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Témoignage d'un historiographe saxon - 1915

Si le texte ci-dessous ne présente qu'un intérêt très limitée en ce qui concerne les événements locaux, il présente l'avantage de mettre en évidence les comportements et la mentalité qui prédominent chez l'envahisseur allemand en ce début de guerre.

Voir aussi Témoignage d'un historiographe saxon - 1915 (2)
 


La Revue hebdomadaire
29 juin 1918
(notes renumerotées)

UN HISTORIOGRAPHE SAXON EN PAYS ENVAHI (1915)

Othon-Edouard Schmidt (1) a été chargé par le roi de Saxe de faire l'histoire des troupes saxonnes dans la guerre actuelle, et au mois de mars 1915 il fut envoyé dans l'Ouest, c'est-à-dire dans la France envahie, pour étudier son sujet, connaître le théâtre des opérations, interroger officiers et soldats. Le 20 mars, après avoir eu six jours auparavant une audience particulière du roi, il quittait Leipzig, et nous allons le suivre dans son voyage qui dura trois semaines (2).
En traversant la Thuringe, il ne pense plus, comme jadis, à Luther et à Goethe : la guerre seule le préoccupe, et il admire le vaste réseau des chemins de fer, première trace de la supériorité de l'Allemagne sur ses voisins !
A Francfort, encore la guerre : les établissements de la Croix-Rouge, les blessés dans les jardins, un train sanitaire dans la gare, un de ces trains qui pourvoient remarquablement à tous les besoins des pauvres soldats ainsi qu'au repos des médecins et des soeurs qui les accompagnent.
Worms lui rappelle la campagne romaine et, par suite, la nation italienne et l'hostilité, la perfidie que cette nation oppose au «  nouveau siècle héroïque » de l'Allemagne. Quel bon Allemand, monté sur la hauteur du Janicule, regardera désormais avec enthousiasme le soleil se plonger dans la mer Tyrrhénienne ! Ah ! l'idée du peuple italien jette comme un souffle de mort au milieu des plus chers souvenirs que Schmidt a rapportés d'Italie ! Il aime mieux, en entrant à Worms, évoquer les Nibelungen, citer la strophe du vieux poème Ze Wormze bî dem Rhîn et mêler ainsi à l'écho du glorieux passé l'orgueil qu'inspirent aujourd'hui les exploits des «  Gris », des Feldgrauen qui, décidément, selon Schmidt, éclipsent et Marathon et Salamine et les prouesses des Burgondes et les victoires de 1870 !

Il passe à Strasbourg la soirée du 20 mars et la matinée du lendemain qui est un dimanche. En parcourant la ville, il n'entend pas un mot de français, ne voit pas une seule enseigne française. Partout la langue allemande, avec le timbre original du dialecte allemanique. A vrai dire, il y a moins de monde qu'en temps de paix, et de nombreuses familles ont quitté la ville; mais Strasbourg semble allemand, ce Strasbourg que la France regrette. Comme si la France avait assez de foi ce pour reconquérir l'Alsace ! Comme si elle n'était pas un peuple dégénéré; un peuple qui ne comprend point la culture allemande; un peuple qui ne possède plus ces choses supérieures, sentiment religieux, chevalerie et noblesse de l'art; un peuple qui n'a pas de but politique; un peuple que les rusés marchands de la Tamise ont mis aux fers et qui ne sent plus ses chaînes !
La vue des fidèles qui prient dans la cathédrale, console Schmidt qui déjà s'attristait si miséricordieusement sur le sort de la France. Ce sont, pour la plupart, des soldats dont l'honnête visage respire le sérieux de la guerre, la résolution de bien agir et une dévotion sincère, presque enfantine. Un homme barbu de la landwehr, chaussé de grosses bottes et pieusement agenouillé, semble à Schmidt un saint de la légende.
Devant la cathédrale passent des Alsaciennes au bonnet de soie noire. Mais l'image de la guerre n'est pas loin : une foule de «  Gris » qui marchent à l'aide de béquilles, les hôpitaux établis dans le palais de l'Empereur, dans les bâtiments de l'Université et dans d'autres édifices publics, la gare où un comité de dames charitables distribue le café aux artilleurs qui passent.

Le même jour - dimanche 21 mars - Schmidt prend le train de Strasbourg à Igney.
Voici cette ville de Saverne qui fit tant parler d'elle ! Mais les Allemands savent aujourd'hui que l'affaire était une flèche d'essai lancée par les partisans de la France, par des traîtres, par des prétendus défenseurs des droits du citoyen qui voulaient démontrer que le Michel allemand se laisse facilement houspiller. Or, Michel s'est éveillé; il a d'un coup vigoureux «  rejeté dans l'Orcus la canaille welche qui se pavanait sur le sol allemand », et des enfantillages de Saverne, l' Allemagne a tiré cette leçon : plus un mot de français en Alsace; plus un homme faible dans l'administration du pays d'Empire conquis pour la seconde fois au prix de tant de sang !
Voici Sarrebourg, Sarrebourg où l'année du prince Robert de Bavière à, le 20 août 1914, battu les Français. L'aimable et modeste cité montre, selon Schmidt, le même caractère allemand que Strasbourg : les enfants ne parlent pas français; à l'hôtel de l'Empereur ou Kaiserhof les bourgeois savourent avec calme leur chope du soir; de tous côtés circulent des officiers et des soldats. Si Strasbourg, comme Leipzig, est un petit Paris, Sarrebourg est un petit Strasbourg. C'est là qu'affluent les «  Gris «  qui sont de l'autre côté de la frontière française, lorsqu'ils ont un moment de répit; c'est là qu'ils viennent acheter des vivres, du tabac, du linge, du papier à lettre. Aussi le Kaiserhof ne désemplit point : pas une chaise qui ne soit occupée; on mange et on boit; les camarades qui se rencontrent, les amis qui se retrouvent causent à grand bruit; au dehors les autos ronflent et les chevaux impatients grattent des pieds la terre.
Au matin du 22 mars, Schmidt est dans la zone de guerre, à Igney. Il voit des tranchées, des batteries, des postes d'observation ; il entend le canon qui tonne à dix kilomètres; il s'entretient avec des officiers saxons qui lui racontent les combats livrés dans les Vosges aux chasseurs alpins, «  la meilleure infanterie de France; ; il passe quelques heures au quartier général d'une division que sa bigarrure a fait surnommer l'armée de Guatemala. Par Blamont, il se rend à Cirey et au château de Châtillon. A Cirey, des soldats logent dans les grandes fabriques de glaces. A Châtillon, il voit dans le jardin la tombe des Bavarois du landsturm qui prirent le château, et dans la salle de billard, sur le tapis, le sang du baron de Klopstein qui tira sur les Allemands avec son fusil de chasse et tomba mortellement blessé.

Le 23 mars, Schmidt arrive à Metz. La vie y semble plus active, plus animée qu'à Strasbourg : le grand quartier général de l'armée allemande n'est pas loin; les marchands et les fournisseurs y font de copieux achats pour les «  Gris » ; la ville regorge de militaires; les étalages des magasins et les portions vraiment énormes qui, le soir, sont servies dans les restaurants, témoignent de l'ample approvisionnement de la forteresse.
De Metz, Schmidt gagne Charleville par Fontoy, Longuyon, Montmédy et Sedan.
A Fontoy ou Fentsch est le poteau de la frontière, gardé par un poste d'hommes du landsturm, et ce poteau paraît pencher vers le côté français ; serait-ce un présage ?
Longuyon a été bombardé au mois d'août 1914, et les maisons qui restent, ont l'air sale et triste comme si elles étaient «  sous le sac et la cendre ».
Le tunnel de Montmédy a été détruit, et des prisonniers français en pantalons rouges et en vestes bleues travaillent à le reconstruire. Les ponts de Chauvency, de Bazeilles et de Charleville ont été pareillement rétablis.
Sur tout le parcours, Schmidt admire l'organisation allemande. Non seulement cette grande organisation, grosse Organisation, refait les ponts, mais elle répare les dommages de la guerre et crée «  de nouvelles valeurs de la culture ». Partout des tentes pour les ouvriers ; dans les gares, des masses, des montagnes de fer, le vieux fer tiré des fabriques bombardées; sur les pentes des collines, les chevaux bien nourris des colonnes du train d'équipages labourent la terre. Le train militaire qui porte Schmidt, manifeste, lui aussi, les bienfaits de la culture allemande; il est bien plus beau, bien plus propre que les trains français de la même ligne ; il possède des arrangements et appareils hygiéniques, ainsi qu'un wagon-restaurant très confortable comme il n'y en a pas sur les chemins de fer des Welches toujours si routiniers et si arriérés. C'est dans ce Speisewagen que se concentre la vie du train de Metz-Charleville. On y cause gaiement, librement de toutes choses, mais non de la guerre, puisqu'on l'a constamment sous les yeux. La nourriture est d'ailleurs très bonne, et au même prix que dans les premiers mois de 1914.
A Charleville, Schmidt est. logé par le commandant d'étapes non loin de la gare, à l'hôtel d'Epargne, rue d'Epargne. Le milieu, comme il dit, est tout français. En bas, un petit café, et à côté la cuisine. En haut, les chambres ; celle de l'historiographe - n° 8 - manque de serviettes, et dans la maison, du toit a la cave, comme presque partout en France, la propreté laisse beaucoup à désirer.
En revanche, le buffet de la gare où Schmidt prend ses repas, peut passer pour un modèle. La salle est vaste, remplie d officiers qui habitent ou traversent Charleville un silence de bon goût y règne; les tables couvertes d'une nappe blanche, sont servies par une bonne qui parle et l'allemand et le français ainsi que par des ordonnances, Schmidt cite le menu du souper : une demi-douzaine d'entrées froides (salade, poissons, etc.), un plat de viande chaude avec légumes, un dessert (fromage, beurre, fruits, noix), et une demi-bouteille d'excellent vin rouge, La ville produit d'abord sur Schmidt une impression d'élégance et de grâce. Mais il n'a vu qu'une avenue et la rue qui conduit de la gare à l'avenue. Or, si cette partie de Charleville rappelle l'ordre et la propreté des Allemands, les rues latérales offrent au regard ce qu'on voit d'ordinaire en France, désordre et saleté.
La place ducale a conservé son charme d'autrefois, et l'imagination peut y évoquer les personnages du temps de Louis XIII et de Richelieu, lorsqu'il y avait encore, dit Schmidt, de vrais Français et avant que le sans-culottisme eût massacré toutes les bonnes vieilles traditions. Malheureusement, la place ducale est aussi la place du marché, et, le 25 mars 1915, - au milieu de ce cadre magique apparaissent de misérables boutiques où, dans les flaques d'eau que la pluie a laissées, et à côté de leurs ânes qui braient, des hommes minables, des femmes dolentes et des enfants affamés ne vendent que des sucreries et du bric-à-brac. Les chiens même sont déchus; personne ne se soucie d'eux; ils cherchent leur nourriture dans le fumier.
Ce qui reste de la population présente un aspect lamentable. A peine si l'on rencontre par instants un Ardennais qui semble avoir vigueur et caractère. Comparés à ces Français abâtardis, les plus vieux soldats du landsturm ont quelque chose d'héroïque, et les Allemands de l'active, qui de leur pas de fer font retentir le pavé, semblent dire : «  Nous vaincrons et nous devons vaincre.»

Après Charleville, Vouziers.
L'historiographe n'ignore pas que Vouziers est la patrie de l'historien et philosophe Taine; il remarque que Taine rechercha les causes du désastre de 1870 et finit par conclure que le despotisme de Napoléon préparé par la Révolution avait étouffé les plus heureux germes de développement dans le peuple français; qu'aurait conclu Taine s'il avait recherché les causes de l'actuelle décadence de la nation française ?
Vouziers a beaucoup souffert, non d'un bombardement, mais de l'occupation allemande. La ville est le siège d'une gigantesque administration d'armée et la plupart des habitants l'ont évacuée ; seuls, quelques travailleurs des rues y sont restés. Encore, ne suffit-elle pas aux besoins du commandement et de la garnison; l'espace manque; les autos passent en si grand nombre que la, boue rejaillit à près de deux mètres sur les fenêtres, les portes et les murs des maisons, et personne n'a le loisir et le désir d'enlever ces souillures. Mais alors, dirons-nous à Schmidt, que devient la propreté allemande, cette deutsche Reinlichkeit, que les Teutons se piquent d'établir partout ?
De Vouziers, Schmidt se rend par Juniville à S... au quartier général du corps de réserve saxon.
Il aurait voulu rencontrer Bethmann-Hollweg, et il ne vit qu'un de ses conseillers; mais il ne manque pas l'occasion d'encenser celui qu'il nomme l'Atlas de l'empire germanique ; «  Quelle grandeur morale a cet homme dans le poste le plus important qui soit ! Les Poincaré et Delcassé, les Grey et Asquith, les Salandra et Sonnino devraient mourir de honte lorsqu'on les compare à la personnalité si pure de Bethmann ! »
Du moins vit-il l'Empereur. L'homme que «  tous les Allemands entourent d'un chaud torrent d'amour », l'homme qui tient dans sa main la destinée de son peuple, passa lentement en auto devant Schmidt. Vêtu d'une pelisse ordinaire d'officier, l'air maigre, sérieux et la chevelure légèrement grisonnante, Guillaume n'est pas si sombre et misérable (3) que le représentent certains de ses derniers portraits ; il avait, non pas une figure tourmentée, mais un regard ardent et plein d'une mâle énergie ; toute sa personne, malgré sa simplicité, respirait la puissance. Schmidt versa des larmes ; il avait salué l'empereur, et l'empereur lui avait rendu le salut !

George, prince héritier de Saxe, fit sur Schmidt une impression non moins profonde. Le 26 mars, dans sa maison surmontée d'un drapeau blanc et vert, il reçut l'historiographe. La conversation dura près d'une heure. George dit à Schmidt qu'il fallait connaître l'âme du combattant; qu'il fallait étudier les régiments de la réserve qui disparaîtraient après la guerre et qui n'auraient pas évidemment comme les régiments de l'active une histoire particulière; qu'il fallait, pour bien savoir ce qu'étaient les troupes saxonnes, passer non pas trois jours, mais six jours au moins dans chaque corps d'armée; qu'il fallait, avant de distinguer l'essentiel de l'insignifiant et de faire jaser les soldats, apprendre à voir, sehen lernen. Schmidt sortit, enchanté, ravi de cet entretien avec son Altesse Royale, et le professeur sexagénaire ne tarit pas sur le compte du blanc-bec à qui sans doute l'aide de camp Vitzthum avait enseigné ces belles phrases. Quelle vivacité, quel feu, quelle facilité d'élocution chez ce Kronprinz 1 Quelle conception profonde du métier de l'historien ! Quels fins aperçus sur la psychologie du peuple ! Quelle chaleur de coeur et quelle observation exempte de toute légèreté superficielle ! Schmidt, Schmidt, vous vous pâmez d'admiration devant votre petit prince et, vraiment, vous allez trop loin dans l'éloge. Souvenez-vous du mot de Goethe :
On sent l'intention, et l'on prend de l'humeur (4).

Auriez-vous, comme tant de vos confrères et comme tous les Allemands, auriez-vous, selon l'expression d'un autre de vos grands poètes, une Bedientenseele, une âme de domestique ?
Le lendemain de ce jour mémorable - 27 mars - Schmidt visite à S... un admirable abattoir et un immense hôpital. Cet hôpital comprend plusieurs maisons particulières, la mairie, l'école et un grenier à blé. C'est encore un de ces établissements «  intéressants qui sont faits de rien » et que seuls, les Allemands ont le privilège de créer. Il renferme même un institut bactériologique, primitif certes, mais déjà scientifique !
Quant à l'abatttoir, tout y est utilisé, jusqu'au sang même, et il expédie chaque mois en Allemagne, outre un suif précieux, pour trois cent mille francs de peaux et d'intestins.
Il y a ainsi derrière le front allemand une organisation qui ne discontinue pas de s'améliorer, de s'affiner, et qu'est-ce que cette organisation, sinon la culture des Allemands, leur fidèle sentiment du devoir, leur goût et leur volonté «  de conserver et d'accroître toutes les valeurs » ? Schmidt magnifie, exalte cette nouvelle sorte d'humanité et d'esprit public, d'esprit à la fois militaire et économique qui, non-seulement pour les camarades et pour l'Allemagne, mais même pour les habitants du pays conquis, est une des manifestations les plus marquantes de la Kultur. «  Quel contraste avec l'aveuglement insensé des Français qui dévastent leur propre contrée et avec la barbarie que les Russes ont montrée dans la Russie orientale ! »
La visite d'un camp saxon jette Schmidt dans de semblables transports. Ce camp est ce qu'il y a de plus parfait. Quelle merveilleuse installation ! Les Saxons ont su se créer une image de la patrie. Ils ont avec du bois de sapin construit des huttes couvertes de mousse et de terre, percées de fenêtres, pourvues de lits, d'un banc, d'une table et d'un fourneau de cuisine, Chacune a son nom : château de Hubertusbourg et hauteur Frédéric-Auguste. Un beau point de vue s'appelle la terrasse de Brühl. Le camp lui-même, c'est Kipsdorf, station thermale de la Saxe. Schmidt, n'avez-vous pas l'enthousiasme un peu facile et naïf ?
Le dimanche des Rameaux, 28 mars, l'historiographe assiste à l'office divin, et pendant qu'au loin dans la région de Reims tonne le canon, pendant qu'un avion allemand bourdonne dans les airs, le pasteur dit à haute voix le Notre Père, A quelques pas de là est un moulin; le meunier, debout près d'une haie avec sa fille et trois chiens de chasse, observe le ciel; la fille, une fort belle personne, aime, croit-on, un aviateur français, et elle aurait déjà «  trahi des secrets allemands »; mais, remarque Schmidt, peut-être ne sont-ce là que de vains bavardages comme le peuple allemand en débite volontiers autour d'un moulin. La maison est d'ailleurs pleine de mouvement, d'activité, de bruit. Les Allemands l'exploitent. Ils y ont mis un meunier de Neu-Ruppin ainsi que des Saxons naguère garçons meuniers, et ils y font battre le blé par une grande machine. Tous les grains du pays environnant sont réquisitionnés et servent à nourrir l'armée. Des soldats allemands, des chevaux allemands labourent les champs. Dans le village auquel appartient le moulin, règnent l'ordre et la propreté. «  Il faut, écrit Schmidt, s'extasier là-dessus : c'est encore du travail allemand et qui ne disparaîtra pas sans laisser de traces ». Certaines maisons portent des noms et des inscriptions. On lit sur l'une d'elles : «  Vive la Saxe » et sur une autre : «  France, Angleterre, Russie, disent qu'elles feront la paix à Berlin ; oui, mais l'Allemagne la dictera ».
Un cinéma ou Kino attire l'attention de Schmidt. Une centaine de soldats assistent à la représentation. Ils accueillent avec joie le premier film : scènes amusantes de la vie militaire Les danses japonaises du deuxième film ne les touchent pas. Ils applaudissent un grenadier qui raconte avec une verve comique ses aventures à un tir à l'oiseau et qui récite ensuite une pièce, de vers sur le mariage. Mais ce qui leur plaît le plus, c'est le dernier film : une promenade sur l'Elbe en bateau à vapeur; lorsqu'ils revoient les rives de leur fleuve, le bateau blanc et vert et le château de Pillnitz, nos Saxons se mettent à chanter un de leurs lieds favoris : «  Salut, cher pays », Traute Heimat, sei gegrüsst. Schmidt sort du cinéma et une vive émotion l'étreint : il a «  jeté un profond regard dans l'âme populaire et il sait maintenant de quelle nourriture elle a besoin ». Schmidt, Schmidt, fallait-il venir en Champagne pour faire cette découverte ?

Le 29 mars, il prend le chemin de Rethel par Juniville, le Chatelet et Tagnon.
Il y eut le 31 août et le Ier septembre 1914 autour de Rethel des combats qui forcèrent les Français à se replier dans la vallée de la Suippe et de là sur Reims et Châlons. Rethel ne fut pas épargné, et les deux tiers des maisons ne sont plus que décombres. Néanmoins la ville est le centre d'une grande inspection d'étapes, et l'administration allemande y a créé, outre un vaste cimetière, un foyer du soldat, deux hôpitaux pour les blessés et les convalescents, un camp de concentration pour prisonniers civils et des ateliers de couture où la plupart des femmes et filles de Rethel - «  tout-à-fait contre leur inclination », remarque le commandant d'étapes - gagnent leur pain quotidien et réparent des couvertures, et du linge.
Le jour suivant - 30 mars - le général qui commande à Rethel, conduit Schmidt aux tranchées, en face de Berry-au-Bac. «  Jamais nos soldats, dit l'historiographe, ne m'ont paru plus grands et plus respectables que dans les tranchées; ils ont déployé un silencieux et tenace héroïsme, inconnu jusqu'alors dans l'histoire. Ils croient fermement que la force et l'endurance des Allemands finiront par dompter ces Français dont l'Angleterre fouette la passion. Ils ont la gaieté qui pare une existence menacée à toute heure; par la mort. Chaque poste a son nom, souvent orné de branches vertes et de primevères ou bien accompagné d'une sentence comme celle-ci : «  Dieu punisse l'Angleterre. »
Le 31 mars, il visite d'autres positions qu'il ne mentionne que par des initiales. Dans un village il voit les habitants se rassembler sur la place pour aller travailler sous la surveillance des Saxons et gagner ainsi leur ration quotidienne, car «  les Français ne font rien de leur propre mouvement, pas même pour améliorer leur situation ». D'ailleurs ils méritent leur sort : ils auraient, un jour de septembre 1914, aidé les soldats français à fusiller des prisonniers allemands.

Le 1er avril, Schmidt regagne la grande route et file en auto vers l'ouest. Il compte être à Lille dans la soirée. De loin il voit Laon sur son rocher et il croirait voir Meissen si la vaste plaine qu'il parcourt était l'étroite vallée de l'Elbe. Par un chemin qui serpente avec art et à travers de belles rues bien entretenues il monte à Laon, il visite rapidement la cathédrale, il entre dans un agréable et commode «  foyer » d'officiers allemands. A deux heures de l'après-midi il roule sur la voie de fer.
Trois heures plus tard il atteint Hirson. La gare semble une enclave badoise en territoire français. Des Badois forment la garnison, et le buffet, avec sa bière de Fürstenberg et ses saucisses de Karlsruhe, est tout badois.
A Aulnoye, il passe la Sambre couverte de gros bateaux, et à ce propos il remarque que la France doit à la nature et à une sage administration la richesse de ses canaux navigables tandis que le système des canaux allemands est encore dans l'enfance.
Mais il n'oublie pas de dire qu'il traverse jusqu'à Lille ou Ryssel un pays qui fut autrefois flamand, une région qui n'est française que depuis les guerres de Louis XIV (5).
Au soir, il arrive à Lille. Il descend à l'hôtel de l'Europe où le général qui commande les Saxons, lui a fait préparer un logis. Cet hôtel est le rendez-vous des officiers allemands. Dans le hall, aux murs, une longue suite de manteaux et de casquettes; dans les salles brillamment éclairées un bruit de joyeuses conversations; des garçons courant de tous côtés; la chambre de l'historiographe, celle même où habitait un prince de Hohenzollern, immense, tendue de tapis rouges, pourvue de meubles en soie verte et de deux grands lits de milieu aux matelas rebondis et aux couvertures damassées, un spacieux cabinet de toilette et de bain avec peignoirs et chauffage central, une antichambre qui garantit un bienfaisant silence. Malgré l'heure avancée, notre homme soupe dans la salle à manger. On lui sert un succulent dîner et lorsqu'il lit la carte, il y voit des huîtres et des vins de Champagne qu'il n'a pas eus en Champagne même. Quelle maison assortie de toutes choses que cet hôtel de l'Europe ! Quel contraste entre la vie lilloise et celle des tranchées ! Mais, après avoir durant des années et des mois essuyé le feu des ennemis et subi de cruelles privations dans les fossés fangeux, les officiers qui reviennent du front, encore étourdis par la dure fatigue, n'ont-ils pas le droit de se reposer ici, de faire de jolis repas, de goûter pendant quelques instants «  la jouissance d'une haute culture matérielle » ?
Le lendemain, Schmidt se rend chez le général saxon. Les trois villas d'un opulent industriel, entourées d'un mur et de beaux jardins, servent de logement à ce général. Il s'entretient avec Schmidt et, aussi disert qu'il est actif et habile, il fait à l'historiographe une conférence sur la Champagne et la Flandre. En Flandre, pas de collines, pas de hauteurs dominantes comme en Champagne, mais un pays très bas, richement cultivé et qui, par suite, rétrécit le champ de vision. En Champagne, peu d'habitants; en Flandre une population considérable, de grandes villes sur un petit espace, des villages très peuplés et, par conséquent, plus de monde, plus de troupes pour mâter la contrée. En Champagne, la craie facilite les tranchées ; en Flandre, l'eau qui remplit le sol, les rend difficiles à faire; il faut en beaucoup d'endroits, au lieu de creuser des fossés, élever des digues avec de la terre et des sacs de sable; depuis des siècles, ce pays combat les inondations ; la nature a pour armes les irruptions de la mer et les longues averses; l'homme emploie contre elles les écluses, les canaux, les, levées et les chaussées. La Flandre, en revanche, offre plus de ressources que la Champagne pour la nourriture et l'habillement du soldat.
Le chef d'état-major des Saxons n'est pas moins obligeant ni loquace que le général. Il conduit Schmidt aux positions de-la Lys, en face des tranchées anglaises, et, en auto, durant le trajet, lui raconte la prise de Lille. Le 11 octobre 1914, le corps d'armée saxon, soutenu par une brigade prussienne de landwehr, marchait sur la ville et au soir y lançait cinquante obus, Le jour suivant, un parlementaire venait inutilement exiger la reddition. Mais les shrapnels allumaient des incendies dans Lille, l'infanterie montait à l'assaut des remparts, et les soldats du génie, enfonçant la porte dite de Douai et amenant deux canons sans attelage, balayaient la rue, détruisaient les maisons d'où tiraient les Français. Lille se rendit sans conditions et les Saxons entrèrent, chantant Allemagne, Allemagne au dessus de tout, capturant et enfermant dans la citadelle 4.500 hommes dont des spahis qui ressemblaient à des singes, délivrant les blessés allemands prisonniers dans les hôpitaux. Le 13, ils occupaient les forts. Puis ils poussaient jusqu'à la Lys et plus loin encore.
Au retour de l'excursion où Schmidt a vu cette Lys qui joua un si grand rôle dans les bulletins d'alors et qui noya tant de centaines d'Allemands, il assiste avec le général et à ses côtés, dans un fauteuil, s'il vous plaît, à l'office du vendredi-saint. L'église est comble. En arrière, la jeunesse au poil follet; au milieu, la landwehr, robuste et râblée ; en avant, les hommes du landsturm, graves et aux visages d'apôtres. L'orgue se fait entendre; il accompagne le choral de Bach O tête pleine de sang et de blessures (6), ce sublime choral où les Saxons se mettent humblement aux pieds du plus glorieux des martyrs. Le pasteur de Knautheim, vêtu de l'uniforme gris et chaussé de guêtres de cuir, la croix de guerre sur la poitrine, prononce le sermon, simple, vigoureux, exempt d'artifices oratoires.
Après la messe, le général et son chef d'état-major mènent Schmidt à travers Lille et les environs pour lui montrer les endroits où les Saxons se distinguèrent lorsqu'ils s'emparèrent de la ville. A tous les coins, l'ordonnance qui précède l'auto, joue de la trompette pour que le chemin soit libre, et Schmidt rappelle orgueilleusement cette circonstance.
On le conduit au château de Genech où il prend le thé avec une vingtaine d'officiers convalescents, et il admire cette noble et vaste demeure «  vraiment propre à offrir repos et délassement à des guerriers épuisés ». Il assure même que le propriétaire, collectionneur de grand style, n'aura pas à se plaindre du séjour des «  barbares» ; que la maison, digne résidence d'un seigneur, avec ses hautes bibliothèques, ses vieux meubles authentiques et ses belles peintures sur verre, est indemne et intacte; que toutes les oeuvres d'art sont et seront respectées; que dans le territoire occupé les Allemands prennent, pour sauvegarder de pareils trésors, des mesures de précaution et de prévoyance (7). Hélas! ces trésors resteront-ils en France? N'iront-ils pas dans cette Allemagne qui ne ménage ni les propriétés de l'Etat ni celles des particuliers et qui, sans vergogne, sans scrupule, s'enrichit et s'accroît, selon le mot de Schiller, de la dépouille des peuples ? (8)
Le 3 avril Schmidt, sans escorte, sans compagnon, parcourt Lille à son aise; il veut faire intime connaissance avec la ville et voir tout ce qu'elle a de remarquable. Le quartier de la gare a beaucoup souffert du bombardement, des rues entières ne sont que ruines, et Schmidt, toujours malveillant à notre égard, accuse de légèreté (9) l'administration municipale qui ne hâte pas les travaux de déblaiement et de nettoyage. Il ajoute même d'un ton sévère que, si les trois quarts de la ville n'ont pas été touchés, tout à l'air pauvre et malpropre. Mais il remarque avec satisfaction que les matières premières et les tissus découverts dans les fabriques et les maisons de commerce sont de grande importance pour la conduite de la guerre : l'inspection des étapes a tout saisi «  contre quittances » !

Le jour de Pâques, 4 avril, Schmidt quitte Lille par Tourcoing et Roncq. Il entre en Belgique, il arrive à Messines dans cette région où Ypres est l'enjeu; où les Allemands n'ont ni repos ni relâche depuis le 19 octobre 1914; où il faut braver la mort à chaque instant; où, comme dit un général, qui n'est pas un héros est un lâche; où, pour arrêter les Anglais, les Saxons plus mous doivent s'endurcir, doivent tenir jusqu'à la dernière goutte de sang et ne rien céder. Schmidt commence à regretter Lille. S'il trouve une chambre, c'est pour vingt-quatre heures, parce qu'un conseiller d'intendance a dû s'absenter, et cette chambre froide, sombre, est sous les chevrons du toit. Pas d'autre lit qu'une paillasse. Où sont l'éclat et le luxe de l'hôtel de l'Europe? On vit à Lille en Sybarite, à Messines en Spartiate. Combattre autour d'Ypres, c'est prendre un avant-goût des blessures et de la mort. Les officiers parlent à Schmidt des rudes épreuves qu'ils ont déjà traversées. Au mois d'octobre 1914 les Saxons ont attaqué les soldats les plus exercés de l'armée anglaise avec un enthousiasme sans exemple et en chantant - toujours - Allemagne au dessus de tout; ils ont, après une lutte acharnée gagné du terrain; ils ont emporté Messines de rue en rue, de maison en maison et de chambre en chambre; ils ont emporté B...; ils ont poussé jusqu'au delà de R... Mais les Anglais étaient trop nombreux et les Saxons n'allèrent pas plus loin, faisant chaque jour des efforts et des sacrifices surhumains, laissant chaque jour des morts et des blessés sur un sol péniblement conquis, maintenant chaque jour entre officiers et soldats la plus belle et la plus noble camaraderie, gardant sous le feu leur bonne humeur.
A ce dithyrambe saxon en l'honneur des Saxons nous préférons des anecdotes, par exemple, celle-ci, qu'à Messines il n'y avait pas entre catholiques et protestants, le moindre désaccord et que durant des semaines entières l'aumônier catholique et 1 aumônier protestant dormirent dans le même lit.
Citons aussi ce mot d'un homme de la landwehr : «  A mon retour en Saxe je ne dirai d'abord rien du tout. Mais, lorsqu'il aura plu pendant huit jours, j'irai au jardin, j'y ferai un grand trou et quand il sera rempli d'eau jusqu'au bord, je dirai à ma vieille; «  Tiens, mets-toi là dedans pendant huit jours, voilà la guerre. »

L'écrivain poursuit sa randonnée à travers la Belgique. Il voit le 5 avril à G... des Saxons qui servent dans la deuxième division de marine et il prétend qu'en cet endroit et ailleurs encore la confiance et presque l'amitié règnent entre vainqueurs et vaincus; que la grande joie des habitants, c'est d'entendre sur la place jouer la musique du régiment allemand; que les petits garçons font l'exercice avec les Saxons et fredonnent la Garde au Rhin.
A Bruges et à Gand, le 6 avril, il remarque également que la population s'est volontiers soumise à la domination nouvelle et qu'on croit être en pleine paix. A Gand, tout près de la gare, à l'hôtel de l'Esplanade, fort bien tenu par des Allemands, il trouve et des officiers de sa nation et des Bruxellois.
Bruxelles où il passe deux jours, l'étonné et l'enchante. Dès le matin on y flâne et on y fait des affaires. La guerre n'a pas arrêté le mouvement et la vie. Il parcourt les rues, il voit la place du marché qu'il juge incomparable, et l'Hôtel de Ville.
Là se montre l'Allemand, arrogant, enorgueilli de sa conquête, heureux d'affirmer sa force (10). Accompagné de son fils qui est soldat et qui porte le fusil sur l'épaule, Schmidt étale sa joie outrecuidante lorsqu'il voit dans la maison commune toutes les portes s'ouvrir devant lui
La devise de l'Allemand ne serait-elle pas : «  insulter les soumis et se montrer superbe », Laedere subjectos et se praebere superbum?

et les employés du Conseil le saluer, lui donner avec promptitude les explications nécessaires, non sans faire une mine aigre-douce. Quelle fierté d'être Allemand en ce temps-ci, à une époque que l'histoire du monde devra nommer un jour l'époque allemande ! (11) Il semble à Schmidt que tous ces souverains dont il voit dans les corridors, les statues et les portraits, depuis Charles le Téméraire, depuis les Habsbourg d'Espagne et d'Allemagne jusqu'aux Cobourg, regardent avec indignation le père et le fils Schmidt, ces deux intrus. Mais lequel de ces grands personnages de jadis pourrait bien justifier la politique qui réduisit la Belgique à la situation présente, cette politique qui parlait un double langage et qui finit par être hostile aux Allemands? (12) Les Allemands! Schmidt ne voit qu'eux dans Bruxelles et il les admire en toutes choses.
Voici une foule d'officiers qui portent sur l'épaule le caducée d'Esculape. Ce sont des médecins sanitaires. Ils tiennent un congrès à Bruxelles pour échanger leurs vues et les expériences qu'ils ont recueillies depuis le commencement des hostilités. Ainsi, en pleine guerre et au milieu du pays ennemi, ces hommes peuvent s'assembler pour traiter de leur science, et, s'ils ont quitté leurs hôpitaux, c'est qu'auparavant ils ont pris toutes leurs mesures : leur absence momentanée preuve leur assurance et leur calme ! Ils sont d'ailleurs, comme les rats de La Fontaine, pleins d'appétit autant que d'allégresse, et fort disposés à faire honneur au banquet qui suivra leurs doctes débats : des cuisiniers, des pâtissiers habillés de blanc déchargent devant le conservatoire de musique où se réunissent ces messieurs, des montagnes entières de boîtes et de corbeilles.

Voici le landsturm rhénan : gens de Bonn et de Coblenz aux yeux bleus et au corps bien membré. Ils ont leurs quartiers dans les bâtiments et les cours de l'Ecole militaire.
Voici, un kilomètre plus loin, à la limite de la ville, les champs de tir. C'est le séjour de la compagnie Gross. On nomme ainsi une compagnie formée de soldats qui sortent des hôpitaux belges et qui peuvent encore se battre, mais qui, en attendant, s'exercent à tirer. On ne fait dans cette compagnie qu'aller et venir : les hommes y changent chaque jour ; on recommence continuellement pour ne jamais finir ; c'est un mélange des éléments les plus divers de toutes armes. Un sergent-major dirige l'instruction des hommes et, parce qu'il est professeur dans la vie civile, il leur façonne l'esprit et le caractère ; il a organisé un cabinet de lecture richement fourni, des conférences, des concerts.
Il y a donc à Bruxelles «  beaucoup de force guerrière qui repose sur un fondement religieux, national et moral a. Bruxelles, dit Schmidt, n'est-ce pas un grand lieu de passage; n'est-ce pas une Babel moderne, un second Paris, un pavé dangereux pour le patriotisme et la chasteté d'outre-Rhin ?
Schmidt se souvient-il qu'en 1814 Schenkendorf représentait une mère allemande qui priait son fils de rester pur dans Paris, séjour du péché, et de «  nourrir d'un noble aliment son héroïsme » ? En 1914, les Allemands ne sont pas entrés à Paris; ils n'ont pu aller qu'à Bruxelles. Mais Bruxelles est welche; Bruxelles n'est pas une ville vertueuse comme Berlin et Vienne, comme Dresde et Leipzig, où fleurissent modestie et candeur. Schmidt, de même que Schenkendorf, se fait le champion de la pudeur allemande, de la deutsche Scham.

Dinant où Schmidt arrive le 7 avril au soir, est, écrit-il, la ville de Belgique dont le nom sonne le plus fâcheusement aux oreilles saxonnes. Naturellement, il croit à la légende des francs-tireurs. Penser à Dinant, c'est, suivant lui, évoquer les hommes sournois et lâches qui, de leur embuscade, canardèrent le brave Saxon ; c'est évoquer ces femmes et ces jeunes filles qui, devenues des brutes, couvrirent d'eau bouillante les colonnes de marche et commirent sur des blessés sans défense les pires horreurs. Aussi nulle cité de Belgique ne subit pareil châtiment. La perle du pays meusien n'est plus qu'un amas de ruines; seules, l'église et une rangée de maisons dans la ville haute restent debout.
A neuf heures du soir, au clair de lune, Schmidt entre à Dinant. Il passe le pont de bois construit par les pionniers saxons et vient loger à l'hôtel Hermann; c'est là qu'il dîne; c'est là qu'il dort. Mais à table, il craint le poison, et lorsqu'il se couche, il place près de lui son revolver chargé. Heureusement, le repas est très bon, et à dix heures, avant de tomber dans un sommeil qui ne fut pas troublé, Schmidt entend la trompette du bataillon de landsturm sonner la retraite; les accents du clairon, ces accents joyeux et confiants que répète l'écho des rochers, lui font grand plaisir : c'est un salut que la patrie, déjà proche, lui envoie.
Le lendemain, tout à Dinant lui rappelle cette patrie. Le drapeau allemand flotte sur un mât au bord de la Meuse. Le paysage offre une certaine ressemblance avec les sites saxons de Schandan et de Königstein. Enfin, la citadelle fut attaquée le 15 août et emportée le 23 août 1914 par les Allemands; or, des Saxons, le régiment d'infanterie de Chemnitz et un bataillon de Freiberg, ont pris part à ces actions, et parmi les morts ensevelis sous un petit tertre, Schmidt trouve les noms de deux officiers qu'il connaissait; il dépose sur cette tombe deux tiges de giroflées qu'il a cueillies dans le roc.
Ce jour-là - c'est le 8 avril - à midi, il regagne l'Allemagne. A six heures du soir, il est à Trêves, et en revoyant la terre natale, il éprouve le même sentiment que le 4 août 1914, lorsqu'il revenait de Suisse avec des centaines de réservistes et saluait au milieu du lac de Constance par un triple hourrah le signe qui marquait la frontière allemande. La guerre commençait alors, et maintenant, en 1915,..? On ne sait trop ce qui en est; mais on sait, en tout cas, qu'il faut-remercier Dieu et l'armée.
De Trèves à Leipzig, Schmidt voyage le 9 avril avec des permissionnaires du centre et de l'est qui vont cultiver leurs champs. Certains d'entre eux n'eurent ni le temps ni l'envie d'enlever de leur costume la trace des combats de l'Argonne; sur leurs manteaux effrangés l'argile a laissé ses éclaboussures et ses caillots ; l'habit montre des taches de roussi brunes et noires ; une croûte de boue résistante couvre les bottes; le visage est jaune, la chevelure longue, la barbe embroussaillée. Lorsqu'ils arrivent à huit heures du soir dans l'élégant Leipzig, ils ont l'air de sortir d'un autre monde; on dirait des bohémiens, des gens étranges sans feu ni lieu, et ils contrastent singulièrement avec cette gare magnifique qui rappelle les thermes de Dioclétien. Mais le civil, si bien mis, si paré, si fringant qu'il soit, les accueille sans sourire et avec un silence respectueux, puis les aborde, les entoure pour apprendre de leur bouche quelque chose d'original et de personnel sur une guerre qui renvoie chez eux des combattants ainsi accoutrés. Schmidt s'écrie qu'il voudrait les embrasser. Pendant qu'il faisait des observations et noircissait son carnet, eux, pleins de renoncement sous la menace incessante de la mort, offraient à toute heure leur vie au pays, et ils ne reviennent que pour travailler encore, et pour repartir ensuite sur le front, et pour braver de nouveau les balles, les obus et l'écroulement des mines. Voyez-le, cet humble paysan de Grossröhrsdorf qui traverse le hall : c'est grâce à ses mains calleuses que les murs du superbe édifice ont pu s'élever et pourront subsister !

Ce tableau de la gare de Leipzig clôt assez bien le livre de Schmidt, et il nous fait penser à ces hommes qui reviennent de Champagne, à nos grognards dont la capote souillée emporte des parcelles de ce sol qu'ils ont bravement défendu, à nos poilus qui traversent avec une sereine fierté la gare de l'Est et que nous ne pouvons regarder sans vénération. N'avons-nous pas entendu naguère un de ces vaillants, à l'oeil bleu, à la moustache blonde, à la belle et loyale figure, dire à un camarade qui venait au devant de lui : «  On vient se remettre un peu, puis nous irons recommencer et nous battre de nouveau comme des lions » ?
Mais l'historiographe saxon s'est, au cours de son récit, quelquefois trompé.
Le 30 mars, un colonel lui demande quand la paix sera signée. «  Au plus tard, en automne, répond Schmidt. - Pourquoi? - Parce qu'aucun de nos adversaires ne prendra la responsabilité d'une nouvelle campagne d'hiver ». Trois ans, et davantage, se sont passés depuis cet entretien. Il y a eu trois campagnes d'hiver, et la-paix n'est pas encore signée.
Où Schmidt, ce maître d'histoire, a-t-il pris que les Français ont en 1214 gagné la bataille de Bouvines sur les Anglais et avec l'aide des Allemands?
Où a-t-il pris qu'en France une taxe est imposée sur tous les lieux d'aisance et sur tous les poêles ; que, par suite, la France pousse ses citoyens à la saleté, au froid et à tout ce qui n'est pas civilisation ou Kultur ?
Il s'imagine que les Belges, parce qu'ils ont l'air tranquille et flegmatique, n'éprouvent pas la moindre animosité contre leurs conquérants. Comme si dans le fond de leur coeur ils ne détestaient pas l'envahisseur, l'étranger qui promène au milieu d'eux sa grosse et insolente gaieté ! Comme s'ils n'avaient pas la haine secrète de ceux qui les ont humiliés et qui les pressurent ! Il prétend même que la population belge reconnaît les services que rendent les fonctionnaires allemands, et il assure qu'on dit à Dinant : «  que les soldats allemands s'en aillent, mais que l'administration reste ». Pourtant, sur la route de Dinant, il remarque des gens qu'il ne voudrait pas, écrit-il, rencontrer dans la solitude, et il s'indigne que l'hôtel de ville porte cette inscription latine : «  Paix et salut à ceux qui gardent la neutralité » (13); n'est-ce pas se moquer du gouvernement allemand ?
Ajouterons-nous qu'il regarde d'un oeil distrait et indifférent les beaux paysages qui se déroulent devant ses yeux et ce que les villes, grandes et petites, offrent souvent de pittoresque et de merveilleux ? S'il s'arrête à Bruges, il note à peine ce qu'il y a de mélancolie saisissante et de mystérieux silence autour de Notre-Dame et de Saint-Sauveur. A Gand, il ne quitte pas les environs de la gare ; c'est assez pour lui d'apercevoir dans le lointain les tours et les flèches des églises.
Enivré de la grandeur allemande, notre voyageur, partout où il passe; ne voit et ne veut voir que le «  soldatesque », das Soldatische, et les «  organisations militaires». Comme toutes les publications actuelles de nos ennemis, comme tous les livres éclos en Allemagne au souffle de la guerre, le livre de Schmidt est un document du chauvinisme teutonique. Jamais, on le sait, l'Allemagne ne fut aussi vaniteuse, aussi fanfaronne qu'aujourd'hui ; jamais nation ne fut aussi infatuée d'elle-même; jamais peuple n'eut d'aussi fières et folles prétentions, ne voulut avec autant d'orgueil et d'obstination, en face des autres peuples,
S'attribuer un lot infiniment plus fort,
le lot qui revient à la supériorité qu'il affecte, à sa puissance militaire, à sa solide organisation, à son labeur méthodique, aux qualités de toute sorte qu'il prétend posséder seul. C'est pourquoi Schmidt a reçu mission d'élever un monument historique aux guerriers de la Saxe et sûrement, dans l'oeuvre qu'il composera, tous les Saxons seront des héros et les épisodes où ils auront figuré, les plus glorieux de la lutte mondiale. Déjà, dans la relation de son voyage, il loue démesurément ses compatriotes, leur force, leur persévérance, leur bonne tenue, leur discipline, que sais-je encore ? et il assure qu'ils ont fait des choses miraculeuses, qu'ils ne sont certes pas les derniers des Allemands, et que leur roi, ainsi que l'empereur Guillaume, a souvent prôné leur courage et leur mépris de la mort.
Parmi ces Saxons, c'est au corps du génie, c'est aux pionniers qu'il donnerait la palme. Oh ! les braves gens, les bons ouvriers ! Partout on les voit; partout ils laissent
Fruit de leur art, savant ouvrage ;
ils creusent les sapes; ils préparent les mines; ils précèdent, leurs grenades à la main, les fantassins ; ils écartent les obstacles; ils ont, en traversant la France, l'oeil sans cesse ouvert pour dépister et déterrer les matières premières, et que n'ont-ils pas découvert, que n'ont-ils pas réquisitionné en Belgique pour le corps de réserve : des milliers de boucliers de fer et vingt mille petits fourneaux! A Lille, le commandant des pionniers saxons est un lieutenant d'artillerie de la réserve, architecte dans la vie civile, et ses soldats sont des serruriers et des maçons tirés de tous les corps. «  Voilà, dit Schmidt, ce qu'il y a de grand dans notre armée et dans les troupes de la Saxe industrielle; c'est que pour toutes les tâches techniques et intellectuelles qu'impose la guerre moderne, les ressources nécessaires sont aussitôt prêtes. » Et, à la Bismarck, Schmidt conclut : «  Pas une armée ne peut, en ce moment, nous imiter » (14).
Du commencement à la fin de son récit, il prodigue les louanges à l'armée allemande et tâche, si je peux dire, de l'entourer d'une auréole de splendeur. Lorsqu'au 1er avril, il célèbre le centième anniversaire de la naissance de Bismarck, il regrette que ce robuste génie, ce grand fondateur de l'empire, ne puisse voir aujourd'hui l'armée allemande «  tenir le monde entier en haleine à l'ouest et à l'est, sur la mer et dans les airs », ne puisse la voir «  forte comme un géant, poser son pied ferme et large au coeur du pays de France qui se vantait de faire briser la Germanie, cet édifice d'airain, par une armée venue de toutes les parties du monde et formée de blancs, de jaunes et de noirs. »
N'est-ce pas d'ailleurs un des événements les plus importants de cette guerre, que le sentiment d'indissoluble communauté qui lie désormais en Allemagne l'armée et le peuple ? L'armée - s'exclame Schmidt poétiquement - non sans quelque verbiage et sans un peu d'incohérence - «  l'armée est un arbre gigantesque dont les puissants rameaux s'étendent au loin vers l'est comme vers l'ouest, et cet arbre ombrage même une considérable partie de pays étranger et conquis-. Mais ses racines plongent dans le sol de la patrie: C'est de la patrie que sourd dans ses branches et ses feuilles le torrent de la vie, un torrent de pensées aimantes, de paroles consolatrices et de secours agissant. C'est de la patrie que jaillit la force qui conserve les branches et les feuilles de l'arbre dans leur fraîcheur et vigueur. De même que l'armée, le peuple entier est en campagne, et nos gens du dehors ne peuvent gagner une victoire durable que si les racines de l'arbre restent saines et préparent une sève généreuse. Nous qui demeurons au logis, nous sommes, nous aussi, responsables de l'issue de la lutte ».

Le teutomane Schmidt déteste cordialement l'Angleterre; elle est, comme nous disons vulgairement, sa bête noire ou, comme disent les Allemands, elle est pour lui - et pour tous ses compatriotes - une épine dans l'oeil (15).
Il l'accuse de tromper et de trahir ses alliés. Les Français s'imaginent qu'elle leur rendra Calais où elle a su s'installer. Mais lorsqu'ils perdirent cette importante forteresse en 1347, ils durent la laisser aux mains de l'adversaire pendant deux siècles et ils n'y rentrèrent qu'en 1558. Ils n'arracheront Calais à la Grande-Bretagne qu'avec l'aide des armes allemandes!
Deux pages du livre de Schmidt sont pleines d'invectives contre le peuple anglais, Quoi! ce peuple dont la meilleure partie est d'origine germanique, a pu tomber assez bas pour envoyer ses fils sur un sol étranger, tuer, avec l'assistance des jaunes et des noirs, «  cette vie allemande à laquelle il doit les plus féconds et les plus nobles germes de son développement » ! Quoi ! l'Angleterre avait reçu de l'Allemagne les idées de la Renaissance et de la Réforme; elle avait, alliée à des forces allemandes, délivré au XVIe siècle les Pays-Bas de la domination espagnole; elle avait, avec des Allemands, secoué le joug menaçant de la France sous Jacques II; elle avait, avec des Allemands, combattu la France pendant la guerre de Sept Ans et Napoléon pendant les guerres de la délivrance ! Que de pensées profondes et de beaux sentiments la philosophie, l'art, la musique de l'Allemagne avaient répandus en Angleterre ! Avec quel empressement les Allemands avaient donné à Shakespeare, à Byron, à Carlyle, à Ruskin «  un droit plénier dans la vie de leur esprit »! L'envie, hélas ! et la rapacité, l'hypocrisie et le mensonge ont changé le peuple anglais. Entraîné par ces «  sombres puissances », il a déclaré publiquement le 4 août 1914 que l'anéantissement de l'Allemagne était le but de l'universel conflit qu'il organisait ! C'est que l'Angleterre, dans les deux derniers siècles, a été heureuse, trop heureuse. Depuis 1746, depuis Culloden, elle n'a pas vu l'ennemi sur son sol. Son sang n'a coulé que très peu, et seulement pour la conquête et la protection de ses colonies. Satisfaite et comme repue, elle jouissait d'un repos absolu; elle s'adorait elle-même et, sous l'influence d'une prospérité ininterrompue, grandirent en elle l'orgueil, l'avidité, la fausseté; son bonheur causa sa maladie et commença sa ruine. «  Il faut, dit Schmidt, qu'un peuple paie sa dette de sang, et c'est ce sang qui crée une vie heureuse; les destins tragiques du peuple allemand ont fait sa force ».
Les généraux saxons partagent l'opinion du professeur Schmidt. L'un d'eux rend justice aux mérites des Anglais : par leur vigueur physique, par l'adresse, par l'agilité qu'ils doivent au sport, ce sont des soldats nés; mais ils ne seront jamais de parfaits soldats parce qu'ils sont grossiers et parce qu'il leur manque ces forces que donne le Gemüt !
Un autre affirme sérieusement que les Anglais sont sauvages et perfides, par un froid calcul, non par une basse passion. Ils auraient, en effet, dès les premiers jours de la guerre, employé les balles dum-dum et entraîné dans la tranchée des Saxons blessés pour les achever. Lorsqu'ils attaquent, leur avant-garde se compose d'Indiens qui demandent et obtiennent quartier en levant les mains et qui sont conduits dans les tranchées; mais là, pendant que les Anglais donnent l'assaut et que les Allemands ont affaire aux fusils, les Indiens prisonniers tirent le couteau qu'ils ont caché et massacrent par derrière ceux qui, l'instant d'auparavant, leur faisaient grâce de la vie.
Comme leurs officiers, les soldats allemands exècrent l'Angleterre. «  Qu'est-ce que tu penses des Anglais? », dit un général à un Bavarois, - un de ces hommes dont la haute stature et le rude visage rappellent à Schmidt le chef des insurgés tyroliens de 1809, André Hofer. - Le Bavarois fait du plat de la main un geste significatif et répond : «  Si seulement nous sortons d'ici! » (16)
Le jour de Pâques, à Messines, les Saxons ne peuvent entendre la messe parce que pleuvent les obus britanniques. «  Nous sommes partis, écrit l'un d'eux, profondément affligés de n'avoir pu entendre la parole de Dieu, et pleins de la colère contre les Anglais. » (17)

Quant à la France, elle inspire à Schmidt, comme à la plupart des Allemands, une méprisante pitié.
A Charleville, après avoir vu ce qui reste de la population et sa misère et son air chétif, il déclare qu'il n'a plus de haine ni de colère pour cette France qui depuis quarante-quatre ans poursuit les Allemands de sa folle idée de revanche, qu'il n'a plus que de la compassion, et, citant un vers de Guillaume Tell, il se demande : «  Quand viendra le sauveur de ce peuple ? »
C'est en vain, dit-il encore, qu'il cherche chez nous les dernières traces de la chevalerie, et il prétend que les Français refusent d'enterrer les morts; qu'aux environs de Verdun ils ont mêlé les cadavres de leurs camarades à des sacs de sable pour élever des remparts contre l'ennemi ; qu'ils ne comprennent plus pourquoi Achille rendit le corps d'Hector au vieux Priam; qu'ils se vantent, et à tort, d'être les héritiers de la culture antique; que le sentiment religieux est éteint dans leur coeur. L'Allemagne, elle, depuis cette grande guerre salutaire, n'est plus impie; elle entend de nouveau la voix de Dieu; le péril lui a servi de leçon et derechef elle prie. La France a été empoisonnée par la Révolution, par le régime démocratique et social. Le matérialisme, le mammonisme, un combat systématique des organes de l'Etat contre toute religiosité ont tué dans les masses non seulement la religion, mais tous les instincts de véritable humanité qui s'unissent fraternellement à la religion.
Du reste, la France n'a pas le secret de l'organisation; elle est vieux jeu; elle ignore même le confort et le bien-être. A cet égard, ses petites villes et ses villages sont fort au-dessous des villages et des petites villes de l'Allemagne, et Schmidt juge leurs habitants très inférieurs à ces Romains des provinces dont ils se glorifient de descendre. Seules, les grandes villes forment une oasis dans le désert et encore, ne peut-on regarder comme propres et bien tenus au sens allemand les logis des riches et les hôtels et restaurants de premier ordre. Les châteaux mêmes de la Champagne. à très peu d'exceptions près, ont je ne sais quel air de vétusté, et les maisons des grands fabricants, ces aristocrates de la France moderne, ont, malgré leur aspect seigneurial, «  une pauvreté presque effrayante en pensées artistiques. »
Bref, selon Schmidt, la France est une nation qui recule et décline; après la guerre, elle sera au même rang que l'Espagne, et il approuve le général saxon qui, très gravement, assure que la décadence des Français est prouvée par leur sadisme, par leur penchant à cette cruauté raffinée dont les blessés et les prisonniers allemands eurent tant à souffrir (18) !
Et voilà justement comme on écrit l'Histoire !
Quel flair ont eu le roi de Saxe et ses ministres ! Quel heureux choix ils ont fait ! Ah oui, vraiment, Othon Edouard Schmidt a l'étoffe d'un historiographe !

ARTHUR CHUQUET.

(1) Né à Reiehenbach en 1855, il a été professeur au gymnase de Freiberg, puis à Meissen, à l'école de Saint-Atra, et il est aujourd'hui conseiller supérieur des études Il a écrit sur Cicéron, sur la république romaine, et publié un recueil des chants de guerre allemands de 1813 à 1915.
(2) Eine Fahrt zu den Sachsen an die Front. (Teubner, 1915.)
(3) So finster und elend.
(4) So fühlt man Absicht, und man ist verstimmt,
(5) Il appelle naturellement les guerres de Louis XIV des Raubkriege, des guerres de rapine, comme si la grande guerre que fait aujourd'hui l'Allemagne, ne méritait pas le nom de Raubkriege et n'était pas la plus formidable, la plus éhontée «  guerre de rapine ? »
(6) O Haupt voll Blut und Wunden.
(7) Le principal article de l'Almanach illustré de la Gazette des Ardennes pour 1918, paru cette année 1918 à Charleville, émet les mêmes prétentions. Un sieur Th. Dimmler, dans ce long article, écrit que des oeuvres précieuses, toiles, sculptures, tapisseries, ont été «  emmenées par des mains charitables, de leur ancienne demeure trop exposée, vers des asiles plus surs » ; que l'armée allemande veut «  arracher autant que possible les monuments irremplaçables aux griffes du génie destructeur de la guerre » ; qu'on s'étonnera «  de l'étendue de l'oeuvre de sauvetage allemande » ; que «  le sourire de la beauté est encore une dernière consolation qui nous reste dans ces temps terribles » ; que «  jamais on n'a si passionnément aimé l'art » ; que «  jamais on ne s'est si profondément rendu compte que ces oeuvres ont leurs racines dans le sol des différentes nations, mais qu'aussitôt créées, elles n'appartiennent plus à une nation seule : leur éclat, comme foyer rayonnant, dépasse la limite des frontières ; elles deviennent le patrimoine de l'humanité ». Hypocrites Vandales!
(8) Vom Raub der Vôlker gross.
(9) Leîchtjertigkeit; c'est le mot consacré en Allemagne, le mot qui caractérise notre prétendue légèreté.
(10) On sait la devise romaine : «  épargner les soumis et réduire les superbes », Parcere subjectis et dehellare superbos.
(11) Il faut citer cette phrase das stolze Gefûhl, ein Deutscher zu sein in dieser Zeit, die einst die Weltgeschichte die deutsche Zeit nennen muss.
(12) die doppelzüngige und zuletzt deutschfeindliche Staatskunst.
(13) Pax et Salus neutralitatem servantibus detur
(14) Keine andere Nation kann uns das nachmachen. Cf. notre article de la Revue hebdomadaire, n° 19, 9 mars, p. 166.
(15) Ein Dorn iu Auge.
(16) Wann ma nur nauskamma !
(17) Voll des Grolls gegen die Englander.
(18) Das bedenklichste Symptom des Niedergangs ist der in den Franzosen lebende Sadismus, der Hang zur Wollust und Grausamkeit, den unsere Verwundeten und Gefangenen schmerzlich verspuren mussten.

 

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