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							Révolution de 1789. - Ce grand 
							événement débuta à Badonviller par une assemblée du 
							Tiers-État tenue, le 17 mars 1789. dans l'Hôtel de 
							Ville. La ville, comptant alors 380 feux, choisit 
							comme députés: 
							Joseph Duparge, prévôt; Ferdinand Pleigner, syndic; 
							Louis-Joseph Chenal, rentier ; Joseph-Hubert Ganier, 
							négociant, chargés de porter le cahier de 
							remontrances de la ville, à Lunéville pour 
							l'assemblée fixée au 23 mars, devant le 
							lieutenant-général du bailliage. Ce cahier contenait 
							31 articles, dont les extraits suivants nous 
							intéressent plus particulièrement: 
							Le Tiers-État demande: 
							1) Qu'aucun impôt ne puisse être établi ou 
							prorogé, que du consentement de la Nation. 
							3) Qu'on achève la route d'Ogéviller à Badonviller 
							et qu'on la prolonge jusqu'à Allarmont. 
							5) La suppression des maîtrises des eaux et forêts 
							et le rétablissement de la gruerie de Badonviller. 
							7) Qu'on rende aux forgerons, boulangers, cloutiers, 
							tonneliers, etc, le droit de prendre le bois 
							nécessaire à leur profession dans les forêts du roi, 
							droit qui leur avait été concédé en 1596. 
							8) L'autorisation de défricher le bois communal, dit 
							de la Voivre contenant 200 arpents. 
							9) Que le prévôt de Badonviller juge en dernier 
							ressort jusqu'à 150 livres et que la procédure soit 
							simplifiée 
							14) L'abolition de la banalité des moulins. 
							16) Que le sel soit moins cher et de meilleure 
							qualité. 
							17) Que le tabac soit meilleur et le prix diminue de 
							moitié. 
							20) La suppression de la dime des pommes de terre. 
							23) La suppression du droit de guet et de garde au 
							château de Pierre-Percée qui est ruiné. 
							24) Que la police soit administrée par les officiers 
							municipaux. 
							28) L'établissement d'un impôt unique pour tous les 
							besoins de l'État. 
							29) Que le clergé et la noblesse supportent leur 
							part de cet impôt. 
							30) Que les ministres soient responsables de leur 
							administration et punis dans le cas de 
							prévarication. 
							31) La suppression de la vénalité des offices et la 
							gratuité de la justice. 
							 
							Le 2 août 1789, il est établi un comité de sûreté et 
							on organise la milice bourgeoise. 
							Le 20 septembre 1789, on décide de fixer au dernier 
							dimanche d'octobre la nomination des membres du 
							conseil général de la commune. Ces membres sont 
							choisis parmi tous les habitants, sans distinction 
							de nobles, clercs et roturiers, au nombre de 25 et 
							renouvelables tous les ans par cinquième. Le conseil 
							général choisit, tous les 3 mois, le comité 
							permanent de la ville, composé de 6 membres, d'un 
							syndic et d'un greffier. 
							Le premier comité permanent élu était composé 
							d'Antoine Chaurand, curé; Jean-Baptiste Brazy, 
							chapelain; du comte de Bannerot; de Pierre-Blaise 
							Lesaint; Nicolas Charton; Dieudonné Gouttier; le 
							sieur Catabel, syndic et Joseph Aubry, greffier. 
							On sait que l'hiver 1788-89 fut un des plus 
							rigoureux dont, à l'époque, on ait conservé la 
							mémoire: «  un grand nombre d'arbres ont été gelés; 
							les moulins n'ont pu moudre et on a été sur le point 
							d'éprouver une famine. La récolte, en 1789, fut 
							mauvaise dans tous les grains; les pommes de terre, 
							qui sont la ressource de cette province, ont manqué 
							partout ». 
							Aussi, à la date du 6 octobre 1789, le conseil 
							général vote-t-il un emprunt de 10.000 livres, pour 
							acheter des grains et des pommes de terre à 
							distribuer aux indigents. 
							Les idées nouvelles avaient trouvé ici et dans 
							plusieurs localités voisines un terrain favorable. 
							Un incident caractéristique, au cours d'une 
							assemblée pour la fête de la Reconnaissance et des 
							Bonnes Moeurs, fixée au premier décade du troisième 
							mois (30 novembre 1793), témoigne de l'exaltation 
							des esprits: pendant la promenade civique, on 
							s'arrête devant l'arbre de la Liberté, et on allume 
							un bûcher; soudain se détache de la foule, Nicolas 
							Bannerot, dernier rejeton d'une famille honorée dans 
							le pays. Il tient en main des papiers, les déchire 
							avec mépris, les piétine, puis les jette au brasier, 
							pendant que les assistants crient: «  Vive la 
							République ! périssent les tyrans ! » 
							Le cadre restreint de cette étude ne me permet pas 
							de m'étendre sur les bouleversements, qui marquent 
							la fin du 18e siècle et les premières années du 
							XIXe. Rappelons seulement que la prévôté de 
							Badonviller fut supprimée pour être remplacée par 
							une Justice de Paix, dont le siège fut le chef-lieu 
							d'un canton, duquel ressortissaient les communes de 
							Pierre-Percée, Bionville, Angomont, Bréménil, 
							Montreux, Neuviller, Sainte-Pôle, Vacqueville, Veney, 
							Neufmaisons, Pexonne et Fenneviller. Supprimée en 
							l'an VIII, la Justice de Paix fut rétablie en 1883 
							avec quelques modifications de son ressort, portant 
							sur les communes de Veney, Vacqueville et Montreux, 
							qui en furent détachées et remplacées par celles de 
							Saint-Maurice et Raon-les-Leau. Un nouveau transfert 
							à Baccarat eut lieu en 1925; mais ce siège étant 
							sans titulaire depuis juin 1926, le service est 
							provisoirement assuré, à Badonviller comme à 
							Baccarat, par les Juges de Paix suppléants restés en 
							fonction. 
							Les invasions de 1814 et 1815 n'ont pas laissé de 
							souvenir pénible dans la région de Badonviller. 
							Celle de 1870 s'est manifestée, à la fin de 
							septembre dans la contrée, par l'arrivée d'une 
							colonne de 1200 hommes débouchant de la forêt, à la 
							Charbonnière. 
							Les jours suivants; . des escarmouches eurent lieu 
							entre cette troupe ennemie et les gardes mobiles et 
							francs tireurs des Vosges, dans la combe de 
							Xapenamoulin et à la scierie Lajus. 
							
							  
							Ruines de Pierre-Percée côté 
							occidental (versant de la combe de Jérusalem-Xapenamoulin) 
							Les Allemands 
							occupèrent la région du 30 Septembre 1870 au 28 août 
							1871. Durant cette période, Badonviller fut soumis à 
							de multiples réquisitions. L'autorité prussienne 
							ayant fait évacuer des ambulances de Metz, 900 
							malades, pour être entretenus et soignés à 
							Lunéville, le préfet prussien décida que la dépense, 
							estimée de 25 à 30.000 francs, serait répartie entre 
							les commune de l'arrondissement. Badonviller dut, en 
							outre, payer une somme de 3.433 francs pour 
							quote-part de la contribution de 750.000 francs 
							imposée aux trois arrondissements de Toul, Nancy et 
							Lunéville, sous prétexte de dommages causés aux 
							nationaux allemands. 
							Une délibération du conseil municipal du 28 avril 
							1871 nous apprend, que pour satisfaire aux diverses 
							réquisitions faites pendant la durée de la guerre, 
							par l'autorité allemande, et dont la commune a été 
							frappée du 1er août 1870 au 2 mars 1871, M. Mangeon, 
							ancien notaire, prêta 27.692 francs et M. Grilliet, 
							négociant, 2.000 francs. Le règlement définitif du 2 
							août 1871, mentionne encore une indemnité de 3.500 
							francs payée aux convoyeurs requis par les Allemands 
							pour perte de chevaux et acquisition de bétail. 
							L'élection de la municipalité, après la chute de 
							l'Empire et la proclamation de la République, eut 
							lieu le 30 avril et le 7 mai 1871. Les élus de ce 
							nouveau conseil furent: MM. PERRET HELLUY, Joseph; 
							LICOURT, Charles Théodore; MAROTEL, François Ernest; 
							FENAL, Nicolas; GRILLIET, Jean-Baptiste fils; 
							GEOFFROY, Jean François; JACQUE, Arsène; CHOINIER, 
							Constant; SEYER, Sébastien; MUNIER, Nicolas; COMBEAU, 
							Jean-Baptiste; HALLER, Michel Martin; MANGEON, 
							Pierre Jose ph; MESSIER, Léon; CROUZIER, Prosper et 
							AUBRY, Jules. 
							Le conseil municipal ainsi constitué choisit, pour 
							Maire M. PERRET HELLUY, et pour adjoint, M. GRILLIET. 
							
							  
							Objet en pierre taillée trouvé dans le mur 
							d'enceinte de la Ville accompagné d'un oeuf de poule. 
							(voir pages 9 et 10) - Dessin de Marcel Kartener 
							 
							  
							Ancienne Grande rue à hauteur de la place de la 
							République actuelle. 
							 
							  
							Rue de Lorraine avant sa reconstruction. 
							 
							  
							Rue Saint-Martin. Sur l'emplacement du bâtiment 
							central, se trouve maintenant la Justice de Paix. 
							DEUXIÈME 
							PARTIE 
							Badonviller pendant la grande guerre 
							L'invasion. - M. 
							E. FOURNIER, maire actuel, présent à Badonviller 
							durant toute la campagne, par conséquent témoin 
							oculaire, a pour ainsi dire noté jour par jour les 
							événements ainsi rapportés: 
							«  Dès le 10 Août 1914, les habitants eurent 
							l'impression que des événements graves se 
							déroulaient autour d'eux. Parux en entier brûlait - 
							Bréménil était incendié. 
							«  Le mardi 11 Août, vers 16 heures, les fumées des 
							incendies semblèrent plus proches. Le feu était à 
							Malgréjean, à 1500 mètres de Badonviller, où 
							l'ennemi était parvenu. Les premiers obus sifflaient 
							sur la ville. Le lendemain 12 Août, après un combat 
							qui dura de 5 à 9 heures du matin, quatre heures 
							pendant lesquelles le 20e bataillon de chasseurs à 
							pied résista héroïquement à des troupes bien 
							supérieures en nombre, les Bavarois entrèrent en 
							force à Badonviller. A ce moment, quelques chasseurs 
							en retraite tirèrent sur les colonnes qui venaient 
							renforcer l'ennemi. Furieux de cette fusillade, les 
							Allemands alléguèrent que des civils avaient tiré 
							sur eux, prétexte mensonger toujours invoqué pour 
							justifier 
							leurs crimes. Ce fut alors un déchaînement de rage 
							d'une sauvagerie inouïe. "Feu et sang" ! tel fut 
							l'ordre donnée par l'un des chefs digne émule 
							d'Attila. Et malgré les protestations et les 
							assurances du maire et des notables, le sinistre 
							carnage s'accomplit. 
							«  A Badonviller, comme dans bien d'autres communes 
							de France et de Belgique, obéissant à l'ordre 
							criminel de terroriser les habitants, les premiers 
							envahisseurs teutons: 
							«  Ont pillé: Après avoir ordonné à la population de 
							se rendre: les hommes à l'Hôtel-de-Ville, les femmes 
							dans la propriété enclose de M. FENAL, et de laisser 
							portes et fenêtres ouvertes, les Vandales 
							pénétrèrent partout, brisant et pillant de la cave 
							au grenier, jetant sur le sol les denrées qu'ils ne 
							pouvaient pas emporter. Des voitures vinrent, dans 
							cet après-midi du 12 Août, enlever literies et 
							couchages. 
							«  Ils ont incendié: Brûlant les maisons l'une après 
							l'autre, méthodiquement, scientifiquement, avec ces 
							engins spéciaux qui faisaient partie de leurs 
							équipements de guerre, ne permettant à aucun 
							propriétaire de sauver quoi que ce soit, même le 
							bétail. - 84 maisons et l'église furent entièrement 
							détruites dans cette journée. 
							«  Ils ont assassiné. - Tirant sur les habitants sans 
							distinction d'âge ou de sexe, les tuant au hasard, 
							dans les rues, sur le pas de leurs portes, presque à 
							bout portant. Douze civils ont ainsi trouvé la mort. 
							«  Ils ont achevé des blessés. - Deux chasseurs à 
							pied, blessés, ayant été surpris dans l'écurie de 
							l'hôtel de la Gare, les bandits vinrent demander des 
							allumettes à l'hôtesse et mirent le feu à son 
							écurie, en sa présence, empêchant les blessés de 
							sortir. Ces malheureux furent carbonisés avec un 
							cheval qui se trouvait encore dans le bâtiment. Ils 
							incendièrent la maison de M. DÉBUS, directeur de la 
							Faïencerie, servant d'ambulance et protégée par la 
							Croix Rouge. L'on eut à peine le temps d'évacuer les 
							blessés. 
							«  Ils ont brutalisé les prisonniers civils et 
							otages. - L'ordre de se réunir sous les halles fut 
							appliqué pour tous sans souci de l'âge et des 
							infirmités. Ils y traînèrent, en les rouant de 
							coups, des vieillards (M. NIER, 85 ans; M. OLIVIER, 
							75 ans); des aveugles (M. GRANGÉ); des simples 
							d'esprit (M. X.). M. BATOZ, 65 ans, malade, fut 
							traîné en chemise de son lit sur la route. 
							«  Le 13 Août, en se retirant, ils emmenèrent comme 
							otages : MM. Dedenon, représentant de la 
							municipalité; Coulon, Juge de Paix; Jeanniot, 
							Receveur des Postes ; L. Ory, Commis de Perception ; 
							Thomas, chef comptable de la Faïencerie; Bertrand et 
							Diedler, gardes-champêtres ; Gustave Dony; 
							Jean-Baptiste Duhaut; Auguste Georges ; Marcel 
							Grandclaude; René Grandclaude; André Job; 
							Jean Ott; Victor Chevalier..., vieillards ou 
							adolescents désignés d'office ou pris au hasard. Sur 
							la route de l'exil, nos malheureux compatriotes 
							subirent injures et mauvais traitements; ils furent 
							incarcérés pendant 25 jours à la prison de 
							Strasbourg. 
							
							  
							Photo J. Scherbeck, Nancy 
							M. R. COULON, Juge de Paix. 
							«  Le 14 Août, la 
							joie de revoir les nôtres nous était rendue - Vers 8 
							heures du matin, le 105e régiment d'infanterie, 
							suivi des 123e et 139e (13e Corps d'Armée) entraient 
							à Badonviller et repoussaient l'envahisseur. Ils 
							firent quelques prisonniers, dont trois Bavarois 
							réfugiés au café Choinier. La population courroucée, 
							les menaça ; mais M. BENOIT, maire, qui cependant 
							venait d'avoir son épouse lâchement assassinée et 
							ses propriétés dévastées, s'interpose et les 
							soustrait à la colère de la foule. 
							«  Le 19 Août, M. MIRMAN, Préfet, accompagné de M. 
							MINIER, Sous-Prefet de Lunéville et de M. MÉQUILLET, 
							Député, vint remettre la croix de la Légion 
							d'honneur à M. BENOIT, Maire. Madame MIRMAN, au nom 
							de toutes les femmes de France déposa, sur les 
							tombes des victimes du 12 Août, des gerbes de fleurs 
							nouées de rubans tricolores. 
							«  Le 22 Août, le Zeppelin VIII, qui lançait des 
							bombes, dont une tomba au cimetière, était descendu 
							par l'équipe mobile du 2e échelon du 21e Corps placé 
							sous les ordres du Commandant Beaucourt, et établie 
							au sud de la ville à "la Valence". Au cinquième coup 
							de 75, les pointeurs Gondouin et Colibert abattaient 
							le monstre, qui atterrissait vers la Chapelotte. Ce 
							fut le premier Zeppelin abattu sur la terre de 
							France. 
							«  Le soir de ce même jour, la retraite de nos 
							troupes, qui venaient de se heurter aux positions, 
							fortifiées et préparées à l'avance, de Sarrebourg, 
							s'accélérait. Et hélas ! le lendemain 23 Août, 
							l'ennemi, dans sa ruée sur Paris et la trouée de 
							Charmes, occupait de nouveau Badonviller jusqu'au 12 
							septembre 1914. 
							«  Craignant de nouvelles représailles, les neuf 
							dixièmes de la population partirent, accablés, pour 
							l'exil, sans but précis, se chargeant de quelques 
							objets indispensables. Lamentable exode ! 
							«  Pendant cette seconde occupation, les Allemands 
							enlevèrent tout ce qui, la première fois, avait 
							échappé au pillage. M. Lejeal, Percepteur, 
							administra la commune, avec un tact et un courage 
							au-dessus de tout éloge. 
							«  Après un nouveau retour de nos troupes, qui devait 
							encore être éphémère, l'ennemi envahissait pour la 
							troisième fois Badonviller, le 21 septembre. Mais, 
							devant la pression de nos chasseurs alpins, il du 
							battre en retraite vers Cirey quatre jours après. 
							Furieux de ces échecs successifs, les Allemands 
							bombardèrent Badonviller dans la nuit du 5 au 6 
							octobre 1914. Il n'y eut heureusement aucune 
							victime. 
							
							  
							M. LEJEAL, Percepteur 
							«  Les 
							Bombardements. (1915 -1918). -Après une période de 
							calme qui se prolongea jusqu'en février 1915, les 
							Allemands montrèrent à nouveau de l'activité dans 
							notre région. 
							«  Le 21 février, ils envoyaient sur la ville trente 
							obus de gros calibre, qui ne firent que des dégâts 
							matériels. Les 27-28 février, 1er, 2 et 3 mars, ils 
							attaquaient en force le secteur, notamment la 
							Chapelotte, Neuviller et le Chamois, et ils 
							établissaient leurs lignes à 1500 mètres de 
							Badonviller. Les vaillantes troupes de la 71e 
							Division d'infanterie et du 34e Régiment 
							d'infanterie territoriale résistèrent énergiquement 
							à l'ennemi, supérieur en nombre, et sauvèrent 
							Badonviller d'une quatrième invasion. 
							«  A partir de cette époque jusqu'au jour de l' 
							Armistice, l'ennemi s'acharna sur notre malheureuse 
							cité, qui ne comprenait plus une seule maison 
							épargnée par les obus. Le nombre des bombardements 
							directs sur la ville est d'environ 190, dont 
							plusieurs à obus incendiaires et une douzaine à obus 
							toxiques. Dix personnes de la population civile sont 
							mortes victimes des bombardements; vingt deux autres 
							ont été blessées par éclats d'obus. 
							«  Le ravitaillement fut des plus pénibles, les 
							convois civils circulant obligatoirement de nuit, et 
							deux fois par semaine seulement, sur les routes sans 
							cesse battues par l'artillerie. 
							«  En mars 1916, il ne restait plus que 260 
							habitants, chiffre qui s'est maintenu jusqu'au 
							commencement de l'évacuation totale de 1918. 
							«  Le 21 avril 1915, M. Mirman, Préfet et M. Minier, 
							Sous-Préfet visitent Badonviller encore violemment 
							bombardé, confiant l'administration de la Commune à 
							M. Émile Fournier qui a continué à l'exercer sur 
							place jusqu'a l'évacuation définitive en juin 1918, 
							secondé par une commission municipale composée de 
							MM. le Docteur Bauquel, Berte, Charles; Colin, 
							Jules; Ferry, Louis; Siatte, Honoré et Thomas, 
							Émile. 
							«  Le 18 mai 1915, la population est munie de masques 
							contre les gaz. 
							«  Le 20 août suivant, date du 100 bombardement de la 
							ville, il y eut une visite d'officiers supérieurs de 
							toutes les nations alliées, suivie, le 11 septembre, 
							par la visite d'attachés militaires des pays 
							neutres, parmi lesquels figurait encore un officier 
							Bulgare. 
							«  Du 21 février 1916, jusqu'au mois d'avril suivant, 
							Badonviller supporta 26 bombardements très violents, 
							qui firent plusieurs victimes parmi la population 
							civile; les Allemands attaquèrent plusieurs fois aux 
							étangs de Thiaville. 
							«  Le 20 mars 1916, passage du Président de la 
							République ; sous un violent bombardement, M. 
							Raymond Poincaré visita les tranchées et le Chamois. 
							«  Le 25 avril suivant, l'ennemi attaque la 
							Chapelotte; il est repoussé et laisse près de mille 
							morts sur le terrain. 
							«  Le 21 juin, Badonviller reçut la visite du général 
							Berthelot et le 15 juillet, celle de M. Mirman. 
							«  Le 11 décembre1916, passage du général Franchet d'Esperey, 
							commandant alors le groupe des Armées de l'Est, et, 
							le 23 juillet 1917, visite du général Marchand, 
							commandant la Division en secteur, venant se rendre 
							compte des dégâts du bombardement allemand de la 
							veille, qui avait fait quatre victimes civiles. 
							«  Les 19 et 20 août1917, violents coups de main 
							ennemis, vers le Village Nègre, chaque fois 
							repoussés. 
							«  Le 27 décembre 1917, le général Mangin visita les 
							cantonnements et Badonviller; il revint à nouveau le 
							16 janvier suivant féliciter et décorer les troupes 
							du vaillant 169e Régiment d'infanterie qui, la 
							veille, dans un coup de main réussi, avaient fait 41 
							prisonniers au Chamois. 
							«  Le 9 février 1918, les premiers obus à gaz 
							tombèrent sur Badonviller. Le 23 février, les 
							premiers soldats Américains (42e division) venant 
							combattre sur notre territoire, entraient à 
							Badonviller se rendant directement aux tranchées. La 
							population présente fut frappée et réconfortée par 
							le calme admirable de ces nouveaux alliés qui, dès 
							le 5 mars, montrèrent leur bravoure, en repoussant 
							victorieusement un fort coup de main ennemi. C'est 
							ce jour là que, sur le territoire de Badonviller, 
							fut tué le premier officier Américain, un capitaine, 
							avec 18 de ses soldats. 
							«  Le lendemain, 6 mars 1918, le général Pershing 
							vint féliciter à Badonviller ses vaillantes troupes. 
							Les drapeaux des nations alliées flottaient à 
							l'Hôtel de Ville depuis l'arrivée des frères d'armes 
							américains. 
							«  A partir du 14 mars 1918, l'évacuation de 
							Badonviller, conseillée depuis le 27 janvier, entra 
							en exécution avec l'aide de camions automobiles qui, 
							à partir du 16, effectuèrent leurs transports sous 
							d'incessants bombardements. Les tirs allaient en 
							s'accentuant jusqu'au dimanche 24 mars, date d'un 
							des plus violents bombardements de Badonviller avec 
							obus de gros calibre. Plusieurs incendies se 
							déclarèrent, et toute la nuit le tir continua, avec 
							obus explosifs et toxiques, précédant de larges 
							coups de main ennemis. Les jours suivants, 
							Badonviller est encore bombardé et nombreuses sont 
							les maisons rendues inhabitables. Le 26 mars, visite 
							de M. Mirman, Préfet. L'évacuation générale fut 
							décidée et se termina le 30 juin 1918. 
							«  Entre temps, de nouvelles et fréquentes émissions 
							de gaz étaient effectuées par l'ennemi, notamment 
							les 27 et 29 mai, 12, 19, 20, 24 et 25 juin. Mme Job 
							et M. et Mme Émile Thomas furent sérieusement 
							atteints par l'ypérite. Quelques jours seulement 
							avant l'armistice, les Allemands, dans leur rage 
							folle, bombardaient encore Badonviller avec 
							minenwerfer (projecteurs à gaz). 
							
							  
							12 Août 1914 - L'église en flammes (bas-relief du 
							monument) 
							 
							  
							Ruines de la rue Gambetta et de l'église après le 
							bombardement et l'incendie du 12 août 1914. Au 
							premier plan, barrage crénelé qui barrait la rue. 
							 
							  
							Intérieur de l'église après le bombardement du 12 
							août 1914. 
							 
							  
							Hôtel-de-Ville et, à droite, rue de Lorraine, 
							aujourd'hui rue du bienfaiteur Crouzier. 
							Au premier plan, barrage crénelé au bas de la rue 
							Gambetta. 
							 
							  
							Portraits de Madame et Monsieur Benoît, Maire de 
							Badonviller en 1914 et décoré de la Légion 
							d'honneur, le 19 août 1914. Ruines de leur maison 
							incendiée le 12 août 1914. 
							La croix indique la fenêtre de l'appartement où 
							Madame Benoit fut tuée et laissée dans les flammes. 
							 
							  
							Cité ouvrière de la gare, incendiée le 12 août 1914. 
							 
							  
							Ruines d'un coin du cimetière de Badonviller. 
							 
							  
							Ruines de la maison Georges, sur l'avenue de la 
							Chapelotte. A gauche, tombe de trois victimes de 
							cette famille (père, mère et gendre). 
							 
							  
							Avenue de la Chapelotte après l'invasion du 12 août 
							1914. Ce quartier fut plus particulièrement le 
							théâtre de la fureur des troupes bavaroises. La 
							croix blanche indique l'endroit où fut tué, sous les 
							yeux de ses parents, le jeune Massel. A droite, 
							ruines de la maison Georges 
							 
							  
							Faubourg d'Alsace, maintenant rue Pasteur, après 
							l'incendie du 12 aoùt1914 et les bombardements 
							ultérieurs. 
							 
							  
							Propriété de M. Édouard-Théophile Fenal; vue avant 
							et après l'incendie. Une ambulance y avait été 
							organisée par Mesdames Fenal et fonctionnait au 
							moment de l'invasion. 
							 
							  
							Bâtiments de la Faïencerie Ed.-Théophile Fenal, 
							après les bombardements. 
							 
							  
							Ruines au carrefour de la rue de la Gare, 
							aujourd'hui avenue du Maréchal Joffre, et de la 
							route de Bréménil, maintenant avenue du Chamois. 
							
							 
							 
							Badonviller après la guerre 
							Le jour à jamais 
							mémorable de la cessation des hostilités se leva, 
							enfin, à l'aube du 11 novembre 1918. Les milliers de 
							bouches à feu qui depuis si longtemps semaient la 
							mort, la douleur, la dévastation, déchiquetant les 
							arbres fruitiers de nos vergers et ceux de nos 
							magnifiques forêts, creusant et bouleversant le sol, 
							au point de transformer en paysages lunaires la zone 
							des tranchées, ces engins de toutes formes, de plus 
							en plus meurtriers, cessèrent tout à coup de faire 
							entendre leur roulement presque continu de tonnerre 
							d'un orage ininterrompu de plus de quatre 
							interminables années. 
							L'attachement inné de l'homme à son foyer se 
							manifesta cette fois encore dans toute sa force, car 
							dès les premiers mois de l'année 1919, les familles 
							revinrent en grand nombre de leurs plus ou moins 
							lointains lieux de refuge, bien que Badonviller 
							n'offrît plus, aux habitants accourus à la première 
							heure, que le tableau lamentable d'une ville en 
							ruines. Ils s'installèrent bravement, les uns dans 
							les bâtiments susceptibles d'être restaurés et de 
							leur procurer un abri, d'autres dans des baraques en 
							planches hâtivement élevées, demeures très 
							sommairement meublées, incommodes et souvent 
							malsaines. 
							La guerre leur ayant démontré que l'union fait la 
							force, les sinistrés, suivant le judicieux conseil 
							d'un initiateur persuasif et entraînant, M. l'abbé 
							Thouvenin, fondèrent l'une des toutes premières 
							coopératives de reconstruction, qui réunit près de 
							200 adhérents. Conformément à ses statuts, la 
							première assemblée élut ses administrateurs: MM. Ed. 
							Fenal, E. Fournier, Jacquemin Ernest, Jacquemin 
							Pierre, Kayser, Ory, Perrin, Siatte, Schaudel et 
							Trudelle. Par la suite, MM. Kayser, Perrin et Siatte 
							furent remplacés par MM. Cuny Alphonse, Geoffroy et 
							Hovasse, et M. Trudelle nommé commissaire des 
							comptes eut à son tour pour successeur, M. Ch. F. 
							Devaux, Juge de Paix à Nancy et M. le Docteur 
							Jacquot; ce conseil d'administration élut M. P. 
							Jacquemin, président; M. Ed. Fenal, vice-président; 
							M. L. Ory, secrétaire et M. L. Schaudel, trésorier. 
							Une oeuvre aussi importante ne pouvait réussir que si 
							tous les membres élus, et surtout ceux du bureau, 
							étaient décidés à y consacrer tous leurs efforts. 
							L'éloignement du président, habitant Nancy, ne tarda 
							pas à obliger le trésorier de joindre à la charge 
							déjà pesante d'une gestion compliquée, celle 
							d'administrateur-délégué, comportant la transmission 
							des mémoires, et la correspondance journalière avec 
							les services de la Préfecture. La partie technique 
							(accords et marchés avec l'architecte et les 
							entrepreneurs, ordre et réception des travaux) fut 
							assurée par le président et les autres 
							administrateurs~ 
							La tâche assumée par la Coopérative de 
							reconstruction était formidable et huit années 
							entières n'ont pas épuisé les efforts à accomplir, 
							dans des conditions particulièrement difficiles. La 
							reconstruction de l'église, sous la direction des 
							architectes des monuments historiques, MM. Guët et 
							Charbonnier, aggrava dans une forte mesure le 
							travail de gestion, d'autant plus que les 
							allocations de l'État ne s'obtenaient que par 
							tranches multiples, le plus souvent en obligations 
							de la Défense Nationale, aux cours variables, 
							entraînant parfois des pertes sérieuses. Mais, en 
							acceptant ce surcroît de labeur, la Société 
							coopérative a pu donner à la population de 
							Badonviller la grande satisfaction d'avancer, de 
							quelques années peut-être, la jouissance de son 
							église et, par suite, d'abandonner la chapelle 
							provisoire en planches qui, les jours de grande 
							affluence, constituait un véritable danger pour les 
							occupants. 
							Une Commission des Dommages de guerre, instituée 
							pour le canton en exécution de la loi du 17 avril 
							1919 et chargées d'évaluer et d'accorder les 
							indemnités demandées par les sinistrés, fonctionna à 
							partir de 1920. Elle était composée par MM. Coulon, 
							Juge de paix, président; Louis Schaudel, Receveur 
							principal des Douanes en retraite et Juge de paix 
							suppléant, représentant les Ministres des Finances 
							et des Régions libérées; M. Chollot, de Cirey, 
							Receveur des contributions indirectes en retraite, 
							remplacé après quelques mois, par Me Roger Rbhaud, 
							Avocat à Lunéville, représentant du Préfet; MM. 
							Morel, Chanot, Fort, Poussardin, Seyer, Chenu, 
							Thomas, Cadix, Demetz décédé en cours de fonction et 
							remplacé par M. Dufour, tous deux de Neufmaisons, 
							Haxaire, brigadier forestier, commissaires experts. 
							Le rôle de cette Commission était extrêmement 
							important, offrant une certaine analogie avec celui 
							d'un tribunaI; car la loi lui attribuait une 
							procédure d'instruction se rapprochant de 
							l'instruction judiciaire et aboutissant, en cas 
							d'accord, à des décisions définitives. Une telle 
							mission ne pouvait être loyalement assurée que par 
							des hommes bien pénétrés du sentiment du devoir, 
							faisant abstraction de toute sympathie ou antipathie 
							personnelles, ne s'inspirant que des principes d'une 
							stricte impartialité ou d'une saine justice. A ces 
							qualités de caractère devaient se joindre des 
							qualités professionnelles de compétence et une 
							connaissance très utile de la situation de presque 
							tous les sinistrés du canton, de leurs immeubles et 
							exploitations. 
							Il ne m'appartient pas d'apprécier ici comment cette 
							mission a été remplie; mais je puis dire, que le 
							rôle de la commission a été particulièrement 
							pénible, quand elle avait à décider sur des demandes 
							parfois exagérées, résultant surtout de l'obligation 
							où se trouvaient les sinistrés illettrés ou peu 
							instruits, de recourir à des écrivains publics 
							improvisés, plus ou moins consciencieux. 
							Par contre, la Commission s'est trouvée, en ce qui 
							concerne les immeubles, devant des devis estimatifs 
							souvent hâtivement bâclés par des architectes 
							nullement préparés à une oeuvre de restauration d'une 
							telle envergure, et qui présentaient, les uns des 
							majorations évidentes, et d'autres, surtout pour des 
							maisons réparables, des insuffisances que les 
							experts de la Commission ne pouvaient que bien 
							difficilement apercevoir et qui se sont surtout fait 
							sentir au moment de l'exécution des travaux. Il y 
							eut ainsi des sinistrés, qui s'étaient fiés à la 
							compétence et à la conscience des architectes, 
							insuffisamment dédommagés et subissant des pertes, 
							que la coopérative de reconstruction s'est efforcée 
							d'atténuer autant que possible. 
							Dès 1919, (1) Badonviller tint à commémorer la 
							journée tragique du 12 Août1914, par une cérémonie 
							religieuse, que voulut bien présider Mgr Ruch, 
							évêque de Nancy. Pour faire honneur aux hôtes venus 
							en grand nombre, les habitants avaient revêtu le 
							deuil de leurs ruines d'une parure de fête: 
							drapeaux, guirlandes de mousse et de feuillage, 
							décoraient les maisons aux blessures béantes. Un 
							cortège, où prirent place M. Langeron, Sous-Préfet 
							de Lunéville; M. le Général Jacquemot; M. le Colonel 
							Saint-Hillier, etc, précédés de la musique du 109e, 
							d'un piquet d'infanterie et de jeunes gens porteurs 
							de palmes et de couronnes, se rendit devant 
							l'église, dont les ruines tapissées de verdure 
							servirent de fond de tableau à un autel érigé sur 
							les marches du parvis. La messe fut célébrée par le 
							Curé-Doyen, M. l'abbé Mougin, décoré de la médaille 
							militaire, devant une foule silencieuse et 
							recueillie. Mgr Ruch prononça un sermon 
							impressionnant qu'il termina par un hommage aux 
							morts de la Grande Guerre, aux défenseurs de 
							Badonviller: «  qu'ils soient bénis, ajouta-t-il, 
							pour avoir sauvé le sol sacré de cette cité martyre 
							! » 
							 
							(1) Déjà en 1915, 16 et 17, pendant 
							les bombardements, des cérémonies commémoratives, 
							organisées par M. Fournier avaient eu lieu, honorées 
							chaque fois, de la présence de M. Mirman, de M. 
							Langeron, Sous-Préfet de Lunéville et des 
							Représentants de l'Armée. Après un service funèbre, 
							des couronnes et gerbes étaient déposées sur les 
							tombes des victimes. 
							 
							Après l'absoute, donnée par le vénéré et regretté 
							évêque, le cortège se reforma pr le pieux pèlerinage 
							aux tombes des victimes civiles et aux cimetières 
							militaires. Devant la croix, qui se dressait au 
							milieu de la nécropole, des discours furent 
							prononcés; celui de M. Benoit, maire, se termina par 
							ces mots, qui, dans la bouche de l'homme le plus 
							terriblement éprouvé de la ville, prennent une 
							signification d'une haute valeur morale: «  nous 
							n'avons pas de haine, la haine est indigne de nous, 
							nous devons seulement réclamer le châtiment 
							exemplaire des coupables». 
							
							  
							Photo Meurey, Celles-sur-Plaine. 
							M. l'Abbé MOUGIN, Curé-Doyen. 
							Ajoutons que 
							depuis, l'anniversaire de la terrible journée du 12 
							Août est célébré, avec la même ferveur et le même 
							cérémonial, en souvenir des victimes civiles et des 
							héros aujourd'hui réunis dans le vaste cimetière 
							militaire, prolongement du cimetière de la ville. 
							Dès 1920, sous les auspices de la municipalité, fut 
							constitué un Comité pour l'érection, sur l'une des 
							places publiques, d'un monument commémoratif en 
							l'honneur des victimes de Badonviller et des soldats 
							français et alliés tombés, au nombre de plusieurs 
							milliers, sur le territoire de notre canton martyr. 
							Un comité d'honneur, sous le haut patronage du 
							Président de la République, M. Millerand et de MM. 
							les Maréchaux Foch et Lyautey, et un comité 
							d'action, composé de M. E. Fournier, président; M. 
							Édouard Fenal, conseiller général et M. Coulon, juge 
							de Paix, vice-présidents; M. Carrier. trésorier et 
							M. Didierjean, secrétaire, réunirent en peu de temps 
							une somme suffisamment élevée pour la réalisation de 
							ce projet. Le 31 octobre 1923, une assemblée du 
							comité d'action, entre autres dispositions utiles, 
							décida l'organisation d'un concours d'artistes 
							français et alliés, et il fixa l'emplacement du 
							monument. Un Jury, composé de 15 membres, désignés 
							par le comité, porta unanimement son choix sur la 
							maquette présentée par MM. Antoine, architecte, à 
							Nancy et P. Bachelet, sculpteur à Paris. Dans une 
							dernière réunion, le 26 juin 1924, furent fixés les 
							derniers détails d'exécution. Sur ma proposition, il 
							fut décidé que sur la face postérieure du monument 
							figurerait la carte du canton, avec reproduction des 
							anciennes lignes de tranchées et inscription des 
							lieux célèbres par la violence de la lutte. 
							Parmi les premières adhésions et souscriptions 
							figure celle du général Marchand, le héros de 
							Fachoda, avec la lettre suivante, adressée à M. 
							Fournier, maire, le 7 juillet 1920. 
							 
							Paris, le 7 Juillet 1920. 
							4, Avenue Brouardel (VIIe) 
							Monsieur FOURNIER, Maire de Badonviller, 
							J'accepte bien volontiers de faire partie du comité 
							de patronage ou du comité d'organisation du monument 
							commémoratif de la grande guerre 14/18, que vous 
							projetez d'ériger sur le territoire de l'héroïque 
							Badonviller. 
							Nulle ville en France et sur tout le front 
							occidental n'est plus désignée, en effet, que la 
							vôtre, pour symboliser l'arrêt brutal et définitif 
							signifié dès le début de la guerre, et le premier 
							effet de surprise passé, à la marée germanique, qui 
							dut s'étaler entre Badonviller et Bréménil, dès sa 
							première étape sur une de ses principales routes 
							d'invasion, minutieusement reconnue et préparée 
							depuis longtemps. 
							Badonviller est, à ma connaissance, et sur le front 
							occidental, la ville la plus rapprochée des lignes 
							ennemies (1200 mètres), et que sa population ne 
							s'est jamais résignée un seul jour à abandonner. du 
							début des hostilités à l'armistice, en dépit de 
							l'imminent et quotidien danger de destruction 
							instantanée que l'artillerie lourde allemande fit 
							peser sur elle pendant chacune des heures des 
							cinquante mois d'un investissement presque complet. 
							Commandant les troupes françaises à la double 
							reprise de la ville des 14 et 25 septembre 1914, et 
							étant revenu exercer le commandement du secteur de 
							Baccarat pendant l'été de l'année 1917, je sais 
							mieux que personne ce que cette population lorraine, 
							vaillante entre les vaillantes, a souffert durant le 
							long martyre de quatre années, et j'ai eu bien des 
							occasions d'apprécier son héroïsme. sa foi 
							patriotique, sa ténacité sans précédent même du 
							Lorrain, sa résolution froide et tranquille de se 
							laisser ensevelir sous les ruines de ses maisons et 
							de ses monuments, plutôt que de fuir ou de céder. 
							Cela n'est pas phrase de littérature, pas même 
							langage de symboles. Ce sont des faits, des faits 
							vécus. J'ai vu des soldats de France et ceux 
							d'Allemagne aux prises sous les vergers, dans les 
							rues et sur les places de Badonviller l'indomptable. 
							J'ai vu ses maisons flamber dans la bataille. J'ai 
							vu ensuite, bien des fois, les gros obus tomber dans 
							les avenues et les jardins, défoncer les toits, 
							prélever une trop lourde rançon sur ses habitants 
							obstinés, et toujours la population sans émoi 
							visible, vaquer à ses occupations journalières, 
							aider au sauvetage, secourir les soldats blessés, 
							plaisanter avec des valides et les encourager. 
							J'ignore si ces choses de l'existence quotidienne de 
							guerre se sont vues ailleurs. Elles étaient monnaie 
							courante à Badonviller. Et je puis dire que cette 
							étonnante population avait réussi ce tour de force 
							de faire entrer la guerre, son drame permanent, trop 
							souvent ses horreurs, dans son geste domestique de 
							tous les jours, et de la traiter avec la même 
							indifférence née de l'accoutumance. 
							Je vous prie, Monsieur le Maire, de vouloir bien 
							agréer pour vous comme pour tous vos administrés, 
							l'hommage de mon respect admiratif. 
							Général Marchand. 
							 
							Aucun hommage ne pouvait venir de plus haut, ni être 
							prononcé avec une plus incontestable autorité. Le 
							général Marchand traduisait ainsi les termes concis 
							de la citation à l'ordre de l'armée qui ajoute un 
							immortel fleuron à la couronne de gloire de 
							Badonviller. 
							L'appel des comités d'honneur et d'action fut 
							entendu dans la France entière; il s'est répercuté 
							en échos profonds jusque dans le coeur des poilus 
							qui, sous le toit modeste où ils se reposaient de 
							leurs fatigues, de leurs souffrances, de leurs 
							blessures, ont répondu par l'envoi de leur obole. 
							Le 21 juin 1921, une belle manifestation eut lieu à 
							Badonviller. M. Dior, Ministre du Commerce, délégué 
							par le Gouvernement, vint, accompagné des sénateurs 
							et députés du département, pour la remise de la 
							croix de Guerre aux communes du canton. La réception 
							eut lieu sur une estrade dressée devant les ruines 
							de l'église. Des discours, très applaudis, furent 
							prononcés, par M. E. Fournier, maire, M. Édouard 
							Fenal, conseiller général, M. G. Mazerand, député et 
							par M. le Ministre. M. le général Penet épingla 
							ensuite la croix de Guerre sur des coussins 
							également ornés tenus par le maire de chacune des 
							communes d'Angomont, de Badonviller, de Bionville, 
							de Bréménil, de Fenneviller, de Neuviller, de 
							Pexonne, de Pierre-Percée, de Saint-Maurice, de 
							Sainte-Pôle, de Montigny et de Parux. 
							Cette imposante cérémonie, s'est terminée par la 
							remise des décorations individuelles et posthumes. «  
							Des veuves, des mamans sont venues sur l'estrade 
							recevoir la croix du fils, du mari disparu. Des 
							enfants ont été embrassés par le général, qui 
							épingla sur le petit veston, la croix de la Légion 
							d'honneur qu'avait gagnée le pauvre papa ! Et, 
							ajoute notre barde lorrain, Fernand Rousselot, ce 
							ruban rouge sur la poitrine du tout petit était une 
							chose plus émouvante que je ne saurais dire, 
							puisque, je l'avoue, elle m'a tiré de vraies larmes 
							». 
							L'oeuvre de reconstruction, marqua une première étape 
							par l'inauguration, le 28 Octobre 1923, de 
							l'Hôtel-de-ville, reconstruite sous la direction de 
							l'architecte, M. Deville, par les entrepreneurs 
							Gayet et Fauvet pour la maçonnerie; Chanot, pour la 
							menuiserie; Cottinaut, pour la plâtrerie et les 
							staffs; Roppenneck, pour la peinture et la 
							décoration; Cayette, l'artiste nancéien, qui a fait 
							la rampe du grand escalier et le magnifique balcon 
							de la fenêtre centrale; M. Corette, un enfant de 
							Badonvlller, qui a peint trois beaux panneaux 
							décoratifs, en dessus de porte pour le grand salon 
							et la salle du conseil attenante. 
							
							  
							Rue Thiers et son barrage crénelé au premier plan. 
							 
							  
							Ruines de la Grande Rue, aujourd'hui rue du Maréchal 
							Foch. 
							A droite, emplacement de l'ancienne "Porte d'en haut 
							ou Porte de France". Partie complètement détruite. 
							 
							  
							Entrée de la rue Notre-Dame. 
							 
							  
							Angle de la rue Saint-Martin et de la rue de la 
							Blette, maintenant rue Claudot. L'emplacement 
							de cet édifice en ruine, l'un des plus anciens de la 
							ville, est transformé en jardin. 
							 
							  
							Faubourg d'Alsace, aujourd'hui rue Pasteur, après 
							l'incendie du 12 août et les bombardements. 
							 
							  
							Chalet " Les Merises" sur la route de Pierre-Percée, 
							après les bombardements. 
							Propriété de M. Trudelle. 
							 
							  
							Ruines de la rue Chanzy vers l'hôpital. 
							 
							  
							Mitrailleurs en action en première ligne. 
							Chamois 1915. 
							 
							  
							Boyau de communication de Badonviller à Malgréjean, 
							en 1915. 
							 
							  
							Poste de commandement de la partie de la forêt "La 
							Charbonnière" où se trouvaient les abris connus sous 
							le nom de "Village Nègre". 
							 
							  
							Tranchée de 1re ligne, au Chamois. 
							 
							  
							Autre tranchée de 1re ligne au Chamois. 
							A 11 heures, le 
							Maire, M. Fournier, assisté du conseil municipal, 
							reçut les personnages officiels: M. Paul Bouët, 
							Sous-Préfet de Lunéville; M. G. Mazerand, député; M. 
							Ed. Fenal, conseiller général; M. le capitaine 
							Beaudouin; M. le Dr Jacquot, président de l'A.M.C.; 
							M. Feunette, président des médaillés militaires; M. 
							Parmentier, chef technique des Régions libérées; M. 
							Quinio, percepteur; M. Marchal, receveur des Postes; 
							M. Génin, directeur de l'École de Garçons; Mlle 
							Schaudel, directrice de l'École de Filles, l'un et 
							l'autre à la tête de leurs élèves. 
							Après l'exécution de la Marseillaise, par la musique 
							"l'industrielle" des Établissements Mazerand, des 
							discours furent prononcés, par M. Fournier, Maire; 
							M. Ed. Fenal; M. G. Mazerand et M. Paul Bouët, 
							Sous-Préfet qui, dans une spirituelle improvisation, 
							débuta ainsi: «  J'ai bien eu l'impression, tout à 
							l'heure, de pénétrer dans la maison commune de 
							l'ancien comté de Salm, en montant les marches de ce 
							somptueux escalier, où de magnifiques pompiers 
							montaient la garde », - Il félicita les architectes 
							et entrepreneurs d'avoir conservé à l'hôtel-de-ville 
							son style initial, du moins extérieurement. A 
							l'intérieur, ajouta-t-il, c'est une note de clarté 
							et de grâce qui prévaut; aussi, dans ces salles 
							envahies de lumière, dans une atmosphère de chaude 
							intimité, il n'est pas possible que l'on ne fit pas 
							de bonne administration. 
							M. G. Mazerand remit ensuite des médailles de 
							familles nombreuses à Mesdames Urbain, de Neuviller; 
							Chaudron, de Badonviller; Voinot, de Saint-Martin. 
							Le 14 juillet 1924, eut lieu l'inauguration du 
							Monument aux Morts du 358e R.I., que l'amicale des 
							anciens combattants du 358e R.I. a fait élever sur 
							la route de la Chapelotte, à la naissance des 
							chemins d'Angomont et du Chamois. 
							Le Dimanche 19 Octobre 1924, Mgr de la Celle, évêque 
							de Nancy, accompagné de M. le vicaire-général 
							Barbier, vint baptiser, en grande solennité les 
							quatre cloches de l'église, fondues par M. Farnier, 
							de Robécourt, et dont voici la description : 
							1re Cloche. Bourdon - Do - a reçu les noms de Édith, 
							Marie, Rose, Paule, France. 
							Parrains: MM. Édouard Fenal; Louis Danjou ; Georges 
							Vouaux. 
							Marraines: Mesdames Fournier-Crouzier; Didierjean; 
							Mademoiselle Henriette-Rose Schaudel. 
							2me Cloche - Fa - a reçu les noms de Léonie, 
							Charlotte, Alice, Suzanne, Claude. 
							Parrains: MM. Pierre Jacquemin; Louis Ory; Théophile 
							Poussardin. 
							Marraines: Mesdames Calon-Messier; Diedler; Morel. 
							3me Cloche - Sol - a reçu les noms de Marguerite, 
							Marie, Anne. 
							Parrains : MM. Edmond Crépin ; André Spatz; Léon 
							Lemoine. 
							Marraines: Mesdames Besnard-Licourt; Duvic;. 
							Mademoiselle Hovasse. 
							4me Cloche - La - a reçu les noms de Marie, Anita, 
							Henriette, Gabrielle. 
							Parrains: MM. Henri Geoffroy; Honoré Siatte; Pierre 
							Gondrexon. 
							Marraines: Mesdames Pointeaux-Marchal; Friedel; 
							Mademoiselle Gruber. 
							C'est M. l'abbé Kruchten, professeur à Saint-Pierre 
							Fourier, de Lunéville, qui s'acquitta très 
							éloquemment du sermon de circonstance, devant la 
							foule assemblée sur le parvis de l'église. 
							Une année entière se passa encore, durant laquelle 
							on dut continuer à utiliser le baraquement-chapelle 
							aménagé en 1920, à gauche de l'entrée du cimetière. 
							Cependant pour éviter les inconvénients et même les 
							dangers qu'offrait ce local délabré surtout en 
							hiver, les travaux avaient été vigoureusement 
							poussés. Aussi, l'église, entièrement rétablie dans 
							son état primitif, put être inaugurée le 22 novembre 
							1925. Malgré la rigueur de la température, de 
							nombreux étrangers étaient venus se joindre à la 
							population locale pour cette imposante cérémonie, 
							présidée par Mgr de la Celle, assisté de M. le 
							vicaire-général Barbier, de M. l'archiprêtre de 
							Briey, M. Baillly et de M. le chanoine Lacombe, 
							supérieur de Saint-Pierre Fourier. 
							C'est M. Bailly, qui, en son ancienne qualité de 
							curé de Badonviller, avait dit la dernière messe la 
							veille de la destruction de l'église, eut l'honneur 
							de célébrer la première dans le nouveau sanctuaire 
							magnifiquement paré. 
							Les travaux de reconstruction, dirigés par M. Guêt, 
							architecte en chef des monuments historiques et par 
							M. Paul Charbonnier, architecte départemental, 
							furent exécutés par l'entrepreneur M. F. Bancon, 
							assisté de M. Bailly, de Baccarat et de M. Max 
							Braemer, sculpteur à Paris. Les vitraux sont l'oeuvre 
							de M. Gruber, de Paris; la ferronnerie d'art 
							(lustres, etc), de MM. E. Borderel et Robert, de 
							Paris; les trois autels, de la Marbrerie Vienne, de 
							Consolre (nord); les bronzes d'ornement (portes des 
							tabernacles, croix, chandeliers, etc), de MM. Biais, 
							frères, de Paris; l'orgue, de M. Jacquot, de 
							Rambervillers; la menuiserie d'art (chaire, 
							confessionnaux etc), de la maison Buisine, de Lille. 
							La Pietà du monument aux morts est due au ciseau du 
							statuaire Vermare, de Paris et le chemin de croix, à 
							H. Chantrel, fils, de Paris. L'installation 
							électrique est l'oeuvre de la Société du Beffroi 
							électrique, à Paris, et de M. Louis Fages, 
							électricien à Lunéville. 
							Le chauffage central fut installé par la maison L. 
							Drevet, de Paris. 
							 
							 
							L'horloge a été fournie par M. Paul Blot-Garnier, de 
							Paris. 
							Nous terminerons cette deuxième Partie, que nous 
							aurions voulu plus détaillée, s'il n'avait fallu se 
							borner, en donnant le compte rendu intégral de la 
							mémorable fête de la Résurrection du 1er août 1926. 
							
							  
							Cimetière militaire, faisant suite au cimetière de 
							Badonviller. 
							 
							  
							Bas-relief taillé dans le roc, en 1915, par le 
							sculpteur Sartory, en bordure de la route, qui 
							contourne au sud les ruines du château de 
							Pierre-Percée et descend vers le village tout proche 
							
							 
							Relation de la fête du 1er Août 1926. 
							Le 1er Août 1926 
							marquera une date mémorable et glorieuse dans les 
							Annales de Badonviller. Magnifiquement parée, ornée 
							de verdure, d'arcs de triomphe, de guirlands, de 
							fleurs, de banderolles multicolores, de drapeaux et 
							d'oriflammes aux couleurs nationales et de Lorraine, 
							la Ville ressuscitée inaugurait son majestueux 
							Monument du Souvenir, en même temps qu'elle fêtait 
							la reconstruction de son église, de ses écoles, de 
							ses maisons, dans le cadre prestigieusement embelli 
							de ses rues élargies, de ses avenues et de ses 
							places publiques. 
							Suivant la tradition celtique, du jour commençant et 
							finissant avec le coucher du soleil, la fête, dès la 
							disparition de l'astre du jour et l'apparition du 
							crépuscule, fut annoncée par la sonnerie de toutes 
							les cloches dont le joyeux carillon, ponctué par la 
							note grave du bourdon, alla porter au loin, dans les 
							villages et les hameaux du canton, cet harmonieux 
							prélude aux solennités du lendemain. 
							Se conformant au programme établi par la 
							municipalité, sous l'active impulsion de son maire, 
							M. E. Fournier, l'incomparable organisateur de la 
							fête, la population se porta alors en foule à la 
							gare où à l'arrivée du dernier train, qui amenait 
							les invités, eut lieu la réception du glorieux 
							drapeau des Chasseurs, dont l'autorité militaire, 
							par une faveur exceptionnelle hautement appréciée, 
							avait autorisé le déplacement de son lieu de dépôt 
							de Vincennes à Badonviller, rendant ainsi ce suprême 
							honneur à la bravoure, la vaillance et l'héroïsme 
							des chasseurs des 20 et 21 e bataillons tombés 
							nombreux, hélas ! dans la sanglante journée du 12 
							août 1914. 
							L'apparition du glorieux emblème, bien qu'enroulé 
							dans sa gaine, fit sur la foule une impression 
							profonde, se manifestant par une émotion contenue 
							éclatant soudain en de chaleureux applaudissements. 
							Le cortège, précédé de la musique de la faïencerie 
							Fenal, se mit ensuite en marche et, comme si un 
							voile funèbre se fût tout à coup étendu sur la 
							ville, c'est dans les rues plongées dans les 
							ténèbres que la foule, derrière le drapeau et son 
							escorte d'honneur, se rendit sur la place de 
							l'église où un phare installé à proximité fit 
							apparaître en éclatante lumière, le groupe de 
							figures de la partie supérieure du pylone de pierre. 
							Avec le cérémonial règlementaire, le drapeau fut 
							étendu sur les faisceaux, que l'escorte militaire 
							forma à quelques pas du monument. La garde d'honneur 
							fut assurée toute la nuit par les anciens 
							combattants se relayant d'heure en heure. Suivant 
							l'usage lorrain, le glas funèbre des cloches se fit 
							entendre par intervalles depuis le commencement de 
							la veillée d'armes jusqu'après minuit. Il reprit dès 
							l'aube, donnant ainsi à cette nuit le caractère 
							funèbre, que la fête devait garder jusqu'après la 
							solennelle inauguration du monument. 
							Les cérémonies de cette inoubliable journée 
							commencèrent par la réunion des autorités locales et 
							des invités, à huit heures et demie devant la 
							Mairie. Précédés de la musique et des drapeaux, tous 
							se rendirent à l'église. L'affluence en y arrivant 
							était telle, qu'une partie seulement des assistants 
							put pénétrer dans l'intérieur. Un magnifique 
							catafalque se dressait devant l'entrée du choeur où, 
							de chaque côté, les drapeaux inclinés rendaient le 
							suprême honneur aux héros immatériellement 
							représentés par le symbolique cénotaphe. 
							Le service funèbre fut célébré par M. le Curé-Doyen 
							Mougin, titulaire de la médaille militaire; après 
							l'absoute, eut lieu la bénédiction du monument 
							commémoratif, qui orne l'un des côtés de la chapelle 
							située à l'extrémité méridionale de la nef latérale 
							de gauche. Ce monument représente une Pietà en 
							bas-relief, accostée de panneaux de marbre blanc 
							portant gravés les noms des victimes de la guerre. 
							Le clergé se rendit ensuite sur la place 
							nouvellement aménagée à droite du parvis de 
							l'église, sur l'emplacement de l'ancienne école de 
							Filles, où se dresse maintenant l'admirable Monument 
							du Souvenir. M. le Curé Doyen procéda à la 
							bénédiction liturgique, en présence des autorités 
							locales, des délégations avec leurs drapeaux et 
							d'une foule silencieuse et recueillie. 
							Il est neuf heures et demie, et cette cérémonie 
							étant termonée, les assistants se rendent à 
							l'Hôtel-de-Ville, où doit avoir lieu la réception 
							des délégués du Gouvernement. Bientôt arrive, 
							précédé d'une escorte du 8e dragons, le Maréchal 
							Joffre, en tenue très simple bleu horizon, coiffé de 
							son légendaire képi rouge, qui maintenant est orné 
							de trois rangs glorieux de feuilles de chêne. Il 
							était accompagné des généraux Mordrelle et de Metz, 
							de M. le Commandant Koenig, délégué de l'ambassadeur 
							des Etats-Unis, de M. Bouché, Inspecteur général 
							représentant le ministre de l'instruction Publique, 
							de M. André Magre, Préfet et M. Léon Mirman, Préfet 
							de guerre, de M. Georges Mazerand, Député, de MM. 
							Ed. Th. Fenal, Adrien Michaud, Albert Tourtel, 
							Charles Sadoul, conseillers généraux. 
							La réception eut lieu dans le grand salon de 
							l'Hôtel-de-Ville, où M. Fournier, maire et M. 
							Diedler, premier adjoint souhaitèrent la bienvenue 
							et firent les présentations d'usage. Cinq jeunes 
							filles, dont quatre pupilles de la Nation, offrirent 
							des gerbes de fleurs. Denise Schurra, en présentant 
							sa gerbe, s'exprima ainsi: 
							«  Monsieur le Maréchal, je suis heureuse et fière de 
							vous offrir ces fleurs et de vous exprimer la joie 
							et la vive reconnaissance de toute la population de 
							Badonviller, pour l'honneur que nous fait le grand 
							généralissime vainqueur de la Marne, d'être venu 
							présider cette fête de la Reconstitution et du 
							Souvenir ». 
							Jeanne Martin s'exprima de son côté comme suit: 
							«  Monsieur l'Inspecteur général, j'ai le grand 
							plaisir de vous offrir ces fleurs en reconnaissance 
							de l'honneur, hautement apprécié, d'être venu 
							assister à la fête si longtemps désirée de la 
							reconstitution de Badonviller, embellie par 
							l'admirable groupe scolaire ». 
							Jeanne Diedler, en remettant sa gerbe à Monsieur le 
							Préfet, ajoute: 
							«  Daignez accepter ces fleurs, avec l'expression de 
							notre vive gratitude pour les marques nombreuses de 
							bienveillance et de sollicitude données à notre cher 
							Badonviller », 
							Gilberte Fournier-Laviron, s'adressant à Monsieur 
							Georges Mazerand, Député, s'exprime ainsi: 
							«  j'ai le grand honneur de vous offrir ces fleurs en 
							témoignage de notre vive et profonde reconnaissance, 
							pour le haut appui que vous n'avez cessé de nous 
							donner pendant les années d'épreuves qui ont précédé 
							cette fête de la reconstitution de Badonviller ». 
							Andrée Gruber, en remettant sa gerbe à Monsieur le 
							Commandant Koenig, représentant des États-Unis, le 
							complimente ainsi: 
							«  Les fleurs, que je suis fière de vous offrir sont 
							un faible témoignage de l'admiration que nous avons 
							conservée pour les vaillants soldats d'Amérique 
							tombés à côté des nôtres et dont cette fête glorifie 
							le souvenir ». 
							Le cortège officiel se reforme ensuite pour se 
							diriger, par la rue Thiers superbement décorée, vers 
							le cimetière d'où, par la grande allée centrale, il 
							gagne le cimetière militaire qu'il traverse 
							lentement. Rien de plus impressionnant, que ce 
							tableau d'une foule émue jusqu'aux larmes, 
							s'avançant silencieuse derrière l'illustre chef de 
							nos Armées, qui n'eut qu'un signe à faire pour que 
							les héros, dormant ici sous les innombrables petits 
							tertres uniformément ornés d'une croix blanche et 
							d'un petit drapeau tricolore, courussent à là mort 
							et à la victoire, heureux de sacrifier leur vie pour 
							la défense du foyer et le salut de la Patrie ! 
							Arrivé à l'extrémité du champ de repos et après 
							l'émouvant appel "au Drapeau" suivi d'un moment de 
							profond recueillement, le cortège se remit en marche 
							pour se rendre sur la place de l'église, où le 
							monument élevé à la gloire des victimes de 
							l'horrible guerre, se dresse maintenant, en souvenir 
							immortel, sur le ciel lumineux et le merveilleux 
							fonds de verdure des massifs étagés de la vaste 
							forêt des Elieux. 
							
							  
							Poste de secours du "Village Nègre", sur la route de 
							la Chapelotte. 
							 
							  
							Tranchée de soutien sur la route de la Chapelotte. 
							 
							  
							Poste de commandement du " Rendez-vous des 
							Chasseurs", sur la route de la Chapelotte. 
							 
							  
							Tranchées et ruines du Chamois à 1500 mètres de 
							Badonviller. 
							 
							  
							Tranchées dans la forêt du "Village Nègre" 
							 
							  
							Camp de "Ker-Arvor", dans la forêt de Pexonne, vers 
							la tranchée de Raon. 
							 
							  
							Dévastation de la forêt du Gros Hêtre, sur le chemin 
							de Thiaville-Angomont 
							 
							  
							Propriété de M. Adrien Michaut, Maire de Guerre de 
							Baccarat, à Thiaville, près du chemin d'Angomont. 
							 
							  
							Tranchées des étangs de Thiaville, dans le 
							pittoresque vallon d'Allencombe. 
							 
							  
							Poste de commandement au Chamois. 
							 
							  
							Canon de la défense aérienne près de Badonviller, en 
							1916. 
							 
							  
							Pièce de 120 long participant à la défense de 
							Badonviller en 1915 et 1916, installée dans la 
							tranchée de "la Galisière ". 
							 
							  
							Photo J. Scherbeck; Nancy. 
							M. Henry ANTOINE, 
							Architecte à Nancy. 
							«  Ce monument, 
							impressionnant de grandeur et de simplicité, est dû 
							à deux jeunes artistes de talent : Henry Antoine, 
							architecte à Nancy et E. J. Bachelet, sculpteur à 
							Paris. Au-dessus d'un pylone de pierre, élancé, 
							s'érige une calme et grave Victoire (bien 
							Française), les ailes étendues. A sa droite, un 
							poilu armé et casqué, figurant les morts militaires 
							; à sa gauche, une femme au visage émergeant d'un 
							voile, symbolise les victimes civiles. Sur deux bas 
							reliefs de bronze, d'un côté l'antique forteresse 
							médiévale du comté de Salm, de l'autre l'incendie de 
							l'église en 1914. Aux flancs du pylone, les noms 
							gravés des morts. Derrière, un plan montrant les 
							tranchées de ce secteur particulièrement émouvant, 
							puisqu'il comprenait la fameuse et tragique 
							Chapelotte». (1) Au devant du monument, une sorte de 
							bas autel supporte une cassolette en pierre ornée de 
							quatre casques français, anglais, belge, américain. 
							(1) 
							Description de mon honoré confrère de l'Académie de 
							Stanislas, M. René d'Avril, dans l'Eclair de l'Est. 
							
							  
							Photo Bernés et Marouteau, 
							E. J. BACHELET, Sculpteur à Paris 
							Aux pieds de la 
							victoire figurent les armes de Badonviller, telles 
							qu'elles ont été dessinées par le savant héraldiste 
							lorrain, M. Edmond des Robert, Président de 
							l'Académie de Stanislas et de la société 
							d'Archéologie lorraine : de gueules à deux saumons 
							adossés d'or, l'écu semé de croix recroisetées et 
							fichées de même, orné extérieurement, en pointe, 
							d'une croix de guerre pendante. Au-dessous, est 
							gravée la citation de la ville de Badonviller à 
							l'Ordre de l' Armée: 
							«  Ayant eu à supporter, au début des hostilités, les 
							souffrances de l'occupation et la destruction 
							systématique de l'envahisseur, sut conserver 
							ensuite, aux cours des nombreux bombardements qui se 
							succédèrent jusqu'à l'Armistice, un courage stoïque 
							au milieu des privations de toutes sortes et des 
							dangers continuels, prouvant ainsi l'indomptable 
							énergie de ses habitants et leur foi dans la 
							victoire ». 
							Sur de larges tribunes, à gauche du monument, 
							prirent place les autorités et autres personnalités: 
							le maréchal Joffre, à ses côtés, les deux Préfets 
							MM. Léon Mirman et André Magre, ainsi que M. 
							Mazerand, député; le commandant Koenig, l'inspecteur 
							général de l'Enseignement primaire, M. Bouché; les 
							généraux Mordrelle et de Metz; le commandant Sauvain; 
							MM. Ed. Fenal, Adrien Michaut, Albert Tourtel, 
							Charles Sadoul, conseillers généraux, Émile 
							Fournier, maire, Diedler, premier adjoint ; M. 
							Coulon, Inspecteur de l'enseignement primaire, M. L. 
							Schaudel, Juge de Paix intérimaire et président de 
							la délégation cantonale, MM. Guët, architecte en 
							chef et P. Charbonnier, architecte départemental des 
							monuments historiques, M. H. Antoine, architecte et 
							M. J. Bachelet, sculpteur du monument, etc .... 
							A l'arrivée du cortège, les fillettes des écoles, en 
							toilettes claires, sous la direction vigilante de 
							leurs maitresses, déposèrent au pied du monument les 
							magnifiques gerbes de fleurs dont leurs bras étaient 
							chargés. Les garçons, aussi sous la conduite de 
							leurs dévoués maîtres, déposèrent leurs bouquets, 
							pendant que les groupes d'anciens combattants 
							apportaient d'immenses couronnes. 
							Le glorieux drapeau des Chasseurs à pied et les 
							drapeaux des sociétés locales se groupèrent autour 
							du monument. 
							Sur un signe du Maire, la "Céramique" de la 
							Faïencerie de Badonviller et l'Industrielle des 
							Établissements Mazerand jouent la Marseillaise, 
							pendant que le voile tricolore couvrant le monument 
							est descendu lentement et que la flamme du souvenir 
							s'allume à l'autel de pierre supportant les casques 
							symboliques des soldats alliés. L'hymne national 
							américain est ensuite exécuté. Tous les fronts se 
							sont découverts. Un roulement de tambour annonce les 
							deux minutes de silence. Une émotion profonde 
							étreint les coeurs. Des larmes mouillent les yeux de 
							ceux qui se souviennent, de celles qui n'ont pas 
							encore quitté leurs robes noires. (1) 
							 
							(1) M. Achille Liégeois, dans l'Est 
							Républicain. 
							
							  
							M. ÉMILE FOURNIER, Maire de Badonviller. 
							M. le Maire, 
							ÉMILE FOURNIER, se lève pour prendre le premier la 
							parole et prononcer le discours suivant: 
							Il y a douze ans aujourd'hui même, notre Cité, 
							placée à quelques kilomètres de l'ancienne frontière 
							et qui avait son territoire déjà protégé par les 
							troupes de couverture, était brusquement arrachée à 
							son labeur paisible. La mobilisation, qui pour nous 
							tous, signifiait la guerre, venait de sonner. La 
							Patrie était en danger. A cet appel, tous nos 
							concitoyens, animés d'une foi ardente et 
							patriotique, répondaient avec enthousiasme, 
							manifestant l'espoir d'un retour prochain après une 
							victoire rapide escomptée de tous. 
							Mais hélas, l'ennemi était proche et dans les mois 
							qui suivirent, Badonviller, l'ancienne capitale du 
							comté de Salm, au passé glorieux et souvent agité, 
							connut les pires épreuves de son histoire. 
							Aucune souffrance ne lui fut épargnée. Trois fois 
							envahie, elle supporta, dès le 12 août 1914, une des 
							premières de France, les méthodes barbares de 
							l'ennemi: le vol, le pillage, l'incendie méthodique, 
							le prélèvement d'otages, la brutalité et 
							l'assassinat sans motif. 
							Puis vinrent les attaques de février 1915; un nouvel 
							exode des habitants, l'ennemi s'installant à 1000 
							mètres de la ville et s'y accrochant jusqu'aux 
							derniers jours de la guerre; les combats furieux du 
							Chamois, de la Chapelotte; 190 bombardements à 
							petits et à gros calibres; les émissions de gaz 
							asphyxiants; ses terrains défoncés et bouleversés; 
							ses forêts saccagées; 203 maisons détruites dont 
							tous les bâtiments publics; 205 autres maisons et 
							ses usines gravement endommagées et enfin le 31 mai 
							1918, l'évacuation totale et l'abandon forcé de la 
							commune. 
							Puis vint la victoire décisive, l'armistice, le 
							retour des guerriers et de la population dans les 
							ruines; c'est alors que l'on se compta et que fut 
							établi le triste bilan des pertes humaines, hélas 
							irréparables: 100 de nos compatriotes étaient 
							glorieusement tués à l'ennemi et ne répondaient plus 
							à l'appel, 7 autres moururent ensuite de leurs 
							blessures ou maladies contractées au service; 27 
							habitants étaient tombés victimes de la barbarie 
							allemande ou sous les obus, sans compter la longue 
							liste de nos concitoyens morts prématurément en 
							exil, terrassés par suite de l'abandon des êtres 
							chers, du clocher natal, de leurs biens et souvenirs 
							pour eux détruits à jamais. 
							Une immense tâche s'offrait donc aux vivants: 
							déblayer, défricher, organiser et reconstruire. 
							Comme durant la guerre chacun accourut à ce nouvel 
							appel de la Patrie et se mit résolument à l'oeuvre. 
							Tout à l'heure, nous énumérerons les résultats 
							obtenus et exprimerons notre gratitude à tous les 
							auxiliaires de notre résurrection matérielle. 
							Mais un autre devoir s'imposait à nous; rendre 
							hommage à nos morts glorieux ; unir dans cet hommage 
							les nobles soldats de France et d'Amérique qui, 
							venus nous défendre, ont versé leur sang par 
							milliers sur notre territoire; perpétuer le souvenir 
							de tous, leur marquer notre gratitude en l'étendant 
							à tous les mutilés et les survivants, rios 
							Défenseurs. 
							Là encore, Badonviller ne voulut pas démériter. Dès 
							1920, le Conseil Municipal constitua un comité pour 
							l'érection d'un Monument Commémoratif digne d'un tel 
							programme. Grâce à la bonne volonté, à la 
							collaboration et à la générosité de tous, il put 
							accomplir sa tâche avec un résultat dépassant toutes 
							les espérances. Au nom du Comité, j'adresse nos plus 
							vifs sentiments de reconnaissance à tous les 
							généreux donateurs de Badonviller et du canton, aux 
							sociétés locales, aux dévoués collecteurs de 
							souscriptions, quêteurs, quêteuses, organisateurs de 
							fêtes, à la presse et à tous ceux qui de près ou de 
							loin nous ont aidés et encouragés. 
							Il fallut cependant retarder la mise à l'étude et 
							l'érection du Monument, la ville bouleversée par son 
							plan d'alignement et les travaux de reconstruction 
							ne permettant pas l'aménagement de la place choisie, 
							occupée par les dépôts de diverses entreprises. 
							C'est seulement après les gros travaux exécutés, en 
							1924, que le comité décida la mise en concours de 
							l'ouvrage et le Jury porta son choix sur la belle 
							oeuvre que je suis heureux de vous présenter et qui 
							est due aux grands talents de Messieurs Bachelet 
							statuaire et Antoine architecte, que j'ai grand 
							plaisir de féliciter chaleureusement et de remercier 
							au nom du Comité et de la population entière. M. 
							Bancon entrepreneur, exécuta le gros oeuvre d'une 
							façon remarquable. 
							Comme au 1er août 1914, Badonviller s'est réveillée 
							ce matin avec un bel enthousiasme. Tous ses enfants 
							répondant à l'appel de leur coeur se trouvent réunis 
							ici pour rendre un solennel hommage à ceux qui ont 
							permis que notre cité reste Française. 
							C'est en effet les fêtes du souvenir et de la 
							reconnaissance qui nous rassemblent ici au pied de 
							ce monument élevé dans un cadre magnifique dominant 
							la ville, à l'ombre du clocher reconstruit. Il est 
							conçu en style moderne comme se sont battus à la 
							moderne les soldats de la Grande Guerre. 
							Trois figures allégoriques le surmontent: au centre, 
							la France glorieuse et reconnaissante tenant une 
							pleine brassée de feuilles de chêne et de lauriers. 
							A droite, une femme en deuil personnifiant la 
							courageuse population de la ville restée pendant 
							quatre ans sous les bombardements en première ligne, 
							après les terribles épreuves d'août 1914. A gauche, 
							un soldat à l'image de ceux qui sont morts ou de 
							ceux qui sont revenus après avoir si vaillamment 
							défendu la France et lui avoir donné la victoire. 
							A la base, émerge d'un trophée de casques français 
							et américains pour perpétuer la participation de ces 
							derniers à la défense de la ville, un foyer, d'où 
							s'échappera, les jours anniversaires, la flamme du 
							souvenir, semblable à celle qui surmonte nuit et 
							jour la tombe du Soldat Inconnu sous l'Arc de 
							Triomphe. 
							Deux bas-reliefs ornent le monument: l'un rappelant 
							l'incendie et le pillage de Badonviller en 1914; 
							l'autre, le passé historique de la ville, ancienne 
							capitale fortifiée des comtes de Salm. 
							Sur la face principale, figure la belle citation à 
							l'Ordre de l' Armée que le Gouvernement de la 
							République a décernée à Badonviller et qui atteste 
							aux yeux du monde que durant toutes ses épreuves et 
							malgré les dangers permanents, chacun ici sut faire 
							humblement son devoir et tout son devoir. 
							Sur la face postérieure se détache la carte du 
							canton avec les lignes du front et les lieux rendus 
							célèbres par la vaillance de nos défenseurs. 
							En dessous on lit en termes lapidaires les diverses 
							phases du sac et de la défense de la ville de 1914 à 
							1918. 
							Nous sommes fiers et satisfaits d'avoir pu mener à 
							bien l'érection de cette belle oeuvre d'art digne du 
							but proposé et de ceux qu'il honore. 
							Ce monument marque d'abord l'arrêt de l'ennemi aux 
							portes de la ville pendant quatre années. Il rend 
							ainsi un hommage éclatant aux vaillantes troupes, 
							inscrites sur sa stèle, dont nous sommes si heureux 
							de saluer ici les délégués et plusieurs de leurs 
							chefs. Après avoir rejeté trois fois les armées 
							Allemandes souvent supérieures en nombre, ils ont 
							arrêté dans des conditions pénibles et meurtrières 
							leurs retours offensifs. A eux nous devons que 
							Badonviller n'ait pas été sous la botte pendant 
							quatre années et nous leur crions ici notre 
							affectueuse reconnaissance et notre impérissable 
							souvenir. 
							Il est élevé, en outre, en l'honneur des 107 enfants 
							de Badonviller "Morts pour la France". Cette longue 
							liste est imposante pour 2000 habitants. Nos chers 
							compatriotes étaient partis en 1914 forts, sans une 
							plainte. Ils connurent pour la plupart toutes les 
							souffrances de l'affreuse guerre; rien ne leur a été 
							épargné, ni la faim, ni la soif, ni les fatigues. 
							Ils ont connu l'accablement des interminables 
							veillées aux postes d'écoute, les émotions des 
							patrouilles dans la nuit, l'horreur des 
							bombardements, les angoisses de l'infernale guerre 
							de mine, les appréhensions de l'attaque. Ils ont 
							enduré la chaleur, le froid, la pluie, la neige, la 
							boue, les blessures, puis la mort. 
							Nous leur devions ce témoignage de reconnaissance et 
							devions perpétuer leur souvenir en inscrivant leurs 
							noms sur cette pierre. Pour nous, survivants, nos 
							coeurs n'ont pas besoin de rappel; mais les 
							générations futures doivent conserver leur mémoire 
							et seront ainsi appelées à méditer sur leurs 
							sacrifices. 
							Aux familles de ces chers disparus, qui aujourd'hui 
							sentent leur douleur ravivée, nous adressons à 
							nouveau l'expression de notre profonde sympathie. 
							
							  
							Cérémonie commémorative du 12 août 1919 célébrée 
							devant la façade de l'église de Badonviller en ruine 
							et présidée par Mgr Ruch, aumônier de guerre du 
							20ème Corps d'Armée et actuellement évêque de 
							Strasbourg. 
							 
							  
							Remise de la Croix de Guerre à dix communes du 
							canton de Badonviller, le 21 Juin 1921 
							 
							  
							Vue générale de Badonviller. 
							 
							  
							Croix de Guerre de Badonviller attachée à un 
							écusson, aux armes de la ville, que montre à la 
							foule, son Maire, M. E. Fournier. 
							 
							  
							Façade et dôme de l'église de Badonviller après leur 
							restauration. 
							 
							  
							Intérieur de l'église après son entière 
							reconstitution. 
							 
							  
							Bénédiction des quatre cloches de l'église de 
							Badonviller, le 19 Octobre 1924, par Mgr. de la 
							Celle, évêque de Nancy. 
							 
							  
							Grand Salon de l'Hôtel-de-Ville où eut lieu la 
							réception des autorités par la Municipalité de 
							Badonviller, le 1er Août 1926. 
							 
							  
							Monument du 358e R. d'infanterie, sur la route de la 
							Chapelotte à la naissance du chemin d'Angomont. 
							 
							  
							Intérieur de l'église. Vue prise du choeur après le 
							bombardement du 12 Août 1914. 
							 
							  
							Façade principale de l'Hôtel-de-Ville après sa 
							reconstruction. 
							 
							  
							Façade méridionale de l'Hôtel-de-Ville reconstruit. 
							Ce monument 
							rappelle, de plus, le nom de nos innocentes victimes 
							civiles. Au même titre que les soldats, ils ont 
							acquis le droit de figurer sur ce tableau d'honneur. 
							Au nombre de onze, ils sont tombés dans cette 
							tragique journée du 12 août 1914, dont tous les ans 
							nous rappelons, pour l'enseignement des jeunes 
							générations, l'anniversaire. Sans distinction d'âge 
							ni de sexe, ils ont été lâchement assassinés et 
							martyrisés sans aucun motif par un ennemi sans 
							pitié. Seize autres sont morts au cours des 
							bombardements de la ville, ou des suites de 
							blessures de guerre. 
							Leur mémoire restera parmi nous, comme un symbole de 
							courage et de résignation. 
							Il exalte enfin les sacrifices des milliers de 
							soldats venus de tous les coins de France, du Maroc 
							et de la lointaine Amérique pour former de leurs 
							corps une barrière à l'envahisseur et arroser de 
							leur sang généreux le territoire de notre canton 
							martyr. 
							Héroïques Chasseurs à pied des 17e, 20e et 21e 
							bataillons, qui, écrasés par le nombre et malgré des 
							charges épiques, ont dû, la rage au coeur, se replier 
							en août 1914 laissant tant de nobles victimes sur le 
							terrain du combat, je salue ici bien bas leurs 
							représentants et leur glorieux drapeau, que nous 
							sommes heureux et si fiers de posséder, pour, en son 
							image, manifester notre amour, notre respect et 
							notre dévouement envers la Patrie et l'Armée entière 
							qu'il représente. Braves fantassins du 13e Corps, 
							Alpins et Spahis de la Brigade Marchand qui nous 
							délivrèrent des invasions; vaillants chefs et 
							soldats de la 71e Division d'infanterie et du 39e 
							R.I.T. qui avez soutenu le choc en 1915 et 1916 et 
							qui nous avez préservés d'un nouveau retour des 
							Boches; à tous les survivants représentés si 
							nombreux ici, nous renouvelons notre admiration. 
							Glorieux défenseurs du bois des Chiens, de Neuviller, 
							du Haut d'Arbre, du Chamois, de Malglève, du Gros 
							Hêtre, des étangs de Thiaville et de la Chapelotte, 
							tués si nombreux au milieu des 8e, 13e et 21e corps 
							d'armée, 7e, 12e, 17e, 21e, 38e, 41e, 42e, 43e, 47e, 
							61e, 62e, 71e, 76e, 77e, 128e et 170e divisions 
							d'infanterie; 45e division marocaine; 6e division de 
							cavalerie : 10e division coloniale; 42e et 77e 
							divisions américaines; les chasseurs cyclistes de la 
							2e division de cavalerie; 39e, 52e, 54e et 115e 
							régiments territoriaux d'infanterie. 
							Nous avons connu votre vaillance, votre abnégation 
							et votre mort héroïque. Vous reposez en partie près 
							de nous en ce cimetière national que nous venons de 
							fleurir. Soyez assurés, que nos populations ne sont 
							pas ingrates et que nous n'oublierons jamais votre 
							sacrifice. Magnifiques soldats de la grande 
							Amérique, qui, sentant le droit menacé et se 
							souvenant du geste de nos pères, avez traversé 
							l'Océan pour barrer la route aux Germains. Ici, les 
							premiers de vous sont tombés, et hélas, nombreux. 
							Nous avons voulu que ce geste soit commémoré sur ce 
							monument et ces casques mêlés à ceux des nôtres 
							diront à vos compatriotes que les Lorrains et les 
							Français n'oublient pas et qu'ils unissent dans une 
							même piété tous leurs sauveurs. 
							A la demande de notre ami, Monsieur le Député 
							Mazerand, et en raison des circonstances présentes, 
							qui retiennent toute l'attention et empêchent le 
							déplacement de Messieurs les Ministres, le 
							Gouvernement de la République a désigné pour le 
							représenter à nos cérémonies et apporter ses 
							condoléances aux familles en deuil, un des chefs les 
							plus éminents et les plus aimés de nos armées, 
							Monsieur le Maréchal Joffre, le glorieux vainqueur 
							de la Marne, le sauveur de la France en 1914. 
							Ce choix nous a remplis de joie, puisqu'il nous 
							procure l'heureuse occasion de vous témoigner, 
							Monsieur le Maréchal, notre admiration et notre 
							gratitude. 
							Tout à l'heure, dans une courte visite de la ville, 
							nous passerons par l'avenue du Maréchal Joffre, qui 
							voisine avec celle du 20e Corps, de Monsieur le 
							Maréchal Foch et du Général Gérôme, notre éminent 
							compatriote. Ce sera pour vous une preuve, Monsieur 
							le Maréchal, qu'en Lorraine et à Badonviller, l'on 
							se rappelle que nous vous devons, ainsi qu'à vos 
							superbes soldats, une grande part de la victoire. 
							En venant dans notre cité martyre, vous nous avez 
							fait un grand honneur. Nous vous en sommes 
							profondément reconnaissants. 
							Monsieur le Premier Adjoint, 
							Au nom du comité, je vous confie la garde de ce 
							monument pour que la ville veille sur lui et le 
							protège contre toute atteinte et afin qu'il dresse 
							toujours sa fière silhouette au-dessus de notre 
							cité, comme étant l'expression de notre éternelle 
							reconnaissance et de notre fidèle souvenir. 
							 
							M. DIEDLER, Premier Adjoint au maire. 
							Monsieur le Président, 
							Messieurs les Membres du Comité du Monument, 
							«  Interprète du conseil municipal et de la 
							population de Badonviller, je reçois en leur nom le 
							monument que vous me confiez. 
							Je suis certain de traduire la pensée de tous en 
							vous disant qu'il sera notre monument, comme nous 
							avons notre hôtel-de-ville et notre église, 
							c'est-à-dire un objet de fierté pour les 
							Badonvillois. 
							Il sera protégé contre toute atteinte non pas par 
							des règlements de police, mais par notre affectueuse 
							reconnaissance pour les morts glorieux en mémoire de 
							qui ce monument est élevé. 
							Merci au comité, présidé avec tant d'activité et de 
							dévouement par M. Fournier, de l'avoir fait si beau 
							et d'avoir su le placer dans un cadre si approprié à 
							son but de recueillement et de hautes pensées. 
							Merci d'avoir organisé cette belle cérémonie de ce 
							matin qui nous a amené tant d'hôtes éminents, en 
							tête desquels figure le chef aimé et respecté de 
							l'armée française en 1914. 
							Merci au nom des anciens combattants de Badonviller 
							de leur avoir donné la joie de revoir un de ces 
							glorieux drapeaux pour lesquels ils ont souffert et 
							versé 
							leur sang. 
							
							  
							Photo Neurey, Celles-sur-Plaine. 
							M. DIEDLER, Premier Adjoint au Maire. 
							Mes camarades des autres armes pardonneront à un 
							ancien chasseur à pied de dire un merci tout 
							particulier, au nom des anciens chasseurs ici 
							présents, de nous avoir permis de contempler un des 
							fanions de bataillon dont la vue nous faisait 
							oublier la terrible angoisse de la bataille et notre 
							drapeau que certains d'entre nous n'avaient jamais 
							vu, et pour l'honneur duquel tant de noms sont 
							gravés sur cette pierre. 
							Au nom du conseil municipal, je remercie toutes les 
							personnes qui ont contribué à la décoration de cette 
							place, du cimetière national, du groupe scolaire, 
							des rues et des édifices de la ville. 
							Pour terminer, mes chers concitoyens, je vais vous 
							demander ceci: quand nous viendrons nous recueillir 
							au pied de ce monument, à notre grande tristesse 
							mêlons beaucoup de fierté, car si cette pierre nous 
							rappelle le tombeau de nos chers disparus, 
							souvenons-nous aussi que c'est leur arc-de-triomphe 
							». 
							Un ban est alors ouvert et M. le premier adjoint se 
							rend au pied du monument et fait l'appel si émouvant 
							des morts. Les enfants des écoles répètent avec 
							tristesse la sublime réponse: Mort au champ 
							d'honneur, ou Mort pour la France. 
							Un frisson passe dans le coeur de tous, quand 
							résonnent les noms des victimes civiles, pères, 
							mères, frères ou soeurs des habitants de Badonviller. 
							Des yeux s'emplissent de larmes. Que sont maintenant 
							les paroles ? Le silence est seul apaisant. Comme 
							l'on comprend alors la force pathétique de la minute 
							de recueillement. (1) 
							(1) René d'Avril. 
							
							(à 
							suivre)  |