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12 août 1914 - Badonviller - L. Schaudel (3/3)
 

 


VICTIMES CIVILES assassinées par les Bavarois le 12 Août 1914.

Madame Benoit Edmond, née Fort Marie-Louise, 41 ans.
Boulay Adelin Androme, 55 ans.
Boulay Adelin Paul André, 15 ans.
Georges François, 58 ans.
Madame Georges François, née Grilliet Marie Joséphine. 56 ans.
Gruber Pierre Nicolas, 29 ans.
Marchal Joseph Hippolyte, 78 ans.
Massel Georges André, 18 ans.
Odinot Georges, 16 ans.
Spatz Joseph, 81 ans.
Vozelle Joseph Édouard, 38 ans.

TUÉS au cours des bombardements ou décédés par suite de guerre

Batoz Joseph, 63 ans.
Balland Charles, 5 ans.
Madame Bagait, née Litaise Marie-Anne, 54 ans.
Claude Léopold Henri, 10 ans.
Claude Jules, 55 ans.
Mademoiselle Clément Marie, 19 ans.
Colin Justin, 11 ans.
Diedler Jean Baptiste, père, 71 ans.
Mademoiselle Mathieu Berthe Joséphine, 20 ans.
Metzger Jean, 15 ans.
Mademoiselle Ott Augusta, 7 ans.
Roimarmier André, 12 ans.
Mademoiselle Roger Berthe Rosalie, 19 ans.
Simon Jean-Baptiste, 86 ans.
Simon René, 6 ans.
Siégel Jean-Pierre, 68 ans.

ENFANTS de BADONVILLER MORTS pour la FRANCE

Ackermann Émile, 21e B.C.P.
Aubry Émile, 26e R.I.
Baé Camille, 21e B.C.P.
Baé Hippolyte, 61e B.C.P.
Baé Paul, 128e R.I.
Bagait Jean, caporal, 69e R.I.
Bartmann Camille, 17e B.C.P.
Bas Marius, armée d'Orient.
Balland Paul, 18e B.C.P.
Bernard Émile Aristide, caporal, 26e R.I.
Bernard Joseph, 20e B.C.P.
Bernard Camille, 21e B.C.P.
Besnard Pierre, maréchal des logis, 9e Cuirassiers.
Blaise Edmond, 20e B.C.P.
Bouchon Émile, 146e R.I.
Bohn Célestin, 6e R.A.
Broglio Jean Marcel, 408e R.I.
Caro Paul Camille, caporal, 317e R.I.
Charton Louis Eugène, 21e B.C.P.
Chaxel Constant, 21e B.C.P.
Chaxel René Charles Joseph, 160e R.I.
Chenal Émile, 21e B.C.P.
Closset Joseph Pol, caporal, 1er R. Marche.
Colin Émile, 21e B.C.P.
Cuny Robert Germain Joseph, 8e R.A.
Demange Léon, 6e R.A.P.
Depoutot Paul, 108e R.I.
Depoutot Ernest, 108e R.I.
Didier Paul, 108e R.I.
Didierjean Camille, 38e R.I.
Diedler Louis, 10e R.I.
Dyot Jules, sergent, 17e B.C.P.
Ferry Joseph Auguste, caporal, 160e R.I.
Ferry Charles Victor, 167e R.I.
Ferry Émile, sergent, 20e B.C.P.
Ferry Camille, sergent, 21e B.C.P.
Ferry Émile Paul, 21e B.C.P.
Feltin Léon, lieutenant, 20e B.C.P.
Feltin Aimé, 109e R.I.
Fournier Charles Arsène, sous-lieutenant, 156e R.I.
François Charles, médecin aide-major de 1re classe.
Fréchard Louis, 10e B.C.P.
Georges Lucien, sergent, 37e R.I.
Georges Émile, 168e R.I.
Génin Pierre Auguste Albert, 1re cl., 109e R.I.
Gondrexon Émile Joseph, 72e R.A.
Girardot Marcel, 154e R.I.
Hartz Alphonse, 79e R.I.
Haxaire Paul, 162e R.I.
Herbinière Joseph, 6e R.A.P.
Holvec Paul Joseph, 170e R.I.
Jacquemin Ernest Eugène Boniface, 22e B.C.A.
Jeandidier Marie Joseph Charles, 21e B.C.P
Knur Paul Marie, sergent, 21e B.C.P.
Kubler Henri, 21e B.C.P.
Lhuillier Léon Victor, 20e B.C.P.
Litaize Pierre, sergent, 146e R.I.
Maire Louis Auguste Hippolyte, Adjudt 20e B.C.P.
Malaisé Auguste, 17e B.C.P.
Mangeol Jean-Baptiste, 57e B.C.P.
Mangeol Ferdinand, 21e B.C.P.
Martin Martin, 21e B.C.P.
Martin Camille, B. 2e Afrique équatoriale française.
Mathieu Émile, 8e R.A.P.
Maurice René Christophe, 1er B. colonial.
Masson Auguste, 21e B.C.P.
Masson Jules, 37e R.I.
Masson Charles, 3e B.C.P.
Masson Charles, lieutenant, 6e R.A.
Masson Eugène, 41e R.I.T.
Meunier Louis, caporal, 109e R.I.
Mougel Henri, 148e R.I.
Muller Hippolyte Alfred, 21e B.C.P.
Muller Édouard, 61e B.C.P.
Muller Joseph Louis, 21e B.C.P.
Muller Charles Albert, caporal, 11e R.G.
Odinot Robert, 102e B.C.
Olivier Paul, 170e R.I.
Oswald Eugène, 92e R.I.T.
Petitdemange Paul Jean-Baptiste, centre d'appareillage.
Pierlot Charles Émile, 21e B.C.P.
Pierron Jules, 109e R.I.
Rénaux Jean-Baptiste, 23e R.I.
Roux Émile, 1re cl. au 168e R.I.
Roussel Auguste Antoine, 156e R.I.
Roger Léon, sergent, 21e B.C.P.
Roger Charles, 33e R.I.
Royer Charles, 21e B.C.P.
Roimarmier Henri Michel, 73e R.I.
Roimarmier Charles Léon, caporal 31e B.C.P.
Roimarmier Georges, 8e R.A.
Salhorgne Camille Constant, caporal, 154e R.I.
Schwartz Émile.
Schurra Louis, 41e R.I.T.
Simon Prosper, 26e R.I.
Simon René Émile, brigadier, 8e R.A.
Simon Paul, 21e B.C.P.
Siatte Henri, capitaine, 168e R.I.
Storq Camille, 157e R.I.
Thomas Charles, 21e B.C.P.
Thomas Lucien (Célestin), 21e B.C.P.
Thomas Joseph René, aspirant, 121e B.C.P.
Thiaville Jean.
Valther Lucien Marcel, 146e R.I.
Valentin René, caporal, 4e R.I.
Volff Charles, caporal, 17e B.C.P.
Vigneron Albert, 41e R.I.T.

Après cette émouvante évocation des victimes militaires et civiles, le Commandant SAUVAIN, au nom du Souvenir Français, de Sarrebourg, dépose une palme en l'honneur des morts de Badonviller. Il affirme, avec une noble énergie, que pour que des horreurs semblables à celles de 1914 ne se reproduisent plus jamais, il faut que nous le voulions tous du plus profond de notre coeur.
Les discours ci-après ont été ensuite prononcés :

M. GEORGES MAZERAND,
Député de Meurthe-et-Moselle.

«  Pendant quatre ans, la plus affreuse des guerres a étendu ses ravages sur l'Est, le Nord-Est et le Nord de la France ... Les ruines s'y sont accumulées comme si un cataclysme de la nature avait anéanti une partie de notre pays.
Tous ceux qui ont contemplé une fois un pareil spectacle en ont conservé un souvenir horrifié...
Toutefois, le destin devait lui ménager des revanches éclatantes et bien faites pour exalter le patriotisme de ce fier canton... En vain pendant des mois, pendant des années, les Allemands auront redoublé contre la ville leur rage impuissante. Les nôtres ont «  tenu » comme il devaient tenir à Verdun !
Autre sujet de méditation: n'est-ce-pas, Monsieur le représentant des États-Unis, à Badonviller que sont tombés sur le front français pour la plus noble des causes, les premiers soldats américains ? N'était-ce-pas aussi les récits dûment vérifiés par des commissions qualifiées, des iniquités allemandes à Badonviller qui révoltèrent la conscience universelle contre nos envahisseurs ?
Aujourd'hui, l'oeuvre de réparation se parachève par le plus tendre et le plus solennel témoignage de reconnaissance aux si nombreuses victimes militaires et civiles de la barbarie un moment triomphante. Ce mausolée splendide, cette pyramide altière sont dignes de ces pages glorieuses de l'histoire de la Lorraine et de la France, que tous ces héros ont écrites avec leurs souffrances et avec leur sang.
De 1915 à 1918 les ennemis, établis à proximité, ne manquèrent pas de s'acharner sur leur victime qui subit 190 bombardements, de telle sorte qu'à l'armistice, il n'y avait plus une seule maison indemne !
La population civile, bien diminuée certes, demeura à Badonviller jusqu'au début de 1918, époque où l'évacuation de Badonviller fut décidée par le gouvernement.
Dès 1915, M. Fournier avait pris en main l'administration municipale, donnant à tous l'exemple du calme et du stoïcisme sous les bombardements ou quand les batailles faisaient rage aux alentours.
Rappellerai-je le 25 avril 1916 les combats de la Chapelotte, le 9 février 1917 les attaques par les gaz, le 23 février suivant, l'entrée en ligne des premiers contingents américains et le 5 mars, la mort du premier de leurs officiers tué au feu ?
A partir du 14 mars 1918, l'évacuation fut commencée en bon ordre sous les obus. Dirai-je aussi que chaque année de guerre, le 12 août, souvent en présence des notabilités militaires ou de personnages officiels, les anniversaires des premiers massacres étaient respectueusement célébrés ? Depuis 1918, cette tradition devait être définitivement instaurée.
Comment, dans ces conditions, le culte de vos morts pouvait-il ne pas être entretenu jusqu'à la consécration définitive par un monument digne de leur gloire et de leur calvaire?
C'est vers eux maintenant que nous élevons nos pensées avec émotion ! Dans un sentiment tout à fait louable, les membres du comité ont associé les noms de toutes les victimes du fléau, les militaires tués ou disparus, originaires de Badonviller ou tombés pour sa défense, et les victimes civiles dont onze furent assassinées par les Bavarois, et les Américains tombés dans le secteur.
Si nous voulons ignorer les circonstances où périrent ces héros, comme leurs grades ou leurs actions d'éclat, c'est qu'il n'y a qu'une commune mesure à l'évaluation de tant de courage et d'infortune.
Je croirais manquer à un devoir sacré si je n'associais au souvenir de ces grands morts celui des 2.400 soldats qui dorment si près de nous dans le cimetière national dont tant d'hécatombes ont rendu la création nécessaire.
Ils dorment leur dernier sommeil auprès de la cité héroïque, gardienne vigilante de leurs tombeaux! Leur présence confère une dignité nouvelle à la plaisante bourgade de jadis, magnifiée par les événements de la guerre.
Désormais, vous avez une destinée plus libre et vos perspectives de prospérité sont aussi étendues que l'horizon délivré de la hantise d'une sentinelle étrangère toute proche !
Les conditions de la paix ont pu décevoir, les difficultés financières en voie d'apaisement d'ailleurs sous l'impulsion du ministère d'union nationale, ont pu nous accabler, il n'en est pas moins vrai que cet immense bonheur nous consolera de nos chagrins et de nos désillusions. Nons sommes certainement, nous, Lorrains, les premiers à apprécier ce bienfait, mais toute la France en a recueilli une parcelle de joie, se sent revivifiée d'une vigueur nouvelle; elle a retrouvé la plénitude de ses forces physiologiques et pourra bientôt, débarrassée de ses soucis momentanés, reprendre à la tête des nations sa tâche de démocratie pacifique, grande dispensatrice du progrès social dans tout l'univers. »

M. FENAL,
Conseiller général de Badonviller

Un grand poète a eu ce vers magnifique:
«  Sont morts les bâtisseurs, mais le temple est bâti l »
A l'heure où les habitants de la ville et du canton de Badonviller célèbrent la renaissance de leurs foyers détruits, une pensée touchante les incline vers ceux qui sont morts, non seulement pour la grande patrie française mais encore, et plus particulièrement, pour leur petite patrie, pour ce canton, pour cette ville dont leurs corps furent le rempart.


M. FENAL, Conseiller général.

Des héros grecs, on pouvait dire qu'ils étaient morts pour obéir aux lois de Sparte.
Plus humains, nos soldats, nos victimes civiles sont morts pour obéir à la grande loi naturelle qui dresse tout homme contre l'agresseur de sa maison et de sa famille.
Ils sont tombés, les uns dans la bataille, les autres sur le seuil de leurs demeures, en défendant leurs foyers au sens le plus strict de ce mot.
Ils ont arrosé de leur sang généreux la terre qui les avait vu naître et qu'avaient cultivée leurs aïeux, après l'avoir disputée maison par maison, sillon par sillon, au plus cruel, au plus redoutable envahisseur.
Et combien,
«  Combien sans fleurs, sans croix, dorment le grand repos, au hasard d'un sillon, dans la plaine infinie ! »
Ce monument sera surtout celui de tous ceux qui n'en ont point d'autre...
Je m'incline aussi devant ceux qui, n'ayant pas voulu abandonner leur terroir, ont, durant les années terribles, souffert mille morts, plutôt que de gagner les paisibles contrées éloignées du champ de. bataille.
Ils virent saccager leur canton, s'écrouler leurs maisons, se décimer leurs familles, s'anéantir le fruit de leurs pénibles travaux, dans l'affreux chaos de leurs champs martyrisés.
Ils furent, eux aussi, des héros !
En Lorrains tenaces vous vous êtes accrochés à vos marches.
Vous avez subi l'invasion, le pillage, l'assassinat des vôtres, la malheureuse vie errante à laquelle vous avez été condamnés lorsqu'on vous eût évacués de force, sans compter le déchirement - héroïquement supporté, mais non moins douloureux - du retour dans les ruines, alors qu'autour de vous, ceux auxquels ces malheurs avaient été épargnés pouvaient se réjouir sans réserve aux sons des cloches de l'armistice !
Vous avez trouvé, dès votre retour au pays, des ressources d'énergie nouvelles. Devant vos maisons incendiées, vos champs bouleversés, vous vous êtes courageusement mis à l'oeuvre.
Loin de vous complaire en vaines plaintes, vous avez refusé d'écouter les oiseaux de malheur insinuant que jamais on ne rebâtirait ce qu'on avait mis des siècles à édifier.
Donnant un magnifique exemple d'union dans le travail, faisant la trêve des querelles de partis et de classes, vous n'avez plus eu qu'une seule volonté tendant vers un même but: reconstruire !
Vous vous êtes montrés dignes de ceux qui avaient donné leur vie pour que ce petit coin de Lorraine puisse rester nôtre:
«  Sont morts les bâtisseurs, mais le temple est bâti ! »

Le Maréchal JOFFRE

M. le ministre de la guerre a bien voulu me désigner pour apporter à vos morts, en son nom, l'hommage du gouvernement et du pays tout entier.
J'en suis profondément heureux, car il m'est permis de la sorte de venir exprimer toute ma sympathie à votre vaillante population et toute ma reconnaissance aux glorieuses victimes dont vous commémorez la mémoire.
Le nom de Badonviller est un de ceux que l'on ne saurait oublier. Votre petite cité, en effet, jalonne cette ligne de bataille sur laquelle je me suis anxieusement penché dans les journées tragiques de 1914. Elle reste, hélas ! étroitement liée au souvenir des pires atrocités qui nous parurent aux premières heures de la guerre comme le présage du sort réservé à notre pays en cas de défaite. Si l'ennemi voulut ainsi faire de Badonviller un exemple pour abattre notre courage, il ne réussit qu'à renforcer notre résolution.
C'est à Badonviller que pour la première fois les combattants des États-Unis, prenant place dans les rangs clairsemés de nos soldats, ont mêlé leur sang au nôtre. En ces lieux s'est donc renouvelée dans le sacrifice, l'amitié qui nous liait à l'Amérique.
Enfin, ici même, un matin de novembre 1918, s'est ouverte dans la ligne ennemie une des portes par lesquelles ont passé nos colonnes en marche vers l'Alsace.
Ainsi, après avoir commencé le cycle de ces quatre années de guerre parmi les incendies et les massacres. Badonviller le terminait au milieu des chants victorieux de nos soldats.
Aujourd'hui, grâce à votre magnifique effort de reconstruction, votre cité a relevé ses ruines. Du passé, il ne restera bientôt qu'un fidèle souvenir.
Je m'incline devant les tombes de tous les soldats d'Amérique et de France qui dorment dans votre sol. J'adresse une pieuse pensée à la mémoire des enfants de Badonviller qui sont tombés sur toutes les parties du front, tandis que d'autres hommes venus de toutes les régions de France et même des rivages lointains de l' Atlantique accouraient pour défendre cette terre et y mourir.
Sachons nous souvenir, dans les heures critiques de la paix, de cette union et de cette solidarité dont votre ville constitue le symbole.

M. le Commandant KoeNIG,
attaché à l'ambassade américaine

Monsieur le Maire, Mesdames,
Messieurs, L'ambassadeur me charge de vous exprimer tout d'abord ses regrets de ne pouvoir se trouver parmi vous aujourd'hui, mais, en me priant de vous apporter aussi son meilleur souvenir, il me charge de vous assurer que toutes ses pensées sont vers vous à l'occasion de cette cérémonie à la mémoire de vos braves soldats et citoyens, victimes de la guerre et en reconnaissance à Dieu pour la reconstitution heureuse de votre beau pays. -

Mes amis et camarades, est-il besoin de remémorer les évènements qui ont valu à 20 divisions de troupes américaines, représentant 600.000 hommes formés sur le sol américain pour venir combattre aux côtés de leurs camarades français, de recevoir dans cette région le baptême du feu ? Vous avez connu ces hommes et vous oublieront-ils jamais ? Les oublierez-vous, non, jamais ! Les sentiments qui les ont animés d'une amitié profonde pour vous et pour la France sont inébranlables. Les 2 millions d'hommes Américains, venus en France se placer aux rangs des Alliés en 1917 et 1918, rentrés dans leurs foyers, parlent maintenant avec fierté et enthousiasme à leurs enfants qui les écoutent, silencieux, du brave et courageux peuple français. J'ai pu les entendre; je connais l'admiration des gens de mon pays pour la France; je connais aussi le peuple français et je crois en ses grandes qualités. J'étais en France pendant la guerre, à Toul, Nancy, Lunéville, Baccarat, Saint-Dié, et j'ai passé dans les principaux secteurs du front mouvant de la mer du Nord jusqu'à la Suisse en l'année 1918.
Avant de vous quitter, je souhaite au peuple français de demeurer fidèle aux principes pour lesquels les 106 enfants de Badonviller ont donné leur vie. N'oubliez pas que les 2 millions d'hommes qui étaient ici et qui ont vu de leurs yeux les souffrances du peuple français, seront bientôt à la tête des affaires en Amérique; ils occuperont les postes importants à la tête de leur gouvernement, tels que maires, législateurs, députés, sénateurs, ministres, etc., ces hommes que vous avez connus, qui vous aiment et qui sont vos amis.
A l'heure actuelle, à travers le monde entier, de grands changements se réalisent progressivement; nous sommes envahis par une masse de propagande, cette force invisible dont s'inspirent une certaine classe de politiciens de tous les pays, qui a souvent sur les peuples une influence destructive, trouble le véritable sentiment des gens à l'égard d'une nation amie, fait perdre espoir et même confiance. Ne désespérez pas! Le droit et la justice sortiront victorieux; la cause de la France est juste, vous avez été reconnus dignes de la confiance de tous et les difficultés passagères que vous traversez actuellement disparaîtront bientôt dans la lumière de la Vérité.
Ne croyez pas, je vous en conjure, les nouvelles mensongères publiées par la presse dans certains journaux sur les relations franco-américaines. Il n'existe aux États-Unis aucun ressentiment à l'égard des autres nations et, ce qui est plus certain encore, à l'égard de la France, qui vint à notre aide pendant la guerre de l'indépendance et s'unit pendant des années à nos efforts pour conserver l'indépendance acquise, il n'existe que des sentiments d'amitié et de gratitude envers la France pour un geste que nous n'oublierons jamais.
J'ai la ferme conviction que lorsque la situation intérieure de la France se sera améliorée, ce qui ne saurait tarder maintenant que la confiance du peuple français et des amis de la France a su se valoir dans le monde entier, sera bientôt rapidement acquise et les questions internationales seront alors bien vite résolues ».

Au cours de cette imposante cérémonie, la Chorale des Établissements Mazerand, de Cirey, chanta un choeur qui fut longuement applaudi.
Le maréchal Joffre remit la croix de la Légion d'honneur à la famille Colin, d'Angomont; la médaille militaire à M. Émile Litaize, à la famille du chasseur Charles Masson, au soldat Antonin Rousselle; des médailles à titre posthume aux familles Roimarmier, Walter, Dépoutot; la médaille de la Reconnaissance française à M. Sayer, maire de Bionville, etc.
Il était près de midi quand Je cortège se reforma pour se rendre, par l'avenue Raymond Poincaré, au groupe scolaire que le maréchal Joffre avait accepté d'inaugurer.
Spacieux, harmonieux de formes, largement éclairé par de nombreuses baies, le superbe groupe scolaire est J'oeuvre de M. Deville, architecte et des entrepreneurs Lombardini et Munier.
Des discours, fréquemment interrompus par des applaudissements, furent encore prononcés par MM. E. Fournier, Maire, P. Jacquemin, Président et L. Schaudel, Administrateur-Délégué et Trésorier de la Société Coopérative de reconstruction de Badonviller.

Discours de M. E. FOURNIER.

«  Badonviller vient d'accomplir un premier devoir: rendre hommage à ses morts. Elle tient, comme je le di-sais tout à l'heure, à accomplir le second:. manifester officiellement sa reconnaissance à tous les auxiliaires de sa restauration.
Il y a un instant, j'ai énuméré l'étendue du désastre qui s'offrait aux yeux des habitants et des visiteurs en 1919.
La moitié de nos immeubles détruits, tous les autres atteints très gravement, y compris les industries; notre campagne retournée par les ouvrages militaires et les obus, nos routes défoncées, nos réseaux d'eau et d'électricité hors d'état, tous les bâtiments publics renversés, les services désorganisés, enfin un état lamentable qui se retrouvait, hélas, sur de nombreux points de la ligne du front.
Badonviller était détruit à 72 %, disent les statistiques officielles.
Tout ceci a changé d'aspect en peu d'années, grâce à des dévouements multiples; aussi sommes nous heureux de vous recevoir dans un Badonviller neuf, mieux aligné, aménagé et embelli.
Lors des visites ministérielles de MM. Lebrun, Dior, Millerand, Ogier et Reibel, nous faisions constater les progrès successifs et sollicitions les moyens de les poursuivre. Qu'il me soit permis d'abord de rendre hommage à la sollicitude du gouvernement de la République qu'ils représentaient et qui, en toutes circonstances, nous a procuré les remèdes aux situations difficiles chaque fois signalées.
Comme vous avez pu le remarquer dans la traversée de notre ville, notre reconstitution est complète à deux immeubles près, avec l'aide précieuse de notre coopérative de reconstruction et des emprunts départementaux.
Notre hôtel de ville, mieux aménagé grâce aux études de M. Deville, architecte, a été inauguré en octobre 1924.
L'église, beau bâtiment du XVIIIe siècle, a été restaurée dans des conditions remarquables par les services des Beaux-Arts et notamment de MM. Guët et Charbonnier, architectes. M. Bancon en fut l'entrepreneur parfait. Le monument a conservé son style pur et son caractère grandiose; il a été amélioré par la création du parvis et d'une chapelle des morts.
Un plan d'alignement complexe a été établi par M. Deville et réalisé avec l'aide de l'État et des services préfectoraux. Nos rues furent élargies, quatre voies nouvelles et deux places créées, dont celle du monument étudiée par M. Antoine, architecte.
Le réseau d'électricité rétabli et presque doublé par la Compagnie Lorraine.
Un bureau de poste installé confortablement dans un bâtiment communal, avec un réseau téléphonique souterrain, grâce au concours de MM. Larcher et Briguel, inspecteurs; Piesvaux, architecte et Chiaravalli, entrepreneur.
Une adduction d'eau importante effectuée par les soins des services hydrauliques, de M. Morel, agent voyer, et des entrepreneurs Jost et Chanot. La construction de trois lavoirs, quatre urinoirs, une bascule publique et tout un ensemble de bouches de lavage et d'incendie.
La confection de trottoirs et caniveaux sur de nombreuses rues.
La réalisation en cours d'un vaste réseau d'égouts étudié par MM. Morel, agent voyer, Litz et Canel, ingénieurs des Ponts et Chaussées; tous ces travaux à compléter d'un marché couvert, dont M. Piesvaux, architecte, vient de nous déposer le projet, et d'un hospice cantonal à l'étude.
Après avoir passé en revue rapidement la reconstitution générale de notre commune, je n'aurai garde d'oublier le groupe scolaire dont l'inauguration officielle constitue en quelque sorte le couronnement et la consécration de l'oeuvre accomplie par la Coopérative de reconstruction des écoles et mairies du département.
En ma qualité de vice-président de cette société et au nom des membres du conseil d'administration présents, j'ai le devoir de retracer sommairement l'histoire de cette coopérative que j'étudierai d'ailleurs parallèlement à celle de notre groupe scolaire, l'une et l'autre ayant suivi le même développement.
Bien que l'idée en fut lancée depuis plusieurs mois, la Coopérative des Écoles a été fondée en octobre 1921, après intervention préfectorale auprès des municipalités: Badonviller, des premières, envoya son adhésion provisoire.
L'assemblée constitutive a lieu le 8 octobre 1921; 35 maires régulièrement mandatés par une délibération de leur Conseil municipal sont présents. Ils nomment un conseil d'administration: deux maires par arrondissement:
MM. Rose, président; Fournier, vice-président; Grandcolas, vice-président; Gallilée, trésorier; Liengey, secrétaire; Robert, Georges, Mabille. Les statuts conformes au modèle type du ministère des régions libérées, adaptés à l'objet propre de la nouvelle société, sont discutés et adoptés. MM. Courtois et Didelon, conseillers généraux, sont nommés commissaires contrôleurs. Le même jour, M. Coulon, inspecteur à Lunéville, est désigné comme directeur; en raison de la dispersion des adhérents et des administrateurs, tous pouvoirs lui sont donnés pour préparer et assurer le fonctionnement de la Société.


M. COULON
Inspecteur de l'Enseignement Primaire

La situation générale de la reconstitution scolaire est, à ce moment de la constitution de notre coopérative spéciale fort peu brillante; les commissions, cantonales ont pris l'habitude de fixer l'indemnité selon l'article 5 de la loi de dommages (droit commun), c'est-à-dire accordent la valeur représentative des locaux détruits. Or, ceux-ci étaient dans la totalité des cas, notoirement insuffisants. Pour Badonviller, les crédits espérés alors représentent à peine le quart de la dépense des réalisations actuelles. Allait-on reconstruire des écoles également insuffisantes, aux salles basses et exiguës, fréquemment sans cour et sans préau. parfois même sans cabinets semblables à celles d'avant-guerre ?
Les trois premiers mois de la Coopérative des Écoles, octobre 1921 à janvier 1922 constituent la période d'organisation: accomplissement des formalités légales de constitution; constitution d'un comité de patronage, mise au point de la situation départementale du moment, régularisation ou recrutement des adhésions définitives, établissement des mandats de gestion provisoires, organisation des services généraux de la société, étude, en collaboration avec les services des régions libérées de la procédure à suivre et des méthodes à employer. te 10 novembre 1921, Badonviller envoie son adhésion définitive et son mandat de gestion provisoire sur lequel figurent, ainsi qu'il est dit plus haut, des prévisions d'indemnité absolument insuffisantes.
La période des réalisations actives commence en 1922, après l'assemblée générale du 16 janvier. A cette réunion, le directeur annonce, à la satisfaction générale, un premier résultat d'une importance capitale: les indemnités seront fixées non d'après la valeur de l'immeuble détruit, ainsi qu'on l'avait fait jusqu'à ce jour, mais d'après la dépense de reconstruction des locaux conformes à la réglementation officielle, d'après les plans à approuver. Dès lors, les communes sont certaines de faire édifier les écoles convenables prévues par la loi. Notre actif directeur trace également le programme d'action pour l'année qui commence.
Ce programme fait de la coopérative des Écoles, non un organisme enregistreur, mais l'agent d'information, d'initiation, de stimulation, de coordination et d'exécution à toutes les étapes de la reconstitution scolaire: établissement de chaque programme local en collaboration avec les services académiques et les municipalités; confection des avant-projets en collaboration avec les architectes; choix des emplacements, présentation, discussion et acceptation des plans dans les Conseils municipaux; collaboration avec les experts et les diverses commissions chargés de l'évaluation et de la fixation des indemnités; passation des marchés; surveillance et règlement des travaux. Tels sont les points essentiels pour chaque école à reconstruire, et leur enchevêtrement de l'une à l'autre, dans l'ensemble d'un territoire qui s'étend sur plus de deux cents kilomètres de front, rend la tâche très compliquée et très lourde pour notre directeur: le nombre des écoles dont la reconstruction nous est confiée est en effet à ce moment de 116 et il grandira encore par la suite.
D'autre part, une dotation spéciale de crédits à notre Coopérative des Écoles est obtenue. Enthousiasmées par les résultats obtenus, de nombreuses communes consentent, sur la sollicitation du directeur, à ajouter aux indemnités de l'État leur propre contribution: Badonviller a vu avec un grand soulagement doubler, en ce qui concerne les premières, les prévisions antérieures, sans compter le prix des terrains, et a su profiter de très avantageuses cessions; aussi affecte-t-elle au nouveau groupe scolaire et délègue-t-elle à la Coopérative des Écoles des indemnités supplémentaires s'élevant à 440.000 francs, en vue de l'exécution des plans présentés par M. Deville et approuvés à l'unanimité par notre Conseil municipal.
La constitution de notre Société spéciale de reconstruction scolaire est citée en exemple, dans une circulaire de M. le ministre de l'instruction publique, à tous les départements dévastés. Les résultats de 1922 vont amplement justifier cet honneur des plus flatteurs et dépasser les prévisions les plus optimistes.
Les premiers mois de l'année sont consacrés, suivant le rythme indiqué précédemment, à l'établissement des projets et à l'accomplissement des formalités administratives. C'est ici surtout que l'action coordinatrice et stimulante de notre coopérative des écoles se fait sentir: alors que de nombreux mois s'écoulaient habituellement entre la présentation des plans et leur approbation, après divers retours aux commissions compétentes, il arrive fréquemment que cinq ou six semaines seulement s'écoulent entre le premier coup de crayon et le premier coup de pioche. Au mois d'août, ces formalités étaient terminées pour les dernières écoles de l'ensemble du département; tous les marchés conclus. En bien des endroits, les travaux étaient poussés très activement. La coopérative prévoyant qu'elle pourrait dépenser plus que les fonds promis par l'État, participa à l'emprunt départemental, d'accord avec les municipalités: ce qui lui permit de ne pas ralentir son oeuvre. Parallèlement et par les mêmes méthodes, s'est organisé le fonctionnement intérieur de notre coopérative: comptabilité, rapport avec les services départementaux ou nationaux en vue de l'émission rapide des titres de créance.
Fin 1922, une douzaine de nouvelles écoles sont ouvertes et les enfants y sont reçus; les quatre cinquièmes des autres bâtiments sont déjà couverts; les derniers - moins d'une vingtaine - ne sont pas aussi avancés en raison de leur importance exceptionnelle (tel est notre cas), ou de difficultés spéciales, mais ils sont du moins en bonne voie.
L'assemblée générale du 27 février 1923, sous la présidence de M. le Préfet, constate ces excellents résultats. Notre directeur qui se dévouait sans compter et était l'âme de notre organisation, donne, cette fois encore des instructions très précises sur les travaux de l'année qui commence. Il expose que les premiers projets ne constituent qu'un programme minime: celui de l'école strictement règlementaire. Ils vont être complétés par des améliorations qui donneront à la reconstitution scolaire départementale son véritable caractère d'originalité et de progrès. Une société filiale a été créée après de nombreuses et pénibles tentatives sous la forme d'oeuvre de guerre. Elle portera le beau nom «  Les Amis des Écoles de Meurthe-et-Moselle » aujourd'hui si connu. Elle recueillera des dons ou apports multiples, les fera fructifier par des cessions d'indemnités et dotera les écoles reconstruites, sans que les communes aient à participer à la dépense, d'éclairage électrique, d'eau, de lavabos-vestiaires avec robinets et casiers individuels pour la pratique des exercices d'hygiène, de cabines et d'appareils de douches, de préaux fermés pouvant servir à la fois pour les besoins scolaires et les réunions post-scolaires, y compris les services de bibliothèque, l'enseignement ménager et les travaux manuels.
L'incorporation de ce second programme dans les travaux minima tout d'abord prévus, déjà fort avancés, nécessite, pour chaque école, dès le printemps de 1923, une étude particulière, à laquelle participent notre directeur, les architectes, les entrepreneurs, les conseils municipaux. Ceux-ci ratifièrent unanimement le programme d'amélioration proposé. Dans la délibération d'acceptation, les communes s'engageaient à voter ultérieurement les crédits nécessaires au fonctionnement des améliorations apportées par «  Les Amis des Écoles» et à les utiliser en collaboration avec cette oeuvre.
A Badonviller, le nombre des classes et surtout l'impossibilité de prolonger les ailes qu'elles forment latéralement ne permet pas l'adjonction immédiate d'un lavabo à chaque local scolaire: un service collectif est donc installé en extrémité de chaque préau. Les douches et bains sont prévus en sous-sol et pourront être utilisés par la population adulte; ils seront prolongés par une salle d'éducation physique et d'enseignement ménager. Un petit bâtiment annexe, à édifier en prolongement de la façade principale, sera destiné à l'inspection médicale scolaire et aux consultations des nourrissons.
Dès le milieu de 1923, les travaux du programme d'amélioration sont commencés partout et se poursuivent avec activité. Le succès de notre coopérative des Écoles, dû à M. Coulon. lui amène de nouveaux adhérents: villes importantes qui avaient cru pouvoir reconstruire seules plus rapidement leurs écoles détruites et se voyaient en retard, au contraire, et commencent, n'ayant pas eu de locaux scolaires détruits, mais voulant remplacer leurs vieux bâtiments insuffisants par utilisation des cessions d'indemnités de dommages de guerre. Le programme d'ensemble est ainsi porté à 128 écoles.
D'autres demandes surviendront encore dans la suite, mais elles ne pourront être acceptées en raison des graves et périlleuses difficultés qui vont surgir.
La fin de 1923 marque, en effet, le commencement de nos déboires. Tout d'abord, le règlement des travaux fait apparaître l'insuffisance des indemnités proposées par les experts, accordées primitivement par les commissions cantonales. Le principe de l'indemnité égale à la dépense de réalisation des projets approuvés était fort juste, mais, dans l'application des devis d'évaluation préalable étaient inférieurs de 10 % de moyenne, aux mémoires de règlement. Pour la totalité de la coopérative, les dépassements de crédit qui en résultaient étaient de près de 3 millions. De nouvelles réunions sont tenues en chaque commune; des réductions sur les travaux d'amélioration sont opérées, mais ceux-ci sont trop avancés pour qu'elles soient bien importantes: une partie des fonds des «  Amis des Écoles » servent ainsi à combler les insuffisances des crédits d'État pour l'exécution du programme minimum obligatoire. Des réductions de prix sont souvent consenties par les entrepreneurs. Enfin, des forfaits terminaux sont signés, dont le règlement peut être espéré grâce à l'utilisation de nouveaux apports aux «  Amis des Écoles » et de cessions supplémentaires. Pour Badonviller, le petit bâtiment médical annexe est abandonné. Ce premier danger évité, un autre allait surgir, bien plus redoutable encore. Notre coopérative n'avait reçu jusqu'alors de l'État que des espèces. En 1924, elle dut accepter des O.D.N. pour pouvoir payer les entrepreneurs et continuer les travaux en cours. La négociation, avec perte de 15 à 30 %, des 16 millions d'O.D.N. qu'elle reçut, lui fit subir un nouveau déficit supérieur à 3 millions; nulle coopérative ne fut aussi terriblement atteinte.
Cette année 1924, fut la période vraiment critique de notre Société. Non seulement notre trésorerie était fort complexe et précaire, en dépit des ordres de ralentissement ou même de suspension absolue de tout nouvel engagement de dépenses, mais encore nous ne possédions pas les ressources indispensables à l'achèvement des constructions entreprises; des séances tout à fait angoissantes, où nous nous demandions s'il ne faudrait pas abandonner et causer ainsi aux communes adhérentes les plus graves complications. Bien qu'aucune faute ne nous fût imputable, bien que les circonstances seules pussent être incriminées, c'était pourtant une lourde responsabilité. Cependant nous étions réconfortés par la vaillance et la ténacité de notre directeur, auquel on a tant de fois rendu hommage. Dès les premières alarmes, il avait multiplié les sollicitations en vue d'obtenir des dons et des apports aux «  Amis des Écoles ». Il poursuivait sans relâche les cessions d'indemnités qui pourraient permettre de combler le déficit dû aux O.D.N.
Malgré tous ces efforts, nous n'aurions pu aboutir si un revirement ne s'était produit en 1925. A la suite de nombreuses démarches (et il nous faut remercier ici M. le député Mazerand de son précieux concours) le Gouvernement proposa et obtint la priorité des bâtiments communaux dans l'attribution des crédits espèces. Grâce aux services préfectoraux, notre coopérative des Écoles bénéficia justement et largement de cette mesure. Les indemnités acquises pour parer aux pertes des O.D.N. jusqu'à la fin de nos règlements redevinrent en partie disponibles pour l'achèvement des gros groupes scolaires en cours et des programmes d'améliorations. C'est alors que fut repris, à Badonviller, le projet d'annexe médicale qui avait été précédemment abandonné. Tout dernièrement même, ont pu être exécutés les travaux d'aération et d'assèchement que la nature particulière de nos écoles rendait plus spécialement indispensables.
Cet exposé un peu long, bien que sommaire, montre les répercussions de la situation générale du pays sur notre propre effort. C'est pourquoi nous sommes doublement heureux et fiers d'inaugurer aujourd'hui un groupe scolaire moderne, répondant aux conceptions du progrès, traduisant matériellement aux yeux de nos populations et des générations qui nous suivront, le grand rôle que doit jouer l'école dans une démocratie.
Ainsi, nous possédons, grâce à la triple collaboration financière de l'État, de notre commune et des «  Amis des Écoles » de Meurthe-et-Moselle, et nous devons le dire, de M. Coulon, les écoles que nous souhaitions avoir. Si vastes qu'elles puissent paraître, nous avons la légitime appréhension de les trouver trop petites avant peu de temps; notre moyenne actuelle de 75 naissances atteste la vitalité de Badonviller; elles représentent un effectif scolaire de 600 écoliers, pour 8 ans, plus que suffisant pour remplir les 10 classes prévues. Nous espérons que, dans des locaux convenables, bien aérés, bien éclairés, munis de perfectionnements d'enseignement et d'hygiène désirables, nos écoliers travailleront au mieux et donneront entière satisfaction à leurs maîtres dévoués, auxquels j'ai plaisir à rendre l'hommage qui leur est dû.
Il nous reste à exprimer notre gratitude et celle des habitants de Badonviller aux personnes et aux organismes qui nous ont apporté leur précieux concours.
Tous les résultats qui viennent d'être énoncés nous les avons obtenus grâce au courage et à l'énergie des habitants, aux mesures efficaces prises par mes prédécesseurs en 1919 MM. Benoît et Thomas, à la diligence et à l'esprit de justice de la commission cantonale avec M. Ribaud, agent administratif, présidée par M. Coulon, au concours d'abord de la coopérative de reconstruction sous la puissante impulsion de son président, M. Jacquemin et de son administrateur, M. Schaudel qui, malgré son grand âge, a assumé une bien lourde tâche, laquelle, je l'espère, aura bientôt sa récompense officielle, puis de M. Coulon, le directeur bienveillant et l'âme de la coopérative des Écoles et de la société «  Les Amis des Écoles ». Nous n'oublierons jamais ce que notre ville lui doit et nous donnerons son nom au grand préau qui va nous accueillir tout à l'heure pour perpétuer chez les maîtres et les enfants son souvenir.


M. JACQUEMIN, Président de la Coopérative de reconstruction de Badonviller

A l'activité persévérante, souvent dans des moments difficiles, de nos entrepreneurs, MM. Chanot, Chiaravalli, Gayet-Fauvet, Masson, Lombardini et Munier qui ont si bien exécuté le groupe scolaire que nous admirons. A tous leurs collaborateurs, employés et ouvriers. Du dévouement et des connaissances techniques de nos architectes: M. Deville qui a reconstruit l'hôtel-de-ville et a conçu le plan de ces écoles; M. Biet qui a dirigé les travaux importants de notre coopérative locale et MM. Lacroix, Martin, Morel, Piesvaux, Villemont, de la surveillance active de nos agents techniques, notamment de MM. Midon, Piesvaux et Parmentier, du concours sans cesse acquis de M. Morel, notre actif et bienveillant agent-voyer d'arrondissement et de son dévoué auxiliaire, M. Diedler et de la collaboration amicale de mes collègues, au conseil municipal, secrétaire de mairie, agents, M. le Curé Mougin et de tous nos fonctionnaires, dont
MM. Lejeal, Massé et Quinio, percepteurs.
Il est juste qu'à tous aille notre reconnaissance et je tiens à la manifester officiellement en cette occasion qui m'est offerte.
Cette gratitude, je n'aurais garde aussi d'oublier de l'exprimer de tout coeur à vous, M. le Préfet, qui, en toute occasion, avez toujours répondu avec la plus grande bienveillance à nos appels et n'avez pas ménagé vos démarches pour satisfaire aux besoins pressants des sinistrés et des constructeurs.
A vos aimables prédécesseurs, MM. Duponteil et Second, et à MM. Martelli, Bègue et Vidal, secrétaires généraux, à MM. les Sous-Préfets Langeron et Bouet.
A M. Mazerand, député, que nous avons mis si souvent à contribution, et qui pour notre préparation de fête vient encore de nous donner une nouvelle preuve de sollicitude. Il a droit au titre de citoyen de Badonviller. Nous n'oublierons jamais les services qu'il nous a rendus sans cesse depuis son arrivée au Parlement.
Aux parlementaires du département qui ont travaillé par tous les moyens au relèvement si rapide des ruines du département.
A M. Fenal, notre actif conseiller général, dont l'appui, les conseils et la générosité ont été si précieux dans le canton.
Aux services des Ponts et Chaussées MM. les ingénieurs Canel et Litz et aux services préfectoraux de reconstruction et d'administration et à leurs chefs de service: MM. Héraud, Préau, Mathonnet, Viriot, Claudin, Bourgeois et Bagnan et autres qui toujours, nous ont accueillis avec la plus grande bienveillance et se sont employés à nous aider à vaincre les difficultés de chaque jour et à exécuter nos projets en cours.
A l'Union des Coopératives, et son président si distingué, M. le Chanoine Thouvenin.
A MM. les membres des Coopératives locales des écoles et des comités d'emprunt, à M. Lemennai, ingénieur à la compagnie Lorraine d'Électricité et ses agents, enfin à tous puissants ou humbles qui ont travaillé à la reconstruction de Badonviller.
Nous leur devions cette marque de reconnaissance et si j'ai commis quelques oublis ou maladresses dans ces remerciements que l'on veuille bien ne pas nous en tenir rigueur. Soyez tous persuadés que Badonviller n'oubliera jamais ses bienfaiteurs, nous avons voulu le démontrer aujourd'hui.
M. le Docteur Rulot, de Bruxelles et de Liège, délégué par le comité d'hygiène de la Société des Nations, nous exprimait il y a quelques jours, après avoir visité notre groupe scolaire, toute sa satisfaction admirative: «  C'est bien là ce qu'il fallait faire, disait-il, et quel dommage qu'on ne l'ait pas tenté dans tous les pays où il y avait des écoles et des villes à reconstruire. Combien de vies seront, pendant longtemps sauvées ou rendues plus productives par ces améliorations d'hygiène: les résultats sont incalculables et c'est ce que je ferai ressortir dans mon rapport ».
Je veux terminer sur cet éloge flatteur. Je veux surtout remercier le Gouvernement de la République, toujours soucieux de la prospérité du pays et de l'école publique, de nous avoir permis de le mériter.
Vive Badonviller,
Vive la France, vive la République ».


Stand de Bricotte de la Société de Tir et de P. M. de Badonviller, construit en 1924, par l'entreprise Bancon d'après les plans de M. Piesvaux, architecte.
Ce stand, situé à proximité de la ville, en pleine forêt, est un but de promenade très fréquenté.

 


Dessin de M. Antoine, architecte.


MONUMENT COMMÉMORATIF. le 1er Août 1926,
au moment de l'appel des victimes civiles et des soldats morts pour la France. Erigé sur la grande place de l'église, le monument se profile en pleine lumière sur le fond merveilleux de la forêt des Élieux.


Inauguration du Monument commémoratif, le 1er août 1926.


Groupe scolaire, de Badonviller, à l'angle de l'avenue Raymond Poincaré et de la rue du Général Gérôrne.


Groupe scolaire, de Badonviller.
Façade sur l'avenue Raymond Poincaré.


Inauguration du Monument commémoratif, le 1err août 1926.
Au premier plan, de gauche à droite: M. André Magre, Préfet; M. le Maréchal Joffre; M. E. Fournier, Maire.


Inauguration du Monument, le 1er août 1926.
Arrivée du Maréchal Joffre.


Inauguration du Monument, 1er août 1926. - Sur la tribune, M. le Maréchal Joffre, entre M. A. Magre, Préfet et M. E. Fournier, Maire de Badonviller.


Ruines de l'école de filles de Badonviller, incendiée le 12 août 1914. Sur son emplacement, à côté de l'église, s'élève maintenant le monument commémoratif.


École de guerre, dans la cave de l'Hôtel-de-Ville, sous la direction d'un instituteur militaire.


Baraquement servant d'école de 1919 à 1924.

Discours de M. Louis SCHAUDEL,
Président de la délégation cantonale; administrateur-délégué et trésorier de la Coopérative de reconstruction de Badonviller.

Le groupe scolaire que vous nous faites l'honneur d'inaugurer aujourd'hui, est une oeuvre de la Coopérative des Écoles, venue ainsi en aide à la Coopérative de reconstruction autorisée de Badonviller laquelle, grâce au puissant appui et à l'excellente organisation des services fonctionnant à la Préfecture, a pu accomplir la lourde tâche de restaurer et de reconstruire les trois quarts de la ville, y compris l'église.
Les nouvelles écoles, aménagées selon les règles de l'hygiène moderne, sous l'active et intelligente direction de l'inspecteur primaire, M. Coulon, sont dignes du passé mémorable de la petite capitale de l'ancien comté de Salm-en-Vosge, dont les souverains, issus de l'illustre maison d'Ardenne-Luxembourg, ont présidé aux destinées de ce pays, du XIe à la fin du XVIe siècle.
Par sa situation au débouché de la voie antique qui, par le col du Donon, la vallée de la Plaine et la Combe, dite de Chararupt, traversait cette partie des Vosges moyennes, Badonviller, dont l'origine franque est attestée par son nom latinisé en Baldovillare, a pris, vers le XIIIe siècle, une importance que les bouleversements des XVIIe et XVIIIe siècles, puis son éloignement des grandes voies de communications modernes lui ont fait perdre, et dont le souvenir même s'effacerait peu à peu si quelques-uns de ceux qui ont conservé vivace l'amour du pays des ancêtres ne s'efforçaient à l'entretenir.
Les retranchements dont il ne reste plus que des vestiges sur la ligne de faîte des hauteurs voisines, témoignent que dans un passé qui plonge dans l'obscurité de la préhistoire, cette partie de la chaîne de Vosges dut servir souvent de refuge aux populations autochtones pour se défendre contre les éternels envahisseurs venant de l'Est. La voie de pénétration par la combe de Chararupt était, au moyen âge, défendue, vers le sommet de la combe, par le château un peu mystérieux de Damegaule, dont il ne subsiste que quelques murs enfouis dans la verdure, et plus au sud-ouest, sur un autre débouché de la combe, par le château-fort de Pierre-Percée, dont les ruines encore imposantes couronnent l'éperon rocheux primitivement dénommé «  Langenstein » et dont l'illustration sera plus justement appréciée quand il sera possible d'affirmer que ce château fut l'un des berceaux de la famille ducale lorraine de la maison d'Alsace.
Dès le XIIIe siècle, Badonviller, en arrière de ces demeures féodales, devint la place d'armes et le chef-lieu du comté de Salm. Elle fut entourée de murs et de fossés avec deux portes à ponts-levis et tours à mâchicoulis, livrant passage à la voie antique qui traversait la ville de l'est à l'ouest. Le mur d'enceinte fut démoli au milieu du XVIIe siècle et les portes disparurent à leur tour vers le début du XVIIIe.
Un changement considérable se produisit à l'aurore du XVIIe siècle, à la mort du dernier comte de Salm, Jean IX, qui, resté célibataire, institua héritière sa nièce Christine de Salm mariée au comte François de Vaudémont, dont le fils, le célèbre duc Charles IV, incorpora à la Lorraine notre pays, définitivement rattaché à la France à la mort du roi-duc Stanislas. Le vaillant comte Jean IX, maréchal de Lorraine et gouverneur de Nancy qui, en sa qualité de commandant des armées du duc Charles III, avait su préserver notre région de l'invasion des reîtres allemands en 1587, méritait bien, à tous ces titres, l'honneur de figurer dans le bas-relief en bronze de l'une des faces latérales de notre monument commémoratif.
L'instruction publique n'était pas négligée sous les comtes de Salm. A Badonviller, c'est dans un bâtiment sur piliers dénommé «  la Halle» que se tenait l'école, dans une salle faisant partie du logement mis à la disposition du maître, en sus d'une allocation annuelle de 25 francs, somme nous paraissant évidemment bien modique aujourd'hui, mais qui, ajoutée à d'autres ressources appréciables, n'en constitue pas moins un effort intéressant pour l'époque. Divisée en quatre logements, la HaIle comprenait, en outre, la «  salle d' Auditoire » et celle de «  l'Arche» renfermant les titres communaux. C'était en somme la maison commune ou hôtel de ville, qui disparut au début du XIXe siècle, parce qu'elle masquait la façade de la nouvelle église dont la construction avait été commencée en 1786. Tout à côté, fut construite l'école des filles incendiée par les Bavarois le 12. août 1914, en même temps que l'église. C'est sur son emplacement que se dresse maintenant. majestueux, le monument du Souvenir.
Un rapport du district de l'an II, signale l'existence, à Badonviller, de deux écoles, dont une de filles. En 1797, fonctionnait même une école supérieure renommée, dirigée par le citoyen Pélissier, et déjà, en 1712, l'acte de fondation d'une chapelle dans l'église, imposait au chapelain l'obligation d'enseigner aux enfants les principes de la langue latine. C'est de ces écoles que sont sortis la plupart de ces titulaires d'offices administratifs ou judiciaires dont les archives nous ont conservé les noms et les actes; elles ont produit également des artistes, comme le peintre paysagiste Claudot, et des savants célèbres comme l'astronome Charles Messier. Grâce sans doute à une bonne préparation élémentaire, Charles Messier, âgé seulement de 14 ans, à l'apparition de la comète de Chézeaux, l'une des plus belles que l'on ait jamais vues, se passionna pour l'étude du phénomène, et il le fit avec une telle exactitude que plus tard Arago ne craignit pas d'opposer les observations de cet enfant à celles du géomètre anglais Dunin. Quatre ans après, il observa, avec la même attention, l'éclipse annulaire de 1748, qui semble avoir décidé de sa vocation.
Badonviller, qui fut ainsi le premier champ d'études de l'illustre astronome, a voulu perpétuer sa mémoire en donnant son nom à une petite place. Ses éminents collègues de l'Institut firent mieux, en créant une constellation en son honneur et en donnant aussi son nom à un couple de cirques lunaires. Et ainsi, par les nuits étoilées comme par celles où la lune éclaire la terre de sa pâle lumière, le nom de ce brillant élève de l'école de Badonviller resplendira éternellement.
Les maîtres et maîtresses actuels ne sont pas inférieurs aux anciens, ce dont témoigne l'excellente préparation de leurs élèves au rôle qu'ils sont appelés à jouer dans la vie si mouvementée de notre époque.
La mobilisation générale du 2 août 1914 les trouva fermes à leur poste et, dans la terrible journée de meurtres, de violences et d'incendies du 12 août 1914, ceux qui n'avaient pas été appelés sous les armes, partagèrent bravement les souffrances de la population. Les institutrices, avec quelques anciennes élèves, se transformèrent vaillamment en infirmières dans une ambulance improvisée par Mm Théophile et Édouard Fenal, à la faïencerie. Là, seules, après la retraite de nos troupes, elles prodiguèrent leurs soins à plus d'une centaine de blessés, dont quelques-uns, abandonnés sur le champ de bataille, furent, sur leurs énergiques instances auprès du service sanitaire allemand, relevés et transportés à leur ambulance. Et lorsque, après un premier recul de l'ennemi, leurs blessés furent heureusement évacués sur Baccarat, l'instituteur et les institutrices se mirent à la disposition de l'inspection académique et pendant les quatre années qui suivirent, continuèrent leurs fonctions dans les localités du front exposées aux bombardements et à de continuelles alertes, obligeant maîtres et maîtresses à veiller constamment à la sûreté de leurs élèves.
Quand, enfin, l'armistice fit cesser les hostilités, l'instituteur (1) resté seul, son adjoint étant tombé au champ d'honneur, et deux des institutrices actuelles (2), n'eurent rien de plus pressé que de revenir auprès de leurs élèves rentrés avec leurs parents à Badonviller, qui présentait alors le lamentable et attristant spectacle d'un amoncellement de ruines. Et pendant cinq nouvelles années, c'est dans des baraquements humides, malsains, exposés aux intempéries et aux risques d'incendie qu'ils accomplirent leur mission à la satisfaction des parents qui se réjouissent aujourd'hui avec eux de l'installation nouvelle dans ces bâtiments scolaires spacieux, bien exposés, largement ouverts à l'air et à la lumière.
Pendant les dures années d'épreuves écoulées, instituteurs et institutrices ont fait grandement honneur au corps enseignant. Il est juste qu'après avoir été à la peine, ils soient aujourd'hui à l'honneur.

(1) M. Génin.
(2) Mlles Henriette et Berthe Schaudel.


Camp de prisonniers allemands sur la route de Bréménil.


Faïencerie Ed.-Théophile Fenal, à Badonviller.


Le cimetière militaire.


Cour intérieure du groupe scolaire de Badonviller.


Leçon de gymnastique devant le baraquement-école de Badonviller.


Salles de bains du groupe scolaire de Badonviller.

Le Banquet.

A 13 heures, un banquet de 300 couverts, offert par la municipalité à ses hôtes, fut servi dans un des vastes préaux du groupe scolaire. Le menu, des plus soignés, fit grand honneur aux talents culinaires de l'excellent restaurateur M. Fisson.
La salle était joyeusement pavoisée de légères oriflammes et décorée de verdure en souples guirlandes courant le long des murs. Au dehors, la fanfare des Céramiques de Badonviller n'attendait qu'un signal de son chef pour égayer d'un concert cette fête gastronomique.
Autour de M. Émile Fournier, maire de la ville, ont pris place M. le Maréchal Joffre à droite, M. André Magre, préfet, à sa gauche; Léon Mirman, préfet de guerre; le commandant Koenig, attaché à l'ambassade américaine; Fenal, conseiller général, industriel; Albert Tourtel, conseiller général de Tantonville; Adrien Michaut, conseiller général de Baccarat; Lacroze, président du tribunal de Lunéville; Benoît, ancien maire de Badonviller; Georges Mazerand, député; Flize, substitut du procureur de la République à Nancy; Schaudel, historien lorrain, membre correspondant de l'Académie de Stanislas; Canel, ingénieur en chef des ponts et Chaussées; Bergé, président du conseil d'arrondissement; Adam, Marin, Liengey, Boulangé, conseillers d'arrondissement; Diedler, adjoint au maire de Badonviller, président du comité de souscription; Bachelet, sculpteur, auteur du monument commémoratif; Naudin, commissaire central de police à Épinal; Labourel, maire de Blâmont; Briquet et Larcher, inspecteurs des P.T.T.; le colonel de gendarmerie Dupré; le docteur Hanriot; Jacquemin, président de la coopérative; Charbonnier, architecte des monuments historiques; Vaillant, inspecteur des eaux et forêts; le rabbin Champagne; Galilé, maire d'Éply; Rose, maire de Nomeny, Kayser, notaire; Coulon, Devaux, juges de paix; Henri Marchal, artiste peintre; Antoine, architecte du monument; les membres du conseil municipal, etc ...
Les toilettes des dames, çà et là, jettent dans l'assistance une note agréable et claire.
A l'heure psychologique des toasts, le maire de Badonviller, M. Émile Fournier, donne lecture de plusieurs télégrammes d'excuses de MM. Raymond Poincaré, président du conseil; Louis Marin, ministre des pensions; Albert Lebrun, ancien ministre, sénateur de Meurthe-et-Moselle, et de tous les parlementaires et conseillers généraux empêchés d'assister aux fêtes.
Il remercia une fois encore le maréchal Joffre d'avoir consenti à présider la cérémonie (longue et vibrante acclamation), le commandant Koenig, l'inspecteur général de l'enseignement Bouché, le bien-aimé préfet de guerre Léon Mirman (ovation), M. Magre, qui a bien voulu poser à Paris les jalons de cette fête. Il salua Mme et Mlle Vermilla, fille et petite-fille d'un éminent compatriote, le général Gérôme, le général de Morderelle, commandant la 71e division pendant la guerre, M. le général de Metz représentant le général Penet commandant le 20e corps d'armée, M. Mazerand, M. Fenal, M.Coulon, directeur de la Coopérative des écoles; les délégations du 30e et du 20e B.C.P. Il lève son verre en l'honneur du maréchal Joffre, de l'armée, de la République et de la France toute entière.
M. Georges Mazerand exprime ses remerciements au comité d'organisation du monument. Les cantons de Badonviller et de Cirey ont souffert ensemble; ils partagent aujourd'hui les mêmes joies. Il tient à saluer le commandant Koenig et nos amis d'Amérique qu'il représente avec une haute distinction.
M. Charles Sadoul, conseiller général de Raon-l'Etape, veut que son canton soit aussi un frère douloureux pour Badonviller; il apporte un témoignage de la solidarité qui s'est manifestée depuis des siècles et s'est affirmée dans les travaux de la paix aussi magnifiquement que dans les épreuves terribles de la guerre.
Des bans sont battus avec frénésie, mais avec quelques «  accrocs» qui ont pour résultat d'amener un indulgent sourire aux lèvres du maréchal Joffre.
M. André Magre, dans un superbe mouvement d'éloquence, s'adresse à l'illustre soldat qui a préservé de la souillure germanique le génie lumineux de la France.
Il salue l'ancien maire de la commune qui, malgré les menaces, ayant sa femme égorgée et sa maison brûlée, continua son oeuvre jusqu'au bout et remplit son devoir avec un tranquille héroïsme.
Il félicite «  son» préfet (car M. Magre était sous-préfet de Briey pendant la guerre), M. Léon Mirman, qu'il salue de sa déférente reconnaissance. Il s'étonne avec admiration du réveil de Badonviller sorti d'une torpeur mortelle: «  C'est un prodigieux spectacle, dit-il. Ayons confiance dans l'avenir de notre patrie indivisible. Il serait utile que l'on franchît les océans pour assister à une renaissance, qui prouve que la France ne s'abandonne jamais et que les soldats de toutes les régions ont mêlé leur sang sur ce coin de sol lorrain. »
Il boit au maréchal Joffre en lui exprimant son respect et son admiration; il boit au grand Lorrain qui saura gagner les batailles économiques de demain; il lève enfin son verre au premier magistrat de la République, à M. Gaston Doumergue.
M. l'inspecteur général Bouché annonce que le ministre de l'instruction publique comprendra M. Fournier dans une prochaine «  fournée» de palmes académiques.
Un spirituel convive, M. Coulon, déclare qu'en Lorraine, certains horticulteurs savent cultiver si parfaitement la violette qu'ils obtiennent des variétés de toutes couleurs:
«  Espérons que le gouvernement, dit-il, donnera la couleur rouge au ruban que M. Bouché se contente de promettre violet.»
Le maréchal Joffre et plusieurs personnalités officielles quittent la salle pour se rendre à Cirey où ils sont attendus par la population.
Au dehors, l'allégresse populaire bat son plein. Des concerts et des bals répandent leur animation, dans la ville, où la foule se pressait dans les rues jusqu'à la nuit close.
Cette fête de la reconstitution et du souvenir, merveilleusement réussie marquera désormais la date la plus glorieuse et aussi la plus heureuse de nos annales.

Hommes célèbres.

Je ne terminerai pas sans évoquer le souvenir des hommes qui, à des titres divers, par leurs talents et les services éminents rendus, ont acquis une saine et juste renommée. Ils ont fait ainsi honneur à leur petite patrie, qui doit leur en être reconnaissante.
Parmi eux, je citerai:

MESSIER, CHARLES, astronome de la marine, né à Badonviller le 26 juin 1730, fils de Nicolas Messier et de Françoise Grand-Blaise, mort à Paris le 12 avril 1817.

CLAUDOT, JEAN-BAPTISTE, peintre paysagiste, né le 19 septembre 1733, fils de Sébastien Claudot, avocat à la Cour, tabellion du comté de Salm, et d'Anne Malriat. Mort à Nancy en 1806.

La famille DE METZ, représentée au début du 18e siècle par PIERRE DE METZ, dont le fils Claude-Joseph, avocat à la Cour, épouse, le 11 février 1721, Françoise Maget, fille de François Maget, garde-marteau et assesseur en la prévôté et gruerie de Badonviller, et d'Anne Collon. Leur fils, NICOLAS-FRANÇOIS DE METZ, avocat à la Cour et assesseur au comté de Salm, se marie à son tour le 26 août 1749 avec Jeanne-Marguerite Jacquemot, veuve de J.-Bte Ferry, commissaire aux saisies réelles au dit comté.
Le général L. DE METZ, qui commandait la 2e brigade de dragons à Lunéville, est un descendant de cette famille.
A la même famille, mais avec le nom légèrement modifié sous la Révolution, appartient DEMETZ, avocat au Parlement de Lorraine, Procureur général à la Cour impériale de Nancy, fait baron et membre de la Légion d'honneur. Né à Badonviller en 1751, il mourut en 1831.

FENAL, NICOLAS-JOSEPH-THÉOPHILE, né le 12 septembre 1851, à Badonviller; Meurthe, décédé le 8 mai 1905. - Docteur en droit, Industriel, Conseiller général du canton de Badonviller depuis le 18 mars 1888. Vice-Président du Conseil général. Rapporteur général du budget. Ancien député de l'arrondissement de Lunéville. Il fonda la Faïencerie de Badonviller à la suite d'une demande des habitants de cette ville, dont la Municipalité se fit l'interprète par une délibération du 17 Janvier 1897. Il organisa, le premier dans la région de l'Est, la participation aux bénéfices de tout son personnel, participation qui alimente toutes les caisses de secours, de prévoyance et de retraites de l'usine. La reconnaissance de ses collaborateurs s'est traduite par cette déclaration, éloquente dans sa simplicité, gravée sur une plaque de marbre fixée à l'extérieur de son monument funéraire: «  Il a fait tout ce qu'il a pu pour augmenter le bien-être de l'ouvrier».

GÉROME, AUGUSTE-CLÉMENT, né à Badonviller le 2 mars 1857 - Breveté d'État-Major, il fut successivement sous-chef de l'État-major du 20 Corps. - Colonel du 79ed'Inf. - Général commandant la 78e brigade - En 1914, défenseur du Grand-Couronné à la tête des 156e et 160e R.I. Il combattit ensuite en Belgique, où il fut blessé d'un éclat d'obus. A peine rétabli, il alla aux Dardanelles, puis à l'Armée d'Orient, où il fut élevé à la dignité de grand-officier de la Légion d'honneur. Il mourut, Commandant de la 15e Région à Marseille, en mai 1919 et fut inhumé à Nancy le 12 février 1922.

Conclusion.

L'exposé succinct des évènements, dont Badonviller fut le théâtre à travers les siècles, laisse entrevoir qu'à côté des conflits armés entre belligérants voisins, notre ville, comme les autres localités des marches de l'Est, eut souvent à souffrir d'incursions ou de passages d'armées étrangères. Ce n'est que par de brèves indications que les documents relatent les ravages et les dévastations, dont la tradition et la légende nous ont souvent mieux conservé le souvenir. - Il était réservé à notre époque, si fière d'une culture, alors proclamée surhumaine en Allemagne, de nous donner l'horrible spectacle d'une petite ville ouverte et paisible méthodiquement incendiée, livrée au meurtre et à la destruction, en présence d'une population terrifiée de vieillards, de femmes et d'enfants.
Si la vérité, maintenant connue et répandue, sur les méthodes barbares d'attaques allemandes du début pouvait inspirer à tous les peuples, comme à nous même, l'horreur de la guerre, nous aurions du moins la consolation de voir que le sacrifice sanglant de nos martyrs n'a pas été inutile !
Ces temps viendront peut-être, pour l'honneur de l'humanité. En attendant, je ne crois pouvoir mieux conclure, que par l'extrait ci-après du compte rendu annuel, qu'en qualité de secrétaire de l'Académie de Stanislas, j'ai été appelé à rédiger pour les Mémoires de 1912-1913 de cette Académie. L'article, consacré à Frédéric Passy, lauréat du prix Nobel de la paix, et associé correspondant de L'Académie, qui venait de
mourir, se terminait par ces lignes qui, écrites en 1913, me sont souvent revenues en mémoire de 1914 â 19 18.
«  La cause, dont il s'est fait ainsi l'apôtre éloquent est évidemment belle et séduisante; mais nous savons par une dure expérience à quels dangers s'exposent les peuples qui voudraient réaliser ces beaux rêves de paix universelle. Tout en rendant justice au talent et aux sentiments nobles et généreux de notre regretté confrère, nous sommes cependant obligés de constater qu'aujourd'hui, comme aux temps les plus reculés de l'histoire, une nation ne peut obtenir le respect de ses droits et sauvegarder sa dignité et son indépendance, qu'en s'appuyant sur une armée forte et disciplinée. Aussi, le vieil adage: si vis pacem para bellum, restera-t-il longtemps encore l'expression d'un conseil qui, dicté par la sagesse antique, n'a rien perdu de son actualité », (1)
Je ne vois, hélas ! rien à modifier à cette conclusion; je me contenterai seulement d'ajouter, que l'union sacrée est une force qui a sauvé la France en 1914 et qui, fermement maintenue, continuera à la rendre invincible.

(1) Mém. de l'Acad. Stanislas - 6e série - t. X., p. Clll. Nancy 1913, chez Berger-Levrault.

Ouvrages consultés.

Archives de la Meurthe, à Nancy.

Monumetia Gemaniae historica - Scriptores t. XXV, p. 249 à 445.

Dom Calmet. - Histoire de lorraine.
Notice de la Lorraine, 2° édition; Lunéville 1840.
Histoire de /'Abbaye de Senones; édition Dinago, Saint Dié 1880.

Gravier, Histoire de Saint-Dié, Épinal 1836.

Vieujot-Descolin : Notice historique sur Badonviller et Pierre-Percée; brochure 23 pages, Lunéville 1837.

H. lepage. - Le dëpartement de la Meurthe. - Statistique historique et administrative; Nancy 1843.
Les Communes de la Meurthe; Nancy 1853.

Mémoires de la Société d'Archéologie lorraine; Nancy.

Bulletin de la Société Philomatique vosgienne; Saint-Dié.

Mémoires de la Société dés Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc.

Le Pays lorrain, sous la direction de Charles Sadoul.

Emile Ambroise. - L'arrondissement de Lunéville avant Léopold. Lunéville 1887.

E. de Martimprey de Romécourt. - Les sires et comtes de Blâmont. Nancy 1891.

Jules Florange. - Atelier monétaire des comtes et princes de Salm. Paris 1893.

Abbé Chatton. - Histoire de l'abbaye de Saint-Sauveur et de Domèvre. Nancy 1898.

Baron Frédéric Seillière. - Document pour servir à l'histoire de la Principauté de Salm et de la ville de Senones; Paris 1898.

Chr. Pfister. - Histoire de Nancy.
La Lorraine, le Barrois et les Trois-Évêchés.

Abbé Eug. Martin. - Histoire des diocèses de Toul, de Nancy et de Saint-Dié; Nancy 1900.

E. Duvernoy. - Inventaire sommaire des archives départementales. T. 8. - Arrondissement de Lunéville; Nancy 1900.

Abbé L. .Jérôme. - L'abbaye de Moyenmoutier; Paris 1902.

R. Parisot. - Histoire de Lorraine; T. 1., Paris 1919.

E. Fournier. - Badonviller-la-Martyre. - Notice-Album, avec 20 cartes-vues des ruines. 1919.

Victor Carrière. - Histoire et cartulaire des Templiers de Provins; Paris 1919.

.Jules Vannerus. - Les Comtes de Salm en Ardenne; Arlon 1920.

L. Schaudel. - Les Comtes de Salm et l'abbaye de Senones aux XlIe et XIIIe siècles; Nancy-Paris-Strasbourg 1921.

Louis Sadoul. - La Guerre dans les Vosges; Nancy 1922.

Georges Lizerand. - Le dossier de l'affaire des Templiers; Paris 1923.

Abbé Dedenon. - Le comté de Blâmont - (en manuscrit).


Photo Louis Cayet, Val-et-Châtillon,
Monument du 358e R.I.

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