationale, Collection de
Lorraine, n° 466, fol. 7-81. On trouve aussi quelques actes dans
les manuscrits de la Cour d'appel. Peut-être, en consultant les
archives de la Cour des comptes, si admirablement conservées,
arriverait-on à établir des statistiques précises. Chaque procès
causait un certain nombre de frais pour l'information et pour
l'exécution; ces frais sont consignés sur les registres des
receveurs, et, souvent, dans les pièces justificatives, on
trouve copie de la sentence capitale. Il faudrait dépouiller
systématiquement ces registres et ces liasses; M. Charles Sadoul
a commencé ce travail. Il a déjà trouvé l'indication de 1,800
sorciers on sorcières brûlés à la fin du XVIe et an début du
XVIIe siècle. Sur la sorcellerie en Lorraine, on consultera les
monographies suivantes : Gab. Thomas, les Procès de sorcellerie
et la suggestion hypnotique (discours prononcé à la rentrée de
la Cour d'appel de Nancy, 1885). - Alb. Fournier, Une épidémie
de sorcellerie en Lorraine aux XVIe et XVIIe siècles, dans les
Annales de l'Est, t. V (1891), p. 228. - De Chanteau, Notes pour
servir à l'histoire du chapitre de Saint-Dié (contient une étude
: les Sorciers à Saint-Dié et dans le val de Galilée), Nancy,
Berger-Levrault, 1879. - Gast. Save, la Sorcellerie à Saint-Dié,
dans le Bulletin de la Société philomatique, 1887-1888, p. 135
(M. Save estime à 600 le nombre des victimes pour
l'arrondissement de Saint-Dié). - Charles Sadoul, Antoine
Grevillon, sorcier et devin au val de Ramonchamp, brûlé à Arches
en 1625, dans le Pays lorrain, t. I (1904), p. 145 et suiv. -
Les deux livres suivants sont de purs livres d'imagination :
Pierre Sternon, les Moines et les sorcières d'Ancy au XVIe
siècle, Nancy, 1886; E. Badel, D'une sorcière qu''aultrefois on
brusla dans Sainct-Nicholas, Nancy, 1891.
(24) Dom Pelletier, Armorial de la Lorraine, au mot Remy; on lui
donnait comme armes : « D'or, écartelé en sautoir d'azur, à deux
serpents volants, affrontés d'argent, mouchetés, allumés et
armés de gueules, et pour cimier un serpent de l'écu. »
(25) Arch. de la Meurthe, B. 58, fol. 222.
(26) Nicolas Remy fut chargé, comme conseiller, de diverses
commissions. A la fin d'août 1589, - nous sommes dans la période
des troubles de la Ligue, - le maréchal d'Aumont, gouverneur de
la Champagne, avait envahi le Barrois et tenté, le 6 septembre,
sur Bar-le-Duc, un coup de mains qui échoua. II avait pratiqué
des intelligences dans la place. Le duc Charles III, par
commission du 26 septembre, chargea Nicolas Remy et un autre
conseiller d'État, Cuny Boucher, de faire une enquête sur ces
faits et de juger les coupables jusqu'à la sentence définitive
inclusivement. D'après le jugement des commissaires, Jean Merle
fut pendu, Castel écartelé. Jean Maucervel, avocat, et Nicolas
Leschicault, orfèvre, durent payer de fortes amendes. Cf.
Lettres et instructions de Charles III relatives aux affaires de
le Ligue, dans la Collection de documents sur l'histoire de
Lorraine, 1864, p. 210-212.
(27) Arch. de la Meurthe, B. 61, fol. 197.
(28) Sur les attributions du procureur général, voir Krug-Basse,
op. cit., p. 28.
(29) Naturellement, le procureur général donnait aussi son avis
sur les procès de sorcellerie qui étaient jugés dans les
seigneuries particulières. En 1594, on signala de nombreuses
sorcières au village de Wallerchen (Vaudreching), un canton de
Bouzonville, dont l'abbé de Bouzonville était seigneur. L'abbé
fit faire une information secrète, el, bien que les juges locaux
inclinassent vers la douceur, les échevins de Nancy, consultés,
déclarèrent que les inculpées devaient être appréhendées.
Nicolas Remy, procureur, adressa à ce sujet à l'abbé Jean
Sellier la lettre suivante autographe que nous avons trouvée
dans la Collection de Lorraine, à la Bibliothèque nationale, n°
466, fol. 20, avec d'autres pièces de ce procès :
« Monsieur, Monsieur de Bouzonville.
« Monsieur, J'ay veu l'information que vous m'avez envoyée et
trouve la chambrière du curé de Wallerichen fort chargée par
icelle du crime de sortilège, tellement que je tiens qu'il y a
matière de la constituer prisonnière en prison ferme et renvoyer
sa partie formelle (a), pour avoir faict preuve suffisante de ce
dont elle l'a defférée. Que sy le sieur woué en use aultrement
(b), comme me l'écrivez, il abuse de sa vouerie, et sera bon
d'en advertir le sieur procureur général du bailliage
d'Allemagne, affin d'y intervenir et faire le dheu de sa charge.
Quant à ce que vous m'écrivez aussy de ladite délinquante
qu'elle s'est mise en la protection du sieur prévost de
Château-Salins, cela ne l'exemptera d'être derechef appréhendée,
veues les charges portées contre elle par la dite information;
mais aussy conviendra-t-Il, quant on luy dressera son procès et
que on y donnera sentence deffinitive, y appeller le dit sieur
prévost, pour s'estre la dite délinquante faicte bourgeoise de
Marchis (c) sous luy, pourveu touteffois que ç'ayt esté à main
saine. Touchant les autres impunités dont m'escrivez
semblablement, ce sera bien faict d'en envoyer une déclaration
particulière audit sieur procureur général du bailliage
d'Allemagne, affin qu'il en face informer et y apporter pour
l'advenir l'ordre qui en sera besoing (d). Je vous baise les
mains très humblement et prie Dieu, Monsieur, vous donner en
santé continuelle très longue et heureuse vie. A Nancy, le VIIe
septembre 1594.
« Votre très humble et affectionné serviteur.
« N. REMY,
« P.-S. - J'ay reçeu quatre francs et derny de vostre homme,
mais je vous remercie. »
a. La partie formelle est la partie qui accuse; on avait
soupçonné les accusateurs de faux: et on les avait arrêtés.
b, Les seigneurs de Burgesch, commune de Schwerdorf, étaient
voués de Bouzonville.
c, On sait que les ducs de Lorraine avaient le titre de Marchis
entre Rhin et Meuse. Le prévôt de Château-Salins fut en même
temps « prévôt de la Marchise ». Les sujets des seigneuries qui
voulaient acquérir la nationalité lorraine se déclaraient
bourgeois de la Marchise et devenaient justiciables du prévôt de
Château-Salins. Voir à ce sujet un mémoire d'un de ces prévôts,
Austien Mélin, dans dom Calmet, Histoire de Lorraine, 2e édit.,
t, V, Préliminaires.
d. On voit que Nicolas Remy était d'accord avec l'abbé de
Bouzonville : il faut que le procureur au bailliage d'Allemagne,
- c'était Nicolas Weiss, - stimule le zèle des employés
judiciaires sur les terres de l'abbaye.
(30) Cette devise a été mise par le président Leclerc comme
épigraphe à son discours.
(31) Arch. de la Meurthe, B. 7314.
(32) Lepage et Charton, le Département des Vosges, art.
Bertrimoutier.
(33) Un résumé en vers latins précède son livre de la
Démonolatrie.
(34) Tous ces détails sont empruntés à la préface de la
Démonolatrie.
(35) « Nicolaii REMIGII Sereniss. Duels Lotharingiae a consiliis
interioribus, et in ejus ditione Lotharingica cognitoris publici
Demonolatriae libri tres. Lugduni, in officina Vincentii.
M.D.XCV. » In-4°, Prélimin., 14 fol., y compris le titre, non
numérotés, 394 p.
(36) « Coloniae Agrippinae, apud Henricum Falckenburg. M.D.XCVI.
» Petit ln-8°, 16 fol. non numérotés et 414 p.
(37) « Francofurti, in officina Palthenii. M.D.XCVI. » Petit
in-12. L'éditeur a ajouté ce surprenant sous-titre : Miris ac
jucundis narrationibus, variarum naturalium quaestionum ac
mysteriorum Doemonicorum discussionibus, valde suaves et grati
adque sales movendos imprimis apti.
(38) « Doemonolatria d. i. von Unholden und Zauber Geistern, des
Edlen, Ehrnverten und Hochgelarten Herrn Nicolai Remigii, des
durchl. Hertzogen in Lothringen Geheimen Raths und Peinlicher
Bachen Cognitoris publici. Aus dem Latein in hoch Deutsch
übersetzt durch Teucridem Aenaeum Privatum. Franckfurt bei
Cratandro Palthenio, 1598. » Je n'ai pas vu cette traduction,
elle est citée par Soldan, Geschichte der Hexenprocesse, t. II,
p. 25, n. 2.
(39) Responses de droit françois, éd. de 1637, p. 446, dans le
chapitre : Si les sorciers et sorcières sont dignes du dernier
supplice.
(40) Vir sive mulier, in quibus pythonicus vel divinationis
fuerit spiritus, morte moriatur. Lév. XX, 27.
(41) Les Coustumes générales du duché de Lorraine, ès bailliages
de Nancy, Vosges et Allemagne, Nancy, J. Janson, 1596.
(42) Recueil des principaux points de la remontrance faite à
l'ouverture des plaidoiries du duché de Lorraine, après les
Rois, en l'an 1597, Metz, A. Faber, 1597, 30 p. in-4°. Florentin
Le Thierriat a célébré ce discours en une pièce de vers
qu'Augustin Digot a publié dans les Mémoires de l'Académie de
Stanislas, 1849, p. 239.
(43) Fonds lorrain, n° 6481.
(44) Au Pont-à-Mousson, par Melchior Bernard, in-4°, 196 p.
L'ouvrage aura deux autres éditeurs, à Épinal, chez Pierre
Houion, 1617, petit in-4°, 158 p., puis chez le même, M. DC.XXVI,
171 p. Cf. Beaupré, Recherches sur les commencements et les
progrès de l'imprimerie en Lorraine jusqu'à la fin du XVIIe
siècle, p. 234; Pfister, Histoire de Nancy, t. I, p. 469.
Nicolas Remy reçut pour ce travail du duc Henri II en 1609 la
somme de 1,000 francs (Arch. dép., B.1317, fol. 242). Henri II
était reconnaissant à l'auteur de ce qu'il soutenait le droit
des filles de succéder au duché de Lorraine. Le livre, au
contraire, sera très mal vu du duc Charles IV, qui usurpa la
couronne de Lorraine, en se fondant sur le principe de la
masculinité.
(45) Il fit ce travail après sa retraite; voir le compte général
du trésorier de Lorraine pour 1611 (B.1332, fol. 236). Remy
voulait publier ce recueil, Henri II s'y opposait « pour bonnes
raisons », Remy aurait-il retrouvé le testament de René II,
consacrant la masculinité du duché de Lorraine, et craignait-il
que son neveu Charles, - le futur Charles IV, - ne se fit une
arme de ce document? Ce recueil est aujourd'hui perdu.
(46) Voir les rôles des bourgeois de Nancy de 1589 pour la levée
des sous de paroisse (B. 7296).
(47) Le 3 juin 1598, Nicolas Remy, âgé de soixante-huit ans, eut
encore un fils qui fut baptisé sur la paroisse Notre-Dame
(Lepage, les Archives de Nancy, t. III, p. 342).
(48) Compte de la ville de 1605. Somme payée à Claude Henriet,
dit Chalon, peintre à S.A., pour avoir repeint le tableau donné
de la part de la Ville au procureur général (Lepage, Ibid., t.
II, p. 196).
(49) Arch. dép., B. 1248, fol. 298. Somme payée à Nicolas Remy
pour ce voyage,
(50) Ces négociations nous sont connues par les dépenses faites
par le procureur et qui ont été relevées sur les registres de la
Chambre des comptes par M. Leclerc, loc, cit., p. 27.
(51) C'est la soeur de Henri IV. Sa requête en faveur de Claude
est mentionnée
expressément dans les lettres patentes.
(52) Arch. dép., B. 70, fol. 109.
(53) C'est à partir de cette année que Claude Remy touche son
traitement.
(54) Quae sunt ad XVII Cal. Jul. An. M.DC.VI. honoris ergo
exhilibitaque (sic) adventante primum ad Nanceium Sereniss.
Margarita. Clariloci ad Nanceium, excudebat Joannes Sauine
typographus. Pour la description détaillée de la plaquette, voir
Beaupré, Recherches, p. 239. Cf. Louis Davillé, la Mariage de
Marguerite de Gonzague, dans le Pays lorrain, 1905, p. 75.
(55) Voir le titre exact dans Beaupré, Ibid., p. 244. Même
endroit que précédemment.
(56) Lepage, les Archives de Nancy, t. II, p. 201.
(57) Quae primum solennius in urbem Nanceium ingredienti Henrico
Il, duci Lotharingiae... Cives adornabant, nisi, ut sumptibus
parceretur, vetuisset ejus Cetsitudo, Nanceii, 1610. En réalité,
même les deux précédentes brochures, datées de Clairlieu, ont
été imprimées à Nancy (Histoire de Nancy, t. I, p. 111).
(58) Lepage, Ibid., t. II, p. 205.
(59) Nicolas Remy avait obtenu, le 7 mars 1609, de la libéralité
de Henri II, une rente viagère de 300 francs. Or, sur les
comptes du trésorier général pour l'année 1612, on lit : Obiit
au mois d'apvril. Ajoutons que Nicolas Remy avait réuni une très
belle bibliothèque. Le Musée lorrain et divers amateurs, entre
autres M. Lucien Wiener, possèdent des livres qui lui ont
appartenu.
(60) Il nous reste de Nicolas Remy un portrait qui a été
probablement gravé par Woëriot. Le procureur est représenté dans
un médaillon ovale, autour duquel on lit : N. Remigius a
consiliis interiorib. illust, ducis Lothar. et in eius duc.
proc. gen. C'est une physionomie intelligente, sévère; les
cheveux sont courts et le cou est entouré d'un collier de barbe.
Jadis existait au Musée lorrain un portrait qu'on donnait pour
celui de Nicolas Remy et qui a été reproduit par M. Leclerc en
tète de sa Notice. Le portrait ne ressemble guère au précédent.
Il a été identifié surtout par les armoiries qui y sont
ajoutées. Il représente sûrement un membre de la famille Remy,
mais nous inclinons à y reconnaître le procureur général Claude,
fils de Nicolas. Voir sur ce portrait le Journal de la Société
d'archéologie lorraine, 1857, p. 240-241.
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