Révolution de 1789. - Ce grand
événement débuta à Badonviller par une assemblée du
Tiers-État tenue, le 17 mars 1789. dans l'Hôtel de
Ville. La ville, comptant alors 380 feux, choisit
comme députés:
Joseph Duparge, prévôt; Ferdinand Pleigner, syndic;
Louis-Joseph Chenal, rentier ; Joseph-Hubert Ganier,
négociant, chargés de porter le cahier de
remontrances de la ville, à Lunéville pour
l'assemblée fixée au 23 mars, devant le
lieutenant-général du bailliage. Ce cahier contenait
31 articles, dont les extraits suivants nous
intéressent plus particulièrement:
Le Tiers-État demande:
1) Qu'aucun impôt ne puisse être établi ou
prorogé, que du consentement de la Nation.
3) Qu'on achève la route d'Ogéviller à Badonviller
et qu'on la prolonge jusqu'à Allarmont.
5) La suppression des maîtrises des eaux et forêts
et le rétablissement de la gruerie de Badonviller.
7) Qu'on rende aux forgerons, boulangers, cloutiers,
tonneliers, etc, le droit de prendre le bois
nécessaire à leur profession dans les forêts du roi,
droit qui leur avait été concédé en 1596.
8) L'autorisation de défricher le bois communal, dit
de la Voivre contenant 200 arpents.
9) Que le prévôt de Badonviller juge en dernier
ressort jusqu'à 150 livres et que la procédure soit
simplifiée
14) L'abolition de la banalité des moulins.
16) Que le sel soit moins cher et de meilleure
qualité.
17) Que le tabac soit meilleur et le prix diminue de
moitié.
20) La suppression de la dime des pommes de terre.
23) La suppression du droit de guet et de garde au
château de Pierre-Percée qui est ruiné.
24) Que la police soit administrée par les officiers
municipaux.
28) L'établissement d'un impôt unique pour tous les
besoins de l'État.
29) Que le clergé et la noblesse supportent leur
part de cet impôt.
30) Que les ministres soient responsables de leur
administration et punis dans le cas de
prévarication.
31) La suppression de la vénalité des offices et la
gratuité de la justice.
Le 2 août 1789, il est établi un comité de sûreté et
on organise la milice bourgeoise.
Le 20 septembre 1789, on décide de fixer au dernier
dimanche d'octobre la nomination des membres du
conseil général de la commune. Ces membres sont
choisis parmi tous les habitants, sans distinction
de nobles, clercs et roturiers, au nombre de 25 et
renouvelables tous les ans par cinquième. Le conseil
général choisit, tous les 3 mois, le comité
permanent de la ville, composé de 6 membres, d'un
syndic et d'un greffier.
Le premier comité permanent élu était composé
d'Antoine Chaurand, curé; Jean-Baptiste Brazy,
chapelain; du comte de Bannerot; de Pierre-Blaise
Lesaint; Nicolas Charton; Dieudonné Gouttier; le
sieur Catabel, syndic et Joseph Aubry, greffier.
On sait que l'hiver 1788-89 fut un des plus
rigoureux dont, à l'époque, on ait conservé la
mémoire: « un grand nombre d'arbres ont été gelés;
les moulins n'ont pu moudre et on a été sur le point
d'éprouver une famine. La récolte, en 1789, fut
mauvaise dans tous les grains; les pommes de terre,
qui sont la ressource de cette province, ont manqué
partout ».
Aussi, à la date du 6 octobre 1789, le conseil
général vote-t-il un emprunt de 10.000 livres, pour
acheter des grains et des pommes de terre à
distribuer aux indigents.
Les idées nouvelles avaient trouvé ici et dans
plusieurs localités voisines un terrain favorable.
Un incident caractéristique, au cours d'une
assemblée pour la fête de la Reconnaissance et des
Bonnes Moeurs, fixée au premier décade du troisième
mois (30 novembre 1793), témoigne de l'exaltation
des esprits: pendant la promenade civique, on
s'arrête devant l'arbre de la Liberté, et on allume
un bûcher; soudain se détache de la foule, Nicolas
Bannerot, dernier rejeton d'une famille honorée dans
le pays. Il tient en main des papiers, les déchire
avec mépris, les piétine, puis les jette au brasier,
pendant que les assistants crient: « Vive la
République ! périssent les tyrans ! »
Le cadre restreint de cette étude ne me permet pas
de m'étendre sur les bouleversements, qui marquent
la fin du 18e siècle et les premières années du
XIXe. Rappelons seulement que la prévôté de
Badonviller fut supprimée pour être remplacée par
une Justice de Paix, dont le siège fut le chef-lieu
d'un canton, duquel ressortissaient les communes de
Pierre-Percée, Bionville, Angomont, Bréménil,
Montreux, Neuviller, Sainte-Pôle, Vacqueville, Veney,
Neufmaisons, Pexonne et Fenneviller. Supprimée en
l'an VIII, la Justice de Paix fut rétablie en 1883
avec quelques modifications de son ressort, portant
sur les communes de Veney, Vacqueville et Montreux,
qui en furent détachées et remplacées par celles de
Saint-Maurice et Raon-les-Leau. Un nouveau transfert
à Baccarat eut lieu en 1925; mais ce siège étant
sans titulaire depuis juin 1926, le service est
provisoirement assuré, à Badonviller comme à
Baccarat, par les Juges de Paix suppléants restés en
fonction.
Les invasions de 1814 et 1815 n'ont pas laissé de
souvenir pénible dans la région de Badonviller.
Celle de 1870 s'est manifestée, à la fin de
septembre dans la contrée, par l'arrivée d'une
colonne de 1200 hommes débouchant de la forêt, à la
Charbonnière.
Les jours suivants; . des escarmouches eurent lieu
entre cette troupe ennemie et les gardes mobiles et
francs tireurs des Vosges, dans la combe de
Xapenamoulin et à la scierie Lajus.
Ruines de Pierre-Percée côté
occidental (versant de la combe de Jérusalem-Xapenamoulin)
Les Allemands
occupèrent la région du 30 Septembre 1870 au 28 août
1871. Durant cette période, Badonviller fut soumis à
de multiples réquisitions. L'autorité prussienne
ayant fait évacuer des ambulances de Metz, 900
malades, pour être entretenus et soignés à
Lunéville, le préfet prussien décida que la dépense,
estimée de 25 à 30.000 francs, serait répartie entre
les commune de l'arrondissement. Badonviller dut, en
outre, payer une somme de 3.433 francs pour
quote-part de la contribution de 750.000 francs
imposée aux trois arrondissements de Toul, Nancy et
Lunéville, sous prétexte de dommages causés aux
nationaux allemands.
Une délibération du conseil municipal du 28 avril
1871 nous apprend, que pour satisfaire aux diverses
réquisitions faites pendant la durée de la guerre,
par l'autorité allemande, et dont la commune a été
frappée du 1er août 1870 au 2 mars 1871, M. Mangeon,
ancien notaire, prêta 27.692 francs et M. Grilliet,
négociant, 2.000 francs. Le règlement définitif du 2
août 1871, mentionne encore une indemnité de 3.500
francs payée aux convoyeurs requis par les Allemands
pour perte de chevaux et acquisition de bétail.
L'élection de la municipalité, après la chute de
l'Empire et la proclamation de la République, eut
lieu le 30 avril et le 7 mai 1871. Les élus de ce
nouveau conseil furent: MM. PERRET HELLUY, Joseph;
LICOURT, Charles Théodore; MAROTEL, François Ernest;
FENAL, Nicolas; GRILLIET, Jean-Baptiste fils;
GEOFFROY, Jean François; JACQUE, Arsène; CHOINIER,
Constant; SEYER, Sébastien; MUNIER, Nicolas; COMBEAU,
Jean-Baptiste; HALLER, Michel Martin; MANGEON,
Pierre Jose ph; MESSIER, Léon; CROUZIER, Prosper et
AUBRY, Jules.
Le conseil municipal ainsi constitué choisit, pour
Maire M. PERRET HELLUY, et pour adjoint, M. GRILLIET.
Objet en pierre taillée trouvé dans le mur
d'enceinte de la Ville accompagné d'un oeuf de poule.
(voir pages 9 et 10) - Dessin de Marcel Kartener
Ancienne Grande rue à hauteur de la place de la
République actuelle.
Rue de Lorraine avant sa reconstruction.
Rue Saint-Martin. Sur l'emplacement du bâtiment
central, se trouve maintenant la Justice de Paix.
DEUXIÈME
PARTIE
Badonviller pendant la grande guerre
L'invasion. - M.
E. FOURNIER, maire actuel, présent à Badonviller
durant toute la campagne, par conséquent témoin
oculaire, a pour ainsi dire noté jour par jour les
événements ainsi rapportés:
« Dès le 10 Août 1914, les habitants eurent
l'impression que des événements graves se
déroulaient autour d'eux. Parux en entier brûlait -
Bréménil était incendié.
« Le mardi 11 Août, vers 16 heures, les fumées des
incendies semblèrent plus proches. Le feu était à
Malgréjean, à 1500 mètres de Badonviller, où
l'ennemi était parvenu. Les premiers obus sifflaient
sur la ville. Le lendemain 12 Août, après un combat
qui dura de 5 à 9 heures du matin, quatre heures
pendant lesquelles le 20e bataillon de chasseurs à
pied résista héroïquement à des troupes bien
supérieures en nombre, les Bavarois entrèrent en
force à Badonviller. A ce moment, quelques chasseurs
en retraite tirèrent sur les colonnes qui venaient
renforcer l'ennemi. Furieux de cette fusillade, les
Allemands alléguèrent que des civils avaient tiré
sur eux, prétexte mensonger toujours invoqué pour
justifier
leurs crimes. Ce fut alors un déchaînement de rage
d'une sauvagerie inouïe. "Feu et sang" ! tel fut
l'ordre donnée par l'un des chefs digne émule
d'Attila. Et malgré les protestations et les
assurances du maire et des notables, le sinistre
carnage s'accomplit.
« A Badonviller, comme dans bien d'autres communes
de France et de Belgique, obéissant à l'ordre
criminel de terroriser les habitants, les premiers
envahisseurs teutons:
« Ont pillé: Après avoir ordonné à la population de
se rendre: les hommes à l'Hôtel-de-Ville, les femmes
dans la propriété enclose de M. FENAL, et de laisser
portes et fenêtres ouvertes, les Vandales
pénétrèrent partout, brisant et pillant de la cave
au grenier, jetant sur le sol les denrées qu'ils ne
pouvaient pas emporter. Des voitures vinrent, dans
cet après-midi du 12 Août, enlever literies et
couchages.
« Ils ont incendié: Brûlant les maisons l'une après
l'autre, méthodiquement, scientifiquement, avec ces
engins spéciaux qui faisaient partie de leurs
équipements de guerre, ne permettant à aucun
propriétaire de sauver quoi que ce soit, même le
bétail. - 84 maisons et l'église furent entièrement
détruites dans cette journée.
« Ils ont assassiné. - Tirant sur les habitants sans
distinction d'âge ou de sexe, les tuant au hasard,
dans les rues, sur le pas de leurs portes, presque à
bout portant. Douze civils ont ainsi trouvé la mort.
« Ils ont achevé des blessés. - Deux chasseurs à
pied, blessés, ayant été surpris dans l'écurie de
l'hôtel de la Gare, les bandits vinrent demander des
allumettes à l'hôtesse et mirent le feu à son
écurie, en sa présence, empêchant les blessés de
sortir. Ces malheureux furent carbonisés avec un
cheval qui se trouvait encore dans le bâtiment. Ils
incendièrent la maison de M. DÉBUS, directeur de la
Faïencerie, servant d'ambulance et protégée par la
Croix Rouge. L'on eut à peine le temps d'évacuer les
blessés.
« Ils ont brutalisé les prisonniers civils et
otages. - L'ordre de se réunir sous les halles fut
appliqué pour tous sans souci de l'âge et des
infirmités. Ils y traînèrent, en les rouant de
coups, des vieillards (M. NIER, 85 ans; M. OLIVIER,
75 ans); des aveugles (M. GRANGÉ); des simples
d'esprit (M. X.). M. BATOZ, 65 ans, malade, fut
traîné en chemise de son lit sur la route.
« Le 13 Août, en se retirant, ils emmenèrent comme
otages : MM. Dedenon, représentant de la
municipalité; Coulon, Juge de Paix; Jeanniot,
Receveur des Postes ; L. Ory, Commis de Perception ;
Thomas, chef comptable de la Faïencerie; Bertrand et
Diedler, gardes-champêtres ; Gustave Dony;
Jean-Baptiste Duhaut; Auguste Georges ; Marcel
Grandclaude; René Grandclaude; André Job;
Jean Ott; Victor Chevalier..., vieillards ou
adolescents désignés d'office ou pris au hasard. Sur
la route de l'exil, nos malheureux compatriotes
subirent injures et mauvais traitements; ils furent
incarcérés pendant 25 jours à la prison de
Strasbourg.
Photo J. Scherbeck, Nancy
M. R. COULON, Juge de Paix.
« Le 14 Août, la
joie de revoir les nôtres nous était rendue - Vers 8
heures du matin, le 105e régiment d'infanterie,
suivi des 123e et 139e (13e Corps d'Armée) entraient
à Badonviller et repoussaient l'envahisseur. Ils
firent quelques prisonniers, dont trois Bavarois
réfugiés au café Choinier. La population courroucée,
les menaça ; mais M. BENOIT, maire, qui cependant
venait d'avoir son épouse lâchement assassinée et
ses propriétés dévastées, s'interpose et les
soustrait à la colère de la foule.
« Le 19 Août, M. MIRMAN, Préfet, accompagné de M.
MINIER, Sous-Prefet de Lunéville et de M. MÉQUILLET,
Député, vint remettre la croix de la Légion
d'honneur à M. BENOIT, Maire. Madame MIRMAN, au nom
de toutes les femmes de France déposa, sur les
tombes des victimes du 12 Août, des gerbes de fleurs
nouées de rubans tricolores.
« Le 22 Août, le Zeppelin VIII, qui lançait des
bombes, dont une tomba au cimetière, était descendu
par l'équipe mobile du 2e échelon du 21e Corps placé
sous les ordres du Commandant Beaucourt, et établie
au sud de la ville à "la Valence". Au cinquième coup
de 75, les pointeurs Gondouin et Colibert abattaient
le monstre, qui atterrissait vers la Chapelotte. Ce
fut le premier Zeppelin abattu sur la terre de
France.
« Le soir de ce même jour, la retraite de nos
troupes, qui venaient de se heurter aux positions,
fortifiées et préparées à l'avance, de Sarrebourg,
s'accélérait. Et hélas ! le lendemain 23 Août,
l'ennemi, dans sa ruée sur Paris et la trouée de
Charmes, occupait de nouveau Badonviller jusqu'au 12
septembre 1914.
« Craignant de nouvelles représailles, les neuf
dixièmes de la population partirent, accablés, pour
l'exil, sans but précis, se chargeant de quelques
objets indispensables. Lamentable exode !
« Pendant cette seconde occupation, les Allemands
enlevèrent tout ce qui, la première fois, avait
échappé au pillage. M. Lejeal, Percepteur,
administra la commune, avec un tact et un courage
au-dessus de tout éloge.
« Après un nouveau retour de nos troupes, qui devait
encore être éphémère, l'ennemi envahissait pour la
troisième fois Badonviller, le 21 septembre. Mais,
devant la pression de nos chasseurs alpins, il du
battre en retraite vers Cirey quatre jours après.
Furieux de ces échecs successifs, les Allemands
bombardèrent Badonviller dans la nuit du 5 au 6
octobre 1914. Il n'y eut heureusement aucune
victime.
M. LEJEAL, Percepteur
« Les
Bombardements. (1915 -1918). -Après une période de
calme qui se prolongea jusqu'en février 1915, les
Allemands montrèrent à nouveau de l'activité dans
notre région.
« Le 21 février, ils envoyaient sur la ville trente
obus de gros calibre, qui ne firent que des dégâts
matériels. Les 27-28 février, 1er, 2 et 3 mars, ils
attaquaient en force le secteur, notamment la
Chapelotte, Neuviller et le Chamois, et ils
établissaient leurs lignes à 1500 mètres de
Badonviller. Les vaillantes troupes de la 71e
Division d'infanterie et du 34e Régiment
d'infanterie territoriale résistèrent énergiquement
à l'ennemi, supérieur en nombre, et sauvèrent
Badonviller d'une quatrième invasion.
« A partir de cette époque jusqu'au jour de l'
Armistice, l'ennemi s'acharna sur notre malheureuse
cité, qui ne comprenait plus une seule maison
épargnée par les obus. Le nombre des bombardements
directs sur la ville est d'environ 190, dont
plusieurs à obus incendiaires et une douzaine à obus
toxiques. Dix personnes de la population civile sont
mortes victimes des bombardements; vingt deux autres
ont été blessées par éclats d'obus.
« Le ravitaillement fut des plus pénibles, les
convois civils circulant obligatoirement de nuit, et
deux fois par semaine seulement, sur les routes sans
cesse battues par l'artillerie.
« En mars 1916, il ne restait plus que 260
habitants, chiffre qui s'est maintenu jusqu'au
commencement de l'évacuation totale de 1918.
« Le 21 avril 1915, M. Mirman, Préfet et M. Minier,
Sous-Préfet visitent Badonviller encore violemment
bombardé, confiant l'administration de la Commune à
M. Émile Fournier qui a continué à l'exercer sur
place jusqu'a l'évacuation définitive en juin 1918,
secondé par une commission municipale composée de
MM. le Docteur Bauquel, Berte, Charles; Colin,
Jules; Ferry, Louis; Siatte, Honoré et Thomas,
Émile.
« Le 18 mai 1915, la population est munie de masques
contre les gaz.
« Le 20 août suivant, date du 100 bombardement de la
ville, il y eut une visite d'officiers supérieurs de
toutes les nations alliées, suivie, le 11 septembre,
par la visite d'attachés militaires des pays
neutres, parmi lesquels figurait encore un officier
Bulgare.
« Du 21 février 1916, jusqu'au mois d'avril suivant,
Badonviller supporta 26 bombardements très violents,
qui firent plusieurs victimes parmi la population
civile; les Allemands attaquèrent plusieurs fois aux
étangs de Thiaville.
« Le 20 mars 1916, passage du Président de la
République ; sous un violent bombardement, M.
Raymond Poincaré visita les tranchées et le Chamois.
« Le 25 avril suivant, l'ennemi attaque la
Chapelotte; il est repoussé et laisse près de mille
morts sur le terrain.
« Le 21 juin, Badonviller reçut la visite du général
Berthelot et le 15 juillet, celle de M. Mirman.
« Le 11 décembre1916, passage du général Franchet d'Esperey,
commandant alors le groupe des Armées de l'Est, et,
le 23 juillet 1917, visite du général Marchand,
commandant la Division en secteur, venant se rendre
compte des dégâts du bombardement allemand de la
veille, qui avait fait quatre victimes civiles.
« Les 19 et 20 août1917, violents coups de main
ennemis, vers le Village Nègre, chaque fois
repoussés.
« Le 27 décembre 1917, le général Mangin visita les
cantonnements et Badonviller; il revint à nouveau le
16 janvier suivant féliciter et décorer les troupes
du vaillant 169e Régiment d'infanterie qui, la
veille, dans un coup de main réussi, avaient fait 41
prisonniers au Chamois.
« Le 9 février 1918, les premiers obus à gaz
tombèrent sur Badonviller. Le 23 février, les
premiers soldats Américains (42e division) venant
combattre sur notre territoire, entraient à
Badonviller se rendant directement aux tranchées. La
population présente fut frappée et réconfortée par
le calme admirable de ces nouveaux alliés qui, dès
le 5 mars, montrèrent leur bravoure, en repoussant
victorieusement un fort coup de main ennemi. C'est
ce jour là que, sur le territoire de Badonviller,
fut tué le premier officier Américain, un capitaine,
avec 18 de ses soldats.
« Le lendemain, 6 mars 1918, le général Pershing
vint féliciter à Badonviller ses vaillantes troupes.
Les drapeaux des nations alliées flottaient à
l'Hôtel de Ville depuis l'arrivée des frères d'armes
américains.
« A partir du 14 mars 1918, l'évacuation de
Badonviller, conseillée depuis le 27 janvier, entra
en exécution avec l'aide de camions automobiles qui,
à partir du 16, effectuèrent leurs transports sous
d'incessants bombardements. Les tirs allaient en
s'accentuant jusqu'au dimanche 24 mars, date d'un
des plus violents bombardements de Badonviller avec
obus de gros calibre. Plusieurs incendies se
déclarèrent, et toute la nuit le tir continua, avec
obus explosifs et toxiques, précédant de larges
coups de main ennemis. Les jours suivants,
Badonviller est encore bombardé et nombreuses sont
les maisons rendues inhabitables. Le 26 mars, visite
de M. Mirman, Préfet. L'évacuation générale fut
décidée et se termina le 30 juin 1918.
« Entre temps, de nouvelles et fréquentes émissions
de gaz étaient effectuées par l'ennemi, notamment
les 27 et 29 mai, 12, 19, 20, 24 et 25 juin. Mme Job
et M. et Mme Émile Thomas furent sérieusement
atteints par l'ypérite. Quelques jours seulement
avant l'armistice, les Allemands, dans leur rage
folle, bombardaient encore Badonviller avec
minenwerfer (projecteurs à gaz).
12 Août 1914 - L'église en flammes (bas-relief du
monument)
Ruines de la rue Gambetta et de l'église après le
bombardement et l'incendie du 12 août 1914. Au
premier plan, barrage crénelé qui barrait la rue.
Intérieur de l'église après le bombardement du 12
août 1914.
Hôtel-de-Ville et, à droite, rue de Lorraine,
aujourd'hui rue du bienfaiteur Crouzier.
Au premier plan, barrage crénelé au bas de la rue
Gambetta.
Portraits de Madame et Monsieur Benoît, Maire de
Badonviller en 1914 et décoré de la Légion
d'honneur, le 19 août 1914. Ruines de leur maison
incendiée le 12 août 1914.
La croix indique la fenêtre de l'appartement où
Madame Benoit fut tuée et laissée dans les flammes.
Cité ouvrière de la gare, incendiée le 12 août 1914.
Ruines d'un coin du cimetière de Badonviller.
Ruines de la maison Georges, sur l'avenue de la
Chapelotte. A gauche, tombe de trois victimes de
cette famille (père, mère et gendre).
Avenue de la Chapelotte après l'invasion du 12 août
1914. Ce quartier fut plus particulièrement le
théâtre de la fureur des troupes bavaroises. La
croix blanche indique l'endroit où fut tué, sous les
yeux de ses parents, le jeune Massel. A droite,
ruines de la maison Georges
Faubourg d'Alsace, maintenant rue Pasteur, après
l'incendie du 12 aoùt1914 et les bombardements
ultérieurs.
Propriété de M. Édouard-Théophile Fenal; vue avant
et après l'incendie. Une ambulance y avait été
organisée par Mesdames Fenal et fonctionnait au
moment de l'invasion.
Bâtiments de la Faïencerie Ed.-Théophile Fenal,
après les bombardements.
Ruines au carrefour de la rue de la Gare,
aujourd'hui avenue du Maréchal Joffre, et de la
route de Bréménil, maintenant avenue du Chamois.
Badonviller après la guerre
Le jour à jamais
mémorable de la cessation des hostilités se leva,
enfin, à l'aube du 11 novembre 1918. Les milliers de
bouches à feu qui depuis si longtemps semaient la
mort, la douleur, la dévastation, déchiquetant les
arbres fruitiers de nos vergers et ceux de nos
magnifiques forêts, creusant et bouleversant le sol,
au point de transformer en paysages lunaires la zone
des tranchées, ces engins de toutes formes, de plus
en plus meurtriers, cessèrent tout à coup de faire
entendre leur roulement presque continu de tonnerre
d'un orage ininterrompu de plus de quatre
interminables années.
L'attachement inné de l'homme à son foyer se
manifesta cette fois encore dans toute sa force, car
dès les premiers mois de l'année 1919, les familles
revinrent en grand nombre de leurs plus ou moins
lointains lieux de refuge, bien que Badonviller
n'offrît plus, aux habitants accourus à la première
heure, que le tableau lamentable d'une ville en
ruines. Ils s'installèrent bravement, les uns dans
les bâtiments susceptibles d'être restaurés et de
leur procurer un abri, d'autres dans des baraques en
planches hâtivement élevées, demeures très
sommairement meublées, incommodes et souvent
malsaines.
La guerre leur ayant démontré que l'union fait la
force, les sinistrés, suivant le judicieux conseil
d'un initiateur persuasif et entraînant, M. l'abbé
Thouvenin, fondèrent l'une des toutes premières
coopératives de reconstruction, qui réunit près de
200 adhérents. Conformément à ses statuts, la
première assemblée élut ses administrateurs: MM. Ed.
Fenal, E. Fournier, Jacquemin Ernest, Jacquemin
Pierre, Kayser, Ory, Perrin, Siatte, Schaudel et
Trudelle. Par la suite, MM. Kayser, Perrin et Siatte
furent remplacés par MM. Cuny Alphonse, Geoffroy et
Hovasse, et M. Trudelle nommé commissaire des
comptes eut à son tour pour successeur, M. Ch. F.
Devaux, Juge de Paix à Nancy et M. le Docteur
Jacquot; ce conseil d'administration élut M. P.
Jacquemin, président; M. Ed. Fenal, vice-président;
M. L. Ory, secrétaire et M. L. Schaudel, trésorier.
Une oeuvre aussi importante ne pouvait réussir que si
tous les membres élus, et surtout ceux du bureau,
étaient décidés à y consacrer tous leurs efforts.
L'éloignement du président, habitant Nancy, ne tarda
pas à obliger le trésorier de joindre à la charge
déjà pesante d'une gestion compliquée, celle
d'administrateur-délégué, comportant la transmission
des mémoires, et la correspondance journalière avec
les services de la Préfecture. La partie technique
(accords et marchés avec l'architecte et les
entrepreneurs, ordre et réception des travaux) fut
assurée par le président et les autres
administrateurs~
La tâche assumée par la Coopérative de
reconstruction était formidable et huit années
entières n'ont pas épuisé les efforts à accomplir,
dans des conditions particulièrement difficiles. La
reconstruction de l'église, sous la direction des
architectes des monuments historiques, MM. Guët et
Charbonnier, aggrava dans une forte mesure le
travail de gestion, d'autant plus que les
allocations de l'État ne s'obtenaient que par
tranches multiples, le plus souvent en obligations
de la Défense Nationale, aux cours variables,
entraînant parfois des pertes sérieuses. Mais, en
acceptant ce surcroît de labeur, la Société
coopérative a pu donner à la population de
Badonviller la grande satisfaction d'avancer, de
quelques années peut-être, la jouissance de son
église et, par suite, d'abandonner la chapelle
provisoire en planches qui, les jours de grande
affluence, constituait un véritable danger pour les
occupants.
Une Commission des Dommages de guerre, instituée
pour le canton en exécution de la loi du 17 avril
1919 et chargées d'évaluer et d'accorder les
indemnités demandées par les sinistrés, fonctionna à
partir de 1920. Elle était composée par MM. Coulon,
Juge de paix, président; Louis Schaudel, Receveur
principal des Douanes en retraite et Juge de paix
suppléant, représentant les Ministres des Finances
et des Régions libérées; M. Chollot, de Cirey,
Receveur des contributions indirectes en retraite,
remplacé après quelques mois, par Me Roger Rbhaud,
Avocat à Lunéville, représentant du Préfet; MM.
Morel, Chanot, Fort, Poussardin, Seyer, Chenu,
Thomas, Cadix, Demetz décédé en cours de fonction et
remplacé par M. Dufour, tous deux de Neufmaisons,
Haxaire, brigadier forestier, commissaires experts.
Le rôle de cette Commission était extrêmement
important, offrant une certaine analogie avec celui
d'un tribunaI; car la loi lui attribuait une
procédure d'instruction se rapprochant de
l'instruction judiciaire et aboutissant, en cas
d'accord, à des décisions définitives. Une telle
mission ne pouvait être loyalement assurée que par
des hommes bien pénétrés du sentiment du devoir,
faisant abstraction de toute sympathie ou antipathie
personnelles, ne s'inspirant que des principes d'une
stricte impartialité ou d'une saine justice. A ces
qualités de caractère devaient se joindre des
qualités professionnelles de compétence et une
connaissance très utile de la situation de presque
tous les sinistrés du canton, de leurs immeubles et
exploitations.
Il ne m'appartient pas d'apprécier ici comment cette
mission a été remplie; mais je puis dire, que le
rôle de la commission a été particulièrement
pénible, quand elle avait à décider sur des demandes
parfois exagérées, résultant surtout de l'obligation
où se trouvaient les sinistrés illettrés ou peu
instruits, de recourir à des écrivains publics
improvisés, plus ou moins consciencieux.
Par contre, la Commission s'est trouvée, en ce qui
concerne les immeubles, devant des devis estimatifs
souvent hâtivement bâclés par des architectes
nullement préparés à une oeuvre de restauration d'une
telle envergure, et qui présentaient, les uns des
majorations évidentes, et d'autres, surtout pour des
maisons réparables, des insuffisances que les
experts de la Commission ne pouvaient que bien
difficilement apercevoir et qui se sont surtout fait
sentir au moment de l'exécution des travaux. Il y
eut ainsi des sinistrés, qui s'étaient fiés à la
compétence et à la conscience des architectes,
insuffisamment dédommagés et subissant des pertes,
que la coopérative de reconstruction s'est efforcée
d'atténuer autant que possible.
Dès 1919, (1) Badonviller tint à commémorer la
journée tragique du 12 Août1914, par une cérémonie
religieuse, que voulut bien présider Mgr Ruch,
évêque de Nancy. Pour faire honneur aux hôtes venus
en grand nombre, les habitants avaient revêtu le
deuil de leurs ruines d'une parure de fête:
drapeaux, guirlandes de mousse et de feuillage,
décoraient les maisons aux blessures béantes. Un
cortège, où prirent place M. Langeron, Sous-Préfet
de Lunéville; M. le Général Jacquemot; M. le Colonel
Saint-Hillier, etc, précédés de la musique du 109e,
d'un piquet d'infanterie et de jeunes gens porteurs
de palmes et de couronnes, se rendit devant
l'église, dont les ruines tapissées de verdure
servirent de fond de tableau à un autel érigé sur
les marches du parvis. La messe fut célébrée par le
Curé-Doyen, M. l'abbé Mougin, décoré de la médaille
militaire, devant une foule silencieuse et
recueillie. Mgr Ruch prononça un sermon
impressionnant qu'il termina par un hommage aux
morts de la Grande Guerre, aux défenseurs de
Badonviller: « qu'ils soient bénis, ajouta-t-il,
pour avoir sauvé le sol sacré de cette cité martyre
! »
(1) Déjà en 1915, 16 et 17, pendant
les bombardements, des cérémonies commémoratives,
organisées par M. Fournier avaient eu lieu, honorées
chaque fois, de la présence de M. Mirman, de M.
Langeron, Sous-Préfet de Lunéville et des
Représentants de l'Armée. Après un service funèbre,
des couronnes et gerbes étaient déposées sur les
tombes des victimes.
Après l'absoute, donnée par le vénéré et regretté
évêque, le cortège se reforma pr le pieux pèlerinage
aux tombes des victimes civiles et aux cimetières
militaires. Devant la croix, qui se dressait au
milieu de la nécropole, des discours furent
prononcés; celui de M. Benoit, maire, se termina par
ces mots, qui, dans la bouche de l'homme le plus
terriblement éprouvé de la ville, prennent une
signification d'une haute valeur morale: « nous
n'avons pas de haine, la haine est indigne de nous,
nous devons seulement réclamer le châtiment
exemplaire des coupables».
Photo Meurey, Celles-sur-Plaine.
M. l'Abbé MOUGIN, Curé-Doyen.
Ajoutons que
depuis, l'anniversaire de la terrible journée du 12
Août est célébré, avec la même ferveur et le même
cérémonial, en souvenir des victimes civiles et des
héros aujourd'hui réunis dans le vaste cimetière
militaire, prolongement du cimetière de la ville.
Dès 1920, sous les auspices de la municipalité, fut
constitué un Comité pour l'érection, sur l'une des
places publiques, d'un monument commémoratif en
l'honneur des victimes de Badonviller et des soldats
français et alliés tombés, au nombre de plusieurs
milliers, sur le territoire de notre canton martyr.
Un comité d'honneur, sous le haut patronage du
Président de la République, M. Millerand et de MM.
les Maréchaux Foch et Lyautey, et un comité
d'action, composé de M. E. Fournier, président; M.
Édouard Fenal, conseiller général et M. Coulon, juge
de Paix, vice-présidents; M. Carrier. trésorier et
M. Didierjean, secrétaire, réunirent en peu de temps
une somme suffisamment élevée pour la réalisation de
ce projet. Le 31 octobre 1923, une assemblée du
comité d'action, entre autres dispositions utiles,
décida l'organisation d'un concours d'artistes
français et alliés, et il fixa l'emplacement du
monument. Un Jury, composé de 15 membres, désignés
par le comité, porta unanimement son choix sur la
maquette présentée par MM. Antoine, architecte, à
Nancy et P. Bachelet, sculpteur à Paris. Dans une
dernière réunion, le 26 juin 1924, furent fixés les
derniers détails d'exécution. Sur ma proposition, il
fut décidé que sur la face postérieure du monument
figurerait la carte du canton, avec reproduction des
anciennes lignes de tranchées et inscription des
lieux célèbres par la violence de la lutte.
Parmi les premières adhésions et souscriptions
figure celle du général Marchand, le héros de
Fachoda, avec la lettre suivante, adressée à M.
Fournier, maire, le 7 juillet 1920.
Paris, le 7 Juillet 1920.
4, Avenue Brouardel (VIIe)
Monsieur FOURNIER, Maire de Badonviller,
J'accepte bien volontiers de faire partie du comité
de patronage ou du comité d'organisation du monument
commémoratif de la grande guerre 14/18, que vous
projetez d'ériger sur le territoire de l'héroïque
Badonviller.
Nulle ville en France et sur tout le front
occidental n'est plus désignée, en effet, que la
vôtre, pour symboliser l'arrêt brutal et définitif
signifié dès le début de la guerre, et le premier
effet de surprise passé, à la marée germanique, qui
dut s'étaler entre Badonviller et Bréménil, dès sa
première étape sur une de ses principales routes
d'invasion, minutieusement reconnue et préparée
depuis longtemps.
Badonviller est, à ma connaissance, et sur le front
occidental, la ville la plus rapprochée des lignes
ennemies (1200 mètres), et que sa population ne
s'est jamais résignée un seul jour à abandonner. du
début des hostilités à l'armistice, en dépit de
l'imminent et quotidien danger de destruction
instantanée que l'artillerie lourde allemande fit
peser sur elle pendant chacune des heures des
cinquante mois d'un investissement presque complet.
Commandant les troupes françaises à la double
reprise de la ville des 14 et 25 septembre 1914, et
étant revenu exercer le commandement du secteur de
Baccarat pendant l'été de l'année 1917, je sais
mieux que personne ce que cette population lorraine,
vaillante entre les vaillantes, a souffert durant le
long martyre de quatre années, et j'ai eu bien des
occasions d'apprécier son héroïsme. sa foi
patriotique, sa ténacité sans précédent même du
Lorrain, sa résolution froide et tranquille de se
laisser ensevelir sous les ruines de ses maisons et
de ses monuments, plutôt que de fuir ou de céder.
Cela n'est pas phrase de littérature, pas même
langage de symboles. Ce sont des faits, des faits
vécus. J'ai vu des soldats de France et ceux
d'Allemagne aux prises sous les vergers, dans les
rues et sur les places de Badonviller l'indomptable.
J'ai vu ses maisons flamber dans la bataille. J'ai
vu ensuite, bien des fois, les gros obus tomber dans
les avenues et les jardins, défoncer les toits,
prélever une trop lourde rançon sur ses habitants
obstinés, et toujours la population sans émoi
visible, vaquer à ses occupations journalières,
aider au sauvetage, secourir les soldats blessés,
plaisanter avec des valides et les encourager.
J'ignore si ces choses de l'existence quotidienne de
guerre se sont vues ailleurs. Elles étaient monnaie
courante à Badonviller. Et je puis dire que cette
étonnante population avait réussi ce tour de force
de faire entrer la guerre, son drame permanent, trop
souvent ses horreurs, dans son geste domestique de
tous les jours, et de la traiter avec la même
indifférence née de l'accoutumance.
Je vous prie, Monsieur le Maire, de vouloir bien
agréer pour vous comme pour tous vos administrés,
l'hommage de mon respect admiratif.
Général Marchand.
Aucun hommage ne pouvait venir de plus haut, ni être
prononcé avec une plus incontestable autorité. Le
général Marchand traduisait ainsi les termes concis
de la citation à l'ordre de l'armée qui ajoute un
immortel fleuron à la couronne de gloire de
Badonviller.
L'appel des comités d'honneur et d'action fut
entendu dans la France entière; il s'est répercuté
en échos profonds jusque dans le coeur des poilus
qui, sous le toit modeste où ils se reposaient de
leurs fatigues, de leurs souffrances, de leurs
blessures, ont répondu par l'envoi de leur obole.
Le 21 juin 1921, une belle manifestation eut lieu à
Badonviller. M. Dior, Ministre du Commerce, délégué
par le Gouvernement, vint, accompagné des sénateurs
et députés du département, pour la remise de la
croix de Guerre aux communes du canton. La réception
eut lieu sur une estrade dressée devant les ruines
de l'église. Des discours, très applaudis, furent
prononcés, par M. E. Fournier, maire, M. Édouard
Fenal, conseiller général, M. G. Mazerand, député et
par M. le Ministre. M. le général Penet épingla
ensuite la croix de Guerre sur des coussins
également ornés tenus par le maire de chacune des
communes d'Angomont, de Badonviller, de Bionville,
de Bréménil, de Fenneviller, de Neuviller, de
Pexonne, de Pierre-Percée, de Saint-Maurice, de
Sainte-Pôle, de Montigny et de Parux.
Cette imposante cérémonie, s'est terminée par la
remise des décorations individuelles et posthumes. «
Des veuves, des mamans sont venues sur l'estrade
recevoir la croix du fils, du mari disparu. Des
enfants ont été embrassés par le général, qui
épingla sur le petit veston, la croix de la Légion
d'honneur qu'avait gagnée le pauvre papa ! Et,
ajoute notre barde lorrain, Fernand Rousselot, ce
ruban rouge sur la poitrine du tout petit était une
chose plus émouvante que je ne saurais dire,
puisque, je l'avoue, elle m'a tiré de vraies larmes
».
L'oeuvre de reconstruction, marqua une première étape
par l'inauguration, le 28 Octobre 1923, de
l'Hôtel-de-ville, reconstruite sous la direction de
l'architecte, M. Deville, par les entrepreneurs
Gayet et Fauvet pour la maçonnerie; Chanot, pour la
menuiserie; Cottinaut, pour la plâtrerie et les
staffs; Roppenneck, pour la peinture et la
décoration; Cayette, l'artiste nancéien, qui a fait
la rampe du grand escalier et le magnifique balcon
de la fenêtre centrale; M. Corette, un enfant de
Badonvlller, qui a peint trois beaux panneaux
décoratifs, en dessus de porte pour le grand salon
et la salle du conseil attenante.
Rue Thiers et son barrage crénelé au premier plan.
Ruines de la Grande Rue, aujourd'hui rue du Maréchal
Foch.
A droite, emplacement de l'ancienne "Porte d'en haut
ou Porte de France". Partie complètement détruite.
Entrée de la rue Notre-Dame.
Angle de la rue Saint-Martin et de la rue de la
Blette, maintenant rue Claudot. L'emplacement
de cet édifice en ruine, l'un des plus anciens de la
ville, est transformé en jardin.
Faubourg d'Alsace, aujourd'hui rue Pasteur, après
l'incendie du 12 août et les bombardements.
Chalet " Les Merises" sur la route de Pierre-Percée,
après les bombardements.
Propriété de M. Trudelle.
Ruines de la rue Chanzy vers l'hôpital.
Mitrailleurs en action en première ligne.
Chamois 1915.
Boyau de communication de Badonviller à Malgréjean,
en 1915.
Poste de commandement de la partie de la forêt "La
Charbonnière" où se trouvaient les abris connus sous
le nom de "Village Nègre".
Tranchée de 1re ligne, au Chamois.
Autre tranchée de 1re ligne au Chamois.
A 11 heures, le
Maire, M. Fournier, assisté du conseil municipal,
reçut les personnages officiels: M. Paul Bouët,
Sous-Préfet de Lunéville; M. G. Mazerand, député; M.
Ed. Fenal, conseiller général; M. le capitaine
Beaudouin; M. le Dr Jacquot, président de l'A.M.C.;
M. Feunette, président des médaillés militaires; M.
Parmentier, chef technique des Régions libérées; M.
Quinio, percepteur; M. Marchal, receveur des Postes;
M. Génin, directeur de l'École de Garçons; Mlle
Schaudel, directrice de l'École de Filles, l'un et
l'autre à la tête de leurs élèves.
Après l'exécution de la Marseillaise, par la musique
"l'industrielle" des Établissements Mazerand, des
discours furent prononcés, par M. Fournier, Maire;
M. Ed. Fenal; M. G. Mazerand et M. Paul Bouët,
Sous-Préfet qui, dans une spirituelle improvisation,
débuta ainsi: « J'ai bien eu l'impression, tout à
l'heure, de pénétrer dans la maison commune de
l'ancien comté de Salm, en montant les marches de ce
somptueux escalier, où de magnifiques pompiers
montaient la garde », - Il félicita les architectes
et entrepreneurs d'avoir conservé à l'hôtel-de-ville
son style initial, du moins extérieurement. A
l'intérieur, ajouta-t-il, c'est une note de clarté
et de grâce qui prévaut; aussi, dans ces salles
envahies de lumière, dans une atmosphère de chaude
intimité, il n'est pas possible que l'on ne fit pas
de bonne administration.
M. G. Mazerand remit ensuite des médailles de
familles nombreuses à Mesdames Urbain, de Neuviller;
Chaudron, de Badonviller; Voinot, de Saint-Martin.
Le 14 juillet 1924, eut lieu l'inauguration du
Monument aux Morts du 358e R.I., que l'amicale des
anciens combattants du 358e R.I. a fait élever sur
la route de la Chapelotte, à la naissance des
chemins d'Angomont et du Chamois.
Le Dimanche 19 Octobre 1924, Mgr de la Celle, évêque
de Nancy, accompagné de M. le vicaire-général
Barbier, vint baptiser, en grande solennité les
quatre cloches de l'église, fondues par M. Farnier,
de Robécourt, et dont voici la description :
1re Cloche. Bourdon - Do - a reçu les noms de Édith,
Marie, Rose, Paule, France.
Parrains: MM. Édouard Fenal; Louis Danjou ; Georges
Vouaux.
Marraines: Mesdames Fournier-Crouzier; Didierjean;
Mademoiselle Henriette-Rose Schaudel.
2me Cloche - Fa - a reçu les noms de Léonie,
Charlotte, Alice, Suzanne, Claude.
Parrains: MM. Pierre Jacquemin; Louis Ory; Théophile
Poussardin.
Marraines: Mesdames Calon-Messier; Diedler; Morel.
3me Cloche - Sol - a reçu les noms de Marguerite,
Marie, Anne.
Parrains : MM. Edmond Crépin ; André Spatz; Léon
Lemoine.
Marraines: Mesdames Besnard-Licourt; Duvic;.
Mademoiselle Hovasse.
4me Cloche - La - a reçu les noms de Marie, Anita,
Henriette, Gabrielle.
Parrains: MM. Henri Geoffroy; Honoré Siatte; Pierre
Gondrexon.
Marraines: Mesdames Pointeaux-Marchal; Friedel;
Mademoiselle Gruber.
C'est M. l'abbé Kruchten, professeur à Saint-Pierre
Fourier, de Lunéville, qui s'acquitta très
éloquemment du sermon de circonstance, devant la
foule assemblée sur le parvis de l'église.
Une année entière se passa encore, durant laquelle
on dut continuer à utiliser le baraquement-chapelle
aménagé en 1920, à gauche de l'entrée du cimetière.
Cependant pour éviter les inconvénients et même les
dangers qu'offrait ce local délabré surtout en
hiver, les travaux avaient été vigoureusement
poussés. Aussi, l'église, entièrement rétablie dans
son état primitif, put être inaugurée le 22 novembre
1925. Malgré la rigueur de la température, de
nombreux étrangers étaient venus se joindre à la
population locale pour cette imposante cérémonie,
présidée par Mgr de la Celle, assisté de M. le
vicaire-général Barbier, de M. l'archiprêtre de
Briey, M. Baillly et de M. le chanoine Lacombe,
supérieur de Saint-Pierre Fourier.
C'est M. Bailly, qui, en son ancienne qualité de
curé de Badonviller, avait dit la dernière messe la
veille de la destruction de l'église, eut l'honneur
de célébrer la première dans le nouveau sanctuaire
magnifiquement paré.
Les travaux de reconstruction, dirigés par M. Guêt,
architecte en chef des monuments historiques et par
M. Paul Charbonnier, architecte départemental,
furent exécutés par l'entrepreneur M. F. Bancon,
assisté de M. Bailly, de Baccarat et de M. Max
Braemer, sculpteur à Paris. Les vitraux sont l'oeuvre
de M. Gruber, de Paris; la ferronnerie d'art
(lustres, etc), de MM. E. Borderel et Robert, de
Paris; les trois autels, de la Marbrerie Vienne, de
Consolre (nord); les bronzes d'ornement (portes des
tabernacles, croix, chandeliers, etc), de MM. Biais,
frères, de Paris; l'orgue, de M. Jacquot, de
Rambervillers; la menuiserie d'art (chaire,
confessionnaux etc), de la maison Buisine, de Lille.
La Pietà du monument aux morts est due au ciseau du
statuaire Vermare, de Paris et le chemin de croix, à
H. Chantrel, fils, de Paris. L'installation
électrique est l'oeuvre de la Société du Beffroi
électrique, à Paris, et de M. Louis Fages,
électricien à Lunéville.
Le chauffage central fut installé par la maison L.
Drevet, de Paris.
L'horloge a été fournie par M. Paul Blot-Garnier, de
Paris.
Nous terminerons cette deuxième Partie, que nous
aurions voulu plus détaillée, s'il n'avait fallu se
borner, en donnant le compte rendu intégral de la
mémorable fête de la Résurrection du 1er août 1926.
Cimetière militaire, faisant suite au cimetière de
Badonviller.
Bas-relief taillé dans le roc, en 1915, par le
sculpteur Sartory, en bordure de la route, qui
contourne au sud les ruines du château de
Pierre-Percée et descend vers le village tout proche
Relation de la fête du 1er Août 1926.
Le 1er Août 1926
marquera une date mémorable et glorieuse dans les
Annales de Badonviller. Magnifiquement parée, ornée
de verdure, d'arcs de triomphe, de guirlands, de
fleurs, de banderolles multicolores, de drapeaux et
d'oriflammes aux couleurs nationales et de Lorraine,
la Ville ressuscitée inaugurait son majestueux
Monument du Souvenir, en même temps qu'elle fêtait
la reconstruction de son église, de ses écoles, de
ses maisons, dans le cadre prestigieusement embelli
de ses rues élargies, de ses avenues et de ses
places publiques.
Suivant la tradition celtique, du jour commençant et
finissant avec le coucher du soleil, la fête, dès la
disparition de l'astre du jour et l'apparition du
crépuscule, fut annoncée par la sonnerie de toutes
les cloches dont le joyeux carillon, ponctué par la
note grave du bourdon, alla porter au loin, dans les
villages et les hameaux du canton, cet harmonieux
prélude aux solennités du lendemain.
Se conformant au programme établi par la
municipalité, sous l'active impulsion de son maire,
M. E. Fournier, l'incomparable organisateur de la
fête, la population se porta alors en foule à la
gare où à l'arrivée du dernier train, qui amenait
les invités, eut lieu la réception du glorieux
drapeau des Chasseurs, dont l'autorité militaire,
par une faveur exceptionnelle hautement appréciée,
avait autorisé le déplacement de son lieu de dépôt
de Vincennes à Badonviller, rendant ainsi ce suprême
honneur à la bravoure, la vaillance et l'héroïsme
des chasseurs des 20 et 21 e bataillons tombés
nombreux, hélas ! dans la sanglante journée du 12
août 1914.
L'apparition du glorieux emblème, bien qu'enroulé
dans sa gaine, fit sur la foule une impression
profonde, se manifestant par une émotion contenue
éclatant soudain en de chaleureux applaudissements.
Le cortège, précédé de la musique de la faïencerie
Fenal, se mit ensuite en marche et, comme si un
voile funèbre se fût tout à coup étendu sur la
ville, c'est dans les rues plongées dans les
ténèbres que la foule, derrière le drapeau et son
escorte d'honneur, se rendit sur la place de
l'église où un phare installé à proximité fit
apparaître en éclatante lumière, le groupe de
figures de la partie supérieure du pylone de pierre.
Avec le cérémonial règlementaire, le drapeau fut
étendu sur les faisceaux, que l'escorte militaire
forma à quelques pas du monument. La garde d'honneur
fut assurée toute la nuit par les anciens
combattants se relayant d'heure en heure. Suivant
l'usage lorrain, le glas funèbre des cloches se fit
entendre par intervalles depuis le commencement de
la veillée d'armes jusqu'après minuit. Il reprit dès
l'aube, donnant ainsi à cette nuit le caractère
funèbre, que la fête devait garder jusqu'après la
solennelle inauguration du monument.
Les cérémonies de cette inoubliable journée
commencèrent par la réunion des autorités locales et
des invités, à huit heures et demie devant la
Mairie. Précédés de la musique et des drapeaux, tous
se rendirent à l'église. L'affluence en y arrivant
était telle, qu'une partie seulement des assistants
put pénétrer dans l'intérieur. Un magnifique
catafalque se dressait devant l'entrée du choeur où,
de chaque côté, les drapeaux inclinés rendaient le
suprême honneur aux héros immatériellement
représentés par le symbolique cénotaphe.
Le service funèbre fut célébré par M. le Curé-Doyen
Mougin, titulaire de la médaille militaire; après
l'absoute, eut lieu la bénédiction du monument
commémoratif, qui orne l'un des côtés de la chapelle
située à l'extrémité méridionale de la nef latérale
de gauche. Ce monument représente une Pietà en
bas-relief, accostée de panneaux de marbre blanc
portant gravés les noms des victimes de la guerre.
Le clergé se rendit ensuite sur la place
nouvellement aménagée à droite du parvis de
l'église, sur l'emplacement de l'ancienne école de
Filles, où se dresse maintenant l'admirable Monument
du Souvenir. M. le Curé Doyen procéda à la
bénédiction liturgique, en présence des autorités
locales, des délégations avec leurs drapeaux et
d'une foule silencieuse et recueillie.
Il est neuf heures et demie, et cette cérémonie
étant termonée, les assistants se rendent à
l'Hôtel-de-Ville, où doit avoir lieu la réception
des délégués du Gouvernement. Bientôt arrive,
précédé d'une escorte du 8e dragons, le Maréchal
Joffre, en tenue très simple bleu horizon, coiffé de
son légendaire képi rouge, qui maintenant est orné
de trois rangs glorieux de feuilles de chêne. Il
était accompagné des généraux Mordrelle et de Metz,
de M. le Commandant Koenig, délégué de l'ambassadeur
des Etats-Unis, de M. Bouché, Inspecteur général
représentant le ministre de l'instruction Publique,
de M. André Magre, Préfet et M. Léon Mirman, Préfet
de guerre, de M. Georges Mazerand, Député, de MM.
Ed. Th. Fenal, Adrien Michaud, Albert Tourtel,
Charles Sadoul, conseillers généraux.
La réception eut lieu dans le grand salon de
l'Hôtel-de-Ville, où M. Fournier, maire et M.
Diedler, premier adjoint souhaitèrent la bienvenue
et firent les présentations d'usage. Cinq jeunes
filles, dont quatre pupilles de la Nation, offrirent
des gerbes de fleurs. Denise Schurra, en présentant
sa gerbe, s'exprima ainsi:
« Monsieur le Maréchal, je suis heureuse et fière de
vous offrir ces fleurs et de vous exprimer la joie
et la vive reconnaissance de toute la population de
Badonviller, pour l'honneur que nous fait le grand
généralissime vainqueur de la Marne, d'être venu
présider cette fête de la Reconstitution et du
Souvenir ».
Jeanne Martin s'exprima de son côté comme suit:
« Monsieur l'Inspecteur général, j'ai le grand
plaisir de vous offrir ces fleurs en reconnaissance
de l'honneur, hautement apprécié, d'être venu
assister à la fête si longtemps désirée de la
reconstitution de Badonviller, embellie par
l'admirable groupe scolaire ».
Jeanne Diedler, en remettant sa gerbe à Monsieur le
Préfet, ajoute:
« Daignez accepter ces fleurs, avec l'expression de
notre vive gratitude pour les marques nombreuses de
bienveillance et de sollicitude données à notre cher
Badonviller »,
Gilberte Fournier-Laviron, s'adressant à Monsieur
Georges Mazerand, Député, s'exprime ainsi:
« j'ai le grand honneur de vous offrir ces fleurs en
témoignage de notre vive et profonde reconnaissance,
pour le haut appui que vous n'avez cessé de nous
donner pendant les années d'épreuves qui ont précédé
cette fête de la reconstitution de Badonviller ».
Andrée Gruber, en remettant sa gerbe à Monsieur le
Commandant Koenig, représentant des États-Unis, le
complimente ainsi:
« Les fleurs, que je suis fière de vous offrir sont
un faible témoignage de l'admiration que nous avons
conservée pour les vaillants soldats d'Amérique
tombés à côté des nôtres et dont cette fête glorifie
le souvenir ».
Le cortège officiel se reforme ensuite pour se
diriger, par la rue Thiers superbement décorée, vers
le cimetière d'où, par la grande allée centrale, il
gagne le cimetière militaire qu'il traverse
lentement. Rien de plus impressionnant, que ce
tableau d'une foule émue jusqu'aux larmes,
s'avançant silencieuse derrière l'illustre chef de
nos Armées, qui n'eut qu'un signe à faire pour que
les héros, dormant ici sous les innombrables petits
tertres uniformément ornés d'une croix blanche et
d'un petit drapeau tricolore, courussent à là mort
et à la victoire, heureux de sacrifier leur vie pour
la défense du foyer et le salut de la Patrie !
Arrivé à l'extrémité du champ de repos et après
l'émouvant appel "au Drapeau" suivi d'un moment de
profond recueillement, le cortège se remit en marche
pour se rendre sur la place de l'église, où le
monument élevé à la gloire des victimes de
l'horrible guerre, se dresse maintenant, en souvenir
immortel, sur le ciel lumineux et le merveilleux
fonds de verdure des massifs étagés de la vaste
forêt des Elieux.
Poste de secours du "Village Nègre", sur la route de
la Chapelotte.
Tranchée de soutien sur la route de la Chapelotte.
Poste de commandement du " Rendez-vous des
Chasseurs", sur la route de la Chapelotte.
Tranchées et ruines du Chamois à 1500 mètres de
Badonviller.
Tranchées dans la forêt du "Village Nègre"
Camp de "Ker-Arvor", dans la forêt de Pexonne, vers
la tranchée de Raon.
Dévastation de la forêt du Gros Hêtre, sur le chemin
de Thiaville-Angomont
Propriété de M. Adrien Michaut, Maire de Guerre de
Baccarat, à Thiaville, près du chemin d'Angomont.
Tranchées des étangs de Thiaville, dans le
pittoresque vallon d'Allencombe.
Poste de commandement au Chamois.
Canon de la défense aérienne près de Badonviller, en
1916.
Pièce de 120 long participant à la défense de
Badonviller en 1915 et 1916, installée dans la
tranchée de "la Galisière ".
Photo J. Scherbeck; Nancy.
M. Henry ANTOINE,
Architecte à Nancy.
« Ce monument,
impressionnant de grandeur et de simplicité, est dû
à deux jeunes artistes de talent : Henry Antoine,
architecte à Nancy et E. J. Bachelet, sculpteur à
Paris. Au-dessus d'un pylone de pierre, élancé,
s'érige une calme et grave Victoire (bien
Française), les ailes étendues. A sa droite, un
poilu armé et casqué, figurant les morts militaires
; à sa gauche, une femme au visage émergeant d'un
voile, symbolise les victimes civiles. Sur deux bas
reliefs de bronze, d'un côté l'antique forteresse
médiévale du comté de Salm, de l'autre l'incendie de
l'église en 1914. Aux flancs du pylone, les noms
gravés des morts. Derrière, un plan montrant les
tranchées de ce secteur particulièrement émouvant,
puisqu'il comprenait la fameuse et tragique
Chapelotte». (1) Au devant du monument, une sorte de
bas autel supporte une cassolette en pierre ornée de
quatre casques français, anglais, belge, américain.
(1)
Description de mon honoré confrère de l'Académie de
Stanislas, M. René d'Avril, dans l'Eclair de l'Est.
Photo Bernés et Marouteau,
E. J. BACHELET, Sculpteur à Paris
Aux pieds de la
victoire figurent les armes de Badonviller, telles
qu'elles ont été dessinées par le savant héraldiste
lorrain, M. Edmond des Robert, Président de
l'Académie de Stanislas et de la société
d'Archéologie lorraine : de gueules à deux saumons
adossés d'or, l'écu semé de croix recroisetées et
fichées de même, orné extérieurement, en pointe,
d'une croix de guerre pendante. Au-dessous, est
gravée la citation de la ville de Badonviller à
l'Ordre de l' Armée:
« Ayant eu à supporter, au début des hostilités, les
souffrances de l'occupation et la destruction
systématique de l'envahisseur, sut conserver
ensuite, aux cours des nombreux bombardements qui se
succédèrent jusqu'à l'Armistice, un courage stoïque
au milieu des privations de toutes sortes et des
dangers continuels, prouvant ainsi l'indomptable
énergie de ses habitants et leur foi dans la
victoire ».
Sur de larges tribunes, à gauche du monument,
prirent place les autorités et autres personnalités:
le maréchal Joffre, à ses côtés, les deux Préfets
MM. Léon Mirman et André Magre, ainsi que M.
Mazerand, député; le commandant Koenig, l'inspecteur
général de l'Enseignement primaire, M. Bouché; les
généraux Mordrelle et de Metz; le commandant Sauvain;
MM. Ed. Fenal, Adrien Michaut, Albert Tourtel,
Charles Sadoul, conseillers généraux, Émile
Fournier, maire, Diedler, premier adjoint ; M.
Coulon, Inspecteur de l'enseignement primaire, M. L.
Schaudel, Juge de Paix intérimaire et président de
la délégation cantonale, MM. Guët, architecte en
chef et P. Charbonnier, architecte départemental des
monuments historiques, M. H. Antoine, architecte et
M. J. Bachelet, sculpteur du monument, etc ....
A l'arrivée du cortège, les fillettes des écoles, en
toilettes claires, sous la direction vigilante de
leurs maitresses, déposèrent au pied du monument les
magnifiques gerbes de fleurs dont leurs bras étaient
chargés. Les garçons, aussi sous la conduite de
leurs dévoués maîtres, déposèrent leurs bouquets,
pendant que les groupes d'anciens combattants
apportaient d'immenses couronnes.
Le glorieux drapeau des Chasseurs à pied et les
drapeaux des sociétés locales se groupèrent autour
du monument.
Sur un signe du Maire, la "Céramique" de la
Faïencerie de Badonviller et l'Industrielle des
Établissements Mazerand jouent la Marseillaise,
pendant que le voile tricolore couvrant le monument
est descendu lentement et que la flamme du souvenir
s'allume à l'autel de pierre supportant les casques
symboliques des soldats alliés. L'hymne national
américain est ensuite exécuté. Tous les fronts se
sont découverts. Un roulement de tambour annonce les
deux minutes de silence. Une émotion profonde
étreint les coeurs. Des larmes mouillent les yeux de
ceux qui se souviennent, de celles qui n'ont pas
encore quitté leurs robes noires. (1)
(1) M. Achille Liégeois, dans l'Est
Républicain.
M. ÉMILE FOURNIER, Maire de Badonviller.
M. le Maire,
ÉMILE FOURNIER, se lève pour prendre le premier la
parole et prononcer le discours suivant:
Il y a douze ans aujourd'hui même, notre Cité,
placée à quelques kilomètres de l'ancienne frontière
et qui avait son territoire déjà protégé par les
troupes de couverture, était brusquement arrachée à
son labeur paisible. La mobilisation, qui pour nous
tous, signifiait la guerre, venait de sonner. La
Patrie était en danger. A cet appel, tous nos
concitoyens, animés d'une foi ardente et
patriotique, répondaient avec enthousiasme,
manifestant l'espoir d'un retour prochain après une
victoire rapide escomptée de tous.
Mais hélas, l'ennemi était proche et dans les mois
qui suivirent, Badonviller, l'ancienne capitale du
comté de Salm, au passé glorieux et souvent agité,
connut les pires épreuves de son histoire.
Aucune souffrance ne lui fut épargnée. Trois fois
envahie, elle supporta, dès le 12 août 1914, une des
premières de France, les méthodes barbares de
l'ennemi: le vol, le pillage, l'incendie méthodique,
le prélèvement d'otages, la brutalité et
l'assassinat sans motif.
Puis vinrent les attaques de février 1915; un nouvel
exode des habitants, l'ennemi s'installant à 1000
mètres de la ville et s'y accrochant jusqu'aux
derniers jours de la guerre; les combats furieux du
Chamois, de la Chapelotte; 190 bombardements à
petits et à gros calibres; les émissions de gaz
asphyxiants; ses terrains défoncés et bouleversés;
ses forêts saccagées; 203 maisons détruites dont
tous les bâtiments publics; 205 autres maisons et
ses usines gravement endommagées et enfin le 31 mai
1918, l'évacuation totale et l'abandon forcé de la
commune.
Puis vint la victoire décisive, l'armistice, le
retour des guerriers et de la population dans les
ruines; c'est alors que l'on se compta et que fut
établi le triste bilan des pertes humaines, hélas
irréparables: 100 de nos compatriotes étaient
glorieusement tués à l'ennemi et ne répondaient plus
à l'appel, 7 autres moururent ensuite de leurs
blessures ou maladies contractées au service; 27
habitants étaient tombés victimes de la barbarie
allemande ou sous les obus, sans compter la longue
liste de nos concitoyens morts prématurément en
exil, terrassés par suite de l'abandon des êtres
chers, du clocher natal, de leurs biens et souvenirs
pour eux détruits à jamais.
Une immense tâche s'offrait donc aux vivants:
déblayer, défricher, organiser et reconstruire.
Comme durant la guerre chacun accourut à ce nouvel
appel de la Patrie et se mit résolument à l'oeuvre.
Tout à l'heure, nous énumérerons les résultats
obtenus et exprimerons notre gratitude à tous les
auxiliaires de notre résurrection matérielle.
Mais un autre devoir s'imposait à nous; rendre
hommage à nos morts glorieux ; unir dans cet hommage
les nobles soldats de France et d'Amérique qui,
venus nous défendre, ont versé leur sang par
milliers sur notre territoire; perpétuer le souvenir
de tous, leur marquer notre gratitude en l'étendant
à tous les mutilés et les survivants, rios
Défenseurs.
Là encore, Badonviller ne voulut pas démériter. Dès
1920, le Conseil Municipal constitua un comité pour
l'érection d'un Monument Commémoratif digne d'un tel
programme. Grâce à la bonne volonté, à la
collaboration et à la générosité de tous, il put
accomplir sa tâche avec un résultat dépassant toutes
les espérances. Au nom du Comité, j'adresse nos plus
vifs sentiments de reconnaissance à tous les
généreux donateurs de Badonviller et du canton, aux
sociétés locales, aux dévoués collecteurs de
souscriptions, quêteurs, quêteuses, organisateurs de
fêtes, à la presse et à tous ceux qui de près ou de
loin nous ont aidés et encouragés.
Il fallut cependant retarder la mise à l'étude et
l'érection du Monument, la ville bouleversée par son
plan d'alignement et les travaux de reconstruction
ne permettant pas l'aménagement de la place choisie,
occupée par les dépôts de diverses entreprises.
C'est seulement après les gros travaux exécutés, en
1924, que le comité décida la mise en concours de
l'ouvrage et le Jury porta son choix sur la belle
oeuvre que je suis heureux de vous présenter et qui
est due aux grands talents de Messieurs Bachelet
statuaire et Antoine architecte, que j'ai grand
plaisir de féliciter chaleureusement et de remercier
au nom du Comité et de la population entière. M.
Bancon entrepreneur, exécuta le gros oeuvre d'une
façon remarquable.
Comme au 1er août 1914, Badonviller s'est réveillée
ce matin avec un bel enthousiasme. Tous ses enfants
répondant à l'appel de leur coeur se trouvent réunis
ici pour rendre un solennel hommage à ceux qui ont
permis que notre cité reste Française.
C'est en effet les fêtes du souvenir et de la
reconnaissance qui nous rassemblent ici au pied de
ce monument élevé dans un cadre magnifique dominant
la ville, à l'ombre du clocher reconstruit. Il est
conçu en style moderne comme se sont battus à la
moderne les soldats de la Grande Guerre.
Trois figures allégoriques le surmontent: au centre,
la France glorieuse et reconnaissante tenant une
pleine brassée de feuilles de chêne et de lauriers.
A droite, une femme en deuil personnifiant la
courageuse population de la ville restée pendant
quatre ans sous les bombardements en première ligne,
après les terribles épreuves d'août 1914. A gauche,
un soldat à l'image de ceux qui sont morts ou de
ceux qui sont revenus après avoir si vaillamment
défendu la France et lui avoir donné la victoire.
A la base, émerge d'un trophée de casques français
et américains pour perpétuer la participation de ces
derniers à la défense de la ville, un foyer, d'où
s'échappera, les jours anniversaires, la flamme du
souvenir, semblable à celle qui surmonte nuit et
jour la tombe du Soldat Inconnu sous l'Arc de
Triomphe.
Deux bas-reliefs ornent le monument: l'un rappelant
l'incendie et le pillage de Badonviller en 1914;
l'autre, le passé historique de la ville, ancienne
capitale fortifiée des comtes de Salm.
Sur la face principale, figure la belle citation à
l'Ordre de l' Armée que le Gouvernement de la
République a décernée à Badonviller et qui atteste
aux yeux du monde que durant toutes ses épreuves et
malgré les dangers permanents, chacun ici sut faire
humblement son devoir et tout son devoir.
Sur la face postérieure se détache la carte du
canton avec les lignes du front et les lieux rendus
célèbres par la vaillance de nos défenseurs.
En dessous on lit en termes lapidaires les diverses
phases du sac et de la défense de la ville de 1914 à
1918.
Nous sommes fiers et satisfaits d'avoir pu mener à
bien l'érection de cette belle oeuvre d'art digne du
but proposé et de ceux qu'il honore.
Ce monument marque d'abord l'arrêt de l'ennemi aux
portes de la ville pendant quatre années. Il rend
ainsi un hommage éclatant aux vaillantes troupes,
inscrites sur sa stèle, dont nous sommes si heureux
de saluer ici les délégués et plusieurs de leurs
chefs. Après avoir rejeté trois fois les armées
Allemandes souvent supérieures en nombre, ils ont
arrêté dans des conditions pénibles et meurtrières
leurs retours offensifs. A eux nous devons que
Badonviller n'ait pas été sous la botte pendant
quatre années et nous leur crions ici notre
affectueuse reconnaissance et notre impérissable
souvenir.
Il est élevé, en outre, en l'honneur des 107 enfants
de Badonviller "Morts pour la France". Cette longue
liste est imposante pour 2000 habitants. Nos chers
compatriotes étaient partis en 1914 forts, sans une
plainte. Ils connurent pour la plupart toutes les
souffrances de l'affreuse guerre; rien ne leur a été
épargné, ni la faim, ni la soif, ni les fatigues.
Ils ont connu l'accablement des interminables
veillées aux postes d'écoute, les émotions des
patrouilles dans la nuit, l'horreur des
bombardements, les angoisses de l'infernale guerre
de mine, les appréhensions de l'attaque. Ils ont
enduré la chaleur, le froid, la pluie, la neige, la
boue, les blessures, puis la mort.
Nous leur devions ce témoignage de reconnaissance et
devions perpétuer leur souvenir en inscrivant leurs
noms sur cette pierre. Pour nous, survivants, nos
coeurs n'ont pas besoin de rappel; mais les
générations futures doivent conserver leur mémoire
et seront ainsi appelées à méditer sur leurs
sacrifices.
Aux familles de ces chers disparus, qui aujourd'hui
sentent leur douleur ravivée, nous adressons à
nouveau l'expression de notre profonde sympathie.
Cérémonie commémorative du 12 août 1919 célébrée
devant la façade de l'église de Badonviller en ruine
et présidée par Mgr Ruch, aumônier de guerre du
20ème Corps d'Armée et actuellement évêque de
Strasbourg.
Remise de la Croix de Guerre à dix communes du
canton de Badonviller, le 21 Juin 1921
Vue générale de Badonviller.
Croix de Guerre de Badonviller attachée à un
écusson, aux armes de la ville, que montre à la
foule, son Maire, M. E. Fournier.
Façade et dôme de l'église de Badonviller après leur
restauration.
Intérieur de l'église après son entière
reconstitution.
Bénédiction des quatre cloches de l'église de
Badonviller, le 19 Octobre 1924, par Mgr. de la
Celle, évêque de Nancy.
Grand Salon de l'Hôtel-de-Ville où eut lieu la
réception des autorités par la Municipalité de
Badonviller, le 1er Août 1926.
Monument du 358e R. d'infanterie, sur la route de la
Chapelotte à la naissance du chemin d'Angomont.
Intérieur de l'église. Vue prise du choeur après le
bombardement du 12 Août 1914.
Façade principale de l'Hôtel-de-Ville après sa
reconstruction.
Façade méridionale de l'Hôtel-de-Ville reconstruit.
Ce monument
rappelle, de plus, le nom de nos innocentes victimes
civiles. Au même titre que les soldats, ils ont
acquis le droit de figurer sur ce tableau d'honneur.
Au nombre de onze, ils sont tombés dans cette
tragique journée du 12 août 1914, dont tous les ans
nous rappelons, pour l'enseignement des jeunes
générations, l'anniversaire. Sans distinction d'âge
ni de sexe, ils ont été lâchement assassinés et
martyrisés sans aucun motif par un ennemi sans
pitié. Seize autres sont morts au cours des
bombardements de la ville, ou des suites de
blessures de guerre.
Leur mémoire restera parmi nous, comme un symbole de
courage et de résignation.
Il exalte enfin les sacrifices des milliers de
soldats venus de tous les coins de France, du Maroc
et de la lointaine Amérique pour former de leurs
corps une barrière à l'envahisseur et arroser de
leur sang généreux le territoire de notre canton
martyr.
Héroïques Chasseurs à pied des 17e, 20e et 21e
bataillons, qui, écrasés par le nombre et malgré des
charges épiques, ont dû, la rage au coeur, se replier
en août 1914 laissant tant de nobles victimes sur le
terrain du combat, je salue ici bien bas leurs
représentants et leur glorieux drapeau, que nous
sommes heureux et si fiers de posséder, pour, en son
image, manifester notre amour, notre respect et
notre dévouement envers la Patrie et l'Armée entière
qu'il représente. Braves fantassins du 13e Corps,
Alpins et Spahis de la Brigade Marchand qui nous
délivrèrent des invasions; vaillants chefs et
soldats de la 71e Division d'infanterie et du 39e
R.I.T. qui avez soutenu le choc en 1915 et 1916 et
qui nous avez préservés d'un nouveau retour des
Boches; à tous les survivants représentés si
nombreux ici, nous renouvelons notre admiration.
Glorieux défenseurs du bois des Chiens, de Neuviller,
du Haut d'Arbre, du Chamois, de Malglève, du Gros
Hêtre, des étangs de Thiaville et de la Chapelotte,
tués si nombreux au milieu des 8e, 13e et 21e corps
d'armée, 7e, 12e, 17e, 21e, 38e, 41e, 42e, 43e, 47e,
61e, 62e, 71e, 76e, 77e, 128e et 170e divisions
d'infanterie; 45e division marocaine; 6e division de
cavalerie : 10e division coloniale; 42e et 77e
divisions américaines; les chasseurs cyclistes de la
2e division de cavalerie; 39e, 52e, 54e et 115e
régiments territoriaux d'infanterie.
Nous avons connu votre vaillance, votre abnégation
et votre mort héroïque. Vous reposez en partie près
de nous en ce cimetière national que nous venons de
fleurir. Soyez assurés, que nos populations ne sont
pas ingrates et que nous n'oublierons jamais votre
sacrifice. Magnifiques soldats de la grande
Amérique, qui, sentant le droit menacé et se
souvenant du geste de nos pères, avez traversé
l'Océan pour barrer la route aux Germains. Ici, les
premiers de vous sont tombés, et hélas, nombreux.
Nous avons voulu que ce geste soit commémoré sur ce
monument et ces casques mêlés à ceux des nôtres
diront à vos compatriotes que les Lorrains et les
Français n'oublient pas et qu'ils unissent dans une
même piété tous leurs sauveurs.
A la demande de notre ami, Monsieur le Député
Mazerand, et en raison des circonstances présentes,
qui retiennent toute l'attention et empêchent le
déplacement de Messieurs les Ministres, le
Gouvernement de la République a désigné pour le
représenter à nos cérémonies et apporter ses
condoléances aux familles en deuil, un des chefs les
plus éminents et les plus aimés de nos armées,
Monsieur le Maréchal Joffre, le glorieux vainqueur
de la Marne, le sauveur de la France en 1914.
Ce choix nous a remplis de joie, puisqu'il nous
procure l'heureuse occasion de vous témoigner,
Monsieur le Maréchal, notre admiration et notre
gratitude.
Tout à l'heure, dans une courte visite de la ville,
nous passerons par l'avenue du Maréchal Joffre, qui
voisine avec celle du 20e Corps, de Monsieur le
Maréchal Foch et du Général Gérôme, notre éminent
compatriote. Ce sera pour vous une preuve, Monsieur
le Maréchal, qu'en Lorraine et à Badonviller, l'on
se rappelle que nous vous devons, ainsi qu'à vos
superbes soldats, une grande part de la victoire.
En venant dans notre cité martyre, vous nous avez
fait un grand honneur. Nous vous en sommes
profondément reconnaissants.
Monsieur le Premier Adjoint,
Au nom du comité, je vous confie la garde de ce
monument pour que la ville veille sur lui et le
protège contre toute atteinte et afin qu'il dresse
toujours sa fière silhouette au-dessus de notre
cité, comme étant l'expression de notre éternelle
reconnaissance et de notre fidèle souvenir.
M. DIEDLER, Premier Adjoint au maire.
Monsieur le Président,
Messieurs les Membres du Comité du Monument,
« Interprète du conseil municipal et de la
population de Badonviller, je reçois en leur nom le
monument que vous me confiez.
Je suis certain de traduire la pensée de tous en
vous disant qu'il sera notre monument, comme nous
avons notre hôtel-de-ville et notre église,
c'est-à-dire un objet de fierté pour les
Badonvillois.
Il sera protégé contre toute atteinte non pas par
des règlements de police, mais par notre affectueuse
reconnaissance pour les morts glorieux en mémoire de
qui ce monument est élevé.
Merci au comité, présidé avec tant d'activité et de
dévouement par M. Fournier, de l'avoir fait si beau
et d'avoir su le placer dans un cadre si approprié à
son but de recueillement et de hautes pensées.
Merci d'avoir organisé cette belle cérémonie de ce
matin qui nous a amené tant d'hôtes éminents, en
tête desquels figure le chef aimé et respecté de
l'armée française en 1914.
Merci au nom des anciens combattants de Badonviller
de leur avoir donné la joie de revoir un de ces
glorieux drapeaux pour lesquels ils ont souffert et
versé
leur sang.
Photo Neurey, Celles-sur-Plaine.
M. DIEDLER, Premier Adjoint au Maire.
Mes camarades des autres armes pardonneront à un
ancien chasseur à pied de dire un merci tout
particulier, au nom des anciens chasseurs ici
présents, de nous avoir permis de contempler un des
fanions de bataillon dont la vue nous faisait
oublier la terrible angoisse de la bataille et notre
drapeau que certains d'entre nous n'avaient jamais
vu, et pour l'honneur duquel tant de noms sont
gravés sur cette pierre.
Au nom du conseil municipal, je remercie toutes les
personnes qui ont contribué à la décoration de cette
place, du cimetière national, du groupe scolaire,
des rues et des édifices de la ville.
Pour terminer, mes chers concitoyens, je vais vous
demander ceci: quand nous viendrons nous recueillir
au pied de ce monument, à notre grande tristesse
mêlons beaucoup de fierté, car si cette pierre nous
rappelle le tombeau de nos chers disparus,
souvenons-nous aussi que c'est leur arc-de-triomphe
».
Un ban est alors ouvert et M. le premier adjoint se
rend au pied du monument et fait l'appel si émouvant
des morts. Les enfants des écoles répètent avec
tristesse la sublime réponse: Mort au champ
d'honneur, ou Mort pour la France.
Un frisson passe dans le coeur de tous, quand
résonnent les noms des victimes civiles, pères,
mères, frères ou soeurs des habitants de Badonviller.
Des yeux s'emplissent de larmes. Que sont maintenant
les paroles ? Le silence est seul apaisant. Comme
l'on comprend alors la force pathétique de la minute
de recueillement. (1)
(1) René d'Avril.
(à
suivre) |