On sait relativement peu de
choses sur la communauté anabaptiste du Blâmontois,
notamment établie à Repaix. Les historiens locaux ne nous
donnent que des informations partielles, voir anecdotiques (voir
ci-dessous les
extraits de textes déjà publiés sur ce site).
A Repaix, il s'agit en réalité d'une communauté mennonite. Le Mennonitisme est une famille des Eglises protestantes, apparue
en même temps que la Réforme de Luther, en Allemagne, aux
Pays-Bas, en Alsace et en Suisse, au début du XVIème siècle.
Comme les autres Eglises protestantes, elles met l'accent sur la
lecture directe de la bible par les fidèles et sur des formes de
culte dépouillées. L'Eglise mennonite est issue du mouvement
anabaptiste qui insiste sur une démarche personnelle de choix de
la part du croyant (c'est pourquoi ils refusent le le baptême
systématique des enfants, préférant un baptême plus tardif
précédé d'une profession de foi personnelle).
Menno Simons (1496-1561), prêtre catholique jusqu'en 1536, est à
l'origine de ce mouvement dit « radical », qui réprouve l'usage
des armes (et donc le service militaire), et dont certains
membres refusent le progrès technique (le mouvement Amish
d'Amérique du Nord est ainsi issu d'une scission mennonite en
1693 à Sainte-Marie-aux-Mines).
En 1931, le journal « Christ Seul » (édition mennonite créée en
1907) publie un article sur la
communauté de Repaix.
Nous avons tenté à partir d'informations généalogiques de
regrouper quelques données sur les
membres de cette communauté au XIXème siècle, que l'on trouve
établie à Repaix, mais aussi à Herbéviller, Blâmont, Chazelles,
Domèvre sur Vezouze, Cirey-sur-Vezouze... On constate aussi au
long du XIXème siècle une émigration vers l'Illinois.
Cette recherche est fort loin d'être complète, et se heurte à de
multiples variantes dans les noms (comme à la reprise quasi
systématique des prénoms au fil des générations). Une liste plus
précise (avec certitude sur les liens familiaux), reste à faire,
mais la tâche apparait ardue, d'autant qu'il n'est pas certain
que tous les membres d'une même famille aient conservé le même
culte.
Il ressort cependant de nos quelques données que la communauté
anabaptiste du Blâmontois est une communauté très fermée,
limitée à quelques familles (Mozimann, Vercler, Lidviller,
Mourer, Zert, Fongond, Sommer...)
Extraits de texte déjà
publiés
« D'autres éléments non catholiques sont aussi à
signaler en divers lieux : à Blâmont, une colonie de Réformés de
l'Eglise de Metz, au nombre de trente, amenée à Blâmont, vers
1841, par Gogelein, brasseur; une autre de la Confession
d'Augsbourg, introduite vers 1848, toutes deux disparues bientôt
après; à Herbéviller et surtout à Repaix, une colonie
d'Anabaptistes, originaires d'Alsace, perpétuée jusqu'à nos
jours. » (Notes - Histoire du
Blâmontois dans les temps modernes - A. Dedenon)
« L'époque de leur arrivée dans le pays de la
Sarre n'est pas connue; ils y vinrent, dit-on, au commencement
du siècle dernier, lors de leur expulsion du canton de Berne.
Leur établissement n'eut pas lieu sans soulever des difficultés:
on leur opposait la déclaration de 1729 qui prescrivait de faire
baptiser les enfants et de représenter les actes constatant que
cette formalité avait été remplie. Sur leur refus, ils furent
assignés de la part du procureur général fiscal de l'Evêché de
Metz, à Vic, lequel obtint, en 1764, un arrêt qui les condamnait
à se conformer à la déclaration dont il vient d'être parlé, sauf
à conclure contre leurs assemblées.
Ils levèrent le jugement, payèrent les frais, puis restèrent
tranquilles, opposant une force d'inertie aux vexations dont ils
étaient l'objet. En 1766, ils demandèrent au duc de Choiseul
d'être reconnus mais ce ministre répondit qu'il les engageait à
garder le silence et à se laisser ignorer.
Les anabaptistes, relativement assez nombreux dans le Blanc-Rupt
et aux environs sont tous, ou à peu près tous, parents. Ils
n'ont ni prêtres ni édifices consacrés au culte. Ils se
réunissent, non pas chaque dimanche, mais souvent, et toujours
le dimanche, chez l'un d'eux, dans la plus vaste pièce de la
maison. Le plus ancien fait la lecture de la Bible dans un grand
in-folio, avec reliure pleine, à fermoir, qui se conserve
religieusement dans la famille, de génération en génération,
puis il ajoute à la lecture du texte sacré un commentaire
improvisé, souvent assez étendu ; le tout en langue allemande.
Il donne ensuite la communion sous les deux espèces à tous les
assistants de l'un et de l'autre sexe ; du pain ordinaire, comme
on en mange aux repas, et du vin servi dans une grande cruche.
L'office terminé, on fait un repas en commun aux frais de la
famille qui reçoit ce jour-là chacune d'elles fait de même à son
tour.
Près de chaque maison occupée par des anabaptistes se trouve un
cimetière particulier destiné à servir de sépulture aux gens de
l'habitation qu'il avoisine; sur chaque tombe ou tertre on place
du buis, des fleurs, mais point d'insigne religieux, pas de
croix.
Les anabaptistes tiennent à leur culte et se marient entr'eux ;
ils n'épousent que des personnes qui le pratiquent.
Une coutume assez générale chez eux est de transformer tous les
prénoms en petits noms d'enfant ou d'amitié par l'addition d'un
diminutif final : ainsi, Pierre devient Péterlé Joseph, Sépelé
Christophe, Chisistelé; Madeleine, Lainelé Barbe, Babelé etc.
Ils gardent, pour la plupart, ces petits noms jusqu'à la fin de
leur vie, bien qu'ils ne doivent les conserver que jusqu'à
l'époque de leur mariage. » (Seigneurs,
château, châtellenie et village de Turquestein - H. Lepage)
« Les
anabaptistes prétendent que leur religion leur interdit de
porter les armes; ils reçoivent cette réponse : « L'égalité
devant la loi n'a rien à voir avec votre religion ». Bien plus,
comme ils avaient une façon particulière de porter la barbe, on
s'avisa, quelque jour, d'en arrêter trois, parce que la
Convention avait prohibé tous les signes extérieurs du culte. »
(Histoire du Blâmontois dans les temps
modernes - A. Dedenon)
« [1794] C'est aussi comme cultivateurs que le
district de Blâmont avait élargi trois anabaptistes, arrêtés sur
l'ordre de la municipalité blâmontoise parce que leur barbe
était, selon elle, un signe extérieur du culte. » (Vie
politique dans le département de la Meurthe d'août 1792 à
octobre 1795 - Albert Troux)
Assemblée de Repaix
(extrait du journal "Christ-Seul" de mars 1931
par Pierre Sommer)
Repaix est un village du canton de Blâmont (Mthe-et-Melle), à
quelques km. au nord de cette petite ville, à proximité de
l'ancienne frontière franco-allemande. Les Mennonites qui
formèrent l'assemblée dont Repaix est le centre provenaient sans
doute en grande partie de la vieille assemblée de la Lorraine
française (Welschlander-Gemeinde). Ils habitaient les cantons de
Blâmont, Badonviller et Cirey, dans l'arrondissement de
Lunéville. De bonne heure, des familles habitant le canton de
Lorquin, dans l'arrondissement de Sarrebourg, et provenant sans
doute de l'assemblée de Salm, se rattachèrent à celle de Repaix.
Toute la contrée faisait alors partie du département de la
Meurthe. Les réunions avaient lieu tous les mois, en langue
allemande, dans les maisons particulières. La connaissance de
cette langue, était entretenue, comme cela avait lieu
généralement alors, par des instituteurs nomades. L'instituteur
s'installait pour un hiver dans une famille où il y avait
beaucoup d'enfants et groupait autour de ceux-ci les enfants des
environs.
À cause de l'intolérance qui régnait alors d'une façon générale,
les inhumations avaient lieu dans les jardins des fermes
occupées par les « Anabaptistes », ou dans les coins les plus
reculés des cimetières communaux où on inhumait d'habitude les
suicidés. Vers 1860, un cimetière particulier réservé aux
Mennonites, fut établi à Repaix même.
C'est aussi vers 1860, que l'assemblée recueillit les débris du
groupe de Herbéviller. Elle-même perdait constamment du monde
par suite de l'émigration, des unions mixtes et de sa faible
natalité.
La frontière établie par la guerre de 1870-71 partagea la
communauté en deux, les fermes et villages appartenant à
l'arrondissement de Sarrebourg devinrent allemands. Cette
circonstance n'apporta qu'une gêne relativement faible aux
relations de part et d'autre de la nouvelle frontière. Les
réunions continuèrent comme par le passé. Les familles restées
françaises subirent plus fortement l'influence du français. Mais
alors que, dans toutes les autres assemblées françaises, on
abandonna l'usage de la langue allemande, Repaix conserva
jusqu'à la guerre de 1914, l'usage simultané des deux langues.
Il se faisait rarement une réunion sans que l'on entendît
alternativement cantiques, prières et sermons en français et en
allemand.
Vers 1895, la communauté recueillit les restes de l'assemblée du
Blanc-Rupt, haute vallée de la Sarre blanche, mais cela n'arrêta
en rien la diminution constante des membres.
L'assemblée de Repaix prit une part active à la formation de
notre Association d'avant-guerre. La conférence de 1907 eut lieu
à Avricourt, alors station-frontière voisine. Elle fut précédée
par une journée d'études bibliques qui eurent lieu à Repaix
même.
Les réunions se firent dès lors toutes les trois semaines. La
situation de l'assemblée était cependant assez peu normale. Elle
comprenait deux groupes bien distincts, l'un en France, l'autre
en Allemagne, et assez éloignés l'un de l'autre. L'idée, pour
les familles allemandes, de se rattacher à l'assemblée voisine
de Sarrebourg se présentant d'elle-même, surtout depuis qu'elles
étaient reliées à Sarrebourg par un chemin de fer. Mais toujours
les sentiments fraternels qui unissaient les membres empêchaient
la réalisation de cette idée. Vint la grande guerre. L'assemblée
de Repaix fut probablement la plus éprouvée de toutes nos
églises françaises. Les familles du groupe français durent
évacuer leur domicile ou se trouvèrent au milieu des lignes
allemandes. Celles-ci furent soumises à une surveillance sévère
et ne purent plus circuler librement. Quelques-unes furent même,
vers la fin de la guerre, évacuées sur la Belgique.
Le groupe allemand, plus loin en arrière des lignes allemandes,
conserva ses relations avec Sarrebourg et le rattachement se
réalisa ainsi tout naturellement.
Après la guerre, le groupe français se retrouva seul, bien
affaibli par les vides créés par la guerre. Les réunions se
rétablirent pourtant. Elles ont lieu maintenant exclusivement en
français, une fois par mois, alternativement à Repaix, Blâmont
et Herbéviller. La sainte Cène y est célébrée au printemps de
chaque année. L'assemblée a donné son adhésion au Groupe des
églises de langue française.
Le nombre des personnes, qu'un rapport de 1888 estime encore à
150, était descendu à 75 en 1914. Il est tombé actuellement à
une quinzaine. Nous avons ici la communauté s'épuisant peu à peu
par extinction des familles. De l'année 1883 à 1900, pas une
naissance n'y fut enregistrée. Dieu seul, dans sa puissance
infinie, peut, répondant à la foi de ses enfants, préserver
l'assemblée de Repaix d'une disparition complète.
Les anciens dont le souvenir a été conservé sont :
Joseph Mozimann, de Gondrexon, parti en 1836 pour l'assemblée de
la Meuse ; Christophe Mozimann, de Chazelles, son frère, mort à
Repaix, en 1844 ; Jean Lidviller, de Repaix, mort en 1851 ;
Joseph Mourer, de Frémonville ; Christian Zert, de Montigny,
parti en 1860 pour l'assemblée de Nancy ; Jacob Vercler, de
Herbéviller, venu avec les restes de son assemblée, mort en 1864
; Joseph Fongond, de Niederhof, mort en 1895 ; Pierre Sommer, de
Herbéviller, consacré dans l'assemblée de Baccarat, mort en 1908
; Christian Lehmann, de Cubolot (Métairies de St-Quirin), venu
avec les restes de l'assemblée du Blanc-Rupt, mort en 1909 ;
Pierre Sommer, de Herbéviller, fils de Pierre, consacré en 1901
(s'occupait aussi de l'assemblée de Baccarat), parti en 1919
pour Montbéliard ; Jean Lidviller, de Repaix, petit-fils de
Jean, consacré en 1914.
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