L'Est-Républicain vient de publier (10/2014) dans le cadre du
centenaire 14-18, la page ci-contre consacrée au cafetier blâmontais Louis Foell.
Ayant cumulé par de nombreux articles de ce site des informations
éparses, en voici le regroupement, que nous compléterons
ultérieurement en cas d'émergence de nouveaux documents.
Louis Foell est né le 11 février 1854 à Oberbetschdorf
(Bas-Rhin, commune qui a fusionné en 1971 avec Niederbetschdorf
pour former celle de Betschdorf). Il est le fils de Henri Foell,
cabaretier à Oberbetschdorf, et de Dorothée Wolff.
Optant en 1872, limonadier à Blâmont, il épouse le 29 avril
1878, Léonie Camille Estienne (née le 18 février 1850 à Maizière
les Vic, Moselle). Le couple aura deux enfants : Louise (née à
Blâmont le 10 février 1879, décédée à Blâmont le 17 mai 1952) et
Léa (1880). |
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Tenant depuis 1878 le café du Commerce (place Carnot), Louis
Foell est très présent dans la vie blâmontaise : il est membre
de la société de tir du 41ème régiment territorial de
Blâmont (on peut lire régulièrement ses résultats de tir dans
l'Est Républicain de 1890, 1891, 1893, 1895, 1896, 1897, 1898,
1900, etc) |
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L'exécution du 13 août 1914
Le 13 août 1914, Louis Foell est fusillé par les Allemands
contre le mur de la mairie.
Les versions diffèrent quelque peu :
André Lahoussay nous dit (Est-Républicain
- 31 janvier 1915)
« Une heure plus tard, au moment de la fusillade quotidienne,
M. Louis Foël, attendant sur le seuil de sa porte, avant d'aller
s'étendre sur son lit, la rentrée d'un officier supérieur qu'il
avait à loger, fut brusquement empoigné et entraîné. Collé au
mur de l'hôtel de ville, contre une affiche de mobilisation, à
quelques centimètres de la boîte aux lettres, il tombait fusillé
moins de cinq minutes après son arrestation : son cadavre, monté
au cimetière par ses assassins, fut jeté en travers d'une tombe
où il resta, loque pitoyable et sanglante, jusqu'à la fuite des
barbares - ceux-ci ayant fait défense à la famille de
l'ensevelir.
J'ai lu et j'ai entendu raconter, depuis mon retour de l'exil,
le récit de la mort de Louis Foël. Personne n'en a su ni vu les
véritables péripéties et il faut que tout le monde les
connaisse. Louis Foël n'a ni provoqué, ni menacé ses agresseurs
d'un revolver. Il avait subi sans révolte et sans rébellion le
sac de sa maison, et il fut saisi comme je viens de le dire, au
seuil de son logis par la meute hurlante et furieuse. Fort comme
Hercule, il secoua ses agresseurs à plusieurs reprises et
arriva, poussé plutôt que traîné, gardant ses bras libres,
contre le mur d'exécution.
Debout, les bras croisés, les dominant de sa haute stature, le
vieil Alsacien septuagénaire regarda ses bourreaux sans
sourciller, en les narguant de l'ironique sourire que nous lui
connaissions tous et il s'abattit sous la rafale de Mauser comme
s'abat le chêne sapé par la hache.
C'est un gendarme allemand qui m'a raconté la scène du meurtre à
laquelle il assista. Par extraordinaire, ce gendarme teuton
n'avait pas une âme de bête féroce et il m'avoua que l'exécution
du vieillard l'avait bouleversé et indigné. Je dois à la mémoire
du martyr - dont j'étais l'ami personnel - de faire connaître ce
témoignage d'un soldat ennemi est de proclamer que son nom
mérite de rester dans l'histoire à côté de celui des héros. »
Dans le Bulletin de Meurthe-et-Moselle
du 22 février 1915 Joseph Colin écrit :
« M. Bentz, maire de la ville, fut amené au poste le 13, vers
11 heures du soir, relâché le 14 au matin, après avoir défilé
avec nous devant le mur où était collée la cervelle de
l'infortuné M. Foel dont l'exécution est inexactement rapportée
d'ailleurs. »
Il précise sa version dans une lettre
du 25 décembre 1914 :
« A peine étais-je enfermé, on fusillait un cafetier alsacien
revêche, qui avait pris peur, s'était sauvé de chez lui et avait
été pris au moment où, dans une ruelle, il se faufilait dans une
maison amie. Trouvé porteur d'un révolver il n'y a pas coupé.
C'est un facteur de ma délivrance : ils avaient une victime,
cela leur a suffi. Au matin on nous fit défiler devant la
cervelle du bonhomme collée au mur maculé de sang [...] »
Signalons aussi trois dépositions devant la
commission d'enquête
instituée en vue de constater les actes commis par l'ennemi en
violation du droit des gens :
- La présence de l'arme est rapportée dans le déposition du 6
septembre 1914 de Joseph Georges :
« Ils ont décidé alors de prendre des otages.
Ils ont commencé par M. Foëll, cafetier. Ils l'ont fait fusiller
le lendemain, sous prétexte qu'il avait été trouvé porteur d'un
revolver. M. Foëll était originaire de Sarrebourg et âgé de
cinquante ans. »
- Eugénie Demange, entendue le 25 novembre 1914, déclare :
« lls ont fusillé sans motif, au coin de l'hôtel de ville, M.
Foëll, cafetier. Après son exécution, ils sont allés dire à sa
femme que c'était une erreur. »
- Dans sa déposition du 22 septembre 1915 (reprise nationalement dans le
Temps du 19 décembre 1915), Charles Bentz, maire de Blâmont expose :
« Le 13, vers huit ou neuf heures du soir, un peloton de douze
hommes est venu me chercher à mon domicile et m'a emmené
menottes aux mains. En arrivant près de la place Carnot, devant
la maison de Mme Brèce, les soldats m'ont montré une ouverture
de grenier, de laquelle, prétendaient-ils, on avait tiré sur
eux; puis on m'a conduit sur la place de l'Hôtel-de-Ville, où
j'ai trouvé M. Foëll, cafetier, qui avait été arrêté et qu'on a
« collé au mur » devant un peloton d'exécution. Alors que le
malheureux Foëll attendait, la mort, le commandant de place fit
aux troupes une allocution qui dura bien dix minutes ou un quart
d'heure, tandis que les soldats me crachaient au visage et me
frappaient à coups de pied et à coups de poing. Enfin, Foëll fut
exécuté en ma présence et tomba comme une masse..»
Enfin, dans son journal, soeur Euphémie, de l'hôpital de Blâmont, écrit
à la date du 13 août :
« Les malheureux prisonniers, gardés a vue dans la halle, se
demandaient se qu'il allait advenir. Au point du jour, les
Allemand prirent parmi eux M. Foël et le plantèrent devant la
ma[i]rie où il fut fusillé. M. le curé, appelé auprès de la
pauvre victime, quelques instants avant sa mort, reçut cet ordre
brutal : « Donnez l'absolution à cet homme, après vous prendrez
sa place et vous serez exécuté comme lui ». Notre digne pasteur
prononce tout de même la formule du pardon, puis entendit
distinctement le pauvre M. Foël lui dire : « je n'ai pas tiré ».
Quelques instants après, il tombait criblé de balles »
A quelques discordances près, ces différentes versions,
rejoignent et complètent celle qu'a conservé en mémoire la
famille de Louis Foell :
« Il a été interpellé chez lui après que des coups de feu aient
été tirés ; son origine alsacienne en faisait un coupable idéal.
Il se méfiait beaucoup de allemands qu'il avait fuit en 1870 et
pour cette raison, avait effectivement un revolver sur lui mais
il n'en avait pas fait usage. Ces deux raisons le condamnaient
d'emblée, ce qu'il savait
Il a en outre tenu tète aux allemands en leur répondant sur le
même ton et dans leur langue ce qui a eu pour effet d achever de
les irriter et l'a mené droit au poteau d'exécution à quelques
dizaines de mètres seulement de son domicile où se sachant perdu
il a toisé les allemands les bras croisés ou les mains sur les
hanches avant de s'effondrer sous leurs balles ».
Après l'exécution
La famille fait partie du convoi d'évacués du 18 avril 1915 vers
l'Allemagne, puis rapidement la Suisse, pour retour en France à
Annemasse dès début mai (voir la liste des
rapatriés civils du 6 mai 1915)
En octobre 1920, la commune de Blâmont fait don d'une plaque
commémorative en mémoire de Louis Foell, dont l'inauguration est prévue par la section
locale de l'AMC le 2 novembre 1920 : la relation de cette
cérémonie est faite dans le journal L'Ancien combattant du 15 novembre 1920 :
« Mardi 2 novembre, fête des morts, a eu lieu l'inauguration des
plaques commémoratives que l'A.M.C. et la municipalité avaient
décidé de poser pour perpétuer le souvenir des habitants de
Blâmont, victimes de la cruauté des Allemands, au cours de la
première occupation de la ville.
Le conseil municipal, en corps, y assistait.
En plus de l'A.M.C., la 320e section des Vétérans, la compagnie
des sapeurs-pompiers, les enfants des écoles conduits par leurs
maîtres et maîtresses, les fonctionnaires, formaient un imposant
cortège, auquel la population s'était jointe en foule. [...]
Enfin, sur la place de la Mairie a lieu l'inauguration de la
plaque apposée au mur de l'hôtel de ville où eut lieu
l'exécution de M. FOELL, âgé de 60 ans.
Après un émouvant discours de M. BENTZ, maire de Blâmont, qui
rappela la journée du 13 août 1914 et les atrocités allemandes
qui la marquèrent, l'assistance se retira fortement
impressionnée par cette pieuse cérémonie. »
On ignore ce qu'est devenue cette plaque, apposée à gauche de la
porte gauche de l'hôtel de ville, comme on la voit sur la
photographie ci-contre :
A-t-elle été supprimée par les Allemands entre 1940 et 1944 ?
Sur les rares cartes postales d'après guerre la plaque est absente... |
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Le nom de Louis Foell ne figure plus aujourd'hui que sur le
monuments aux morts, parmi les autres victimes civils de cette
semaine de barbarie bavaroise.
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