11 avril 1896 - n° 15 - p.293
La Mission de Merviller.
Si jamais l'on vit une population ouvrière et agricole arrachée
aux si mordantes préoccupations de l'existence et enlevée
jusqu'aux pleines régions du surnaturel ce fut Merviller pendant
ces quinze jours. - Une mission prêchée par deux Pères
Rédemptoristes a eu un succès que ces religieux, habitués
pourtant aux triomphes apostoliques voient rarement.
Chaque soir les hommes vinrent aussi nombreux pour le moins
qu'ils ont coutume au grand jour de Pâques et c'était merveille
de les voir chanter avec tant d'entrain et écouter les sermons
avec un recueillement si profond.
Aussi faut-il ajouter que, pour ainsi dire, à chaque jour se
succédaient de nouveaux attraits: cette cérémonie funèbre si
imposante ! cette consécration solennelle à la T. Ste-Vierge
avec les accents vibrants du prédicateur et au milieu d'une
illumination féerique ! Puis, l'Adoration perpétuelle dont
l'éclat était rehaussé par une couronne de prêtres nombreux;
puis, la bénédiction de deux statues, représentant le Sacré-Coeur
et N.D. de Lourdes, nouveaux chefs-d'oeuvre sortis des ateliers
de M. Arthur Pierron.
L'on se souviendra longtemps à ce sujet, de l'allocution si
délicate et si pathétique de M.
le doyen de Blâmont.
Puis, voici le dernier jour; il s'ouvre par la communion des
hommes. Cent soixante-dix sont venus avec une piété
attendrissante recevoir leur Dieu; et après, afin de mettre leur
persévérance à l'abri sous la caution d'un grand protecteur, ils
se sont enrôlés à l'envi dans la confrérie nouvelle de
Saint-Joseph et en même temps dans l'association de la Sainte
Famille.
Mais, là où l'enthousiasme déborde, c'est le soir après les
vêpres. Une procession a été annoncée ; les jeunes gens au
nombre de quarante qui ont revendiqué cet honneur, porteront en
triomphe le grand Christ exposé depuis trois jours en avant de
la nef sur un lit de parade. Les Pères n'ont eu qu'a parler,
qu'à indiquer le parcours à travers les principales rues,
enveloppant dans un réseau de 800 mètres la localité. Une vraie
forêt de sapins est abattue; on a tendu les maisons et les rues
de guirlandes; on a dressé huit magnifiques arcs de triomphe ;
celui qu'on admire le plus est celui qu'ont voulu édifier les
habitants de Criviller avec cette inscription, se détachant en
lettre d'or: O Crux ave.
L'on a passé une partie de la nuit à ces divers préparatifs,
mais qu'importe. Il s'agit bien de compter avec la fatigue,
quand les bons Pères ont témoigné un désir et qu'il s'est agi de
relever le triomphe de l'adorable Jésus, Les chants sont bien
nourris, sortant de ces poitrines vigoureuses, sur lesquelles
s'arbore fièrement la Croix.
Transportés d'une sainte ivresse,
Chrétiens, réunissons nos voix ;
Célébrons avec allégresse
Ce jour où triomphe la Croix !
Soldats du Christ, marchons !. ..
La cérémonie, commencée à 3 heures, se termine à 5 heures par
une allocution enlevante sur les enseignements et les
consolations de la Croix. Soudain, l'orateur baisse le ton : ce
sont les remerciements et les adieux qu'il exprime, les yeux se
mouillent et les mouchoirs se tirent. M. le Curé se lève à son
tour pour remercier et ses chers paroissiens et les dévoués
missionnaires.
C'est fini ! Ah ! on n'a pas trouvé le temps long pendant ces
deux heures pas plus que durant les quinze jours de la mission.
« Mon Dieu l qu'ils ont passé vite l C'étaient quinze jours de
Paradis! ne cessaient de répéter les bonnes gens. Non, jamais on
n'a vu rien de pareil à Merviller; mais jamais on ne reverra
plus ce que nous avons vu pendant cette mission ! » A. G.
18 avril 1896 - n° 16 - p. 306
Le Patronage du B. Pierre-Fourier de Pont-à Mousson.
C'est au mois de septembre 1895, que M l'abbé Eloy, alors
curé-doyen de Pont-à-Mousson, entreprit l'établissement d'un
patronage pour les jeunes gens de sa paroisse; le B. P. Fourier,
qui fut longtemps vicaire et administrateur de Saint-Martin, fut
choisi pour donner son nom à cette oeuvre, placée sous sa
protection particulière.
Dès le 1er janvier 1896, une vaste cour et deux grandes salles
de réunion se trouvèrent aménagées parfaitement pour leur
nouvelle destination; enfin, au commencement d'avril, on termina
la construction d'une salle de spectacle, ce complément presque
indispensable de tout patronage bien organisé.
Toujours prêt. à encourager les oeuvres de son Diocèse, Mgr
l'Evêque avait promis d'honorer de sa présence, une des
premières séances récréatives, offertes par les jeunes gens à
leurs bienfaiteurs.
C'est pourquoi, mardi 14 avril, Sa Grandeur arrivait à 8 heures
du soir pour assister à la représentation des Francs-Tireurs de
Strasbourg, drame patriotique qui fut joué avec une intelligence
vraiment remarquable, en présence de plus de cinq cents hommes
de la paroisse; aux côtés de Monseigneur, parmi les
ecclésiastiques qui avaient voulu apporter ainsi le témoignage
de leur sympathie à l'oeuvre, on remarquait M. l'archiprêtre de
Toul, M. le supérieur du Petit-Séminaire, M. le doyen de
Saint-Martin, M. le curé de Saint-Laurent, M. l'abbé Blaise,
secrétaire-particulier, M. l'abbé Mundweiler, curé de Petitmont.
A la fin de la séance, Monseigneur se leva pour dire combien il
était heureux de se retrouver ce soir-là parmi ses chers
diocésains de Saint-Martin. Après avoir rappelé les grandes
fêtes de Mousson en l'honneur de Jeanne d'Arc, Sa Grandeur
voulut remercier M. l'abbé Eloy, dont le zèle ne s'était pas
épuisé par la création d'un patronage à Blâmont, puisqu'il avait
tout fait pour en former un autre encore mieux organisé à
Saint-Martin.
Monseigneur témoigna aussi la satisfaction qu'il éprouvait en
voyant combien le nouveau Doyen de Pont-à-Mousson, M.
Zinsmeister avait à coeur, la continuation de cette oeuvre, placée
sous la direction d'un vicaire intelligent et zélé, M. l'abbé
Pernot. Ensuite, Sa Grandeur adressa un remerciement particulier
à tous les bienfaiteurs qui avaient apporté à MM. les Curés de
Saint-Martin, le concours de leur temps et de leur argent, et
parmi eux, Monseigneur mentionna spécialement, et à juste titre,
M. Gélinet, le dévoué trésorier du Conseil de fabrique, et le
principal organisateur de l'oeuvre, M. le colonel Carré de
Malberg, président du Comité de Patronage.
Enfin, pendant une demi-heure que l'on trouva trop courte,
Monseigneur tint son auditoire sous le charme de cette éloquence
si chaude, si puissante, lorsqu'Elle exprime les sentiments de
foi, de dévouement et de patriotisme qui l'inspirent toujours,
et qui l'inspiraient surtout en cette circonstance.
Rappelant l'utilité de toutes les oeuvres catholiques en Général,
Monseigneur redit combien il appréciait en particulier le bien
accompli par les patronages; il montra que là surtout se forment
en même temps que de vrais chrétiens, des jeunes gens qui
deviendront un jour pour la patrie française, ses soldats les
plus courageux et ses plus vaillants défenseurs ; dans notre
terre de Lorraine, plus que partout ailleurs, ce résultat doit
être doublement précieux.
A onze heures et demie, tout était terminé.
Certes, on gardera longtemps à Pont-à-Mousson, un souvenir bien
cher de cette soirée à laquelle la présence et la parole de
Monseigneur ont donné tant d'éclat.
9 mai 1896 - n° 19 - p. 375
Note sur le pseudo-couvent de Loigny.
Une lettre de Rome.
Nous avons à instruire les lecteurs de la Voix de N.-D. de
Chartres sur des agissements nouveaux de la prétendue communauté
de Loigny.
Depuis deux mois environ, les fauteurs de la secte de Loigny
s'attachent à répandre partout le bruit que leur soi-disant
Communauté des Epouses du Sacré-Coeur de Jésus Pénitent a été
bénie et approuvée par le Pape Léon XIII dans le Consistoire
public du 2 décembre 1895. Cette déclaration se trouve en gros
caractères au titre même de leur Revue périodique ; ils la
rappellent en tête de leurs lettres particulières par une
indication imprimée; elle a été répétée dans les feuilles
publiques. Le numéro 85 des Annales de Loigny (1er vendredi de
décembre 1895) a publié un long récit intitulé : Les derniers
Consistoires et Loigny (le 29 novembre et 2 décembre 1895),
Compte-rendu communiqué par Sa Sainteté Léon XIII. Et là, on
peut lire, pour ce qui concerne le Consistoire du 29 novembre,
une prétendue discussion entre des cardinaux, des évêques et le
Pape sur Marie-Geneviève du Sacré-Coeur (Mathilde Marchat, la
soi-disant voyante), et en définitive l'acte de soumission du
cardinal Rampolla ainsi que d'autres prélats à la volonté du
Saint-Père qui leur aurait tenu le langage suivant :
« Si en Orient et en Europe, des milliers d'âmes tombent chaque
jour dans l'abîme, il y a dans ce petit coin de la France, qui
fut baigné du sang de nos zouaves, il y a un ange qui a des
communications avec le Très-Haut ; le Très-Haut lui apparaît
sous les traits du Sacré-Coeur de Jésus, et cet ange transmet les
paroles qu'il entend à ceux qui, comme Nous les croyons, les
croient miracle et vérité. »
Puis, aux réclamations de plusieurs prélats qui voulaient faire
soumettre aux votes la question de Loigny, le Saint-Père aurait
rependu :
« Nous, comme Chef suprême de la hiérarchie ecclésiastique... et
comme Supérieur du Saint-Office, et comme nommé Infaillible dans
le Concile du 8 décembre 1869, Nous déclarons à tous les
Eminentissimes présents et aussi aux Révérendissimes, que, dans
les Annales de Loigny, ne s'y trouvant rien de contraire à la
foi de Jésus-Christ, ni ne s'y trouvant aucune phrase contre les
règles de la religion Catholique, Apostolique, Romaine, Nous
n'avons point l'obligation d'approuver une injuste interdiction,
comme Nous avons le devoir de l'annuler absolument, en déclarant
officiellement, dans ce Consistoire, Notre foi dans les visions
de Marie-Geneviève. »
Toujours d'après les Annales, le Consistoire public du 2
décembre aurait confirmé la décision ci-dessus ; elles donnent
la traduction d'un texte latin dans ce sens, et elles le disent
écrit et signé par Léon XIII et communiqué par Lui « la chère
Mère Marie-Geneviève », à sa Communauté et à ses défenseurs.
Mais, malgré ses invraisemblances, cette étrange relation des
Annales de Loigny est-elle digne de foi ? De pareilles nouvelles
avaient besoin de vérification. Il n'y avait qu'à la chercher là
seulement où sont les renseignements authentiques en une telle
matière.
MM. les Vicaires Capitulaires de Chartres ont donc écrit à Rome.
Voici la réponse du Cardinal-Préfet du Saint-Office ; il suffit
de ces quelques lignes pour faire crouler un édifice de
mensonges.
Illustrissime et Révérendissime Seigneur,
Il est parvenu à la connaissance du Souverain Pontife que
certains journaux de votre région avaient publié que Sa
Sainteté, en Consistoire secret tenu le 29 novembre 1895, a
approuvé les faits accomplis à Loigny, et levé toutes les
censures portées contre les adhérents obstinés de l'oeuvre.
Sa Sainteté me charge de déclarer à Votre Seigneurie que tout
cela est absolument faux, et que les Décrets de la
Sacrée-Congrégation de l'inquisition, relatifs à ces choses,
gardent leur pleine vigueur.
En donnant officiellement. à Votre Seigneurie cette
notification, je vous prie d'agréer tous mes voeux pour vous
devant le Seigneur.
Rome, du palais du Saint-Office, le 3 février 1896.
Votre tout dévoué dans le Seigneur.
L. M. Cardinal PAROCCHI.
A l'Illustrissime et Révérendissime Vicaire Capitulaire de
Chartres.
(Extrait de la Voix de Notre-Dame. Supplément du 8 février
1896.)
23 mai 1896 - n° 21 - 404
Fête du pèlerinage de Saint-Nicolas-de-Port.
La fête du
pèlerinage de Saint-Nicolas se célèbrera le lundi de la
Pentecôte, 25 mai.
Les offices seront présidés par Sa Grandeur Mgr l'Evêque de
Nancy.
La grand'messe sera chantée à 10 h., avec assistance pontificale
et avec sermon, prêché par M. l'abbé FLORENTIN, curé-doyen de
Blâmont.
Les vêpres seront chantées à 2 h. 1 /2 et sui vies de la
procession a travers les rues pavoisées de la ville et de la
bénédiction du Saint-Sacrement, au retour à la Basilique.
MM. les Ecclésiastiques sont priés de vouloir bien se rendre un
quart d'heure avant les offices à la chapelle des catéchismes, à
droite de l'entrée de l'église, pour revêtir les habits de
choeur. Ils voudront bien aussi porter à la procession les
reliques, ex-voto et insignes de saint Nicolas.
Des places leur seront réservées dans l'avant-choeur. Un dîner
leur sera offert à l'issue de la messe dans la salle du
Patronage, contiguë au presbytère, 14, Grande-Rue.
[...]
30 mai 1896 - n° 22 - p. 425
DIOCÈSE
NOUVELLES RELIGIEUSES.
Pèlerinage à Saint-Nicolas-du-Port.
Cette année, comme depuis quatre ans surtout, le lundi de la
Pentecôte, les pèlerins de Saint-Nicolas ont trouvé l'antique
sanctuaire rajeuni par des restaurations habiles, décoré
d'oriflammes brillantes et de lustres verdoyants, et devant
l'autel resplendissant de lumières et de fleurs, parmi les
reliques des Saints et les vases précieux exposés à la
vénération et à l'admiration des fidèles, le bras de vermeil qui
contient la sainte phalange, et enfin la statue bien aimée du
glorieux pontife, tenant cette main toujours étendue pour bénir,
qui symbolise la protection permanente, dont les siècles n'ont
pu restreindre l'efficacité. A dime brachium eius extentum.
En dépit de saint Sigisbert, invoqué depuis neuf jours contre la
sécheresse, la journée se passa sans pluie. Monseigneur
présidait la fête ; le clergé avait pu venir nombreux des deux
diocèses de Nancy et de Saint-Dié; la foule des pèlerins, peut
être moins pressée que les années précédentes, était plus
recueillie ; le clergé paroissial avait tout prévu, tout
organisé; les chants et la musique étaient parfaitement exécutés
; huit cloches, du haut des vieilles tours, lançaient à toute
volée leurs joyeux accents dans les airs : toutes les
conditions d'une belle cérémonie étaient réunies.
Pendant la grand'messe, M. l'abbé
Florentin, curé-doyen de
Blâmont, commentant une des prières liturgiques de la fête de
Saint-Nicolas, dans un langage plein d'onction et de piété,
ranima la confiance des pèlerins envers le glorieux et puissant
patron de la Lorraine, et fit entendre les enseignements les
plus pratiques et les plus salutaires. L'orateur eut en
particulier un mouvement de communicative émotion quand,
expliquant le sens précis du mot plebem, il invoqua les
bénédictions de saint. Nicolas sur « le peuple, le pauvre
peuple, le peuple des travailleurs, le peuple qui souffre ... »
Les vêpres furent chantées en faux-bourdon, comme l'avait été la
grand'messe, par un certain nombre d'hommes de bonne volonté,
groupés jadis autour du zélé et regretté abbé Geoffroy, et par
les élèves d'une école chrétienne, dont le maitre dévoué veut
bien se faire chef de musique dans toutes les grandes solennités
religieuses, de cette école qui est assurément pour la paroisse,
le meilleur gage des bénédictions du patron de la jeunesse. Au
grand orgue, accompagné par M. Kling (que Saint-Epvre lui
pardonne sa fidélité à Saint-Nicolas) le chantre bien connu des
pèlerins fit entendre ses plus beaux motets.
Les vêpres terminées, la procession s'organisa. En tête, vinrent
les nombreux enfants des écoles, puis les membres des
différentes confréries de la paroisse. Des pages, richement
vêtus, portaient les étendards. Aux nombreux prêtres présents,
M. le curé lui-même, gardien du riche trésor de sa basilique,
confia les nombreuses reliques et les souvenirs précieux
conservés avec soin ; d'autres reçurent la statue du glorieux
Patron; enfin, précédé de deux massiers au pas majestueux,
s'avança Monseigneur portant le bras d'or qui contient la sainte
phalange.
Sur tout le parcours de ce cortège, la foule pressée dans les
rues se montra plus respectueuse que jamais.
De retour A l'église, Monseigneur donna la bénédiction
solennelle du Très-Saint Sacrement,
Notons encore l'empressement pieux des pèlerins qui, durant
toute la journée, se succédèrent à l'autel patronal, pour y
recevoir l'onction de la manne, de cette eau miraculeuse qui
s'écoule, à Bari des ossements du thaumaturge.
Il y a là, sans doute, une journée de fatigue qui succède à
beaucoup d'autres pour Monseigneur et pour le clergé de la
paroisse, surtout à cette époque de l'année, mais c'est une de
ces journées consolantes où le zèle apostolique et l'activité
pastorale recueillent de précieux encouragements, une de ces
journées qui marquent dans la vie de nombreux chrétiens par
l'édification dont elles sont la source et les grâces qu'obtient
une prière confiante.
Un homme a écrit: « Les pèlerinages ont fait leur temps de même
que les Saints ont fait le leur. »
Comme historien et philosophe il commettait l'erreur de compter
sans l'amour des traditions chrétiennes que le catholicisme
possède au suprême degré; comme protestant il avait le malheur
d'ignorer que la gloire de nos Saints ne sait pas mourir.
Non, le pèlerinage de Saint-Nicolas-de-Port n'a pas fait son
temps parce que saint Nicolas, loin d'avoir fait le sien,
recueille près de « ses vieux amis les enfants des Lorrains »
toujours plus d'amour, de confiance et de reconnaissance.
30 mai 1896 - n° 22 - p. 432
NÉCROLOGIE
M. l'abbé Bausson.
Nous recommandons aux prières de nos lecteurs l'âme de M. l'abbé
Jean-Baptiste-Adolphe Bausson, décédé le 24 mai 1896. M. Bausson
fut ordonné prêtre en 1854; il fut successivement professeur au
Séminaire de Fénétrange; vicaire à Haroué; curé de Chazelles en
1855; curé de Bouzanville en 1856; curé de Frolois, depuis le
1er mars 1880.
M. Bausson était membre de l' Association de prières.
27 juin 1896 - n° 26 - p. 516
Décret
de la S. Rom. Univ. Inquisition .
Ferie IV, le 15 avril 1896.
A tant d'autres énormités de cette coterie déjà condamnée, qui,
depuis plusieurs années, sur la paroisse de
Loigny, diocèse de
Chartres, ne cesse, sans aucun égard pour la vérité et pour le
respect dû à la hiérarchie ecclésiastique, de publier et de
soutenir, avec une extrême effronterie, comme visions privées,
révélations et prophéties, des délires d'esprit malade, est venu
récemment s'ajouter un délit si audacieux qu'il serait
incroyable s'il n'était contenu dans le n° 85 du Périodique
intitulé : Les Annales de Loigny.
Dans ce numéro sont insérés des Actes absolument inventés et
faux, attribués aux Consistoires pontificaux du 29 novembre et 2
décembre 1895. On veut, par là, faire croire que le Souverain
Pontife, par un oracle de vive voix, a approuvé le susdit
Périodique et la société établie à Loigny sous le nom d' Epouses
du Sacré-Coeur de Jésus Pénitent, ainsi que les oeuvres de cette
société; qu'il a levé l'interdit fulminé, par l'Ordinaire de
Chartres, contre Mathilde Marchat, soi-disant Marie-Geneviève;
que celle-ci partant, à titre de justice, a été réadmise aux
sacrements et que ses prétendues visions ont été reconnues comme
divines.
Quoique déjà, soit par les Actes de l'Ordinaire de Chartres
approuvés et confirmés par cette Suprême Congrégation, soit
encore et surtout par le Décret du 27 juin 1894 condamnant la
série de ces libelles mensongers ou Annales de Loigny, il ait
été pourvu à ce que les fidèles ne soient pas déçus par tous ces
mensonges; néanmoins, il a paru opportun de notifier, par une
nouvelle déclaration, le nouveau piège tendu à la crédulité des
imprudents.
C'est pourquoi cette Suprême Congrégation instituée contre la
perversité hérétique, sur ordre exprès du Souverain Pontife, N.T.
S. Père le Pape Léon XIII, déclare et notifie, à tous et à
chacun des fidèles en J.-C., que les Actes du Consistoire
pontifical, insérés dans le susdit libelle, sont totalement
inventés et faux, et ordonne que, comme faux et inventés, ils
soient retenus de tous.
A cette fin, la Suprême Congrégation déclare:
Que, demeurant ferme la condamnation antérieure des susdites
Annales de Loigny, le n° 85 de ces Annales a été et reste
proscrit, comme contenant des Actes falsifiés des Consistoires
et autres choses indignes;
Que tous les décrets émanés, soit de l'Ordinaire de Chartres,
soit du S. Siège, contre la pseudo-communauté de Loigny, sont
ratifiés et confirmés;
Que la femme susnommée reste sous l'interdit des sacrements, et
le pouvoir de l'absoudre, en cas de résipiscence, réservé au
Souverain Pontife, sauf uniquement à l'article de la mort ;
Que les visions, les révélations et les prophéties de Loigny
sont complètement fausses, et comme telles doivent être
regardées par tous les fidèles;
Que les fauteurs de cette oeuvre de mensonge, quel que soit leur
sexe, leur état ou dignité, les connivents, les adhérents, tous
ceux en un mot qui, sous une forme quelconque. ont prêté à
ladite oeuvre aide et appui sont incapables d'absolution et de
réception des sacrements, jusqu'à ce qu'ils viennent à
résipiscence.
Et toutes ces déclarations, la Suprême Congrégation a commandé
de les publier en la forme prescrite.
Jos. MANCINI, Notaire de la S. Rom. et Univ. Inquisition.
18 juillet 1896 - n° 29 - p. 567
NÉCROLOGIE
M. l'abbé Rolin.
Nous recommandons aux prières de nos lecteurs, l'âme de M.
l'abbé Charles-Alexis Rolin, décédé le 15 juillet 1896,
Né à Ludres en 1842, prêtre en 1861, M. Rolin a été
successivement vicaire à Gondreville, à Blâmont (1869), curé de
Pulney (1870), de Germiny (1887), retiré à l'hospice de Ludres
depuis le 15 mai 1896.
M. Rolin ne faisait pas partie de l' Association de prières.
15 août 1896 - n° 33 - p. 646
DIOCÈSE ACTES OFFICIELS
Nominations.
Par décision de Mgr l'Evêque, ont été nommés:
[...] Vicaire à Saint-Georges de Nancy, M. l'abbé NICOLAS,
précédemment vicaire à Blâmont ;
[...] Vicaire à Blànont, M. l'abbé DEMOYEN, nouveau prêtre;
[...]
Professeurs ou Préfets de discipline dans les établissements
diocésains d'instruction suivants :
Petit Séminaire: M. l'abbé MOUTIN, précédemment curé de Vaucourt;
[...]
29 août 1896 - n° 85 - p. 685
DIOCÈSE ACTES OFFICIELS
Nominations.
Par décision de Monseigneur l'Evêque ont été nommés:
[...] Curé de Gogney, M. l'abbé ROUYER, précédemment vicaire à
Longwy-Haut;
3 octobre 1896 - n° 40 - p. 786
DIOCÈSE
Nomination
Par décision de Mgr l'Evêque, ont été nommés :
[...] Curé de Repaix, M. l'abbé HANS, précédemment vicaire à
Baccarat ;
10 octobre 1896 - n° 41 - p. 805
NÉCROLOGIE
M. l'abbé Xilliez.
Nous recommandons aux prières l'âme de M. l'abbé P.-A. Xilliez,
décédé à Blâmont, le 7 octobre 1896.
Né à Blâmont en 1868, ordonné prêtre en 1891, M. Xilliez a été
successivement élève à l'Ecole des Hautes-Etudes, professeur à
l'institution B. Pierre-Fourier de Lunéville (1892), élève à
l'Ecole des Carmes à Paris (1894) ; retiré dans sa famille
depuis quelques mois.
M. Xilliez était membre de l'Association de prières.
7 novembre 1896 - n° 45 - p. 887
NÉCROLOGIE
M. l'abbé Xilliez.
M. l'abbé Jérôme, professeur au Grand-Séminaire, nous communique
une très belle notice nécrologique sur M. l'abbé Paul Xilliez,
professeur de philosophie à l'Institution B. P. Fourier.
Nous en reproduisons les pages les plus intéressantes et les
plus édifiantes :
« M. l'abbé Paul-Arsène Xilliez était né à Blâmont le 28 juillet
1868, d'une de ces familles profondément chrétiennes, trop rares
aujourd'hui, où toutes les relations, ennoblies et sanctifiées
par la religion et la piété, ne sont fondées que sur le respect
et la tendresse. Il avait reçu sa formation de l'âme sainte et
ferme de sa mère et il aimait lui-même à redire comment cette
première éducation familiale, forte et tendre à la fois, avait
marqué son caractère d'une empreinte ineffaçable et laissé dans
son coeur les plus délicieuses impressions.
Des neuf années que Paul Xilliez passa successivement aux
Séminaires de Pont-à-Mousson et de Nancy, nous dirons peu de
chose, ne l'ayant pas connu assez intimement alors pour en
parler longuement. Aussi bien n'est-ce guère que pendant les
dernières années de son Grand-Séminaire qu'il a commencé à se
révéler. Ce qui, dès cette époque, frappait en lui, sous des
dehors simples, modestes, d'une candeur presque angélique,
c'était l'exquise distinction de toute sa personne, c'était
aussi une maturité précoce et une gravité d'attitude qui lui
avaient valu de ses condisciples, si j'ai bonne mémoire, le
surnom bien caractéristique de certain vieux Romain qu'il avait
accepté de bonne grâce, du reste, et dont il était le premier à
sourire. La sévérité un peu dure de son extérieur pouvait
parfois au premier abord prévenir contre lui, mais la prévention
se dissipait bien vite dès qu'on commençait à le connaître et
l'on se sentait bientôt attiré vers lui par un charme
irrésistible.
Riche des qualités du coeur malgré les apparences, M. l'abbé
Xilliez ne l'était pas moins de celles de l'esprit. Nature
méditative et réfléchie, intelligence ferme et virilement
trempée, nette et méthodique en même temps que souple et variée,
il unissait à une rare vigueur intellectuelle une finesse de
pénétration et une puissance d'analyse psychologique peu
communes que l'habitude des longues méditations avait
développées et qui devaient s'affirmer davantage encore avec les
années. En lui d'ailleurs le penseur était doublé d'un artiste
au goût délicat, au sens esthétique très affiné, et le
littérateur complétait le philosophe. Dès cette époque, il
excellait à revêtir sa pensée d'un tour original et distingué,
et un rayon de poésie et d'idéal éclairait déjà tout ce qui
sortait de sa plume ou tombait de ses lèvres.
Trop jeune encore à sa sortie du Séminaire pour recevoir
l'onction sacerdotale, M. l'abbé Xilliez fut destiné par ses
supérieurs, - après qu'il eut passé avec succès un baccalauréat
en théologie à la Faculté catholique de Lyon, - à l'étude des
lettres, et tout spécialement de la philosophie, science pour
laquelle il avait toujours témoigné des aptitudes particulières
et avoué une prédilection marquée. Après une année à peine de
préparation à la Faculté des Lettres de Nancy, dont il fut l'un
des élèves les plus distingués et où l'on a gardé fidèlement son
souvenir, il était admis au grade de licencié, presque au
premier rang, à la session de novembre 1891. Quelques mois
auparavant, le 23 août, il avait reçu l'ordination de la
prêtrise. La vie s'ouvrait toute large devant lui: il était prêt
désormais à y entrer.
La vie ! Quelle orientation allait-il lui donner? Malgré son
jeune âge, il y avait songé bien des fois déjà, et aux heures de
rêve de son adolescence, il s'en était tracé un idéal noble,
grand, généreux. Il avait toujours aimé les joies sévères de
l'étude et la pente naturelle de son intelligence le portait à
la recherche de la vérité. La vérité, il l'avait trouvée pour
lui-même, dans toute sa plénitude, à sa source : Notre Seigneur
dans le sacerdoce. Mais à son coeur de prêtre cela ne suffisait
pas. Cette vérité, il voulait la répandre autour de lui, et
précisément la poursuite du savoir humain, de cette science
philosophique en particulier où il avait creusé son sillon et
dont il avait fait son domaine, n'avait jamais été dans sa
pensée qu'un acheminement à ce but, car il avait horreur lui
aussi de cette « connaissance stérile, dont parle Bossuet, qui
ne se tourne pas à aimer et se trahit elle-même. » L'apostolat
du prêtre peut revêtir des formes variées et multiples : aux
uns, Dieu demande l'apostolat des oeuvres, aux autres l'apostolat
de l'exemple, à d'autres enfin l'apostolat de la science. M.
l'abbé Xilliez voulait être de ceux-ci, et certes, ses goûts,
son talent, ses succès, tout lui donnait bien le droit d'y
prétendre. Ces rêves d'apostolat intellectuel, il les caressait
depuis son enfance avec une naïveté que sa modestie qualifiait
volontiers de présomptueuse.
« Il serait si beau, écrivait-il un jour, d'être pour quelque
chose dans la sanctification et le salut des individus comme des
nations par cette forme spéciale de l'apostolat qui est la
parole écrite ! Il serait si beau d'apporter le contingent de
notre faiblesse à quelque ouvrage sérieux et durable dont le but
serait la glorification de Jésus-Christ et de l'Eglise ! ... » Et
une autre fois : « J'ai été souvent frappé, et douloureusement,
de l'indifférence, de l'ignorance, du mépris avec lequel des
hommes d'une haute valeur intellectuelle parlent des choses que
nous croyons et que nous aimons. Ce spectacle, je le crois,
n'éveillait en moi aucun doute, ne provoquait aucune défaillance
: au contraire, et c'est ce qui arrive presque toujours, ma foi
et mon amour se développaient par réaction. Mais ce qui me
frappait plus que cela, c'était de voir que bien souvent la
parole d'erreur retentissait toute seule et que la vérité
restait muette, Ici, pas de réponse; là, une réponse
insignifiante, bien propre à faire triompher l'adversaire : le
silence eût été préférable ; plus loin, pas même un effort pour
comprendre l'objection, par conséquent réponse nulle ... » Et,
généreusement, il concluait: « Travaillons, dans le but d'être
utiles à la Religion chrétienne, ou plutôt, parce que la
Religion n'a pas besoin de nous, aux âmes de nos frères! »
Ces aspirations et ce désir d'apostolat intellectuel ont fait
l'harmonieuse beauté et l'incontestable grandeur de sa trop
courte vie.
Lorsque M. l'abbé Xilliez fut reçu licencié, en novembre 1891,
l'année scolaire était commencée, et il avait espéré que grâce à
cette circonstance, il pourrait, durant quelques mois au moins,
et sans qu'aucune préoccupation étrangère vînt le distraire, se
donner entièrement à ses chères études. Il se promettait de
largement profiter du temps qui s'ouvrait devant lui et avait
déjà fait choix d'un travail qui devait le remplir. Son désir ne
put èêre satisfait: on lui confia un préceptorat qu'il dut
accepter.
Au mois d'octobre 1892, M. l'abbé Xilliez entrait comme
professeur à l'Institution B. P. Fourier de Lunéville. Il devait
y passer deux ans et y occuper successivement la chaire de
rhétorique et celle de philosophie. Il avait compris la grandeur
de ses fonctions. Il aimait à se comparer à l'artiste qui taille
dans le marbre un chef d'oeuvre: « Nous sommes des sculpteurs,
répétait-il souvent en levant les bras dans un geste tout
expressif, et ce qu'il y a de plus grand dans notre tâche,
ajoutait-il, c'est que la matière que nous travaillons n'est pas
une matière brute, mais une matière intelligente et vivante. » A
faire des bacheliers, ne se bornait pas son ambition.
S'appliquant à former le coeur et la conscience des jeunes gens
confiés à ses soins non moins que leur esprit, il voulait en
faire surtout des hommes, des caractères vigoureusement trempés,
des chrétiens aux convictions solides, bien armés pour les
luttes de la vie. Cette partie de sa tâche, d'ailleurs, ne
nuisait pas à l'autre : on le voyait bien lorsqu'arrivait
l'époque des examens, et, du reste, n'est-ce pas lui qui eut le
mérite et l'honneur de concevoir, et, avec des confrères
intelligents et dévoués comme lui, de réaliser ce projet
assurément hardi d'une représentation en grec d'Electre par les
élèves de l'institution? L'idée pouvait sembler téméraire, je
n'ose dire présomptueuse, mais le succès de cette « Matinée
athénienne » que l'on n'oubliera de longtemps au Collège et les
applaudissements enthousiastes et émus de l'assistance
distinguée qui se pressait dans l'immense salle du Cercle
catholique de Lunéville devenue trop étroite pour la
circonstance, vinrent rassurer les organisateurs de cette fête
littéraire, et les convaincre qu'ils n'avaient trop présumé ni
de leur propre zèle, ni du talent de leurs élèves.
Tel fut M. l'abbé Xilliez comme professeur. J'ajoute que le
travail de classe ne l'absorbait pas tout entier. Les loisirs
que pouvait lui laisser parfois son enseignement étaient
consacrés par lui à la préparation d'une thèse de doctorat. Son
choix, après mûre réflexion, s'était arrêté sur la philosophie
du moyen-âge, encore si mal connue, du moins en France, et dans
cette période sur Alexandre de Halès. Il réunissait dès lors
patiemment de précieux matériaux puisés en diverses
bibliothèques, à Paris, à Strasbourg, à Innsbruck, à Munich,
qu'il se proposait de mettre plus tard en oeuvre. La mort devait
l'en empêcher.
Apprécié de ses supérieurs, aimé de ses élèves, estimé des
parents dont il avait pleinement justifié la confiance, M.
l'abbé Xilliez eût pu continuer à remplir honorablement et à la
satisfaction de tous, au Collège de Lunéville, sa mission de
professeur. Mais plus difficile et plus exigeant pour lui-même
qu'on ne l'eût été à coup sûr au dessus ou à coté de lui, il
voulait parfaire encore sa formation intellectuelle et
professorale. A diverses reprises, il avait sollicité de
l'administration diocésaine un congé de quelques mois qui lui
permît un travail personnel plus libre et plus intense: ambition
inspirée par des vues humaines ? non pas, mais bien plutôt
volonté fermement arrêtée de travailler de plus en plus à la
réalisation du noble idéal qu'il s'était tracé autrefois et
qu'il n'avait pas perdu de vue. A la fin, sa demande fut
favorablement accueillie, et au mois d'août 1894, son départ
pour l'Ecole ecclésiastique des Carmes à Paris était décidé.
M. l'abbé Xilliez arrivait à Paris plein d'une généreuse ardeur,
et résolu à user largement de toutes les ressources
intellectuelles, au sein desquelles sa vie se trouvait désormais
placée. Cette résolution, il ne cessa de la tenir avec une
conscience, une énergie, une ténacité dont sa santé, qu'il
croyait - bien à tort - inaltérable, ne devait pas tarder à
souffrir. Les cours et les exercices pratiques de la Faculté des
Lettres ne suffisent pas à son activité; il y joint des
conférences au Collège de France, à l'Ecole pratique des Hautes
Etudes, à l'Institut catholique, à la Faculté de Théologie
protestante, à l' Ecole libre des sciences politiques, et, une
fois la semaine, il vient travailler au Laboratoire de
psychologie physiologique de la Sorbonne, recueillant partout
les suffrages et les encouragements plus que bienveillants de
maîtres qui ne lui ménagent pas leurs précieux éloges. Il est an
courant de tout : idées, art, littérature, rien ne lui échappe.
Naturellement, la philosophie surtout le retient; sans renoncer
à la philosophie du moyen-âge qui l'avait jadis attiré, il
s'initie à tous les secrets de cette philosophie contemporaine
qui soulève de nos jours tant de questions nouvelles, cherchant
avant tout à en pénétrer consciencieusement et loyalement le
fond et la pensée, persuadé que c'est par là que doit commencer
le grand travail de conciliation entre l'esprit chrétien et les
progrès incontestables de la pensée moderne. Entre temps, il
commence à donner lui-même à l'Enseignement chrétien et aux
Annales de philosophie chrétienne (1), dont il devient dès lors
un collaborateur assidu, des articles critiques remarqués autant
pour l'élégante précision de la forme que pour la justesse, la
netteté et la vigueur de la pensée, et il conquiert comme en se
jouant, au mois d'avril, un baccalauréat ès-sciences qui lui
était nécessaire pour des examens ultérieurs. En juillet, enfin,
il se présentait au difficile concours de l'agrégation de
philosophie, et s'il n'eut pas ici la complète satisfaction
d'atteindre le but, du moins le toucha-t- il de bien près et
sortit-Il de la lutte avec honneur. Les premières épreuves
avaient été brillantes; sa leçon de thèse avait été
particulièrement appréciée; hélas ! une de ces fatigues
inexprimables qu'engendrent à la longue les labeurs excessifs
vint compromettre le résultat final. Cent candidats environ
s'étaient présentés; le chiffre des admissions arrêté par le
ministère, était huit : il arriva onzième. D'ailleurs cette
défaite, bien glorieuse à coup sûr, n'avait pas abattu son
énergie, ni brisé sa force d'âme. Il était épuisé mais non
vaincu. Il se consola vite, espérant gagner à ce contre-temps de
pouvoir prolonger son séjour à Paris d'une année nouvelle qu'il
se promettait devoir être plus féconde et plus fructueuse encore
que la première.
Cette espérance, hélas ! ne devait pas se réaliser. La
Providence avait d'autres desseins sur lui, et lorsqu'il quitta
Paris, le 21 août, c'était pour n'y plus revenir. Il ne devait
plus revoir cette chère Sorbonne où il avait
goûté tant de jouissances intellectuelles, ni cette petite
cellule de la maison des Carmes, témoin de tant de veilles
laborieuses. La vie de travail intense qu'il menait depuis dix
mois avait ébranlé sa santé, et les inquiétudes que depuis
quelque temps il inspirait à des amis dévoués, dont les conseils
avaient été impuissants, n'étaient que trop justifiées. A peine
rentré dans sa famille, une maladie de langueur commença à
l'envahir. Lui-même, jadis marcheur infatigable, se sentait
dépérir. L'hiver approchait: un savant médecin consulté lui
conseilla de partir pour une station climatérique des Alpes.
Peut-être l'air pur et vif des cimes neigeuses aurait-il raison
du mal qui le guettait, menaçant et perfide.
Il lui fallait donc renoncer pour un temps, pour toujours
peut-être, à ses plans d'avenir: le sacrifice était douloureux,
mais notre cher malade l'accepta, et avec cette résignation
sereine et cette force d'âme qu'il apportait en tout, il
s'abandonna au bon plaisir de Dieu et partit pour Leysin. Les
espérances, ou plutôt les illusions, s'il en eut, ne durèrent
pas longtemps : « La pauvre plante humaine, quand elle a été
déracinée, écrivait-il quelques jours après son arrivée à
Leysin, a bien de la peine à reprendre, même sous le plus beau
ciel et avec les caresses de la plus douce rosée, la vigueur
qu'elle a perdue. » Bien que se conformant, avec une conscience
exacte et presque minutieuse, aux prescriptions des médecins, il
ne s'exagérait pas l'efficacité du remède ni la bienfaisance de
cet air vivifiant qu'il était venu demander à la nature
alpestre. Il avait senti, dès les premières atteintes, la
gravité du mal qui le frappait, et il se préparait à faire à
Dieu, entier, complet et généreux le sacrifice qu'il lui
demandait : « Priez bien pour moi, écrivait-il à un ami, je suis
plein de bonne volonté, je veux travailler. Mais peut-être Dieu
ne le veut-il pas ? Priez pour que j'accepte sa volonté, quelle
qu'elle puisse être, avec joie et reconnaissance. Peut-être me
faudra-t-il dire avec le poète dont je vous entretenais tout à
l'heure, - Sully-Prudhomme -
« Au combat de la vie,
Bientôt je suis tombé vaincu ;
L'âme pourtant inassouvie,
Je meurs et je n'ai pas vécu. »
Et encore, quelques jours après: « Heureux êtes-vous d'avoir pu
vivre votre rêve et faire du travail la loi de votre vie ! Il me
faudra peut-être renoncer au mien : je le ferai avec la
résignation d'un soldat désireux de combattre et à qui son
prince imposerait l'inaction. Entre nous, je crois que cette
disposition, bien imparfaite, n'est pas cependant pour déplaire
à mon Prince. » Et il ajoutait: « Que la volonté de Dieu se
fasse, seulement j'aimerais à la connaître afin de m'y mieux
préparer. »
Son désir fut exaucé : il ne tarda pas à voir clairement cette
volonté de Dieu, car la maladie, malgré peut-être des apparences
trompeuses, suivait son cours et il en mesurait les progrès avec
la même clairvoyance et la même précision que s'il se fût agi
d'un autre : « En dépit de l'optimisme qui est dans ma nature et
de l'euphorie qui est dans les exigences de la maladie dont je
suis frappé, je vois clairement que la lutte est inégale et
presque impossible contre ces ennemis invisibles qui sont
légion. Le dénoûment pourra se faire attendre, ce qui est
certain c'est qu'il viendra et que l'épreuve aura une fin. «
Cela change bien un peu mon centre de perspective, ajoutait-il
ensuite avec une pointe de mélancolique tristesse, et cela
dérange mes plans, mais qu'importe, puisqu'ils n'étaient que les
miens. L'avenir semble se dérober, mais ce n'est que l'avenir
immédiat et terrestre : eh bien ! en route pour l'autre et
bravement ! »
Et cependant, les soucis d'une santé misérable et précaire
n'avaient pu l'arracher complètement aux études qu'il
affectionnait; la flamme intérieure animait toujours cette frêle
enveloppe du corps que la mort commençait à serrer de son
étreinte; et dans ce corps humilié par la souffrance, la pensée
avait conservé toute sa vigueur, et le coeur toutes ses
délicatesses. De la galerie de Leysin, où il continuait sa cure
d'air, étendu sur sa chaise longue de malade, il trouvait encore
la force nécessaire pour écrire de nombreux articles critiques
que lui réclamaient diverses Revues (2).
Cette activité intellectuelle presque prodigieuse qui
débordait sur tous sujets était loin d'ailleurs de dessécher son
coeur. Il semble, au contraire, que la maladie dont il souffrait
ait encore affiné chez lui la délicatesse du sentiment. Jamais
son âme ne fut plus affectueuse, jamais non plus peut-être elle
ne fut plus religieuse et plus sacerdotale. Il le constatait
dans une sorte de méditation philosophique intime, où il
s'observait et se décrivait lui-même: « Mon âme se fait de jour
en jour plus véritablement, plus profondément religieuse ; plus
je reviens à moi-même et plus je trouve Dieu. Si je veux me
dérober aux distractions des choses extérieures et me chercher
moi-même, c'est Dieu que je trouve à la racine de toutes mes
énergies comme au terme de toutes mes aspirations; » et encore :
« Jusqu'ici ma vie a été un point d'interrogation anxieux et
inexorable. Toujours tendu vers l'avenir et sans aucun regret
pour aucun des moments écoulés, je n'ai jamais trouvé ce que je
cherchais. Il y a toujours eu dans mon existence, beaucoup de
provisoire et d'inachevé. Jamais je n'ai fermé un livre en me
disant : Voilà qui est bien! Voilà une question sur laquelle je
suis suffisamment édifié ! Non, je me suis dit toujours: C'est
bien, il faudra voir, formule des certitudes toujours fuyantes,
des convictions indéfiniment ajournées. De même pour le
sentiment : je ne puis dire que mon coeur a gouté ici-bas la
paix, le bonheur absolu. Et alors, puisque Dieu m'a fait pour la
vérité et pour l'amour, puisque d'autre part je n'ai trouvé ni
la pleine clarté des solutions définitives, ni la joie de
l'indéfectible amour, Dieu me les doit, il me les donnera.
L'au-delà est fait de justice, il est surtout fait de bonté.
Mais le sacrifice touchait à sa fin. Revenu en Lorraine au mois
de mars, il avait essayé d'y continuer, sous un climat moins
heureux, mais entouré de la tendre sollicitude des siens, la
cure commencée à Leysin. Un instant le danger avait semblé
conjuré, et nous nous reprenions à espérer, quand une violente
hémoptysie survenue soudain vers la fin du mois de mai, vint
nous rappeler douloureusement aux tristesses de la réalité. Le
coup avait été profond, il était irréparable. Désormais les
progrès du mal furent rapides. C'est en vain que la tendresse
maternelle et les soins empressés et dévoués de savants médecins
disputent pendant plusieurs mois notre cher malade à la mort: il
n'y avait plus d'espoir, plus d'illusion même possible.
Lui surtout ne s'y trompait pas: avec une clairvoyance sereine
et une force d'âme tranquille qui ne l'abandonnèrent pas, même
au plus fort des douleurs, il mesurait la marche de la maladie,
usant chrétiennement et surnaturellement de ses souffrances
comme jadis il avait usé de ses forces, et renouvelant chaque
jour, avec une générosité croissante, l'immolation d'une vie
dont la prolongation était devenue la prolongation de son
martyre. Le fatal dénouement était proche, il le savait : «
L'automne finissant m'emmènera comme tant d'autres »,
écrivait-il au mois d'août, mais détaché désormais de tout, ne
vivant plus qu'en Dieu, il voyait venir la fin de l'épreuve sans
effroi, sans faiblesse. Elle arriva plus tôt peut-être qu'il ne
l'avait lui-même prévu, et le 7 octobre au soir, après avoir
demandé, avec une confiance heureuse et tranquille, et reçu en
toute piété les sacrements de l'Eglise, il s'endormait doucement
dans la paix du Seigneur. Le sacrifice était consommé: sur sa
couche funèbre, l'expression encore souriante et douce de sa
physionomie semblait réfléter la tranquillité de l'âme qui
venait de s'envoler au ciel.
(1) Voir en particulier les articles Métaphysique et Sociologie,
dans l'Enseignement chrétien du 16 mars 1895, et L'obligation
morale et l'Idéalisme d'après une thèse récente dans les Annales
de philosophie chrétienne de juillet 1895. Voir aussi
l'Enseignement du 16 Décembre 1894 et les Annales de Septembre
1895.
(2) Voir notamment les Annales de philosophie chrétienne,
livraisons de septembre et novembre 1895, et de janvier,
février, avril, juillet et août 1896.
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