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1906 - Inventaires des Eglises à Nancy (1/2)
Voir aussi
1906 - Inventaires de Nancy - Temples et synagogues

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Après l'adoption le 9 décembre 1905 de la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat, un décret du 29 décembre 1905 règle l'inventaire des biens prévu à l'article 3 de la loi :
«  [...] Dès la promulgation de la présente loi, il sera procédé par les agents de l'administration des domaines à l'inventaire descriptif et estimatif :
1° Des biens mobiliers et immobiliers desdits établissements ;
2° Des biens de l'Etat, des départements et des communes dont les mêmes établissements ont la jouissance.
Ce double inventaire sera dressé contradictoirement avec les représentants légaux des établissements ecclésiastiques ou eux dûment appelés par une notification faite en la forme administrative.
Les agents chargés de l'inventaire auront le droit de se faire communiquer tous titres et documents utiles à leurs opérations. »

Dans le Blâmontois, on relève peu d'incidents : L'Est-Républicain annonce simplement les dates d'inventaires (voir au 15 mars 1906), et seul le journal La Croix du 14 mars 1906 indique de légères difficultés à Blémerey et Autrepierre.
Et pourtant l'Est-Républicain ne peut être considéré comme un journal anticlérical (si on voit qu'il se permet ci-dessous au 23 février une remarque sur la notion de «  liberté » revendiquée par l'Eglise, il condamne aussi les excès des manifestations anticatholiques d'étudiants)

A Nancy, les événements sont un peu plus confus et confirment les difficultés rencontrées ailleurs, par la consigne de l'évêché donnée au clergé de sonner le glas, de maintenir les églises et sacristies fermées, contraignant à en forcer publiquement les portes, et ne de pas collaborer, même à l'ouverture des coffres, nécessitant alors l'intervention de serrurier, voire des soldats du génie.

Comparer les presses partisanes sur de tels événements ne présente guère d'intérêt : et si l'Est Républicain de 1906 s'attache à décrire des très nombreux inventaires, la Semaine Religieuse de Nancy consacre sa rubrique qu'aux inventaires à Nancy.

Pour comparaison, nous nous bornerons donc ici à publier les relations, déjà très longues, des inventaires de Nancy vus par la Semaine religieuse (et Journal de la Meurthe et des Vosges, dont la Semaine reprend des articles), et par l'Est-Républicain.

  • hormis en ce qui concerne la cathédrale (et Saint-Fiacre, Saint-Joseph), la Semaine Religieuse revendique un soutien populaire qui s'apparente le plus souvent à de l'indifférence ou de la curiosité pour l'Est-Républicain.

  • les «  exactions » décrites avec des termes provocateurs («  cambriolage », «  spoliation »...) par la Semaine religieuse restent limitées à une application modérée de la loi selon l'Est-Républicain

  • la Semaine Religieuse ne montre guère de compassion pour l'agression du commissaire Gabillet le 24 février, attise la haine contre le serrurier Collot, et n'évoque pas le saccage par les catholiques de la loge maçonnique de la rue Drouin le 13 mars 1906 après l'inventaire de la Cathédrale.

  • dans le cas de Saint-Fiacre, la Semaine Religieuse est laconique sur le soufre brulé volontairement, et appelle "vitraux" de simple carreaux brisés pour évacuer la fumée.

Ce premier article regroupe les relations des inventaires suivants :

Basilique Saint-Epvre Semaine religieuse Est-Républicain
Eglise Saint-Georges Semaine religieuse  
Eglise Saint-Mansuy Semaine religieuse  
Eglise Saint-Nicolas   Est-Républicain
Eglise des Cordeliers   Est-Républicain
Eglises Saint-Pierre Semaine religieuse Est-Républicain
Eglise Bonsecours   Est-Républicain
Eglise Saint-Sébastien Semaine religieuse Est-Républicain


Basilique Saint-Epvre - Eglises Saint-Georges - Saint-Mansuy - Saint-Nicolas

La semaine religieuse de Nancy
3 mars 1906 - n° 9 - p. 225

Les inventaires à Nancy.
Ils ont, en ce moment, à Nancy, leur seconde édition, et ils s'exécutent avec l'appui de la force armée, de la police, des crocheteurs, mais non, comme à Paris, des pompiers, M. le Maire ayant déclaré qu'ils étaient «  destinés uniquement à éteindre les incendies ».
La basilique Saint-Epvre a eu la première, le mercredi 21 février, les honneurs du cambriolage officiel.
Vers midi, les habitants du quartier Saint-Epvre, étaient étonnés d'entendre le bourdon de la basilique qu'on ne sonne que dans les grandes circonstances. Ils surent bientôt de quoi il s'agissait quand ils virent l'église fermée, de nombreux agents circulant sur la place et une compagnie du 26e, commandée par le capitaine Willaume, cernant l'église; c'était le cambriolage de la basilique qui allait commencer.
A midi et demie, le serrurier Collot, de la rue Oberlin, le même qui avait forcé les portes des Rédemptoristes de Saint-Nicolas, et des Oblats de Sion, ancien élève de la Maison des Apprentis, où l'avait fait entrer M. Trouillet qui payait sa pension, crochetait la porte de la grille et brisait la porte de la sacristie donnant accès dans l'église. M. le curé, entouré du président et des membres du conseil de fabrique, de ses vicaires des employés de l'église, se tenait derrière la porte. Quand elle fut enfoncée, il prononça d'une voie émue et vibrante cette protestation :
«  M le commissaire,
«  Je proteste avec la dernière énergie contre la violence faite à cette basilique dont je suis le gardien. Elle n'est pas un immeuble vulgaire, elle est la maison de Dieu. Chez les païens eux-mêmes, les temples des dieux étaient respectés ; ils étaient inviolables. Et c'est chez des chrétiens que se commettent de pareils attentats...
«  Au-dessus de la force il y a le droit; au dessus des violences humaines il y a la justice divine. Et je ne puis en ce moment que répéter la parole du Christ sur la croix: «  Mon Dieu, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font. »
Le commissaire de police et l'inspecteur des domaines eurent pendant tout ce temps une tenue convenable et digne Seuls deux subordonnés eurent une contenance incorrecte. Ce furent un brigadier qui affectait un air menaçant et terrible et l'agent de la sûreté Bernard. Celui-ci, pressé d'en finir, comme Judas à qui le Sauveur disait dans la dernière cène: «  ce que tu fais, fais-le vite », s'écria pendant la protestation de M. le curé : «  Assez de boniments comme cela ! » A défaut de bonne éducation et de dignité personnelle, il aurait dû avoir le sentiment qu'il n'était là qu'en sous-ordre et chargé uniquement d'exécuter les ordres du commissaire.
L'église ouverte, on pénètre dans la sacristie, et le serrurier Collot brise le coffre-fort dont M. le curé avait refusé de livrer les clefs. Ici M. le commissaire dont la mission est terminée, se relire et vient surveiller la porte d'entrée pendant que l'inspecteur de l'enregistrement inventorie le contenu de la sacristie.
Sur la place, la foule est grande. On peut l'évaluer à plus de 1,500 personnes ; tous les rangs de la société y sont représentés. Quand le clergé de Saint-Epvre et les conseillers de fabrique sortent de l'église, ils sont acclamés aux cris de : Vive la liberté ! On reconduit triomphalement au presbytère M. le chanoine Briot qui salue la foule et la remercie. Vers 3 h. 1/2 un cambriolage analogue avait lieu à l'église des Cordeliers.
A la basilique Saint-Epvre, devant la porte fracturée, dont l'ouverture béante a été masquée de quelques planches, on a déposé jeudi matin une énorme couronne de fleurs artificielles. Par-dessus s'étale une toile blanche, sur laquelle sont peints en gros caractères les mots de : «  Vive la liberté ! »
Ce fut ensuite, le lendemain, le tour de l'église Saint-Nicolas.
A onze heures, on mobilisait la 11e compagnie du 69e qui arrivait sur place à midi moins vingt, sous les ordres du capitaine Picard. En même temps la même section du génie que la veille à Saint-Epvre avec un capitaine et un lieutenant.
De plus, toujours sous la direction de l'officier de paix Robin, une vingtaine d'agents de police.
Il s'est passé un fait vraiment inouï et d'ailleurs complètement illégal. Avant que M. le cure ait été prévenu, la police occupait l'église et le clocher !!!
Cet acte d'arbitraire ne peut vraiment être qualifié.
M. Gabillet, commissaire de police, pourrait il dire en vertu de quel droit il a pénétré, lui et ses agents, dans l'église ?
Les agents ne se sont pas contentés de garder militairement les portes, le clocher, d'où on fit rapidement descendre trois couvreurs qui y travaillaient, on alla même, et toujours avant que M. le curé fut prévenu, jusqu'à ouvrir des portes conduisant à la sacristie !!
Et quand le siège de l'église fut fait, que quelques fidèles qui se trouvaient dans l'église eurent prévenu M. l'abbé Beugnet de ce qui se passait, et que ce dernier accourut, Gabillet, placide, lui dit : «  Ah ! mais j'allais aller vous prévenir ! »
A midi 1/2, M. Frémiot, sous-inspecteur de l'enregistrement, s'est présenté à M. le curé. Avec lui se trouvait M. Gabillet. commissaire de police.
Il déclina ses qualités.
A ce moment, sur le parvis, se tenaient M. le curé, ses vicaires, les membres du conseil de fabrique et les représentants de la presse.
M. le curé dit alors en substance à M. l'agent des domaines : «  Je tiens tout d'abord, M. l'inspecteur, à protester contre les mesures prises par la police avant que j'aie été avisé de quoi que ce soit. La police a envahi mon église, pris possession de mon clocher. Quand j'en ai fait l'observation, .on m'a répondu qu'on pouvait agir ainsi, l'église étant un lieu public. Je proteste énergiquement contre cette affirmation. Le commissaire de police a également ajouté que c'était pour éviter l'effraction. Or, on a crocheté une des portes de la sacristie. Je constate qu'il y a eu là une illégalité. »
A ce moment, M. Frémiot fait remarquer à M. le curé qu'il n'est pour rien dans les mesures prises.
«  Eh bien ! reprend M. l'abbé Beugnet, ces protestations, je vous les adresse à vous, M. le commissaire. »
M. Gabillet répond qu'il a déjà expliqué le motif pour lequel il a agi de cette façon.
M. le curé réplique : «  Je n'en constate pas moins que les opérations faites par vos agents l'ont été avant même que je fusse averti. Je proteste en particulier, d'autre part, contre l'effraction qui a été commise. » M. Gabillet ne répond pas.
Se tournant alors vers M. Frémiot, M. le curé continue : « Je vous ai déjà lu, M. l'inspecteur, une protestation lors de votre première venue. Je n'y ajouterai rien. Mais aujourd'hui que le Pape a parlé, je proteste encore davantage. Je ne veux vous servir de témoin en aucune façon. Des dons particuliers ont été faits. Je vous montrerai les titres de propriété. C'est la seule coopération à laquelle je puisse prendre part. Je vous indiquerai également ce qui m'appartient personnellement .»
M. le curé a terminé.
«  Puis-je entrer ? » demande M. l'inspecteur.
«  Je ne puis pas vous empêcher d'entrer, répond M. le curé, puisque je n'ai plus les portes en ma possession.
M. l'inspecteur entre alors dans l'église, suivi de M. le curé, de ses vicaires, du conseil de fabrique et du commissaire.
Alors, le cambriolage s'opéra. Les serrures des tiroirs et des armoires furent fracturées. L'inventaire se fit complètement de tout ce qui se trouvait à la sacristie. Des réserves furent faites en ce qui concernait les ornements ou objets, propriété de M. le curé, des vicaires ou de particuliers. Les cloches furent aussi inventoriées.
Mais où la résistance eut lieu ce fut au coffre-fort.
Les clefs n'en furent naturellement pas données. On appela alors les sapeurs du génie et le cambriolage commença. Impossible de parvenir à un résultat Un agent de la sûreté fut envoyé chez M. Carel, représentant de la maison Fichet. Celui-ci était absent. On réattaqua alors le coffre-fort avec les pinces. Toujours rien. Vers 4 heures, un sapeur court à la caserne chercher d'autres outils.
A 5 heures 1/2 le coffre-fort était défoncé.

Vendredi on cambriola Saint-Georges et Saint-Mansuy.
A Saint-Georges c'est M. Barnouin qui fut le triomphateur des Domaines.
A 11 h 1/2, M. le curé fut prévenu. Un enterrement sortait alors de l'église et. avant que les portes aient pu être fermées, les agents de police s'avançaient sur le péristyle et pénétraient à l'intérieur.
En moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, une nombreuse affluence se pressait sur les lieux. Mais les soldats de deux compagnies du 26e étaient là formant des barrages, il a donc été absolument impossible à la foule de s'avancer.
Lorsque l'agent du fisc, accompagné de M. Billard, le policier mâteur, est arrivé, M. le curé entouré de ses vicaires, de son conseil de fabrique, a lu la protestation suivante :
«  Il y a quelques semaines, M. Merlou, ministre des finances, disait à la Chambre avec une superbe assurance : «  Nous ne Hommes pas des crocheteurs ».
«  Nous en avons tous les jours les preuves les .plus convaincantes ; si mes ordres avaient été exécutes, vous en donneriez la preuve à l'instant même et vous la donnerez tout à l'heure à l'intérieur de l'église.
«  Nous ne sommes plus en pays civilise où l'on respecte le droit, la propriété et la religion et aucune nation na supporterait les. attentats sacrilèges qui se multiplient dans notre malheureuse France.
«  Nous savons que nous n'avons rien à attendre d » la justice de notre pays, mais nous savons aussi qu'il y on a une autre, la bonne celle-là, la justice de Dieu, en qui nous avons toute confiance et qui rendra à chacun selon ses oeuvres.
«  Vous pouvez, M. l'inspecteur, faire votre vilaine besogne. puisque vous avez la force, mais nous protestons de toute notre âme contre votre odieux inventaire et nous vous en laissons à vous et à ceux qui vous ont envoyé la responsabilité devant Dieu et devant les hommes. »
Pour pénétrer dans la sacristie, le sous-inspecteur a dû faire briser les deux portes y donnant accès ; ont été brisées aussi à l'intérieur deux portes d'armoires, la porte du coffre-fort, la porte d'un placard renfermant des objets à l'usage des enfants du patronage.
Des sapeurs du génie réquisitionnés ont prêté leur concours à cette besogne, ainsi que le sieur Collot, ce qui était un travail relativement facile pour ce dernier, car lui-même avait posé les serrures.
A 1 heure et demie, les opérateurs sortaient et tandis que les soldats quittaient les lieux, les assistants l'entraient dans l'église et visitaient la sacristie.
De là, MM. les exécuteurs des oeuvres gouvernementales se sont rendus rue du Docteur Grandjean, où se trouve la chapelle Saint-Vincent-de-Paul, annexe de l'église Saint-Georges.
Là, point de soldats, mais seulement des sapeurs du génie qui ont été de nouveau transformés en enfonceurs de portes. Nos lecteurs savent que ces portes sont au nombre de deux, l'une en fer donnant sur la rue et placée à un mètre ou deux de la chapelle; l'autre s'ouvrant sur la dite chapelle.
M. l'abbé Vincent, vicaire à Saint-Georges, desservant Saint-Vincent-de-Paul, a formulé d'expresses réserves à M. Barnouin.
En effet, deux statues et l'harmonium appartiennent à des particuliers, le mobilier est la propriété exclusive de M. le curé.
Au de hors, la foule attend la sortie du sous-inspecteur, sortie qui ne saurait tarder.
A Saint-Mansuy, M. le curé, prévenu à onze heures et demie, fît aussitôt sonner le glas funèbre. Une foule nombreuse ne tarda pas à accourir.
Quand M. Schons, sous-inspecteur, et M. Besson, commissaire, arrivèrent, des cris de : «  Vive la liberté ! » retentirent. M. le curé et plusieurs prêtres se tenaient sur le parvis de l'église.
M. Schons déclina sa mission.
M. le cure lui lut alors la protestation suivante :
«  Monsieur,
«  Vous venez aujourd'hui avec la force et la violence. Quand dans un pays civilisé, on les emploie contre le droit et la justice, contre lesquels ne saurait jamais prévaloir une loi injuste condamnée par le Pape, notre chef spirituel ; quand dans un pays chrétien, on s'en sort contre les choses saintes, elles attirent toujours avec la réprobation des honnêtes gens, les châtiments de Dieu, et à moins de repentir la réprobation éternelle.
«  Nous vous laissons, monsieur, tout l'odieux de votre triste besogne. »
M. Schons demande alors à M. le curé s'il veut lui livrer les clefs. Il y oppose naturellement un refus catégorique. L'oeuvre du crochetage commence alors. Portes, serrures, coffre-fort, tout saute. C'est l'inventaire qui se fait !
Au dehors, malgré le mauvais temps, de nombreux habitants de la paroisse sont massés et crient : «  Vive la liberté ! » Des manifestations hostiles accueillent l'agent du fisc à sa sortie.
(A suivre.)

 

Est-Républicain
22 février 1916

L'Inventaire du mobilier
DES EGLISES (suite)
A SAINT-EPVRE DE NANCY
La sacristie forcée
On sait que, ces jours derniers, a eu lieu l'inventaire de l'église Saint-Epvre, mais que, conformément aux ordres de l'évêché, M. l'abbé Briot, curé de la paroisse, a refusé de livrer les clefs de la sacristie.
L'inventaire de cette sacristie s'est fait mercredi après midi el on a dû, pour y pénétrer, recourir à la force.
Ceci dit, rappelons que lorsqu'un agent des domaines s'est vu opposer une première fois une fin de non recevoir pour un inventaire, il n'est pas tenu de prévenir les intéressés quelques jours à l'avance de sa seconde visite.

L'annonce de l'inventaire
Aussi, c'est mercredi, à onze heures et demie seulement que M. Flury, commissaire de police du 4e arrondissement, dont, dépend Saint-Epvre, a prévenu le curé de cette paroisse que l'inventaire de la sacristie allait être effectué dans quelques instants.
M. l'abbé Briot se trouvait à l'église, où l'enterrement du colonel de Villers venait d'être célébré.
Quelques fidèles seulement étaient là perdus dans l'immense nef. Il y flottait cette odeur spéciale aux enterrements terminés depuis peu, odeur d'encens, odeur de cierges.
M. le curé de Saint-Epvre pria courtoisement les fidèles et les membres de la presse appelés par leur devoir professionnel, de vouloir bien se retirer, car on allait fermer les portes.
On le fit en effet peu après, et. dans l'église restent seuls alors le clergé de Saint-Epvre, les membres du conseil de fabrique qu'on était allé prévenir et les employés de l'église.

A l'extérieur. - Le services d'ordre
Cependant, aux abords de Saint-Epvre, un important service d'ordre était organisé. Des agents de police arrivent : agents en tenue, agents e la sureté.
Ils sont bientôt suivis d'une compagnie du 26e, en tenue de campagne, commandée par le capitaine Willaume.
Des postes de soldais sont installés aux. différentes portes de la basilique hermétiquement close.
Un cordon de troupes se tient sur la place Saint-Epvre.

Les spectateurs
Tout ce va-et-vient, d'agents et de soldats survenant juste à l'heure animée de midi, n'a pas été sans exciter la curiosité publique.
Les employés qui sortent de leurs bureaux, les ouvriers quittant leurs ateliers s'enquièrent de ce qui se passe et stationnent derrière tes soldats.

On sonne les cloches
A midi un quart, le bourdon de Saint-Epvre est mis en branle. Ses accents puissants vibrent pendant cinq minutes environ, puis lui succède le glas lugubre des morts.

Les soldats du génie
Sur ces entrefaites sont arrivés un lieutenant, un sergent et quatre sapeurs du génie, munis du matériel nécessaire pour fracturer les portes.
Ce petit détachement se tient derrière l'abside de Saint-Epvre, près du square.

Les sommations
A midi 35 m., le commissaire de police Flury se présente à la grille qui donne accès à la porte de la sacristie. Trois fois il répète la phrase sacramentelle : «  Au nom de la loi, ouvrez ! ».
La. porte ne s'ouvrant pas, le serrurier Collot, qui a déjà été requis pour forcer les portes des couvents des rédemptoristes de Saint-Nicolas et des oblats de Sion, tâche de la fracturer.

On force les portes
Il ne peut y parvenir. Alors il escalade la grille et de l'intérieur, et en ouvre la porte avec un ciseau à froid.
H reste maintenant à ouvrir la porte en bois de la sacristie. Elle résiste d'autant plus que des barres transversales sont placées derrière.
Collot demande alors aux soldais du génie de lui passer une pince de carrier. Ce qu'ils font. Avec cette pince, il fait sauter la serrure. Il demande encore aux soldats une masse qu'il place entre la porte et le chambranle.
La porte ne s'ouvre pas encore.
Alors le serrurier prend la grande pince de carrier et s'en sert pour briser le panneau inférieur de la porte.
Dans ces conditions, celle-ci cède rapidement.

Protestation du curé
Derrière la porte se trouve M. l'abbé Briot, entouré de ses vicaires, de MM. Malval, Barbas, Vesque et des autres membres du conseil de fabrique.
M. l'abbé Briot lit au commissaire de police la protestation suivante:
«  Monsieur le commissaire,
«  Je proteste avec la dernière énergie contre la violence faite à cette basilique, dont je suis le gardien. Elle n'est pas un immeuble vulgaire, elle est la Maison de Dieu. Chez les païens eux-mêmes, les temples étaient respectés : ils étaient inviolables. Et c'est chez des chrétiens que se commettent de pareils attentats !...
«  Au-dessus de la force, il y a le droit; au-dessus des violences humaines, il y a la justice-divine. Et je ne puis, en ce moment, que répéter ta parole du Christ, sur la croix «  Mon Dieu, pardonnez leur, car ils ne savent ce qu'ils font. »

Cette protestation terminée, deux agents vont chercher M. George, inspecteur de l'enregistrement
chargé de l'inventaire, qui se trouve dans le voisinage.
L'abbé Briot lui adresse aussi une protestation, puis, comme M. Flury se dispose à accompagner l'inspecteur dans son inventaire, il lui déclare. : «  Monsieur le commissaire, je vous prie de vous retirer. Nous n'avons pas besoin-ici d'agents de la force publique.
- Je me retire, dit M. Flury, mais un de mes agents accompagnera l'inspecteur.

L'inventaire
Et l'inventaire commence. On brise une cassette placée dans le coffre-fort qui est ouvert. Ce coffre fort ne contient d'ailleurs rien d'important. M. Vesque présente quelques papiers de la fabrique.

Le curé rentre chez lui
A 1 heure, M. l'abbé Briot rentre au presbytère, rue des Loups. Sur le seuil de l'église, il se découvre et crie : «  Vive la liberté ». Une femme s'avance vers le prêtre et lui serre chaleureusement la main. Sur la place, quelques contre-manifestants crient en sourdine: «  Hou! hou ! la calotte ! »

Le-curé-de Saint-Epvre est accompagné chez lui par un certain nombre d'hommes qui chantent le cantique : Je suis chrétien. A .ce moment, un manifestant est appréhendé, mais son arrestation n'est pas maintenue.
Sur la place la foule augmente. On y remarque beaucoup d'étudiants en bérets. Une vieille dame gesticule et s'exclame : «  A quand l'inventaire à la loge de la rue Drouin ?»
Dans un groupe, on s'étonne de l'heure choisie pour l'inventaire, par l'administration préfectorale, assure-t-on. On se demande s'ils n'aurait pas mieux valu y procéder un matin, à la première heure, alors que les passants s'ont rares, au lieu de le [aire en plein midi ?
L'inventaire continue toujours. A deux heures, les fantassins mettent leurs fusils en faisceaux. A deux heures et demie, les soldats du génie se retirent, ainsi qu'une partie des curieux.
A cc moment, un pochard, qui gesticule et se prétend «  plus malin que le «  fiscoeur » {sic), est empoigné et emmené au poste.
Comme il croise un avocat, il lui crie «  Eh ! Me X..., c'est encore moi qu'on «  emballe».
A trois heures, on voit apparaître devant la petite porte, dont le panneau a été forcé, deux sacristains, ils informent quelques amis que l'opération durera encore bien au moins deux heures.

Aux Cordeliers
Ceci était inexact, car. dès 3 h. 1/4. l'inventaire de Saint Epvre était terminé, et M. George, qui était accompagné de M.Fulry, s'est rendu, pour l'inventaire de la sacristie, à l'église des Cordeliers, qui est, on le sait, administrée par le même conseil de fabrique que celui de Saint-Epvre.
A cette église, M. George a été reçu par le délégué du conseil de fabrique de Saint-Epvre. Celui-ci a fait une protestation. La porte de la sacristie a été ouverte après un simulacre d'enfoncement.
L'inspecteur a alors procédé à l'inventaire après que le commissaire fût sorti de l'église.
Dans le public qui restait sur la place des Dames, on connut bientôt la visite de l'inspecteur aux Cordeliers et les curieux se portèrent vers cette église. Ils ne tardèrent pas d'ailleurs a se disperser.
A 4 heures du loir, la faction des soldats de place des Dames continuait. A 4 h 1/4, ils regagnaient leur caserne.

Est-Républicain
23 février 1906

Inventaire du mobilier :
DES EGLISES (suite)
A NANCY
A Saint-Nicolas


Saint-Nicolas

L'inventaire-manu militari-a continué jeudi, à Nancy, par l'église Saint-Nicolas.
Le bruit avait couru, dans la matinée que les agents des domaines allaient, se présenter, pour la seconde fois, à la Cathédrale et à Saint-Pierre.
Aussi un certain nombre de fidèles avaient-ils pénétré dans ces églises, dont les portes furent fermées.
On ne s'attendait nullement en ville à l'inventaire de Saint-Nicolas.

Le service d'ordre
Jeudi, â onze heures du matin seulement, M. Nogier, commissaire central de police, donnait l'ordre à l'officier de paix Robin de rassembler treize gardiens de la paix commandés par le brigadier contrôleur Meyer, et de les mettre à la disposition de M. Gabillet, commissaire de police du canton Sud, au bureau duquel ils devaient arriver à 11 heures 1/2.
L'ordre fut naturellement exécuté, et à l'heure indiquée les gardiens de la paix étaient dirigés du bureau ce police vers l'église Saint-Nicolas. Un barrage d'agents fut d'abord établi devant la pharmacie Gouy, à l'angle des rues Charles III et Saint-Dizier, un autre devant le débit Mathias, situé au coin des rues Saint-Nicolas et Charles III.
II s'agissait, comme on le voit, d'empêcher la circulation dans la rue Charles III, dans sa partie comprise en Ire les rues Saint-Dizier et Saint-Nicolas.

La police dans l'église
Entre temps, les brigadiers de gardiens de la paix Morel et Weibel pénétraient dans l'église avec quelques hommes.
Des ouvriers couvreurs qui travaillaient à la réfection de la toiture, furent invités à descendre, puis les agents gardèrent la petite porte d'entrée de la façade de l'édifice, la porte d'entrée en fer forgé qui accède au clocher, puis celle de la sacristie.
Bientôt arrivaient sur les lieux, MM. Gabillet, commissaire du canton Sud, ceint de son écharpe, et Billard, commissaire de police du canton Est.

Arrivée de la troupe
Peu après, survenait une compagnie du 69e, commandée par le capitaine Picard. L'adjudant de place, appartenant, lui, au 37e, était aussi présent.
On remarquait également un détachement de sapeurs du génie : un sergent et cinq hommes, commandés par un lieutenant.
Les sapeurs étaient munis de haches, masses, pinces, bref, du matériel nécessaire pour forcer les portes.
Les hommes du 69e furent donc placés sur deux rangs, derrière les agents.
Les sapeurs du génie restèrent sur les côtés de l'église.

La sortie des ateliers. - La foule
Midi sonne à Saint-Nicolas. On entend les « sirènes» des nombreuses usines et manufactures de ce quartier si industriel annoncer aux ouvriers qu'il est l'heure d'interrompre le travail pour aller «  à la
soupe».
En peu d'instants, des centaines d'ouvriers des manufactures de chaussures Leroy, Legris, etc., sont massés curieusement derrière les barrages, s'inquiétant de ce qui arrive.

Arrivée du clergé et des fabriciens
A midi 25, un premier vicaire, M. l'abbé Henry, arrive à l'église, puis un second, M. l'abbé Lemoine.
Peu après, on voit arriver les membres du conseil de fabrique, M. Hozé, le docteur Remy, conseiller municipal, etc.. Enfin, voici M. Beugnet, le curé de la paroisse, il gravit les marches du parvis et rejoint rapidement les vicaires et les membres du conseil de fabrique, qui ont pénétré dans
l'église.

Protestations du curé
La demie tinte au clocher. Alors M. Fremiot, sous-inspecteur de l'enregistrement, qui, arrivé depuis quelques moments, s'entretient avec M . Gabillet, monte avec celui-ci les marches de l'église. A ce moment, M. l'abbé Beugnet, les vicaires et les membres du conseil de fabrique sortent de l'édifice pour les recevoir.
MM. Gabillet et Fremiot déclinent leurs qualités et mandats dont ils sont chargés.
M. le curé Beugnet s'élève ensuite contre l'inventaire, puis, se tournant vers M. Gabillet, il lui dit : «  Je proteste formellement contre le procédé que vous avez employé. Vous avez pris possession de l'église comme s'il se fût agi d'un lieu public, une demi-heure avant même que j'eusse été informé que l'inventaire devait s'y faire.
«  Deux portes de la sacristie que j'avais fermées, ont été forcées par vos agents. Ce n'est point légal. Toutefois je dois dire que les serrures tenaient peu.
«  Je proteste encore, monsieur le commissaire, avec la plus grande énergie. »

Puis s'adressant à M. Frémiot, M. Beugnet lui dit :
«  Lorsque vous vous êtes présenté une première fois pour inventorier le mobilier de l'église, j'ai protesté, quoique ne sachant pas exactement encore quelle attitude prendrait le Saint-Père au sujet de la loi de séparation.
«  Aujourd'hui, après l'encyclique du pape, mon opposition sera encore bien plus forte. Vous n'aurez auprès de moi aucun concours. Vous pouvez inventorier, monsieur, vous trouverez quelques armoires fermées, mais les portes de l'église et du clocher sont ouvertes. Quant, à celles de la sacristie, elles le sont, puisqu'elles ont été forcées par vos agents.
«  Parmi les objets que vous aurez aussi à dénombrer, il y en a beaucoup provenant de dons particuliers.
«  J'en revendiquerai aussi comme étant ma propriété particulière. »
- Nous avons réservé un chapitre spécial pour le passif, répondit le sous-inspecteur.
- Je cède donc à la force reprit M. l'abbé Beugnet.
Elles témoins ? Vous en avez? demanda encore M. Fremiot à M. Gabillet.
- Oui répondit ce dernier, ils sont à l'intérieur de l'église.
(C'étaient deux agents des recherches).
On pénétra alors dans l'église où l'inventaire commença aussitôt.

Ce que répond la police
Nous avons enregistré la protestation du cure de Saint-Nicolas contre la façon d'agir de la police.
On nous a déclaré, d'autre part, que M.Gabillet avait fait constater par l'inspecteur des domaines, que les portes de la sacristie n'avaient été ni fracturées ni forcées.
Sur la prise de possession de l'église dont elle fit laisser la porte d'entrée ouverte, la police dit qu'elle a opéré ainsi afin d'éviter le crochetage.

L'empêchement de la circulation
La circulation interrompue pour l'opération de l'inventaire à Saint-Nicolas, à pareille heure, dans une rue aussi passante que la rue Charles III, n'a pas laissé que de provoquer des commentaires, d'autant plus que de nombreuses voitures contenant des porcs, n'ayant pu passer par cette rue, leur route habituelle, pour se rendre au marché aux bestiaux, ont dû traverser les rues centrales, y répandant une odeur qui n'était rien moins qu'agréable.

Pourquoi choisit-on l'heure de midi ?
On continue à se demander dans le public pourquoi l'administration de l'enregistrement continue à choisir l'heure de midi pour l'inventaire.
On assure que cette administration ne veut pas procéder aux inventaires le matin, en raison des messes qui sont célébrées dans les édifices religieux.
Mais alors ne pourrait-elle Inventorier l'après-midi, vers 3 ou 4 heures ?

Quelques détails sur l'inventaire
L'inventaire s'est poursuivi une partie de l'après-midi. Une foule assez nombreuse, n'a cessé de stationner aux abords de l'église.
Un témoin a, au cours de l'inventaire, du faire sauter les serrures de plusieurs armoires de la sacristie.
Un coffre-fort placé dans une arrière-sacristie a été découvert.
Le curé ayant refusé d'en donner les clefs, les soldats du génie ont essayé de l'ouvrir avec des pesées. N'ayant pu y parvenir, on a dû recourir à un ouvrier spécialiste.

L'agent qui était chargé de cette mission essuya d'abord un refus, il alla alors chercher un réquisitoire en règle du commissaire central. Mais une fois muni de cette pièce, il ne trouva plus personne qui voulût bien fracturer le coffre-fort.
Dans ces conditions, les soldats du génie attaquèrent le coffre-fort avec des pinces, des masses, puis se servirent de burins.
Un membre du conseil du fabrique aurait, paraît-il, été d'avis qu'on livrât les clefs du coffre-fort, mais le curé n'aurait pas partagé cette opinion et aurait déclaré qu'il fallait laisser aller jusqu'au bout.

Le coffre-fort résiste
Le coffre-fort résistait toujours et il fallut qu'un soldat du génie retournât à la caserne pour y chercher de plus gros burins, la tôle ayant une épaisseur de 4 millimètres.
Enfin la première porte du coffre fut éventrée à quatre heures trois quarts. A cinq heures un quart, la dernière était forcée également. Il y avait dans l'intérieur du coffre-fort trois petites cassettes. Il fut
facile de les forcer.
On retira alors du coffre un ostensoir en vermeil, un calice, des registres et des titres peu importants. On les inventoria jusqu'a cinq heures trois quarts.

A cette heure l'opération fut donc terminée-, les soldats du génie étaient littéralement à «  nage ».
M. Gabillet, ne voulant pas que le brouillard qui commençait à tomber leur causât quelque malaise, leur fit préparer du vin chaud par un débitant du voisinage.

MM. Gabillet et Frémiot se retirèrent ensuite.
A leur passage, rue Saint-Dizier, quelques cris de : «  Vive la liberté! » furent poussés.
Les paroissiens se rendirent peu après en nombre à l'église, dont les portes avaient toutes été fermées. A ce moment une manifestation contradictoire se produisit dans plusieurs groupes formant un total de six cents personnes.
Quelques-unes criaient : «  A bas la calotte ! » la presque totalité répondait par : «  Vive la liberté ! »

A l'extérieur.- Autour de l'inventaire
Signalons encore quelques «  à côté » de l'inventaire :
Pendant que l'agent du fisc se trouvait dans l'intérieur de l'église, le public continuait à stationner derrière le cordon de troupes.
Les femmes étaient les plus nombreuses, elles échangeaient quelques propos, les unes en faveur de l'inventaire, les autres contre.

Mgr Turinaz
A quatre heures, Mgr Turinaz, accompagné de son secrétaire, passe rue Saint-Nicolas ; il est aussitôt entouré par un groupe de personnes avec lesquelles il cause.
Des enfants l'entourent ; puis l'évêque s'en va, suivi, pondant quelques mètres, par de nombreuses paroissiennes. Mgr Turinaz s'est rendu à l'église Saint-Pierre.
Mais, à ce moment, une femme en deuil, qui se trouvait à l'angle de la rue Charles III, prononce quelques paroles contre la religion, elle est vivement, prise a partie. Elle s'en va, mais est suivie jusqu'à la rue de la Hache par d'autres femmes qui l'injurient. Apercevant un agent, elle se rend près de lui pour chercher protection. L'agent, aussitôt, disperse les pourchassants et l'incident est clos.
A cinq heures, l'évoque de Nancy, revenant de Saint-Pierre, est rentré en ville par la rue Saint-Dizier.
On a vu, plus haut, la fin de l'inventaire Saint-Nicolas.

Jeudi, vers six heures un quart du soir, un vicaire de la paroisse Saint-Nicolas et un membre du conseil de fabrique passaient rue Saint-Dizier, suivis par de nombreux jeunes gens qui criaient : «  Vive la liberté! » .
Le groupe fut bientôt grossi par d'autres manifestants qui ripostaient parles cris de : «  A bas la calotte ! »
Le prêtre et le fabricien gagnèrent la rue des Quatre-Eglises, où se trouve le numéro 48, la maison de cure. Les manifestants se groupèrent devant l'immeuble et poussèrent des cris divers jusqu'à l'arrivée de deux agents, qui dispersèrent, tous les groupes.

Sur la place de la Cathédrale
Toute l'après-midi de jeudi, une foule, qu'on peut évaluer à 1,500 personnes, a stationné place de la Cathédrale, car on persistait à croire que l'inventaire allait y être opéré.

A Saint-Epvre
Devant la porte de la sacristie qui a été forcée mercredi, on a placé une couronne mortuaire portant sur le haut une bande d'étoffe avec l'inscription: «  Vive la liberté. »
Plusieurs petits bouquets en fleurs naturelles, liés de rubans verts, blancs et roses, ont été déposés contre cette couronne.

Les manifestants
On a remarqué, mercredi et jeudi, aux abords des églises, la présence d'un certain nombre de jeunes étudiants reconnaissables à leur béret aux rubans multicolores. Ces étudiants manifestaient par des cris hostiles à l'Eglise.
Ajoutons qu'un certain nombre de ces étudiants - qui exaltaient si bruyamment leurs sentiments anticatholiques - sont des Russes soit orthodoxes, soit israélites.
Nous l'avons déjà remarqué, les étudiants russes vivant à Nancy ont conservé en France la mentalité qu'ils avaient dans leur pays d'origine.
Ils ont l'imagination très frappée par ce qui se passe en Russie. Dans leur indignation juvénile contre le régime tsariste, ils ne se rendent peut-être pas très bien compte que la France n'est pas un pays comme la Russie et qu'on y jouit, au contraire, de la liberté.
Ces étudiants étrangers devraient observer évidemment les traditions de correction que leur impose l'hospitalité qu'ils nous ont demandée.
Il est regrettable - et peu tolérable - de voir ces jeunes gens arborer, ici, une attitude révolutionnaire.

Dans la rue des Dominicains. - Dialogue Ruttinger-Nogier
Ceci dit, notons une petite manifestation qui s'est, produite jeudi vers 4 heures, depuis la cathédrale jusqu'à la rue des Dominicains. Un certain nombre d'étudiants et de jeunes gens, formés en monôme, et suivis de curieux et de gamins, marchaient en poussant de temps en temps le cri de :
«  Hou, Hou, la calotte ! »
lis étaient escortés de l'officier de paix Robin et de deux ou trois agents qui, à peu prés devant le bureau central, ont dispersé les manifestants.
Dans la foule qui les suivait, on remarquait M. Ruttinger, l'un des adjoints.
Ce dernier ayant rencontré, rue des Dominicains, M. Nogier, qui sortait du bureau de police, lui déclara que de nombreuses personnes étaient surprises que les jeunes gens en question, et d'autres, aient pu, sans qu'aucune contravention fût relevée contre eux, pousser devant la cathédrale des cris hostiles à l'Eglise, tandis qu'on a verbalisé contre ceux qui poussaient des cris en sens contraire.
M. Nogier répondit à M. Ruttinger que la police faisait son devoir et ne craignait aucune critique. Elle assure - a affirmé le commissaire central - l'ordre dans la rue, sans distinction d'opinions et de partis. Elle réprime également tous les cris injurieux - quels qu'ils soient.
Sur ces sages paroles, l'adjoint et le commissaire central se séparèrent et la foule des curieux, qui s'était déjà assemblée autour d'eux, en fit autant.

Il convient d'ajouter que si la police, peut être tentée d'accorder un peu plus d'indulgence aux «  blocards », puis qu'aussi bien ceux-ci sont les amis du pouvoir - il convient d'ajouter, donc, que sur la fin de la journée de jeudi, les manifestations présentaient une grande confusion.
Hier, jeudi, à 6 h. 25 du soir, une assez forte colonne de manifestants passait rue Saint-Dizier, au coin de la rue Gambetta, et se dirigeait vers le Point-Central.
Cette colonne offrait l'aspect d'une cohue de jeunes gens, au premier rang desquels marchait un prêtre, de taille assez élevée.
Autour de lui, on criait, mais il était difficile d'y comprendre quelque chose.
Immédiatement derrière, autre groupe de jeunes gens marchant en meilleur ordre; de ce groupe sortait, avec régularité, le cri de : «  Hou, hou ! la calotte ! »
Enfin, derrière ces deux « couches» de manifestants, une nuée de gamins, de voyous, de camelots, gesticulant, gambadant, augmentait la confusion.
Il était évidemment malaisé de discerner, dans cette cohue, les véritables manifestants.
II est vrai qu'il faisait nuit.

Une dernière réflexion : les manifestants catholiques sérieux crient, de préférence : Vive la liberté - et ils sont sincères.
Mais si, autrefois, l'Eglise avait davantage respecté la liberté, le fossé ne se serait pas si profondément creusé entre elle et la partie intelligente de la population.
L'Eglise voit, dans le malheur, combien est précieuse la liberté.
Mais elle l'a tant et si longtemps refusée aux autres, qu'elle doit comprendre que les méfiances d'une portion du public ne soient pas encore dissipées.
Ce publie répugne à toute celle procédure brutale d'inventaires, - mais il ne prend cependant pas part aux manifestations en faveur de l'Eglise.

Eglises Saint-Pierre - Bonsecours - Saint-Sébastien

La semaine religieuse de Nancy
10 mars 1906 - n° 10 -p. 247

Les inventaires à Nancy. (suite).
Samedi, 24 février, ce fut le tour de deux nouvelles églises à cambrioler: Saint-Pierre et Bonsecours !
A l'église Saint-Pierre, M. Gabillet, commissaire de police et paroissien de cette église, avait cédé à M. Billard, le fameux «  mâteur des catholiques », l'honneur de présider au travail. Et celui-ci flanqué de son commissaire arrivait à midi et quart à la cure de Saint-Pierre, prévenant M. l'abbé Barbier, le dévoué curé de la paroisse, que l'opération commencerait à 1 heure.
A midi 1/2, deux compagnies du 26e, avec clairon et tambour (capitaine Ayrauld et Tisserant) se présentaient et entouraient complètement la place de l'église.
Et à midi 1/2 la lugubre sonnerie du tocsin commence à se faire entendre. Le tocsin sonne, sonne encore, sonne toujours; et les habitants de la rue de Strasbourg, gens de tout âge et de toutes conditions, arrivent en courant, se massant sur la chaussée, au milieu de la rue, sur les trottoirs. bientôt plusieurs centaines de personnes sont présentes.
La sonnerie du tocsin paraît donner sur les nerfs de M. Billard, qui regarde le clocher, qui regarde M. le curé, lequel, entouré de ses vicaires et de quelques amis, se promène sur la place. Tout à coup M. Billard s'approche de M. l'abbé Barbier : «  M. le curé, je vous prierais de faire cesser cette sonnerie ». - «  Je n'y puis rien». - «  Non, ce n'est pas vous qui sonnez, mais vous pouvez empêcher de sonner ». - «  Je n'empêcherai rien ». - «  Alors je vous préviens que je vous en tiens pour personnellement responsable : la loi de Séparation elle-même ... » - «  Faites ce que vous voudrez ».
Et M. le curé, mettant fin au colloque, continue à faire le cent-pas devant l'église.
L'heure sonne, M. Billard s'avance vers M. le curé : «  Voici l'heure, dit-il, où doit commencer l'inventaire ». M. le curé avance alors, se place devant le grand portail; et M. Barnouin approche de lui: « Je viens vous demander si vous voulez laisser procéder à l'inventaire ».
Pour toute réponse, M. le curé prononce ces mots:
«  Je proteste à nouveau de toutes mes forces, en ma qualité de citoyen français, de prêtre catholique, de curé de cette église, contre l'inventaire que vous venez accomplir aujourd'hui contre toute légalité.
«  Je. demande à Dieu que de tels actes ouvrent enfin les yeux à tous ceux qui s'obstinent à ne pas voir et qu'ils groupent autour de N. S. J.-C. et de l'Eglise toutes les bonnes volontés,
«  Ce n'est pas en Franca qu'a été dite cette parole malheureuse : La force prime le droit. C'est pourtant en France que nous la voyons appliquée aujourd'hui par des Français contre des Français.
«  Que Dieu ait pitié de nous ».
«  Toutes les portes sont donc fermées », réplique M. Barnouin. - « Voyez vous-même », répond M. l'abbé Barbier.
«  En ce cas, M. le commissaire, il faut faire fracturer les portes ». - Aussitôt, l'on se dirige par la rue Lionnois, vers la porte de la sacristie qui est située à droite du choeur de l'église. Le sieur Collot, serrurier, rue Oberlin, muni d'un attirail tout à fait spécial, marche à côté de MM. Billard et Barnouin.
On arrive à la porte de la sacristie.
Le sieur Collot crochète d'abord très habilement la serrure d'une petite porte en fer de la grille extérieure, puis il s'attaque à une épaisse porte en bois. Au bout de dix minutes, il déclare au commissaire qu'il n'en peut venir à bout.
M. Billard de se tourner alors vers le capitaine Tisserant et de lui demander d'envoyer les soldats du génie. Pauvre armée !
Mais M. le curé s'avance: «  Pardon, dit-il, j'ai la responsabilité de la garde de cette église et je demande à M. le capitaine de me montrer la réquisition écrite qu'il doit avoir pour prêter la troupe à cette opération ». - «  J'ai une réquisition », déclare le capitaine. - «  Le capitaine n'a pas à vous montrer sa réquisition, reprend M. Billard: il n'en doit compte qu'à moi ». - «  Vous constatez, messieurs, et vous êtes témoins que M. le commissaire de police a défendu au capitaine de me faire voir sa réquisition », - « Parfaitement », s'écrient plusieurs voix.
Six soldats du génie commandés par un sergent, - il n'y a aujourd'hui ni lieutenant ni capitaine du génie, -- s'avancent à ce moment, armés de leurs instruments de sape, pics, haches, etc. La plupart, on le voit, sont navrés de la vilaine besogne qu'on leur a ordonne de faire. Puis, aidés du sieur Collot, on commence les pesées et les coups de hache ! Il faut près de vingt minutes pour arriver à faire sauter la porte.
M. Billard se tourne vers M. Barnouin: «  Monsieur, vous pouvez entrer ». A ce moment encore, M. le curé de se tourner vers le commissaire et de lui dire: «  Votre réquisition vous ordonne-t-elle d'entrer dans l'église ! veuillez me la montrer ». - «  Je dois faire procéder à l'inventaire de l'église, répond M. Billard, je vous l'ai déjà dit ; néanmoins, je vais vous montrer encore ma réquisition ».
Mais M. Barnouin que la sonnerie du tocsin exaspère peut-être, s'écrie rageusement en s'adressant à M. Billard: «  Savez-vous seulement si Monsieur est le curé de la paroisse ; demandez lui donc sa commission ». M. le curé sourit d'un air de mépris, sans répondre. Finalement MM. Billard et Barnouin entrent dans l'église, suivis de M. le curé et du conseil de fabrique.
M. le curé refuse naturellement de s'associer en quoi que ce soit aux opérations de l'agent du fisc et de lui fournir le moindre renseignement. A la sacristie, il faut forcer les portes du coffre fort, les portes des armoires.
Quand l'agent du fisc est sorti, de nombreux cris hostiles ont été poussés.
Une foule nombreuse est ensuite allée visiter l'oeuvre des crocheteurs.
A Bonsecours le crochetage a commencé samedi à une heure. A midi et demi, quatre agents de la sureté descendent du tram. On sait que le samedi, et surtout ce samedi qui était le dernier avant le Carême, nombre de mariages viennent se mettre sous la protection de la Madone. Ils s'emparent aussitôt des portes de l'église restée ouverte. C'est le cambriolage ... à la cloche de huis. Cinq minutes plus tard, arrive une brigade d'agents que commande le brigadier contrôleur Meyer. En même temps, M. Gabillet, commissaire de police, va faire la notification habituelle à M. Jacquemot, curé de la paroisse.
Arrive ensuite la 4e compagnie du 26e, qui est aussitôt disposée autour de l'église. Elle occupe toute la place qui s'y trouve, ne laissant absolument passer personne.
A tel point que les voitures d'un mariage, qui venait faire le pèlerinage habituel au sanctuaire de Bonsecours ont été obligées de faire demi-tour !!
Le glas retentit bientôt au clocher de Bonsecours qui fermé, n'a pu être occupé par la police. La foule accourt aussitôt de partout. Il y a là toute une population ouvrière qui manifeste bientôt ses sentiments. «  Vive la liberté! », crie-t-on bientôt de toutes parts. La troupe contient difficilement les remous des manifestants, Le tocsin sonne toujours.
A ce moment se produit un vif incident. M. Gabillet, commissaire, ceint de son écharpe, s'avançait accompagné du chanoine Vigneron, quand un manifestant s'approcha derrière lui et lui envoya un coup de poing derrière la tête. M. Gabillet rempli de boue, l'écharpe, le pardessus et tous les vêtements complètement maculés, allait réparer autant que possible les désordres de sa toilette... au bureau de l'octroi.
Cet incident passé, M. Frémiot, sous-inspecteur, arrive. Sur le parvis, se trouvent avec M. le curé, les membres du conseil de fabrique.
M. Frémiot décline sa mission.
D'une voix vibrante d'émotion, M. Jacquemot lit alors la déclaration suivante:
«  Monsieur l'inspecteur,
«  Comme gardien de ce sanctuaire et des biens qui me sont confiés, je proteste une nouvelle fois de toute l'énergie de mon âme, au moment où par la force vous allez venir à bout de nos légitimes résistances.
«  Nous ne nous prêtons en rien à l'inventaire; des motifs supérieurs s'y opposent. Du reste, personne ne comprendra que l'Etat, qui se sépare de l'Eglise, qui déclare ne plus la connaître, s'arroge le droit de fureter dans nos dépôts sacrés et de faire main-mise sur les biens de l'Eglise.
«  C'est bien une main-mise officielle, en effet, que celle qui va s'opérer par la violence et l'effraction. Qu'on ne parle plus de mesures conservatoires !
«  A quelques pas d'ici, nous en avons un exemple dans cet ancien établissement, aujourd'hui dépecé et éventré, des Dames dominicaines. Là aussi on a fait un inventaire il y a dix-huit mois ; cela suffit à nous renseigner sur le caractère des actes conservatoires du gouvernement.
«  Ce qui nous attriste profondément aussi, c'est de voir l'armée mêlée à une telle opération, et cela à vingt kilomètres de la frontière, sous le regard de l'étranger, qui ricane en voyant à quels travaux on emploie les soldats de la France !
«  Combien je demande à Dieu de ne point faire retomber sur notre pauvre pays le poids de toutes les iniquités qui s'accomplissent en ce moment. »
Quand M. le curé a terminé, il demande à M. Frémiet d'accepter sa protestation. Celui-ci y consent volontiers.
Il pénètre ensuite dans le sanctuaire.
Après l'inventaire du mobilier de l'église à l'intérieur, on pénètre à la sacristie, dont les portes sont fracturées. Un nommé Muller, parait-il, qui n'est pas du quartier, fait sauter les serrures.
On arrive ensuite au coffre-fort. M. le curé refuse de l'ouvrir.
Sur réquisition de M. Gabillet, les sapeurs sont appelés et commencent leur besogne.
Il est près de 2 heures
Mais le coffre-fort résiste malgré les efforts du serrurier crocheteur qui se fait attirer cette observation d'un assistant : «  On ne fait pas cette besogne quand on a été baptisé ».
Les sapeurs coopèrent à la besogne. A un moment donné, l'un se fait une forte blessure au doigt. Il cesse le crochetage (va-t-on compter cela comme blessure de guerre ?) - A 2 h. 1/2 le coffre-fort saute. Il n'y a naturellement rien de précieux dans le coffre.
Après sa sinistre besogne, le crocheteur eut l'impudence d'allumer une cigarette que d'un coup de plumeau M. le Curé fit tomber de sa bouche, en disant au commissaire: «  C'est une indignité de plus de la part de cet homme. C'est vraiment le plus répugnant de tous. » Et M. Gabillet, l'illustre victime de ce jour, de répondre: « Nous n'avons pas l'embarras du choix. »
Tout ce qui se trouve dans le coffre fort est noté: vases sacrés, titres, livres de compte, etc.
A 3 h. 45, le clocher est à son tour inventorié.
Et pendant tout ce temps, sous les giboulées, les pauvres soldats grelottent, tapent la semelle.
A 4 heures, le serrurier crocheteur sort, il est hué comme il le mérite.
Avant 5 heures tout est terminé.
Alors, en un clin d'oeil, l'église se remplit de fidèles. M. le curé prononce une allocution qui trouve un facile écho dans tous les coeurs; on chante le Miserere qui est suivi du salut du T. S. Sacrement.
A la sortie des usines, deux heures durant, la foule défila devant le coffre-fort éventré, et les réflexions entendues donnent une idée consolante de l'état des esprits et des coeurs.

A Saint-Sébastien, le lundi 26 février, ce fut un véritable état de siège.
A une heure, un bataillon d'infanterie du 26e, avec tambours et trompettes, sous les ordres du commandant Thiry, vient se ranger devant l'église. Sur la place, évacuée par la force, un marchand replie en hâte sa boutique.
Les troupes sont aussitôt placées cernant toutes les rues voisines. En même temps arrivent deux escadrons de hussards. A ce moment, M. Besson, commissaire de police du quartier, se rend chez M. le Curé pour lui notifier que l'inventaire aura lieu à 2 heures. M. Nogier, commissaire central, dirige lui-même le service d'ordre.
Dès qu'il a été prévenu, M. le Curé fait sonner le glas. Bientôt une foule des plus nombreuses se trouve autour de l'église. Il fait un temps épouvantable. la pluie tombe en rafales. Et, néanmoins, les catholiques viennent, s'entassent devant les cordons de troupes, qui peuvent à peine les contenir.
Continuellement, on crie : «  Vive la liberté! » A un moment donné. vers 1 h. 1/4, un cordon de fantassins ne peut résister. Il est rompu. Aussitôt la cavalerie de réserve accourt. «  Poussez, poussez, » s'écrie le commandant d'infanterie. Des «  hou! » répétés lui répondent. Finalement les manifestants sont refoulés Les pauvres cavaliers n'y mettent d'ailleurs pas grand enthousiasme. Aux cris de : «  Vive la liberté! » se mêlent d'ailleurs également nourris ceux de : «  Vive l'armée ! »
Et c'est justice pour nos pauvres petits soldats trempés sous la pluie, pataugeant dans la boue, obligés d'accomplir aussi triste besogne.
Un groupe de catholiques qui ont pu rester dans l'église apparait tout à coup au clocher.
Bientôt on put voir suspendues aux tours de grandes affiches portant les inscriptions suivantes : «  Vive la liberté! Vive le Pape ! Gloire à Dieu ! » C'est l'occasion pour la foule de se livrer à une manifestation grandiose qui ne fait qu'accroître quand un de nos vaillants amis déploie au clocher le drapeau tricolore, endeuillé d'un crêpe.
Les autorités présentes ont visiblement peur. On réunit aussitôt toute la cavalerie. Finalement on double les files de hussards.
Il est 2 heures. Dans la rue Notre-Dame, derrière l'église, devant la porte de la sacristie, se trouvent M. Nogier, commissaire central; tous les autres commissaires ; M. Schons, sous-inspecteur des domaines; quelques membres du conseil de fabrique ; les représentants de la presse.
Quand l'heure sonne, M. Besson s'avance, ceint de son écharpe.
«  Au nom de la loi, ouvrez! » s'écrie-t-il.
Pus de réponse. Deux autres sommations restent également sans effet. «  Faites votre devoir », dit alors à Collot, le serrurier-crocheteur, M. Nogier, commissaire central.
Celui-ci commence aussitôt sa besogne. Mais il s'aperçoit bien vite qu'il ne pourra arriver à l'accomplir tout seul. Une section de sapeurs du génie qui est arrivée quelque temps avant est réquisitionnée.
Quand on les aperçoit armés de leurs haches et de leurs pinces, c'est un «  tollé » général. «  Hou ! Hou ! crie-t-on de la foule, des fenêtres, de partout. Vive la liberté! » L'oeuvre de destruction commence alors. Mais la porte tient bon.
Elle semble ne pas vouloir céder si facilement qu'on l'aurait cru. Collot arc-boute une pince près de la serrure. En même temps un sapeur s'arme d'une massue. Et les coups se mottent à pleuvoir, résonnant lugubres dans le couloir de la sacristie.
L'indignation de la foule monte toujours. On réquisitionne une nouvelle réserve de hussards. Ils sont accueillis par de vibrants cris de protestation. A tel point qu'un cavalier ne peut s'empêcher de dire tout haut à nos côtés : «  Est-ce que c'est de notre faute, si nous sommes là ? » Hélas ! non, mais quelle besogne !
... Cinq, dix minutes se passent. La porte ne cède pas. La hache remplace alors le pic. Le bois se fond sur une longueur d'environ dix centimètres. Collot introduit alors le tranchant d'un marteau. Un sapeur tape sur ce dernier point, le manche se casse, mais le fer pénètre néanmoins dans la porte qui commence à fléchir. Encore plusieurs pesées, et la serrure saute : le premier cambriolage est opéré ! Il a fallu 20 minutes pour y arriver !
Pendant ce temps, le glas retentit lugubre sans discontinuer.
M. Schons pénètre alors dans le couloir de la sacristie. Mais il se heurte à une autre porte. Il en trouvera encore trois avant d'arriver à la sacristie, où se tiennent, avec M. le Curé, ses vicaires et le conseil de fabrique.
Mais plus légères que les premières, les trois autres résistent moins, et à 2 h. 1/2 le sous-inspecteur s'est trouvé en présence de M. André, curé de la paroisse.
M. Schons s'avance, suivi de M. le commissaire Besson.
«  Je viens, dit-il à M. le Curé, procéder à l'inventaire des biens de votre fabrique. »
M. le Curé lui lit alors cette énergique protestation :
«  Monsieur,
«  Je renouvelle la protestation que je vous ai adressée le 30 janvier. Au nom de mes paroissiens indigents, au nom de MM. les Fabriciens, je déclare que nous ne voulons céder qu'à la force. Nous vous plaignons, et nous plaignons plus encore nos braves soldats, à qui on impose une pareille besogne .
«  Vraiment, quand il faut employer de tels moyens et mettre sous les armes tout un bataillon pour commencer la mise à exécution d'une loi, cette loi est jugée, et l'on comprend mieux la solennelle condamnation que vient d'en faire Notre Saint Père le Pape Pie X.
«  Nous ne nous en prenons pas à ceux qu'on oblige de marcher. Mais je vous prie de dire il ceux qui vous envoient que les catholiques et leurs prêtres sont prêts à souffrir pour obéir à leur conscience et pour défendre leur foi, et que tout ce qui se fait contre nous ne fera que raviver notre ardeur et fortifier nos âmes. On. pourra nous mettre à l'amenda et nous jeter en prison, on nous en menace assez, mais on ne nous effrayera pas. Nous saurons souffrir pour les âmes qui nous sont confiées et même... pour nos persécuteurs.
«  Maintenant faites ce qu'on vous demande de faire, si vous le voulez, nous ne pouvons ni ne voulons vous aider en rien.
«  Le Pape a condamné cette loi de Séparation, nous la condamnons avec lui et comme lui. »
L'inventaire commence par la sacristie. Tout ce qui s'y trouvait fut noté. On arrive ensuite au coffre-fort, placé au premier étage.
«  Voulez-vous nous assurer qu'il n'y a rien dedans ? » demanda M. Schons au président du conseil de fabrique. «  Voyez », lui Iut-il répondu simplement.
Collot commença alors, toujours aidé des sapeurs. Le crochetage dure une demi-heure et à 3 h. 1/2 le coffre cédait. Il était absolument vide !
A 4 heures moins 10, M. le Curé regagne la maison de cure; une ovation enthousiaste lui est faite à ce moment, et l'on peut dire que des milliers de voix clament : «  Vive M. le Curé ! Vive la liberté ! » Quelle consolation pour le digne pasteur au milieu de ses tristesses !
Mais une honte pour l'armée, c'est qu'un commandant ait offert à un commissaire de police qui ne lui demandait rien «  la cavalerie pour déblayer la place».


Est-Républicain
25 février 1906

LA JOURNÉE DE SAMEDI
A NANCY
Samedi, l'inventaire a eu lieu dans deux églises de Nancy: à Saint-Pierre et à Bonsecours.
A Saint-Pierre
La notification de l'inventaire - L'arrivée de la troupe
A midi et demi, M. Billard, commissaire de police du canton Est, frappe au presbytère de l'église Saint Pierre et prévient le curé de la paroisse, M. l'abbé Barbier, que l'inventaire va être effectué dans quelques instants.
Bientôt arrivent deux compagnies du 26e et des agents de police qui barrent entièrement la place qui s'étend devant l'église.
Deux sections de fantassins forment aussi un barrage dans la rue Lionnois, derrière Saint-Pierre.

On sonne les cloches
Peu après, on voit sortir un vicaire de cure. Il ouvre à un sonneur une des portes de l'église et la referme sur lui. Le sonneur monte au clocher et bientôt on entend le tocsin.

La foule
Rapidement une affluence assez considérable se presse dans la rue de Strasbourg. Derrière
les fenêtres du grand séminaire se montrent les élèves de cet établissement.

L'inspecteur se présente.
A une heure, M. Barnouin, sous-inspecteur de l'enregistrement, se présente à l'abbé Barbier, qui, sur ces entrefaites, est sorti de la cure avec ses vicaires et les membres du conseil de fabrique, qu'on était allé prévenir.
Le petit groupe se lient sur le parvis de l'église.
M. l'abbé Barbier lit au fonctionnaire des domaines une protestation conçue dans la forme habituelle.
M. Barnouin demande ensuite à l'abbé Barbier s'il veut ouvrir les portes et assister contradictoirement à l'inventaire. Le curé refuse.

On force les portes
Alors on se décide à pénétrer dans l'église par là force et on se rend sur le côté droit de l'édifice. Là, le serrurier Collot - qu'assistent les soldats du génie - force sans grandes difficultés la porte de la grille.
Mais il en est autrement de la porte en bois qui donne dans l'intérieur de Saint-Pierre.
Collet en doit faire sauter la garniture extérieure de la serrure avec un ciseau à froid et un marteau
Il se sert ensuite d'une pince qu'il appuie contre le chambranle de la porte. Celle-ci cède à 1 heure un quart.

Demande de réquisition
Ajoutons qu'à ce moment M. le curé Barbier a demandé au capitaine d'infanterie le plus ancien s'il avait une réquisition et qu'il veuille bien la lui montrer.
M. Billard, commissaire de police, a répondu au curé qu'on n'avait, pas à lui montrer de réquisition et qu'on obéissait aux ordres et réquisitions de M. le préfet.
Le curé a encore insisté, mais en vain.

L'inventaire
Et l'inventaire s'est poursuivi une partie de l'après-midi. Le sous-inspecteur des domaines
était accompagné de M. Billard, de deux témoins, des prêtres et des fabriciens.

A la sacristie
Le coffre-fort de Saint-Pierre, placé à la sacristie, a dû être ouvert par les sapeurs du génie, qui en ont dévissé la partie supérieure.
Le coffre-fort renfermait des calices, d'autres vases sacrés, des titres et la comptabilité de la fabrique.
L'inventaire de Saint-Pierre était terminé a 3 heures 10. Les troupes ont ensuite regagné la caserne Thiry.


A Bonsecours
Passons maintenant à l'inventaire de Bonsecours :

Le service d'ordre
Dès midi et quart, des agents de la sûreté arrivaient en tramway à l'église de Bonsecours, où ils se plaçaient à chacun des côtés de la porte principale, afin d'en empêcher la fermeture.
A ce moment, il se trouvait dans l'intérieur de l'église une dizaine de fidèles et un couple de jeunes mariés qui, accompagnés des invités de la noce, venaient faire brûler au sanctuaire le cierge traditionnel.

A midi 25. M. Gabillet, commissaire de police, arrive avec un serrurier, ouvrier de M. Collot; puis au même moment on voit déboucher par la rue de Strasbourg les brigadiers Meyer, Louvemont et Weibel, suivis de nombreux agents qui renforcent le personnel de la sûreté.
Voici maintenant une compagnie du 26e commandée par le capitaine Dard, puis une escouade d'hommes du génie avec pioches, pelles, marteaux, masses, vrilles, etc...
La troupe entoure l'église devant laquelle se placent les soldats du génie.
Alors les cloches sonnent, le glas, puis une sonnerie en volée lui succède

La foule
La foule commence à affluer. Il y a là bien près d'un millier de personnes appartenant à presque toutes à la classe ouvrière.
Un long cortège de huit voitures arrive. C'est encore une noce qui a voulu aussi venir faire à Bonsecours le pèlerinage d'usage. Devant le barrage formé par la troupe, le cocher de tête fait demi-tour et ses collègues le suivent en maugréant quelque peu.

La notification
M Gabillet sonne maintenant à la porte du presbytère. Il informe M. l'abbé Jacquemot que M. Frémiot sous-inspecteur de l'enregistrement, procédera à une heure précise à l'inventaire.
M. Frémiot remplace M. George, inspecteur actuellement malade et qui a lait la première notification.

Le commissaire Gabillet frappé
Après s'être acquitté de sa mission. M. Gabillet se retirait, lorsqu'un aumônier, ami du curé, qui se trouvait sur la chaussée demanda au commissaire s'il voulait lui faciliter l'accès du presbytère. - «  Bien volontiers », répondit M. Gabillet el il se mit en devoir de faire passer le prêtre, lorsqu'un individu, pauvrement vêtu qui se trouvait derrière le commissaire de police porta à celui-ci un si violent coup de poing sur la nuque que M, Gabillet tomba comme assommé sur !a chaussée.
Le chapeau du commissaire avait roulé à plusieurs mètres. Quant à M. Gabillet, il était couvert d'une couche de boue épaisse.

Arrestation de l'agresseur. - Il résiste
Après avoir frappé le commissaire, son agresseur s'enfuit vers Jarville, mais l'agent de la sûreté Dehlinger se mit à sa poursuite avec plusieurs de ses collègues.
Le fugitif qui avait cependant une vingtaine de mètres d'avance, pouvait à peine courir, ses pieds étant chaussés de lourds sabots. Aussi l'agent Dehlinger l'eut-il bientôt rejoint, mais une fois appréhendé, l'homme se roula à terre et, il opposa la plus vive résistance aux autres agents qui étaient venus prêter main-forte à M. Dehlinger.
Il fut néanmoins conduit au bureau d'octroi situé à l'entrée de Jarville.
Là on apprit que c'était un nommé Louis Beyme, 28 ans, tailleur de limes, demeurant à proximité de l'église de Bonsecours.
Beyme ne paraît pas jouir de toutes ses facultés.
Le sergent Simonin et six hommes du 26e furent, requis et Beyme, enchaîné par deux agents, fut conduit au bureau de police du canton Sud.
Lorsqu'il passa devant l'église, quelques ouvriers et ouvrières applaudirent et crièrent : «  Vive la liberté ! »

La protestation du curé
Après s'être donné un sérieux coup de brosse. M. Gabillet rejoignit M. Fremiot, sous-inspecteur de l'enregistrement, et tous deux allèrent informer de leur mission M. l'abbé Jacquemot qui, entouré de deux autres prêtres et de membres du conseil de fabrique, avait pris place devant l'église.
Le curé de Bonsecours a lu une protestation dans laquelle il a dit notamment qu'il y pouvait considérer â bon droit, l'inventaire de son église comme le prélude de la spoliation, puisque dix mois après l'inventaire du couvent des Dominicaines de la rue de Strasbourg, on s'était emparé de leurs
biens.

L'inventaire
Le curé demanda à M. Frémiot d'enregistrer sa déclaration dans son procès-verbal. Puis, le commissaire de police, le sous-inspecteur, les témoins et les prêtres entrèrent dans l'église, où l'inventaire commença par les vitraux, qui, comme on le sait, sont d'une grande valeur artistique.
On inventoria aussi la Vierge de Bon-Secours placée au fond du choeur, les autels, la chaire en marbre, bref tout le riche mobilier de l'église.

A la sacristie
Après l'inventaire de l'église, on passa à la sacristie. Comme le curé en refusa les clefs, on dut en forcer la porte. Ce fut le serrurier qui s'en chargea. Dans l'intérieur de la sacristie se trouvait le coffre-fort qui fut fracturé par les soldats du génie. On y trouva des calices, des ostensoirs, quelques titres.
A 5 heures, l'inventaire de l'église de Bonsecours était terminé.
 

Est-Républicain
27 février 1906

A Saint-Sébastien
Lundi, à midi, seulement, on savait que l'inventaire allait avoir lieu à l'église Saint-Sébastien.
Prévenus par la rumeur publique, M. l'abbé André, curé de la paroisse et ses vicaires entraient aussitôt dans la sacristie, par la porte de la rue Notre-Dame.
La porte principale de l'église, comme on le sait, situé place Mengin, avait été fermée la veille au soir, ainsi que la grille entourant le parvis.

Le déblaiement de la place du Marché
Sur ces entrefaites, le brigadier contrôleur Odet reçut l'ordre de faire déblayer à la hâte la place Mengin, par les petits marchands qui l'occupaient.
II faisait un temps abominable. Une pluie froide ne cessait de tomber abondamment.

Le service d'ordre
A une heure précise, arrivaient sur la place du Marché le 2e bataillon du 26e, commandé par le commandant Thiry, un détachement de sapeurs du génie et des agents de police, avec MM. les commissaires Gabillet et Besson.
Les soldats établirent des barrages aux angles des rues Saint-Sébastien et Notre-Dame, rues Saint-Thlébaut et Notre-Dame, rues Saint-Thiébaut, des Ponts, etc...
Quelques minutes plus tard, débouchait un escadron du 5e hussards, qui s'alignait d'abord dans la petite rue Saint-Sébastien longeant l'église.
Mais bientôt, l'escadron fut requis pour déblayer la place Mengin de la foule qui s'y massait.

Cependant, à la tour de gauche de Saint-Sébastien apparaissait par un des larges volets, un drapeau tricolore dont la hampe était ornée d'un crêpe, et des pancartes, en carton, suspendues par des ficelles. Sur une de ces pancartes on pouvait lire : «  Liberté! Liberté !! Liberté !!!» Sur une autre:
«  Nous voulons Dieu ! » Sur une troisième : «  Vive le pape ! »
Maintenant, les cloches sonnent à toute volée. Aux fenêtres de la place du Marché et des maisons entourant Saint-Sébastien se tiennent des groupes de curieux.
La rue Notre-Dame, particulièrement présente la plus grande animation.
Et il pleut toujours de plus belle.
M. Nogier, commissaire central, arrive, ceint de son écharpe.

La notification de l'inventaire
A 1 h. 20, M, Besson, commissaire de police, notifie à M. l'abbé André, par une fenêtre grillagée de la sacristie, donnant sur la rue Notre-Dame, que l'inventaire aura lieu à 2 heures.
Le curé de Saint-Sébastien réclame une notification écrite.
On lui fait alors passer la notification par dessous le châssis du grillage.

L'attente
Et on attend deux heures sous la pluie persistante, énervante.
La foule continue à s'amasser derrière les barrages d'infanterie, renforcés par la cavalerie.

Les sommations
Deux heures sonnent à l'horloge de Saint-Sébastien. M. le commissaire central, M. Schons, sous-inspecteur de l'enregistrement à Briey, chargé de l'inventaire ; M. Besson, commissaire de police, s'approchent de la porte de la sacristie.
M. Besson la frappe trois fois de sa main gantée de noir. Trois fois, il répète : «  Au nom de la loi, ouvrez!» On ne répond pas.

On force les portes
«  Faites voire devoir », dit alors M. Nogier au serrurier Collot.
Collot reconnaît très vite que, par ses propres moyens, il ne pourra forcer la porte, et on réquisitionne les soldats du génie, restés devant la grande porte de l'église.
Lorsqu'ils débusquent dans la rue Notre-Dame, sous le commandement d'un sergent,
armés de haches et de pioches, ils sont accueillis par des cris hostiles.
Des femmes qui se tiennent aux fenêtres de la rue Notre Dame, poussent des «  Hou !
hou !»

Les soldats du génie et le serrurier Collot attaquent la porte. Celle-ci est solide et
résiste. Elle demande dix minutes d'efforts pour être fracturée. A chaque coup de hache
ou de pioche qui retentit, la foule proteste.
Enfin la porte cède. M. Schons pénètre dans une sorte de couloir. Il en ressort bientôt, car une seconde porte reste à forcer.
On le fait, rapidement, et l'agent des domaines entre cette fois dans la sacristie.
Il se trouve en face de M. le curé André, de ses vicaires et de quelques membres du conseil de fabrique.
M. André lit au sous-inspecteur une longue protestation.

L'inventaire
M. Schons passe outre et commence à inventorier ce qui se trouve à la sacristie. Deux armoires doivent encore être forcées.

Sur ces entrefaites, les vicaires viennent sur la porte de la sacristie et la foule crie : «  Liberté ! liberté ! ».

Arrestations
A ce moment, deux arrestations ont lieu, l'une d'un sonneur qui, descendu du clocher, a refusé de circuler ; l'autre d'un manifestant qui a crié : «  Liberté ! liberté ! ». Ils ont été conduits au bureau affecté, place Mengin, au brigadier Odet.

Pendant que l'inventaire se déroule, la foule est assez houleuse. Rue Notre Dame, à chaque extrémité, on la fait repousser par la cavalerie, ce qui motive des cris et des imprécations véhémentes.

Une petite note comique: Dans le courant de l'après-midi, un marchand de café nommé Petitjean, «  qui ne perd pas la carte », vient solliciter l'autorisation de vendre du «  jus » aux soldats d'infanterie
qu'on a mis au repos. Il l'obtient du commandant Thiry et bientôt le liquide fumant vient réchauffer les entrailles des troupiers, trempés par la pluie glaciale.

Au cours de l'inventaire, l'un des deux coffres-forts, que contenait la sacristie, a été brisé; il ne contenait que quelques livres de comptabilité.
Quant au second coffre-fort, tout neuf, M. le curé André ayant donné sa parole d'honneur à M. Nogier qu'il ne renfermait absolument rien, il ne fut pas ouvert.
L'inventaire était terminé à quatre heures moins dix.
Aussitôt la grande porte de l'église a été ouverte.
Un certain nombre de fidèles s'y sont rendus.

(A suivre)
 

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