Le journal allemand „Illustrirte
Zeitung“ de Leipzig a publié cette intéressante illustration
de Vaucourt (indiqué faussement « Vocourt ») représentant des
soldats bavarois fêtant noël autour d'un feu autour de l'église.
( « Vor der lothringischen Grenze :
Vorbereitungen bayrischer Truppen zur Weihnachtsfeier in Vocourt
bei Lagarde-Blamont. Nach einer Zeichnung für die Leipziger „Illustrirte
Zeitung“ von G. Wagenführ. » )
Mais le sous-titre est caractéristique de
la propagande allemande, tentant de justifier l'état
pitoyable auquel à été réduit le village :
« Die Ortschaft musste zum Teil zerstört werden, da
Franktireurs, die sich bei Häusern und in der Kirche
versteckt hatten, die deutschen Soldaten beschossen. »
(« Le village a du être détruite en partie, puisque des
francs-tireurs, qui s'étaient dissimulés dans des maisons et
dans l'église, ont tiré sur les soldats allemands. »)
Dévaster les villages pour que les troupes soient à l'abri
des coups de feu tirés par les habitants est un motif
souvent évoqué lors des ravages du Blâmontois. Or, hormis
les provocations allemandes (comme à
Lunéville le 25 août où le maire voit des soldats
allemands tirer
eux-mêmes des coups de fusil dans la direction du grenier d'une maison
voisine), aucun cas n'a été recensé dans la région, et il
semble bien que cette obsession du franc-tireur soit une
propagande délibérément organisée par l'Allemagne pour
justifier ses brutalités en Belgique et en France (et les
exécutions sommaires, telle celle du
cafetier Louis Foëll de
Blâmont).
Après le repli français à Lagarde le 11 août 1914, les
Allemands se portent sur Vaucourt situé à moins de 4
kilomètres. Nous avons déjà évoqué la bataille de Vaucourt
dans un précédent article, où
l'on lit
« quelle ne fut pas la surprise des gens de Vaucourt
lorsque, le 11 août 1914, ils virent fondre sur eux une
colonne d'Allemands particulièrement excités qui, en
quelques instants, tuaient huit soldats français, sept
civils, dont certains ne moururent pas tout de suite, et
incendiaient à la main tout le haut de la localité,
détruisant celle-ci à 80 %. »
Et plus loin « Pour excuser leurs crimes du 11 août, les
Allemands prétendirent qu'un uhlan avait été tué par les
civils, ce qui était notoirement, faux, mais cela ne les a
pas empêchés de perquisitionner chez les habitants et
d'arrêter M. Eugène Noyer, chez qui ils trouvèrent la selle
du cheval du uhlan tué. Trois jours plus tard, M. Noyer
était fusillé à Mézières. en même temps que M. Veltin, de
Xousse, auquel il était reproché d'avoir sonné les cloches à
l'arrivée des Allemands » .
L'église (avec d'autres maisons) ne sera détruite que le 14
août par un obus incendiaire allemand tiré depuis Omeray.
Ainsi, si l'on sait que crainte des escarmouches meurtrières
(confondant volontairement le légitime combat des chasseurs
avec des tirs de francs-tireurs) a déchainé la cruauté des
Bavarois contre les civils (comme on l'a vu à Blâmont, Parux,
Nonhigny, Badonviller lors de la
première invasion du 8 au 15 août) l'église ne sera
pourtant détruite que 3 jours après les combats.
Dans ce cas de l'église de Vaucourt, on sert ainsi
tardivement au grand public la justification classique du
franc-tireur (piètre alibi qui persistera cependant dans les
écrits allemands d'après guerre), répandue en Allemagne dès
août 1914, comme on le lit dans le témoignage d'André
Lahoussay, confronté durant son transit en Allemagne aux
« Franzozes capout ! ... Blâmont, francs-tireurs, capout ! »
(Est-Républicain - 31 janvier 1915
- De Blâmont à Holzmiden).
On a vu pour le dynamitage de
l'église de Leintrey que les Allemands ont été plus
imaginatifs, évoquant faussement tant l'obligation de
détruire un point d'observation que la destruction par les
Français eux-mêmes.
Mais on peut se demander pourquoi les
Allemands ont pris un tel soin à expliquer les ruines :
occasion de marteler davantage dans l'esprit du public
l'indigne guerre que leur mènerait l'ennemi, ou expression d'une
certaine gêne devant leurs propres excès ? (excès qui se
renouvelleront le 30 août avec de nouvelles maisons
incendiées à Vaucourt).
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