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Sentences et proverbes lorrains du XVIème siècle
(notes renumérotées)


Annales de l'Est - 1904

Sentences et proverbes français recueillis en Lorraine au XVIe siècle

Un poète moraliste lorrain, qui vivait au XVIe siècle, a recueilli un certain nombre de sentences et de proverbes français et les a transcrits sur les marges des feuillets liminaires d'un opuscule de Philippe Beroaldo (1) .
Il ne nous a pas été possible de découvrir le nom de l'auteur de ce recueil. Nous avons bien lu, au milieu d'un fouillis de notes manuscrites, en latin, qui couvrent un des feuillets de garde du volume, cette phrase : «  Petrus... me possidet », mais le mot que nous avons remplacé ici par des points, et qui était sans doute le nom propre, peut-être Gringore, a été effacé. Il ne nous reste donc que le prénom de Pierre, et encore, ce Pierre qui a possédé l'ouvrage en question de Beroaldo, peut bien n'être pas l'auteur du recueil.
Quoi qu'il en soit, on peut affirmer que cet auteur est lorrain, ou au moins qu'il a habité la Lorraine, car il termine la série de ses sentences ou proverbes par un quatrain en l'honneur du duc de Lorraine.
A titre de rapprochement, et sans vouloir pousser plus loin les suppositions, nous rappellerons que les deux poètes normands Pierre Gringore et Emond Du Boullay, qui ont été, l'un après l'autre, hérauts d'armes à la cour de Lorraine, y ont chanté les louanges des ducs Antoine et François Ier; et que Pierre Gringore, en particulier, a publié, pendant qu'il était à cette cour, un recueil de proverbes, sous le titre: Notables enseignemens adages et proverbes faitz et composez par Pierre Gringore dit Vauldémont hérault d'armes de hault et puissant seigneur monsieur le duc de Lorraine, etc. Imprimé à Paris, en 1528, par Nicolas Couteau, pour Gaillot Du Pré.
M. Gaston Paris, à qui ces notes ont été communiquées, il y a quelques années, a bien voulu nous écrire : «  L'auteur de ce recueil, terminé par un quatrain en l'honneur du duc de Lorraine, pourrait bien être, selon vous, Pierre Gringore, qui, sous le nom de Vauldémont, fut héraut d'armes au service du duc. Ce qui semblerait donner une certaine vraisemblance à votre hypothèse, ce sont les deux vers dont l'un se termine par les mots «  partout raison » et l'autre commence par les mots «  Raison partout», c'est-à-dire par deux des trois parties de la célèbre devise adoptée par ce poète : «  Tout par raison, partout raison, raison par tout. »
Pour ne rien négliger de ce qui peut guider le chercheur, nous ajouterons que le volume de Beroaldo a fait partie de la Bibliothèque de l'abbaye de Justement (2) dont il porte l'ex-libris manuscrit : Communitatis Justimontis Beatae Mariae.
Quelques-uns de ces proverbes se retrouvent sinon textuellement, du moins en substance, dans Le Livre des proverbes français de M. Le Roux de Lincy (3), mais le plus grand nombre nous semblent inédits.
A part une ou deux exceptions, ils offrent tous un sens très facile à saisir; c'est pourquoi nous nous bornerons à les reproduire tels quels et dans leur ordre, heureux si nous contribuons, pour une faible part, à la préparation dun complément à l'oeuvre déjà si importante de Le Roux de Lincy (4)

J. FAVIER.

Un fol se haste ung sage persiste.

Desir dhonneurs cause les appetits.

Qui trop hault monte on le void ravaller

Impossible est de tout venir a chief (5).

A hault monter ne gist perfection.

Plus l'homme est hault plus craint a tresbucher.

Lorgueil mondain Dieu le hait et rabat.

Le temps perdu nest jamais recouvert.

Asne lier ne fault avec chevaulx.

Le souillon sent torchons de la cuisine.

Drap de couleur en blanchet on ne tainct.

Pourceaux trop gras desirent ords palus (6).

Lieux dangereux sont sorts a eschapper.

Les mets frians sont causes de grans vices.

Il fault avoir partout raison.

Tel est grant clerc qui ne use de raison.

Qui mal commet a tousjours quelque excuse.

Liberte vault mieulx que mondain avoir.

Qui prent le pire est fol quant a le chois.

Prince prudent ne faict rien sans conseil.

Rompre lances et perser escus,
Mais ceulx que Dieu veult sont vaincus.

Fortune peult ayder aulx fols.

Il faict bon redoubter fortune,
Et craindre fault les inconveniens.

Trop cuyder valoir couste chire.

Ainsi quon dict la fin couronne loeuvre.

Noblesse doibt estre stabille.

Selon le temps-sont les esbats.

Qui pert de perte luy souvient.

A bien parler serfs ne sont francs.

On voit des hommes netz et honniz.

Celui qui hommes et Iieulx plusieurs a veu,
Nest a priser si bon nest devenu.

Celui qui aime la vie bien solitaire,
Avec hermites aura. son bon repaire.

Celui qui vouldra hanter le monde,
Bien a grande peine sera trouve pour munde (7).

Plaisirs mondains et vicieulx soulas (8)
Ne tornent en are (9) mais vraiment en helas.

En frotant fer souvent on le polit.

Ce nest pas or tout ce qu'on voit reluire.

Raison partout chascun ne veult entendre.

Joyeuz resveil faict le cueur esbatre.

Selon raison on doibt son train mener.

Celui va mal qui veult suivre voie orde.

Espoir conduict lhomme tant quil soit vieux.

A fin on a ce que on a merite,
Seure chemin va y suyt la verite.

Pasteur congnoist ses ouailles a la voix.

De pain fault mye, est estrangnant trop crouste.

Redoubte Dieu, beney tu te verras.

Lhomme est juge par son intention.

Qui sert bon maistre il a bon apren (10).

Tel quest le serment on le doibt guerdonner.

On doibt hanter lieux doulx et nutritifz.

Selon le goust fault donner les liqueurs.

Qui ayme honnesté saige hante et escoute.

De bon fruict sort tousjours goust et saveur.

Bon bien est qui est selon droict coustumier.

Selon le lieu est la coustume et loix.

Parler on peult quant le cas a soy touche.

Mal se conduict qui le bien daultruy veult.

Tous mortels sont soubs divine puissance.

Tel na meffaict qui en recoit le blasme.

En esperant on passe maints passages.

Tout navient ce que Ion devise.

Por son amy ne fault sa peine plaindre.

Martyre nest si grand que damour.

Tel cuide estre bien ayme qui sabuse

Cor endurci, de bien faire ne te chault,
Non plus que faict au charbonnier de croie.

Amour volage aulx amans couste chier.

Fuis loger a qui recoit mauvais hoste.

En toutes choses un homme nest complet.

Tel veult soupper qui na sa viande preste.

En se cuidant trop pres chaufer on se ard .

Tel vient tout doulx qui sen fuit tout batant.

Joyeux ne scait quel dueil ont les malorés.

La mise exede assez tost la recepte,

On te prise en ung maxault (11).

Rien que une faucille apres aoust.

Vaisseau se emplit comme on voit haute apponte (12).

Croire ne fault variable recit.

Qui suit amour est prins au tresbuchet.

Si bon archer nest qui ne faille a traire (13).

Une amitie sans crainte bien peu vault.

Nouvelle amour, nouvelle aversion.

Vray amoureux nest sans estre jaloux.

Trects dor dargent fault a femme tirer.

Au retour des plaids on est sage.

A chascun on ne se fault fier.

Amour se peise a la balance.

Le départ damour nest sans blasme honte.

Quand cest faict peu vault le tenser (14).

A faire et dire y a grand contredict.

Grand joye vient bien souvent apres dueil.

Maint oeuf se. espand en trenchant les aprestes.

Moyne apostat ne hait rien tant que cloistre.

Mauvais rapport faict briser alliance.

Prisent autant la blanche que la brune.

Amitie sotte aulx amans est torture.

Fol prise autant lhuille que le fin balme.

Assauts damour sont faulx et decepvables

Estre amoureulx: oste prudent savoir.

Le riche amy pour peu se diminue.

En amourettes plaisirs fallaces y a.

Saige est celui qui oncque ne se fia.

Mais tout nest faict ce que jeunesse pense.

Si esprit malin faict mal cest sa nature.

Qui pense mal se asubjectit a vice.

Tart vit en paix qui a proces pour terre.

Les jeunes fouls desprisent conseil viel.

Ignorance est ennemie a gens sages.

Selon le juge est faicte la sentence.

Tel veult monter qui descend en abisme.

Plaisir mondain peult a son maistre nuire.

Peu vaillans sont ceulx qui ont trop de plet (15).

Ou menteurs sont la foy i est perie.

Proces mangent plus que royalle taille.

Chascun désire hanter son pareil.

Tout est congnu en temps et en saison.

Payer toutes gens selon leurs practicques.

Souvent ce nuyt que avoit on a desir.

Pourveoir fault gens comme ils ont mérite.

Selon les gens on doibt faire les chieres (16).

A fiers chevaulx fault bailler rudes frains.

Tous les mondains ne ont biens a juste cause.

Guerre desprise et gens de vices taincts.
Le noble duc et prince des Lorrains,
Regna en paix, desprisant folle guerre.
Heureux est cil qui tient en paix sa terre.


(1) Orationes Philipi Beroaldi virique clarissimi Bononiae: litteras bonas docentis . Imprimé à Paris, par Denis Roce, en 1499. (N° 136 du cataloguc des incunables de la Bibliothèque publique de Nancy. - n° 2954 du Repertorium bibliographicum de Hain.)
(2) Justemont, ancienne abbaye de Prémontrés, maintenant maison de ferme, au nord-est et sur le territoire de Beuvange, commune de Vitry, à 13 kilomètres de Thionville, et à 20 de Metz.
(3) Le Livre des proverbes français, précédé de recherches historiques, etc., par M. Le Roux de Lincy. Seconde édition. Paris, A. Delahays, 1859, 2 vol. in-12.
(4) Il y a, dans le manuscrit, quatre vers dont une partie a été détruite par le frottement du papier et que nous avons dû renoncer à déchiffrer.
(5) A chief : à bout.
(6) Ords palus : marais fangeux.
(7) Munde : sans souillure.
(8) Soulas : divertissement
(9) Are ou hare : cri de joie.
(10) Apren, aprendeure : instruction, enseignement.
(11) En ung maxault : en bloc.
(12) Apponte, esponde : bord.
(13) Traire : tirer.
(14) Teuser, tancer ; faire un effort.
(15) Plet, plaid : procès, querelle.
(16) Chière : visage, mine.

 

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