Le Pays Lorrain
1930
A PROPOS DES GARES D'AVRICOURT
La Chambre de Commerce de
Nancy, dans sa séance du 11 février courant, a émis le voeu
qu'une des deux gares d'Avricourt (Est et A. L.) soit supprimée.
Voici au sujet de la gare de l'A. L. quelques renseignements
assez ignorés sans doute.
La Convention additionnelle de Berlin signé6 le 12 octobre 1871
et qui par son article 10, a rendu à la France les communes de
Raon-les-Leau, de Raon-sur-Plaine, d'Igney et d'une partie de
celle d'Avricourt annexées par le traité de Francfort, stipule
que « le gouvernement français prendra à sa charge les frais
d'une station de chemin de fer à construire sur le terrain
choisi (à Avricourt) par le gouvernement allemand et qui suffira
aux intérêts militaires et commerciaux autant que celle d'Avricourt.
Les devis de cette construction seront faits d'un commun accord,
le gouvernement allemand aura soin de la faire édifier le plus
tôt possible ».
Des études furent entreprises aussitôt de part et d'autre, pour
l'application de cette clause. Le devis allemand fut présenté en
septembre 1872 il se montait à 960.000 fr.; celui établi du côté
français à 568.000 fr. L'écart était d'importance et portait
surtout sur l'estimation des prix des matériaux, de la
main-d'oeuvre et de la surface des emprises de la gare envisagée.
L'accord ne se fit pas sur ces chiffres et la question fut
remise sur le chantier. De nouvelles propositions furent
élaborées se montant respectivement à 945.000 fr. et à 632.000
fr., le désaccord subsistait encore mais l'effort de
conciliation français avait été sérieux et loyal.
Entre temps, les Allemands avaient proposé l'abandon de
l'estimation générale des travaux et l'adoption d'une somme
forfaitaire basée sur le prix de revient de la gare d'Avricourt
à l'époque. Cette suggestion qui laissait à l'Empire l'entière
liberté de projet fut adoptée et les choses en restèrent là
pendant de longs mois de débats stériles.
Les discussions diplomatiques et techniques suivies par les deux
gouvernements au moyen de leurs organes ordinaires étaient
particulièrement laborieuses et ne conduisaient à aucune
solution, quand la convention signée le 17 juin 1873 entre
l'Etat français et le Réseau de l'Est, pour la liquidation des
questions soulevées par la guerre et l'annexion, permit
d'envisager la fin des négociations. Cet acte, dans son article
6, autorisa en effet la Compagnie des chemins de fer à se
substituer à notre gouvernement dans l'affaire d'Avricourt et à
traiter directement avec les Allemands pour le payement par
elle, d'un forfait calculé dans les limites fixées à la
Convention de Berlin.
Des représentants furent désignés, nos ex-ennemis déléguèrent
leur directeur de chemin de fer à Strasbourg, M. Funke, et notre
réseau nomma M. Ledru, directeur de son service de la
construction, puis directeur de la compagnie.
Plusieurs conférences techniques eurent lieu à Avricourt et à
Paris en août 1874, puis à Nancy en janvier 1875, où on
enregistra l'accord péniblement préparé par de longs
pourparlers.
L'Empire acceptait le versement par la Compagnie de l'Est d'une
somme forfaitaire de 796.000 fr. dans les six semaines suivant
l'évacuation de la gare française d'Avricourt, pour l'indemniser
des frais des travaux qu'il allait entreprendre sur le terrain
choisi par lui, d'établissement d'une gare dont il restait seul
juge de déterminer les dimensions et les installations.
On sait comment il réalisa le programme qu'il s'était fixé. La
nouvelle gare s'éleva à 1.371 mètres de l'ancienne, celle d'Avricourt,
dont l'évacuation avait été promise pour le 1er mai 1875, mais
n'eut lieu que le 1er juin 1875. Cette dernière date marque le
commencement du délai de versement du forfait.
Voilà en bref, L'histoire de la gare qui s'est appelée gare de
Deutsch-Avricourt de 1875 à 1918 et dont l'originalité -
vraisemblablement unique exemple d'un tel fait - consiste à
avoir été édifiée aux frais exclusifs de la Compagnie de l'Est
pour sa très grande partie, mais suivant les devis et projet
purement allemands.
C'est cette gare que pour raison d'unification et de
simplification des opérations de transport, la Chambre de
Commerce de Nancy propose comme gare commune aux deux réseaux de
l'Est et de l'A. L. qui, avant 1870, ne faisaient qu'une seule
et unique entreprise.
George PETITJEAN.
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Les gares d'Avricourt
Comme complément à l'article
de M. George Petitjean, paru dans notre dernier numéro, nous
donnons ci-dessous le voeu de la Chambre de Commerce de Nancy
demandant la suppression de la gare dite anciennement Deutsch-Avricourt,
et non pas, comme il avait été dit par erreur, le rattachement
de la gare d'Igney à celle-ci.
La Chambre de Commerce de Nancy, considérant que la coexistence
des deux gares d'Igney-Avricourt et de Nouvel-Avricourt,
distantes seulement de 1.400 mètres, ne saurait se justifier par
des intérêts économiques qu'elle est une gêne pour
l'exploitation de la ligne de Paris-Strasbourg qu'elle constitue
un obstacle aux relations entre les lignes de Cirey et de
Dieuze: considérant, en outre, que la gare de Nouvel-Avricourt
ne dessert aucune commune, alors que la gare d'Igney-Avricourt
dessert les communes de: Igney, Repaix, Amenoncourt, Moussey,
Leintrey, Veho, Vaucourt, Xousse, Remoncourt ;
Considérant, enfin, que la création de la gare de Nouvel-Avricourt
n'a été que la résultante de la situation provisoire
heureusement abolie.
Emet le voeu: Que la gare de Nouvel-Avricourt soit supprimée et
que l'origine de la ligne de Dieuze soit reportée à Igney-Avricourt.
Ce voeu est précédé d'un très intéressant rapport que nous
regrettons de ne pouvoir publier faute de place.
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