VICTIMES CIVILES assassinées par les Bavarois le 12
Août 1914.
Madame Benoit Edmond, née Fort Marie-Louise, 41 ans.
Boulay Adelin Androme, 55 ans.
Boulay Adelin Paul André, 15 ans.
Georges François, 58 ans.
Madame Georges François, née Grilliet Marie
Joséphine. 56 ans.
Gruber Pierre Nicolas, 29 ans.
Marchal Joseph Hippolyte, 78 ans.
Massel Georges André, 18 ans.
Odinot Georges, 16 ans.
Spatz Joseph, 81 ans.
Vozelle Joseph Édouard, 38 ans.
TUÉS au cours des bombardements ou décédés par suite
de guerre
Batoz Joseph, 63 ans.
Balland Charles, 5 ans.
Madame Bagait, née Litaise Marie-Anne, 54 ans.
Claude Léopold Henri, 10 ans.
Claude Jules, 55 ans.
Mademoiselle Clément Marie, 19 ans.
Colin Justin, 11 ans.
Diedler Jean Baptiste, père, 71 ans.
Mademoiselle Mathieu Berthe Joséphine, 20 ans.
Metzger Jean, 15 ans.
Mademoiselle Ott Augusta, 7 ans.
Roimarmier André, 12 ans.
Mademoiselle Roger Berthe Rosalie, 19 ans.
Simon Jean-Baptiste, 86 ans.
Simon René, 6 ans.
Siégel Jean-Pierre, 68 ans.
ENFANTS de BADONVILLER MORTS pour la FRANCE
Ackermann Émile, 21e B.C.P.
Aubry Émile, 26e R.I.
Baé Camille, 21e B.C.P.
Baé Hippolyte, 61e B.C.P.
Baé Paul, 128e R.I.
Bagait Jean, caporal, 69e R.I.
Bartmann Camille, 17e B.C.P.
Bas Marius, armée d'Orient.
Balland Paul, 18e B.C.P.
Bernard Émile Aristide, caporal, 26e R.I.
Bernard Joseph, 20e B.C.P.
Bernard Camille, 21e B.C.P.
Besnard Pierre, maréchal des logis, 9e Cuirassiers.
Blaise Edmond, 20e B.C.P.
Bouchon Émile, 146e R.I.
Bohn Célestin, 6e R.A.
Broglio Jean Marcel, 408e R.I.
Caro Paul Camille, caporal, 317e R.I.
Charton Louis Eugène, 21e B.C.P.
Chaxel Constant, 21e B.C.P.
Chaxel René Charles Joseph, 160e R.I.
Chenal Émile, 21e B.C.P.
Closset Joseph Pol, caporal, 1er R. Marche.
Colin Émile, 21e B.C.P.
Cuny Robert Germain Joseph, 8e R.A.
Demange Léon, 6e R.A.P.
Depoutot Paul, 108e R.I.
Depoutot Ernest, 108e R.I.
Didier Paul, 108e R.I.
Didierjean Camille, 38e R.I.
Diedler Louis, 10e R.I.
Dyot Jules, sergent, 17e B.C.P.
Ferry Joseph Auguste, caporal, 160e R.I.
Ferry Charles Victor, 167e R.I.
Ferry Émile, sergent, 20e B.C.P.
Ferry Camille, sergent, 21e B.C.P.
Ferry Émile Paul, 21e B.C.P.
Feltin Léon, lieutenant, 20e B.C.P.
Feltin Aimé, 109e R.I.
Fournier Charles Arsène, sous-lieutenant, 156e R.I.
François Charles, médecin aide-major de 1re classe.
Fréchard Louis, 10e B.C.P.
Georges Lucien, sergent, 37e R.I.
Georges Émile, 168e R.I.
Génin Pierre Auguste Albert, 1re cl., 109e R.I.
Gondrexon Émile Joseph, 72e R.A.
Girardot Marcel, 154e R.I.
Hartz Alphonse, 79e R.I.
Haxaire Paul, 162e R.I.
Herbinière Joseph, 6e R.A.P.
Holvec Paul Joseph, 170e R.I.
Jacquemin Ernest Eugène Boniface, 22e B.C.A.
Jeandidier Marie Joseph Charles, 21e B.C.P
Knur Paul Marie, sergent, 21e B.C.P.
Kubler Henri, 21e B.C.P.
Lhuillier Léon Victor, 20e B.C.P.
Litaize Pierre, sergent, 146e R.I.
Maire Louis Auguste Hippolyte, Adjudt 20e B.C.P.
Malaisé Auguste, 17e B.C.P.
Mangeol Jean-Baptiste, 57e B.C.P.
Mangeol Ferdinand, 21e B.C.P.
Martin Martin, 21e B.C.P.
Martin Camille, B. 2e Afrique équatoriale française.
Mathieu Émile, 8e R.A.P.
Maurice René Christophe, 1er B. colonial.
Masson Auguste, 21e B.C.P.
Masson Jules, 37e R.I.
Masson Charles, 3e B.C.P.
Masson Charles, lieutenant, 6e R.A.
Masson Eugène, 41e R.I.T.
Meunier Louis, caporal, 109e R.I.
Mougel Henri, 148e R.I.
Muller Hippolyte Alfred, 21e B.C.P.
Muller Édouard, 61e B.C.P.
Muller Joseph Louis, 21e B.C.P.
Muller Charles Albert, caporal, 11e R.G.
Odinot Robert, 102e B.C.
Olivier Paul, 170e R.I.
Oswald Eugène, 92e R.I.T.
Petitdemange Paul Jean-Baptiste, centre d'appareillage.
Pierlot Charles Émile, 21e B.C.P.
Pierron Jules, 109e R.I.
Rénaux Jean-Baptiste, 23e R.I.
Roux Émile, 1re cl. au 168e R.I.
Roussel Auguste Antoine, 156e R.I.
Roger Léon, sergent, 21e B.C.P.
Roger Charles, 33e R.I.
Royer Charles, 21e B.C.P.
Roimarmier Henri Michel, 73e R.I.
Roimarmier Charles Léon, caporal 31e B.C.P.
Roimarmier Georges, 8e R.A.
Salhorgne Camille Constant, caporal, 154e R.I.
Schwartz Émile.
Schurra Louis, 41e R.I.T.
Simon Prosper, 26e R.I.
Simon René Émile, brigadier, 8e R.A.
Simon Paul, 21e B.C.P.
Siatte Henri, capitaine, 168e R.I.
Storq Camille, 157e R.I.
Thomas Charles, 21e B.C.P.
Thomas Lucien (Célestin), 21e B.C.P.
Thomas Joseph René, aspirant, 121e B.C.P.
Thiaville Jean.
Valther Lucien Marcel, 146e R.I.
Valentin René, caporal, 4e R.I.
Volff Charles, caporal, 17e B.C.P.
Vigneron Albert, 41e R.I.T.
Après cette émouvante évocation des victimes
militaires et civiles, le Commandant SAUVAIN, au nom
du Souvenir Français, de Sarrebourg, dépose une
palme en l'honneur des morts de Badonviller. Il
affirme, avec une noble énergie, que pour que des
horreurs semblables à celles de 1914 ne se
reproduisent plus jamais, il faut que nous le
voulions tous du plus profond de notre coeur.
Les discours ci-après ont été ensuite prononcés :
M. GEORGES MAZERAND,
Député de Meurthe-et-Moselle.
« Pendant quatre ans, la plus affreuse des guerres a
étendu ses ravages sur l'Est, le Nord-Est et le Nord
de la France ... Les ruines s'y sont accumulées
comme si un cataclysme de la nature avait anéanti
une partie de notre pays.
Tous ceux qui ont contemplé une fois un pareil
spectacle en ont conservé un souvenir horrifié...
Toutefois, le destin devait lui ménager des
revanches éclatantes et bien faites pour exalter le
patriotisme de ce fier canton... En vain pendant des
mois, pendant des années, les Allemands auront
redoublé contre la ville leur rage impuissante. Les
nôtres ont « tenu » comme il devaient tenir à Verdun
!
Autre sujet de méditation: n'est-ce-pas, Monsieur le
représentant des États-Unis, à Badonviller que sont
tombés sur le front français pour la plus noble des
causes, les premiers soldats américains ?
N'était-ce-pas aussi les récits dûment vérifiés par
des commissions qualifiées, des iniquités allemandes
à Badonviller qui révoltèrent la conscience
universelle contre nos envahisseurs ?
Aujourd'hui, l'oeuvre de réparation se parachève par
le plus tendre et le plus solennel témoignage de
reconnaissance aux si nombreuses victimes militaires
et civiles de la barbarie un moment triomphante. Ce
mausolée splendide, cette pyramide altière sont
dignes de ces pages glorieuses de l'histoire de la
Lorraine et de la France, que tous ces héros ont
écrites avec leurs souffrances et avec leur sang.
De 1915 à 1918 les ennemis, établis à proximité, ne
manquèrent pas de s'acharner sur leur victime qui
subit 190 bombardements, de telle sorte qu'à
l'armistice, il n'y avait plus une seule maison
indemne !
La population civile, bien diminuée certes, demeura
à Badonviller jusqu'au début de 1918, époque où
l'évacuation de Badonviller fut décidée par le
gouvernement.
Dès 1915, M. Fournier avait pris en main
l'administration municipale, donnant à tous
l'exemple du calme et du stoïcisme sous les
bombardements ou quand les batailles faisaient rage
aux alentours.
Rappellerai-je le 25 avril 1916 les combats de la
Chapelotte, le 9 février 1917 les attaques par les
gaz, le 23 février suivant, l'entrée en ligne des
premiers contingents américains et le 5 mars, la
mort du premier de leurs officiers tué au feu ?
A partir du 14 mars 1918, l'évacuation fut commencée
en bon ordre sous les obus. Dirai-je aussi que
chaque année de guerre, le 12 août, souvent en
présence des notabilités militaires ou de
personnages officiels, les anniversaires des
premiers massacres étaient respectueusement célébrés
? Depuis 1918, cette tradition devait être
définitivement instaurée.
Comment, dans ces conditions, le culte de vos morts
pouvait-il ne pas être entretenu jusqu'à la
consécration définitive par un monument digne de
leur gloire et de leur calvaire?
C'est vers eux maintenant que nous élevons nos
pensées avec émotion ! Dans un sentiment tout à fait
louable, les membres du comité ont associé les noms
de toutes les victimes du fléau, les militaires tués
ou disparus, originaires de Badonviller ou tombés
pour sa défense, et les victimes civiles dont onze
furent assassinées par les Bavarois, et les
Américains tombés dans le secteur.
Si nous voulons ignorer les circonstances où
périrent ces héros, comme leurs grades ou leurs
actions d'éclat, c'est qu'il n'y a qu'une commune
mesure à l'évaluation de tant de courage et
d'infortune.
Je croirais manquer à un devoir sacré si je
n'associais au souvenir de ces grands morts celui
des 2.400 soldats qui dorment si près de nous dans
le cimetière national dont tant d'hécatombes ont
rendu la création nécessaire.
Ils dorment leur dernier sommeil auprès de la cité
héroïque, gardienne vigilante de leurs tombeaux!
Leur présence confère une dignité nouvelle à la
plaisante bourgade de jadis, magnifiée par les
événements de la guerre.
Désormais, vous avez une destinée plus libre et vos
perspectives de prospérité sont aussi étendues que
l'horizon délivré de la hantise d'une sentinelle
étrangère toute proche !
Les conditions de la paix ont pu décevoir, les
difficultés financières en voie d'apaisement
d'ailleurs sous l'impulsion du ministère d'union
nationale, ont pu nous accabler, il n'en est pas
moins vrai que cet immense bonheur nous consolera de
nos chagrins et de nos désillusions. Nons sommes
certainement, nous, Lorrains, les premiers à
apprécier ce bienfait, mais toute la France en a
recueilli une parcelle de joie, se sent revivifiée
d'une vigueur nouvelle; elle a retrouvé la plénitude
de ses forces physiologiques et pourra bientôt,
débarrassée de ses soucis momentanés, reprendre à la
tête des nations sa tâche de démocratie pacifique,
grande dispensatrice du progrès social dans tout
l'univers. »
M. FENAL,
Conseiller général de Badonviller
Un grand poète a eu ce vers magnifique:
« Sont morts les bâtisseurs, mais le temple est bâti
l »
A l'heure où les habitants de la ville et du canton
de Badonviller célèbrent la renaissance de leurs
foyers détruits, une pensée touchante les incline
vers ceux qui sont morts, non seulement pour la
grande patrie française mais encore, et plus
particulièrement, pour leur petite patrie, pour ce
canton, pour cette ville dont leurs corps furent le
rempart.
M. FENAL, Conseiller général.
Des héros grecs, on pouvait dire qu'ils étaient
morts pour obéir aux lois de Sparte.
Plus humains, nos soldats, nos victimes civiles sont
morts pour obéir à la grande loi naturelle qui
dresse tout homme contre l'agresseur de sa maison et
de sa famille.
Ils sont tombés, les uns dans la bataille, les
autres sur le seuil de leurs demeures, en défendant
leurs foyers au sens le plus strict de ce mot.
Ils ont arrosé de leur sang généreux la terre qui
les avait vu naître et qu'avaient cultivée leurs
aïeux, après l'avoir disputée maison par maison,
sillon par sillon, au plus cruel, au plus redoutable
envahisseur.
Et combien,
« Combien sans fleurs, sans croix, dorment le grand
repos, au hasard d'un sillon, dans la plaine infinie
! »
Ce monument sera surtout celui de tous ceux qui n'en
ont point d'autre...
Je m'incline aussi devant ceux qui, n'ayant pas
voulu abandonner leur terroir, ont, durant les
années terribles, souffert mille morts, plutôt que
de gagner les paisibles contrées éloignées du champ
de. bataille.
Ils virent saccager leur canton, s'écrouler leurs
maisons, se décimer leurs familles, s'anéantir le
fruit de leurs pénibles travaux, dans l'affreux
chaos de leurs champs martyrisés.
Ils furent, eux aussi, des héros !
En Lorrains tenaces vous vous êtes accrochés à vos
marches.
Vous avez subi l'invasion, le pillage, l'assassinat
des vôtres, la malheureuse vie errante à laquelle
vous avez été condamnés lorsqu'on vous eût évacués
de force, sans compter le déchirement - héroïquement
supporté, mais non moins douloureux - du retour dans
les ruines, alors qu'autour de vous, ceux auxquels
ces malheurs avaient été épargnés pouvaient se
réjouir sans réserve aux sons des cloches de
l'armistice !
Vous avez trouvé, dès votre retour au pays, des
ressources d'énergie nouvelles. Devant vos maisons
incendiées, vos champs bouleversés, vous vous êtes
courageusement mis à l'oeuvre.
Loin de vous complaire en vaines plaintes, vous avez
refusé d'écouter les oiseaux de malheur insinuant
que jamais on ne rebâtirait ce qu'on avait mis des
siècles à édifier.
Donnant un magnifique exemple d'union dans le
travail, faisant la trêve des querelles de partis et
de classes, vous n'avez plus eu qu'une seule volonté
tendant vers un même but: reconstruire !
Vous vous êtes montrés dignes de ceux qui avaient
donné leur vie pour que ce petit coin de Lorraine
puisse rester nôtre:
« Sont morts les bâtisseurs, mais le temple est bâti
! »
Le Maréchal JOFFRE
M. le ministre de la guerre a bien voulu me désigner
pour apporter à vos morts, en son nom, l'hommage du
gouvernement et du pays tout entier.
J'en suis profondément heureux, car il m'est permis
de la sorte de venir exprimer toute ma sympathie à
votre vaillante population et toute ma
reconnaissance aux glorieuses victimes dont vous
commémorez la mémoire.
Le nom de Badonviller est un de ceux que l'on ne
saurait oublier. Votre petite cité, en effet,
jalonne cette ligne de bataille sur laquelle je me
suis anxieusement penché dans les journées tragiques
de 1914. Elle reste, hélas ! étroitement liée au
souvenir des pires atrocités qui nous parurent aux
premières heures de la guerre comme le présage du
sort réservé à notre pays en cas de défaite. Si
l'ennemi voulut ainsi faire de Badonviller un
exemple pour abattre notre courage, il ne réussit
qu'à renforcer notre résolution.
C'est à Badonviller que pour la première fois les
combattants des États-Unis, prenant place dans les
rangs clairsemés de nos soldats, ont mêlé leur sang
au nôtre. En ces lieux s'est donc renouvelée dans le
sacrifice, l'amitié qui nous liait à l'Amérique.
Enfin, ici même, un matin de novembre 1918, s'est
ouverte dans la ligne ennemie une des portes par
lesquelles ont passé nos colonnes en marche vers
l'Alsace.
Ainsi, après avoir commencé le cycle de ces quatre
années de guerre parmi les incendies et les
massacres. Badonviller le terminait au milieu des
chants victorieux de nos soldats.
Aujourd'hui, grâce à votre magnifique effort de
reconstruction, votre cité a relevé ses ruines. Du
passé, il ne restera bientôt qu'un fidèle souvenir.
Je m'incline devant les tombes de tous les soldats
d'Amérique et de France qui dorment dans votre sol.
J'adresse une pieuse pensée à la mémoire des enfants
de Badonviller qui sont tombés sur toutes les
parties du front, tandis que d'autres hommes venus
de toutes les régions de France et même des rivages
lointains de l' Atlantique accouraient pour
défendre cette terre et y mourir.
Sachons nous souvenir, dans les heures critiques de
la paix, de cette union et de cette solidarité dont
votre ville constitue le symbole.
M. le Commandant KoeNIG,
attaché à l'ambassade américaine
Monsieur le Maire, Mesdames,
Messieurs, L'ambassadeur me charge de vous exprimer
tout d'abord ses regrets de ne pouvoir se trouver
parmi vous aujourd'hui, mais, en me priant de vous
apporter aussi son meilleur souvenir, il me charge
de vous assurer que toutes ses pensées sont vers
vous à l'occasion de cette cérémonie à la mémoire de
vos braves soldats et citoyens, victimes de la
guerre et en reconnaissance à Dieu pour la
reconstitution heureuse de votre beau pays. -
Mes amis et camarades, est-il besoin de remémorer
les évènements qui ont valu à 20 divisions de
troupes américaines, représentant 600.000 hommes
formés sur le sol américain pour venir combattre aux
côtés de leurs camarades français, de recevoir dans
cette région le baptême du feu ? Vous avez connu ces
hommes et vous oublieront-ils jamais ? Les
oublierez-vous, non, jamais ! Les sentiments qui les
ont animés d'une amitié profonde pour vous et pour
la France sont inébranlables. Les 2 millions
d'hommes Américains, venus en France se placer aux
rangs des Alliés en 1917 et 1918, rentrés dans leurs
foyers, parlent maintenant avec fierté et
enthousiasme à leurs enfants qui les écoutent,
silencieux, du brave et courageux peuple français.
J'ai pu les entendre; je connais l'admiration des
gens de mon pays pour la France; je connais aussi le
peuple français et je crois en ses grandes qualités.
J'étais en France pendant la guerre, à Toul, Nancy,
Lunéville, Baccarat, Saint-Dié, et j'ai passé dans
les principaux secteurs du front mouvant de la mer
du Nord jusqu'à la Suisse en l'année 1918.
Avant de vous quitter, je souhaite au peuple
français de demeurer fidèle aux principes pour
lesquels les 106 enfants de Badonviller ont donné
leur vie. N'oubliez pas que les 2 millions d'hommes
qui étaient ici et qui ont vu de leurs yeux les
souffrances du peuple français, seront bientôt à la
tête des affaires en Amérique; ils occuperont les
postes importants à la tête de leur gouvernement,
tels que maires, législateurs, députés, sénateurs,
ministres, etc., ces hommes que vous avez connus,
qui vous aiment et qui sont vos amis.
A l'heure actuelle, à travers le monde entier, de
grands changements se réalisent progressivement;
nous sommes envahis par une masse de propagande,
cette force invisible dont s'inspirent une certaine
classe de politiciens de tous les pays, qui a
souvent sur les peuples une influence destructive,
trouble le véritable sentiment des gens à l'égard
d'une nation amie, fait perdre espoir et même
confiance. Ne désespérez pas! Le droit et la justice
sortiront victorieux; la cause de la France est
juste, vous avez été reconnus dignes de la confiance
de tous et les difficultés passagères que vous
traversez actuellement disparaîtront bientôt dans la
lumière de la Vérité.
Ne croyez pas, je vous en conjure, les nouvelles
mensongères publiées par la presse dans certains
journaux sur les relations franco-américaines. Il
n'existe aux États-Unis aucun ressentiment à l'égard
des autres nations et, ce qui est plus certain
encore, à l'égard de la France, qui vint à notre
aide pendant la guerre de l'indépendance et s'unit
pendant des années à nos efforts pour conserver
l'indépendance acquise, il n'existe que des
sentiments d'amitié et de gratitude envers la France
pour un geste que nous n'oublierons jamais.
J'ai la ferme conviction que lorsque la situation
intérieure de la France se sera améliorée, ce qui ne
saurait tarder maintenant que la confiance du peuple
français et des amis de la France a su se valoir
dans le monde entier, sera bientôt rapidement
acquise et les questions internationales seront
alors bien vite résolues ».
Au cours de cette imposante cérémonie, la Chorale
des Établissements Mazerand, de Cirey, chanta un
choeur qui fut longuement applaudi.
Le maréchal Joffre remit la croix de la Légion
d'honneur à la famille Colin, d'Angomont; la
médaille militaire à M. Émile Litaize, à la famille
du chasseur Charles Masson, au soldat Antonin
Rousselle; des médailles à titre posthume aux
familles Roimarmier, Walter, Dépoutot; la médaille
de la Reconnaissance française à M. Sayer, maire de
Bionville, etc.
Il était près de midi quand Je cortège se reforma
pour se rendre, par l'avenue Raymond Poincaré, au
groupe scolaire que le maréchal Joffre avait accepté
d'inaugurer.
Spacieux, harmonieux de formes, largement éclairé
par de nombreuses baies, le superbe groupe scolaire
est J'oeuvre de M. Deville, architecte et des
entrepreneurs Lombardini et Munier.
Des discours, fréquemment interrompus par des
applaudissements, furent encore prononcés par MM. E.
Fournier, Maire, P. Jacquemin, Président et L.
Schaudel, Administrateur-Délégué et Trésorier de la
Société Coopérative de reconstruction de
Badonviller.
Discours de M. E. FOURNIER.
« Badonviller vient d'accomplir un premier devoir:
rendre hommage à ses morts. Elle tient, comme je le
di-sais tout à l'heure, à accomplir le second:.
manifester officiellement sa reconnaissance à tous
les auxiliaires de sa restauration.
Il y a un instant, j'ai énuméré l'étendue du
désastre qui s'offrait aux yeux des habitants et des
visiteurs en 1919.
La moitié de nos immeubles détruits, tous les autres
atteints très gravement, y compris les industries;
notre campagne retournée par les ouvrages militaires
et les obus, nos routes défoncées, nos réseaux d'eau
et d'électricité hors d'état, tous les bâtiments
publics renversés, les services désorganisés, enfin
un état lamentable qui se retrouvait, hélas, sur de
nombreux points de la ligne du front.
Badonviller était détruit à 72 %, disent les
statistiques officielles.
Tout ceci a changé d'aspect en peu d'années, grâce à
des dévouements multiples; aussi sommes nous heureux
de vous recevoir dans un Badonviller neuf, mieux
aligné, aménagé et embelli.
Lors des visites ministérielles de MM. Lebrun, Dior,
Millerand, Ogier et Reibel, nous faisions constater
les progrès successifs et sollicitions les moyens de
les poursuivre. Qu'il me soit permis d'abord de
rendre hommage à la sollicitude du gouvernement de
la République qu'ils représentaient et qui, en
toutes circonstances, nous a procuré les remèdes aux
situations difficiles chaque fois signalées.
Comme vous avez pu le remarquer dans la traversée de
notre ville, notre reconstitution est complète à
deux immeubles près, avec l'aide précieuse de notre
coopérative de reconstruction et des emprunts
départementaux.
Notre hôtel de ville, mieux aménagé grâce aux études
de M. Deville, architecte, a été inauguré en octobre
1924.
L'église, beau bâtiment du XVIIIe siècle, a été
restaurée dans des conditions remarquables par les
services des Beaux-Arts et notamment de MM. Guët et
Charbonnier, architectes. M. Bancon en fut
l'entrepreneur parfait. Le monument a conservé son
style pur et son caractère grandiose; il a été
amélioré par la création du parvis et d'une chapelle
des morts.
Un plan d'alignement complexe a été établi par M.
Deville et réalisé avec l'aide de l'État et des
services préfectoraux. Nos rues furent élargies,
quatre voies nouvelles et deux places créées, dont
celle du monument étudiée par M. Antoine,
architecte.
Le réseau d'électricité rétabli et presque doublé
par la Compagnie Lorraine.
Un bureau de poste installé confortablement dans un
bâtiment communal, avec un réseau téléphonique
souterrain, grâce au concours de MM. Larcher et
Briguel, inspecteurs; Piesvaux, architecte et
Chiaravalli, entrepreneur.
Une adduction d'eau importante effectuée par les
soins des services hydrauliques, de M. Morel, agent
voyer, et des entrepreneurs Jost et Chanot. La
construction de trois lavoirs, quatre urinoirs, une
bascule publique et tout un ensemble de bouches de
lavage et d'incendie.
La confection de trottoirs et caniveaux sur de
nombreuses rues.
La réalisation en cours d'un vaste réseau d'égouts
étudié par MM. Morel, agent voyer, Litz et Canel,
ingénieurs des Ponts et Chaussées; tous ces travaux
à compléter d'un marché couvert, dont M. Piesvaux,
architecte, vient de nous déposer le projet, et d'un
hospice cantonal à l'étude.
Après avoir passé en revue rapidement la
reconstitution générale de notre commune, je n'aurai
garde d'oublier le groupe scolaire dont
l'inauguration officielle constitue en quelque sorte
le couronnement et la consécration de l'oeuvre
accomplie par la Coopérative de reconstruction des
écoles et mairies du département.
En ma qualité de vice-président de cette société et
au nom des membres du conseil d'administration
présents, j'ai le devoir de retracer sommairement
l'histoire de cette coopérative que j'étudierai
d'ailleurs parallèlement à celle de notre groupe
scolaire, l'une et l'autre ayant suivi le même
développement.
Bien que l'idée en fut lancée depuis plusieurs mois,
la Coopérative des Écoles a été fondée en octobre
1921, après intervention préfectorale auprès des
municipalités: Badonviller, des premières, envoya
son adhésion provisoire.
L'assemblée constitutive a lieu le 8 octobre 1921;
35 maires régulièrement mandatés par une
délibération de leur Conseil municipal sont
présents. Ils nomment un conseil d'administration:
deux maires par arrondissement:
MM. Rose, président; Fournier, vice-président;
Grandcolas, vice-président; Gallilée, trésorier;
Liengey, secrétaire; Robert, Georges, Mabille. Les
statuts conformes au modèle type du ministère des
régions libérées, adaptés à l'objet propre de la
nouvelle société, sont discutés et adoptés. MM.
Courtois et Didelon, conseillers généraux, sont
nommés commissaires contrôleurs. Le même jour, M.
Coulon, inspecteur à Lunéville, est désigné comme
directeur; en raison de la dispersion des adhérents
et des administrateurs, tous pouvoirs lui sont
donnés pour préparer et assurer le fonctionnement de
la Société.
M. COULON
Inspecteur de l'Enseignement Primaire
La situation générale de la reconstitution scolaire
est, à ce moment de la constitution de notre
coopérative spéciale fort peu brillante; les
commissions, cantonales ont pris l'habitude de fixer
l'indemnité selon l'article 5 de la loi de dommages
(droit commun), c'est-à-dire accordent la valeur
représentative des locaux détruits. Or, ceux-ci
étaient dans la totalité des cas, notoirement
insuffisants. Pour Badonviller, les crédits espérés
alors représentent à peine le quart de la dépense
des réalisations actuelles. Allait-on reconstruire
des écoles également insuffisantes, aux salles
basses et exiguës, fréquemment sans cour et sans
préau. parfois même sans cabinets semblables à
celles d'avant-guerre ?
Les trois premiers mois de la Coopérative des
Écoles, octobre 1921 à janvier 1922 constituent la
période d'organisation: accomplissement des
formalités légales de constitution; constitution
d'un comité de patronage, mise au point de la
situation départementale du moment, régularisation
ou recrutement des adhésions définitives,
établissement des mandats de gestion provisoires,
organisation des services généraux de la société,
étude, en collaboration avec les services des
régions libérées de la procédure à suivre et des
méthodes à employer. te 10 novembre 1921,
Badonviller envoie son adhésion définitive et son
mandat de gestion provisoire sur lequel figurent,
ainsi qu'il est dit plus haut, des prévisions
d'indemnité absolument insuffisantes.
La période des réalisations actives commence en
1922, après l'assemblée générale du 16 janvier. A
cette réunion, le directeur annonce, à la
satisfaction générale, un premier résultat d'une
importance capitale: les indemnités seront fixées
non d'après la valeur de l'immeuble détruit, ainsi
qu'on l'avait fait jusqu'à ce jour, mais d'après la
dépense de reconstruction des locaux conformes à la
réglementation officielle, d'après les plans à
approuver. Dès lors, les communes sont certaines de
faire édifier les écoles convenables prévues par la
loi. Notre actif directeur trace également le
programme d'action pour l'année qui commence.
Ce programme fait de la coopérative des Écoles, non
un organisme enregistreur, mais l'agent
d'information, d'initiation, de stimulation, de
coordination et d'exécution à toutes les étapes de
la reconstitution scolaire: établissement de chaque
programme local en collaboration avec les services
académiques et les municipalités; confection des
avant-projets en collaboration avec les architectes;
choix des emplacements, présentation, discussion et
acceptation des plans dans les Conseils municipaux;
collaboration avec les experts et les diverses
commissions chargés de l'évaluation et de la
fixation des indemnités; passation des marchés;
surveillance et règlement des travaux. Tels sont les
points essentiels pour chaque école à reconstruire,
et leur enchevêtrement de l'une à l'autre, dans
l'ensemble d'un territoire qui s'étend sur plus de
deux cents kilomètres de front, rend la tâche très
compliquée et très lourde pour notre directeur: le
nombre des écoles dont la reconstruction nous est
confiée est en effet à ce moment de 116 et il
grandira encore par la suite.
D'autre part, une dotation spéciale de crédits à
notre Coopérative des Écoles est obtenue.
Enthousiasmées par les résultats obtenus, de
nombreuses communes consentent, sur la sollicitation
du directeur, à ajouter aux indemnités de l'État
leur propre contribution: Badonviller a vu avec un
grand soulagement doubler, en ce qui concerne les
premières, les prévisions antérieures, sans compter
le prix des terrains, et a su profiter de très
avantageuses cessions; aussi affecte-t-elle au
nouveau groupe scolaire et délègue-t-elle à la
Coopérative des Écoles des indemnités
supplémentaires s'élevant à 440.000 francs, en vue
de l'exécution des plans présentés par M. Deville et
approuvés à l'unanimité par notre Conseil municipal.
La constitution de notre Société spéciale de
reconstruction scolaire est citée en exemple, dans
une circulaire de M. le ministre de l'instruction
publique, à tous les départements dévastés. Les
résultats de 1922 vont amplement justifier cet
honneur des plus flatteurs et dépasser les
prévisions les plus optimistes.
Les premiers mois de l'année sont consacrés, suivant
le rythme indiqué précédemment, à l'établissement
des projets et à l'accomplissement des formalités
administratives. C'est ici surtout que l'action
coordinatrice et stimulante de notre coopérative des
écoles se fait sentir: alors que de nombreux mois
s'écoulaient habituellement entre la présentation
des plans et leur approbation, après divers retours
aux commissions compétentes, il arrive fréquemment
que cinq ou six semaines seulement s'écoulent entre
le premier coup de crayon et le premier coup de
pioche. Au mois d'août, ces formalités étaient
terminées pour les dernières écoles de l'ensemble du
département; tous les marchés conclus. En bien des
endroits, les travaux étaient poussés très
activement. La coopérative prévoyant qu'elle
pourrait dépenser plus que les fonds promis par
l'État, participa à l'emprunt départemental,
d'accord avec les municipalités: ce qui lui permit
de ne pas ralentir son oeuvre. Parallèlement et par
les mêmes méthodes, s'est organisé le fonctionnement
intérieur de notre coopérative: comptabilité,
rapport avec les services départementaux ou
nationaux en vue de l'émission rapide des titres de
créance.
Fin 1922, une douzaine de nouvelles écoles sont
ouvertes et les enfants y sont reçus; les quatre
cinquièmes des autres bâtiments sont déjà couverts;
les derniers - moins d'une vingtaine - ne sont pas
aussi avancés en raison de leur importance
exceptionnelle (tel est notre cas), ou de
difficultés spéciales, mais ils sont du moins en
bonne voie.
L'assemblée générale du 27 février 1923, sous la
présidence de M. le Préfet, constate ces excellents
résultats. Notre directeur qui se dévouait sans
compter et était l'âme de notre organisation, donne,
cette fois encore des instructions très précises sur
les travaux de l'année qui commence. Il expose que
les premiers projets ne constituent qu'un programme
minime: celui de l'école strictement règlementaire.
Ils vont être complétés par des améliorations qui
donneront à la reconstitution scolaire
départementale son véritable caractère d'originalité
et de progrès. Une société filiale a été créée après
de nombreuses et pénibles tentatives sous la forme
d'oeuvre de guerre. Elle portera le beau nom « Les
Amis des Écoles de Meurthe-et-Moselle » aujourd'hui
si connu. Elle recueillera des dons ou apports
multiples, les fera fructifier par des cessions
d'indemnités et dotera les écoles reconstruites,
sans que les communes aient à participer à la
dépense, d'éclairage électrique, d'eau, de
lavabos-vestiaires avec robinets et casiers
individuels pour la pratique des exercices
d'hygiène, de cabines et d'appareils de douches, de
préaux fermés pouvant servir à la fois pour les
besoins scolaires et les réunions post-scolaires, y
compris les services de bibliothèque, l'enseignement
ménager et les travaux manuels.
L'incorporation de ce second programme dans les
travaux minima tout d'abord prévus, déjà fort
avancés, nécessite, pour chaque école, dès le
printemps de 1923, une étude particulière, à
laquelle participent notre directeur, les
architectes, les entrepreneurs, les conseils
municipaux. Ceux-ci ratifièrent unanimement le
programme d'amélioration proposé. Dans la
délibération d'acceptation, les communes
s'engageaient à voter ultérieurement les crédits
nécessaires au fonctionnement des améliorations
apportées par « Les Amis des Écoles» et à les
utiliser en collaboration avec cette oeuvre.
A Badonviller, le nombre des classes et surtout
l'impossibilité de prolonger les ailes qu'elles
forment latéralement ne permet pas l'adjonction
immédiate d'un lavabo à chaque local scolaire: un
service collectif est donc installé en extrémité de
chaque préau. Les douches et bains sont prévus en
sous-sol et pourront être utilisés par la population
adulte; ils seront prolongés par une salle
d'éducation physique et d'enseignement ménager. Un
petit bâtiment annexe, à édifier en prolongement de
la façade principale, sera destiné à l'inspection
médicale scolaire et aux consultations des
nourrissons.
Dès le milieu de 1923, les travaux du programme
d'amélioration sont commencés partout et se
poursuivent avec activité. Le succès de notre
coopérative des Écoles, dû à M. Coulon. lui amène de
nouveaux adhérents: villes importantes qui avaient
cru pouvoir reconstruire seules plus rapidement
leurs écoles détruites et se voyaient en retard, au
contraire, et commencent, n'ayant pas eu de locaux
scolaires détruits, mais voulant remplacer leurs
vieux bâtiments insuffisants par utilisation des
cessions d'indemnités de dommages de guerre. Le
programme d'ensemble est ainsi porté à 128 écoles.
D'autres demandes surviendront encore dans la suite,
mais elles ne pourront être acceptées en raison des
graves et périlleuses difficultés qui vont surgir.
La fin de 1923 marque, en effet, le commencement de
nos déboires. Tout d'abord, le règlement des travaux
fait apparaître l'insuffisance des indemnités
proposées par les experts, accordées primitivement
par les commissions cantonales. Le principe de
l'indemnité égale à la dépense de réalisation des
projets approuvés était fort juste, mais, dans
l'application des devis d'évaluation préalable
étaient inférieurs de 10 % de moyenne, aux mémoires
de règlement. Pour la totalité de la coopérative,
les dépassements de crédit qui en résultaient
étaient de près de 3 millions. De nouvelles réunions
sont tenues en chaque commune; des réductions sur
les travaux d'amélioration sont opérées, mais
ceux-ci sont trop avancés pour qu'elles soient bien
importantes: une partie des fonds des « Amis des
Écoles » servent ainsi à combler les insuffisances
des crédits d'État pour l'exécution du programme
minimum obligatoire. Des réductions de prix sont
souvent consenties par les entrepreneurs. Enfin, des
forfaits terminaux sont signés, dont le règlement
peut être espéré grâce à l'utilisation de nouveaux
apports aux « Amis des Écoles » et de cessions
supplémentaires. Pour Badonviller, le petit bâtiment
médical annexe est abandonné. Ce premier danger
évité, un autre allait surgir, bien plus redoutable
encore. Notre coopérative n'avait reçu jusqu'alors
de l'État que des espèces. En 1924, elle dut
accepter des O.D.N. pour pouvoir payer les
entrepreneurs et continuer les travaux en cours. La
négociation, avec perte de 15 à 30 %, des 16
millions d'O.D.N. qu'elle reçut, lui fit subir un
nouveau déficit supérieur à 3 millions; nulle
coopérative ne fut aussi terriblement atteinte.
Cette année 1924, fut la période vraiment critique
de notre Société. Non seulement notre trésorerie
était fort complexe et précaire, en dépit des ordres
de ralentissement ou même de suspension absolue de
tout nouvel engagement de dépenses, mais encore nous
ne possédions pas les ressources indispensables à
l'achèvement des constructions entreprises; des
séances tout à fait angoissantes, où nous nous
demandions s'il ne faudrait pas abandonner et causer
ainsi aux communes adhérentes les plus graves
complications. Bien qu'aucune faute ne nous fût
imputable, bien que les circonstances seules pussent
être incriminées, c'était pourtant une lourde
responsabilité. Cependant nous étions réconfortés
par la vaillance et la ténacité de notre directeur,
auquel on a tant de fois rendu hommage. Dès les
premières alarmes, il avait multiplié les
sollicitations en vue d'obtenir des dons et des
apports aux « Amis des Écoles ». Il poursuivait sans
relâche les cessions d'indemnités qui pourraient
permettre de combler le déficit dû aux O.D.N.
Malgré tous ces efforts, nous n'aurions pu aboutir
si un revirement ne s'était produit en 1925. A la
suite de nombreuses démarches (et il nous faut
remercier ici M. le député Mazerand de son précieux
concours) le Gouvernement proposa et obtint la
priorité des bâtiments communaux dans l'attribution
des crédits espèces. Grâce aux services
préfectoraux, notre coopérative des Écoles bénéficia
justement et largement de cette mesure. Les
indemnités acquises pour parer aux pertes des O.D.N.
jusqu'à la fin de nos règlements redevinrent en
partie disponibles pour l'achèvement des gros
groupes scolaires en cours et des programmes
d'améliorations. C'est alors que fut repris, à
Badonviller, le projet d'annexe médicale qui avait
été précédemment abandonné. Tout dernièrement même,
ont pu être exécutés les travaux d'aération et
d'assèchement que la nature particulière de nos
écoles rendait plus spécialement indispensables.
Cet exposé un peu long, bien que sommaire, montre
les répercussions de la situation générale du pays
sur notre propre effort. C'est pourquoi nous sommes
doublement heureux et fiers d'inaugurer aujourd'hui
un groupe scolaire moderne, répondant aux
conceptions du progrès, traduisant matériellement
aux yeux de nos populations et des générations qui
nous suivront, le grand rôle que doit jouer l'école
dans une démocratie.
Ainsi, nous possédons, grâce à la triple
collaboration financière de l'État, de notre commune
et des « Amis des Écoles » de Meurthe-et-Moselle, et
nous devons le dire, de M. Coulon, les écoles que
nous souhaitions avoir. Si vastes qu'elles puissent
paraître, nous avons la légitime appréhension de les
trouver trop petites avant peu de temps; notre
moyenne actuelle de 75 naissances atteste la
vitalité de Badonviller; elles représentent un
effectif scolaire de 600 écoliers, pour 8 ans, plus
que suffisant pour remplir les 10 classes prévues.
Nous espérons que, dans des locaux convenables, bien
aérés, bien éclairés, munis de perfectionnements
d'enseignement et d'hygiène désirables, nos écoliers
travailleront au mieux et donneront entière
satisfaction à leurs maîtres dévoués, auxquels j'ai
plaisir à rendre l'hommage qui leur est dû.
Il nous reste à exprimer notre gratitude et celle
des habitants de Badonviller aux personnes et aux
organismes qui nous ont apporté leur précieux
concours.
Tous les résultats qui viennent d'être énoncés nous
les avons obtenus grâce au courage et à l'énergie
des habitants, aux mesures efficaces prises par mes
prédécesseurs en 1919 MM. Benoît et Thomas, à la
diligence et à l'esprit de justice de la commission
cantonale avec M. Ribaud, agent administratif,
présidée par M. Coulon, au concours d'abord de la
coopérative de reconstruction sous la puissante
impulsion de son président, M. Jacquemin et de son
administrateur, M. Schaudel qui, malgré son grand
âge, a assumé une bien lourde tâche, laquelle, je
l'espère, aura bientôt sa récompense officielle,
puis de M. Coulon, le directeur bienveillant et
l'âme de la coopérative des Écoles et de la société
« Les Amis des Écoles ». Nous n'oublierons jamais ce
que notre ville lui doit et nous donnerons son nom
au grand préau qui va nous accueillir tout à l'heure
pour perpétuer chez les maîtres et les enfants son
souvenir.
M. JACQUEMIN, Président de la Coopérative de
reconstruction de Badonviller
A l'activité persévérante, souvent dans des moments
difficiles, de nos entrepreneurs, MM. Chanot,
Chiaravalli, Gayet-Fauvet, Masson, Lombardini et
Munier qui ont si bien exécuté le groupe scolaire
que nous admirons. A tous leurs collaborateurs,
employés et ouvriers. Du dévouement et des
connaissances techniques de nos architectes: M.
Deville qui a reconstruit l'hôtel-de-ville et a
conçu le plan de ces écoles; M. Biet qui a dirigé
les travaux importants de notre coopérative locale
et MM. Lacroix, Martin, Morel, Piesvaux, Villemont,
de la surveillance active de nos agents techniques,
notamment de MM. Midon, Piesvaux et Parmentier, du
concours sans cesse acquis de M. Morel, notre actif
et bienveillant agent-voyer d'arrondissement et de
son dévoué auxiliaire, M. Diedler et de la
collaboration amicale de mes collègues, au conseil
municipal, secrétaire de mairie, agents, M. le Curé
Mougin et de tous nos fonctionnaires, dont
MM. Lejeal, Massé et Quinio, percepteurs.
Il est juste qu'à tous aille notre reconnaissance et
je tiens à la manifester officiellement en cette
occasion qui m'est offerte.
Cette gratitude, je n'aurais garde aussi d'oublier
de l'exprimer de tout coeur à vous, M. le Préfet,
qui, en toute occasion, avez toujours répondu avec
la plus grande bienveillance à nos appels et n'avez
pas ménagé vos démarches pour satisfaire aux besoins
pressants des sinistrés et des constructeurs.
A vos aimables prédécesseurs, MM. Duponteil et
Second, et à MM. Martelli, Bègue et Vidal,
secrétaires généraux, à MM. les Sous-Préfets
Langeron et Bouet.
A M. Mazerand, député, que nous avons mis si souvent
à contribution, et qui pour notre préparation de
fête vient encore de nous donner une nouvelle preuve
de sollicitude. Il a droit au titre de citoyen de
Badonviller. Nous n'oublierons jamais les services
qu'il nous a rendus sans cesse depuis son arrivée au
Parlement.
Aux parlementaires du département qui ont travaillé
par tous les moyens au relèvement si rapide des
ruines du département.
A M. Fenal, notre actif conseiller général, dont
l'appui, les conseils et la générosité ont été si
précieux dans le canton.
Aux services des Ponts et Chaussées MM. les
ingénieurs Canel et Litz et aux services
préfectoraux de reconstruction et d'administration
et à leurs chefs de service: MM. Héraud, Préau,
Mathonnet, Viriot, Claudin, Bourgeois et Bagnan et
autres qui toujours, nous ont accueillis avec la
plus grande bienveillance et se sont employés à nous
aider à vaincre les difficultés de chaque jour et à
exécuter nos projets en cours.
A l'Union des Coopératives, et son président si
distingué, M. le Chanoine Thouvenin.
A MM. les membres des Coopératives locales des
écoles et des comités d'emprunt, à M. Lemennai,
ingénieur à la compagnie Lorraine d'Électricité et
ses agents, enfin à tous puissants ou humbles qui
ont travaillé à la reconstruction de Badonviller.
Nous leur devions cette marque de reconnaissance et
si j'ai commis quelques oublis ou maladresses dans
ces remerciements que l'on veuille bien ne pas nous
en tenir rigueur. Soyez tous persuadés que
Badonviller n'oubliera jamais ses bienfaiteurs, nous
avons voulu le démontrer aujourd'hui.
M. le Docteur Rulot, de Bruxelles et de Liège,
délégué par le comité d'hygiène de la Société des
Nations, nous exprimait il y a quelques jours, après
avoir visité notre groupe scolaire, toute sa
satisfaction admirative: « C'est bien là ce qu'il
fallait faire, disait-il, et quel dommage qu'on ne
l'ait pas tenté dans tous les pays où il y avait des
écoles et des villes à reconstruire. Combien de vies
seront, pendant longtemps sauvées ou rendues plus
productives par ces améliorations d'hygiène: les
résultats sont incalculables et c'est ce que je
ferai ressortir dans mon rapport ».
Je veux terminer sur cet éloge flatteur. Je veux
surtout remercier le Gouvernement de la République,
toujours soucieux de la prospérité du pays et de
l'école publique, de nous avoir permis de le
mériter.
Vive Badonviller,
Vive la France, vive la République ».
Stand de Bricotte de la Société de Tir et de P. M.
de Badonviller, construit en 1924, par l'entreprise
Bancon d'après les plans de M. Piesvaux, architecte.
Ce stand, situé à proximité de la ville, en pleine
forêt, est un but de promenade très fréquenté.
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