| Nous avons publié l'article paru en 1853 dans
				
				
				le Journal de Société d'archéologie lorraine et du Musée 
				historique lorrain sur 
				
				Jean-Baptiste Charles Claudot. Dans 
				son exposé ci-dessous Gaston Save reproche 
				"nombre d'erreurs et d'omissions" à 
				cet article. 
					
						| Selon les sources, Charles Claudot 
						serait décédé le 8 janvier 1806 ou le 27 décembre 1805. 
						La table décennale du registre d"état civil de Nancy 
						indique «  27 décembre 1805 - 7 nivôse an 14 », mais le 
						registre d"état civil (ci-contre) porte uniquement la date du «  7 
						nivôse an 14 ». Il y a donc erreur de conversion entre les calendriers 
						républicain et grégorien, et Charles Claudot est ainsi décédé le 
						28 décembre 1805, et donc ni 
				le 27 décembre, ni le 8 janvier comme l'indique l'article 
				ci-dessous de Gaston Save.
 | 
                      
						 Acte de décès de Charles 
						Claudot - Nancy
 |  De surcroît, puisque la table décennale de l'état civil de 
				Badonviller confirme que Jean-Baptiste Charles Claudot est né le 
				19 septembre 1733, il n'avait donc pas 73 ans lors de son décès, 
				mais 72, de sorte que l'acte de décès (et l'article de Gaston 
				Save) comporte une mention erronée. 
 La Lorraine 
				Artiste19 février 1888
 
 CHARLES CLAUDOT
 DÉCORATEUR
 Il est peu de collectionneurs 
				lorrains qui ne possèdent une toile de Claudot, ce fécond 
				décorateur qui, jusqu'à l'âge de 73 ans, produisit sans fatigue 
				tant d'oeuvres diverses.Il a peint d'immenses décors de théâtre et des miniatures pour 
				tabatières ; il décora des salles de fêtes et des églises ; il 
				composa des pompes funèbres et des sujets grivois ; il a laissé 
				des tableaux très achevés et des tableautins lestement troussés, 
				des paysages et de l'architecture, des fleurs et des portraits, 
				des scènes de genre et d'histoire, bref un peu de tout et pour 
				tous les goûts.
 La plupart des maisons bourgeoises de Nancy, bâties ou 
				restaurées de 1760 à 1800, ont eu leurs dessus de porte ou de 
				glace décorés de peintures de ce fa presto, et ce sont souvent 
				ces trumeaux qui, nettoyés et encadrés, occupent aujourd'hui des 
				places honorables dans mainte galerie de tableaux.
 Il y a vingt-cinq ans environ, quand on commença à rechercher 
				ces dessus de porte, que l'on découvrait souvent en arrachant 
				les papiers de tenture, il en passa tellement à l'atelier de 
				restauration de M. Alnot, au Musée, que Sellier demandait 
				gravement en entrant :
 «  Combien de Claudot, ce matin, père Louis ? » Cette abondance 
				faisait penser moins à l'oeuvre d'un peintre qu'au produit d'une 
				manufacture bien outillée.
 C'est peut-être cette fécondité abusive qui a relégué le 
				laborieux artiste au dernier plan, dans les études de nos 
				critiques d'art lorrain. Ils l'ont sans doute cru trop pressé de 
				produire pour avoir pu laisser une oeuvre bien achevée et l'ont 
				voué à l'obscurité, singulier contraste, pour avoir prodigué 
				trop de preuves de son alerte talent.
 Seul, à notre connaissance, M. A. Gény a donné une courte 
				biographie de Claudot dans le Journal de la Société 
				d'Archéologie lorraine (2e année, p. 19); mais avec nombre 
				d'erreurs et d'omissions déjà relevées par M. Charles Courbe 
				dans ses Promenades historiques à travers les rues de Nancy (p. 
				307). Une telle étude mérite donc d'être reprise et complétée à 
				l'aide des documents des archives municipales, afin de rendre à 
				ce peintre la place honorable à laquelle il a droit dans la 
				mémoire de ses concitoyens.
 Jean-Baptiste-Charles Claudot naquit à Badonviller en 1733, et 
				non en 1730, comme l'écrit Jean Cayon. Il a été remarqué, à ce 
				sujet, que la Notice des tableaux du Musée de Nancy (1875) 
				plaçait Badonviller dans le département des Vosges, ce qui força 
				le pointilleux Courbe à «  essuyer trois fois ses lunettes pour 
				se convaincre qu'elles n'étaient pas troubles. »
 Ce prodigieux lapsus calami a été heureusement réparé dans la 
				dernière édition (1883).
 Charles Claudot était né trois mois après la mort de son père, 
				Sébastien Claudot, originaire des Vosges, et qui occupait une 
				place dans la magistrature de cette partie de la principauté de 
				Salm, réunie alors au duché de Lorraine. Sa mère, Anne Malriat, 
				restée veuve avec quatre enfants, et sans fortune, confia son 
				plus jeune fils au curé de l'endroit qui était en même temps 
				instituteur.
 Ses dispositions pour le dessin furent cultivées par son 
				précepteur qui l'envoya à Blâmont où il fit ses premières 
				décorations dans l'église des Capucins, puis à Lunéville où il 
				travailla aux peintures de l'église des Carmes.
 A vingt ans, Claudot fut nommé professeur de dessin et de 
				peinture au pensionnat des Jésuites de Pont-à-Mousson. Lionnois 
				dit qu'il y resta jusqu'à la dissolution de cette société, en 
				1768 ; mais nous le retrouvons à Nancy en 1759, où il se marie, 
				le 14 septembre, à l'église Saint-Roch, avec Marie-Louise Hatt, 
				fille mineure de George Hatt, maître tailleur pour femmes, et 
				d'Elisabeth Labaute. Il avait alors vingt-six ans et demeurait 
				chez son beau-père, au n° 5 actuel de la rue Stanislas. Ce n'est 
				que trois ans après, en 1762, qu'il paie son droit de 
				bourgeoisie comme nouvel entrant.
 La Lorraine a quatre Claude : Claude Gellée, Claude Charles, 
				Claudot et Claudion (que l'on écrit à tort Clodion).
 Claudot dut chercher sa voie en étudiant l'oeuvre des deux 
				premiers. Gellée commença par peindre des fonds d'architecture, 
				en 1625, pour, son maître Deruet, à l'église des Carmélites de 
				Nancy. Claudot fit de même : il fut chargé de peindre toute la 
				partie décorative des compositions de Girardet et exécuta de 
				nombreux décors d'architecture d'après les maquettes d'André 
				Joly, peintre et architecte du roi.
 Les habitués de notre théâtre ont pu admirer un décor de palais, 
				qui ne paraît que rarement, peint par Claudot, en 1766, d'après 
				les dessins de Joly, et dont le Journal de la Meurthe du 15 
				brumaire, an XI, parle ainsi : «  un superbe palais à fond percé, 
				un des plus beaux morceaux d'architecture qui existe en Europe, 
				donné à la commune de Nancy par le feu roi de Pologne. »
 C'est en effet une composition grandiose, occupant six plans, 
				dont les trois premiers figurent de grandes arcades aux 
				entrecolonnements garnis de statues de dieux plus grandes que 
				nature et dont le riche entablement atteint les frises.
 Les derniers plans figurent une coupole largement ouverte, 
				décorée à profusion de sculptures, de marbres et de dorures. La 
				perspective se terminait à l'infini, sur la toile de fond, par 
				de hauts portiques conduisant à un arc triomphal entouré de 
				jardins. Cette dernière partie est presque détruite, et il est 
				difficile de bien juger de la beauté du reste, l'écartement 
				actuel des portants de notre théâtre ne permettant plus de 
				donner à ce décor sa plantation primitive. La peinture a du 
				reste souffert, par l'humidité et par plusieurs restaurations 
				peu habiles. Claudot avait déjà du la repeindre à neuf en 1803. 
				Mais, tel qu'il est, c'est encore le plus beau décor de notre 
				théâtre, et si l'on n'y trouve point les effets puissants de 
				couleur et de lumière des décorations modernes, le spectateur se 
				sent impressionné par la grandeur des lignes, la richesse de la 
				composition et la parfaite ordonnance de la perspective. C'est 
				sans doute aussi le plus ancien décor conservé en France.
 Gaston SAVE.
 (A suivre)
 
 La Lorraine 
				Artiste26 février 1888
 CHARLES CLAUDOTDécorateur
 A la mort de Stanislas, la 
				même année 1766, la Ville et les corps de l'Etat, firent de 
				grandes dépenses de décoration pour la pompe funèbre et les 
				services célébrés dans les principales églises de Nancy. Claudot 
				dessina, d'après les plans de Girardet, le mausolée du roi de 
				Pologne élevé par les, ordres de la municipalité dans l'église 
				Saint-Roch, pour la pompe funèbre du 26 mai. Il décora lui-même 
				de peintures les consoles et les gradins ;du catafalque, les 
				emblèmes du fond du choeur et ceux placés à la porte de 
				l'église. Ce catafalque a été gravé par Collin, et l'on en voit 
				une belle peinture au Musée lorrain (n°486) que nous attribuons 
				à Claudot et qui provient d'un trumeau de cheminée du Tribunal 
				de commerce. C'est la seule vue intérieure qu'on possède de l' 
				ancienne paroisse Saint-Roch, détruite à la Révolution.Claudot avait encore, pendant cette première période de sa vie, 
				aidé dans divers travaux le décorateur André Joly dont il était 
				sans doute l'élève en même temps que celui de Girardet. Il 
				participa aux grands travaux de peinture commandés par Stanislas 
				pour la Malgrange et pour la salle de la Comédie. Il fournit 
				aussi, en 1766, un portrait du roi le Pologne, destiné au salon 
				carré de l'hôtel de-ville ; mais son oeuvre principale fut la 
				décoration des trois salles du Palais du gouvernement, qu'il 
				exécuta en 1764 et 1765. Ces travaux ne figurent pas dans le 
				compte général de dépenses de Stanislas, puisqu'il date de 1761 
				; mais ils se retrouvent dans les archives municipales.
 Dans la grande salle du milieu de la façade, Claudot peignit 
				cinq tableaux, surmontant les cinq grandes portes et 
				représentant, dit le compte des archives, différents paysages 
				ornés de figures. Dans un salon voisin, appelé le Cabinet de 
				jour, deux autres dessus de porte, du même artiste, figuraient 
				des paniers de fleurs posés sur une balustrade, dans un fond de 
				paysage et se rapprochaient sans doute comme composition des nos 
				288 et 289 du Musée de Nancy (H. 1, 25. - L. 1, 10) qui 
				proviennent du château de Maxéville.
 Disons en passant que sur treize tableaux et dessins de Claudot, 
				possédés par notre musée, un seul est visible (N° 289), à la 
				hauteur du plafond, et qu'il ne peut donner qu'une idée bien 
				imparfaite du talent si varié de cet artiste. Les autres sont 
				exposés dans les greniers, aux chaleurs et froidures les plus 
				extrêmes, en compagnie d'environ trois cents toiles qui y 
				laisseront leur dernière croûte, en attendant qu'on ajoute une 
				salle au musée.
 L'année suivante, 1765, Claudot peignit encore au Palais du 
				Gouvernement, deux toiles de six pieds de haut, dimension 
				extraordinaire pour des dessus de porte, représentant des 
				paysages ornés de figures. De toutes ces peintures, il ne reste 
				rien, aujourd'hui dans ce palais qui, abandonné entièrement sous 
				l'Empire et la Restauration, subit depuis plusieurs 
				transformations pendant lesquelles ces peintures disparurent, 
				soit enlevées, soit recouvertes de plâtre ou de papier.
 La même année, on trouve encore, dans les comptes de la Ville, 
				mention de la bannière de la paroisse Saint-Pierre, peinte par 
				Claudot et représentant d'un côté saint Stanislas et de l'autre 
				saint Pierre. Il peignit donc aussi des figures de grande 
				dimension. Le musée de Nancy possède du reste de lui deux 
				tableaux d'histoire formant pendants : L'Echelle de Jacob (N° 
				293) et l'Ange annonçant aux bergers la naissance du Christ, (N° 
				294, H. 0,60. L. 0,47), dons de M. Gaudchaux.
 Le dessin et la couleur de ces toiles, sans être très 
				remarquables, rappellent assez la facture de Girardet, avec plus 
				de recherche dans les fonds et les accessoires, mais aussi moins 
				de grandeur de ligne et d'exactitude de dessin, dans les figures 
				principales.
 Dans la belle collection de tableaux anciens de M. Maguin, 
				ancien directeur du télégraphe, vendue à Nancy en 1854, se 
				trouvaient aussi deux sujets d'histoire, peints par Claudot. 
				L'un représentait Tancrède, revêtu de son armure, gravant sur le 
				rocher, à l'entrée d'une grotte, les initiales du nom de son 
				amante. Près de lui, son cheval est attaché à un arbre. (H. 
				0.50, L. 0.65.) Comme pendant, Armide trace sur l'écorce d'un 
				chêne le nom de Tancrède. Au second plan, un troupeau traverse 
				la campagne. Les fonds de paysage de ces deux tableaux étaient 
				aussi finement terminés que les figures. On ignore par qui ils 
				furent achetés.
 Comme peintures d'artistes lorrains, la même collection Maguin 
				possédait encore : le Concert Céleste par Claude Charles, Jésus 
				dans le désert, par Duperron de Metz, l'Attaque d'un convoi par 
				Deruet et gravé par Callot (?), trois Claude Gellée, très 
				douteux, une Vénus de Girardet, un portrait par Jacquart, et la 
				curieuse toile du Musée Lorrain (N° 282) par Jacquard et Martin 
				des Batailles, représentant François III et sa cour, près de 
				Frouard, au confluent de la Meurthe et de la Moselle.
 Le Musée Lorrain possède aussi deux tableaux d'histoire par 
				Claudot. Les bergers d'Arcadie (N° 443 H. 0.55. L. 0.73) 
				appartiennent bien à sa première manière où domine le style de 
				Girardet. L'autre peinture, N° 444, est, selon le catalogue, «  
				l'esquisse du tableau représentant Saint-Sébastien chez Irène, 
				lequel placé à la cathédrale de Nancy, est attribué à Claudot. » 
				Nous avons vainement cherché cette peinture à la Cathédrale qui 
				ne contient que trois toiles pouvant être attribuées à Claudot : 
				deux dans la chapelle des fonts baptismaux : l'Adoration des 
				Mages et le Baptême du Christ, l'autre dans la chapelle 
				Saint-Fiacre, Jésus chez Marthe et Marie.
 Cette dernière est attribuée à Claude Charles, par M. Auguin, 
				dans sa Monographie de la Cathédrale, attribution qu'il base sur 
				la tradition et sur deux C majuscules tracés sur un des vases de 
				grès placés sur la table derrière Madeleine. Or ce monogramme 
				peut tout aussi bien être la signature de Charles Claudot, et si 
				l'on n'y a point pensé, c'est que plusieurs biographes lui 
				donnent à tort, pour prénom principal, celui de Jean-Baptiste ; 
				tandis que son acte de baptême, du 19 septembre 1733, indique 
				bien que Charles est son véritable prénom. De plus cette 
				peinture porte bien tous les caractères des compositions du 
				milieu du XVIIIe siècle et Claude Charles était mort en 1747, 
				âgé de 86 ans. Enfin, en comparant cette toile à celles qui sont 
				attribuées à Claude Charles, la Sainte Famille du Musée de la 
				ville, la Résurrection, la Tête de vierge, la Sainte Famille et 
				l'Enée portant son père Anchise, du musée Lorrain, on ne 
				reconnaît, dans le tableau de la cathédrale, aucun des procédés 
				qui caractérisent l'oeuvre du maître de Girardet.
 Quant aux qualités et défauts de cette toile de Claudot, nous 
				nous en référons entièrement aux très justes mais un peu sévères 
				appréciations de M. Auguin : «  La facture de cette oeuvre est 
				large, l'entente de la composition heureuse, le geste du Christ 
				est noble. L'ensemble pèche néanmoins par un défaut d'éclat dans 
				la couleur. On cherche sans la rencontrer, dans cette oeuvre, 
				une application heureuse du clair-obscur. Les tons procèdent par 
				opposition lourdes. La négligence des demi-teintes est sensible 
				dans la valeur des draperies ; la figure de Marthe est colorée 
				par un reflet rougeâtre très recherché de toute l'école 
				lorraine, et que cette école a longtemps emprunté aux peintres 
				de la décadence italienne. Le modelé de l'artiste s'adoucit, il 
				est vrai, dans les carnations de ses personnages. » Ajoutons que 
				la figure de Marie, qui est au second plan, semble beaucoup trop 
				petite pour sa distance aux autres personnages.
 L'attribution de cette toile à Claudot paraît du reste confirmée 
				par une note de 1806 constatant que la Cathédrale reçut à cette 
				date trois grands tableaux attribués à la jeunesse de Claudot, 
				venant du Musée installé alors dans la chapelle du Lycée et qui 
				furent placés dans la chapelle de Saint Gauzelin.
 Les deux autres tableaux de Claudot sont évidemment ceux que 
				l'on voit aujourd'hui dans la première chapelle du bas côté de 
				droite et qui sont appréciés comme suit, par M. Auguin. «  
				Considérées en elles-mêmes, ces deux oeuvres se recommandent 
				plutôt par la composition que par le coloris. Le ton général est 
				absolument conventionnel, froid et timide ; mais si nous 
				examinons plus à fond la manière même dont les relations de 
				valeur sont respectées, nous verrons une prédominance de la note 
				du ciel et certaines touches dans les troncs d'arbres, qui sont 
				comme une signature de l'artiste. La composition elle même est 
				plutôt méthodique que noble. On chercherait en vain dans ces 
				deux oeuvres, de la passion, du mouvement, de la grâce, de la 
				souplesse. Il n'y a tout au plus que de la sagesse, de la 
				pondération et une certaine tendance vers le style élevé. C'est 
				évidemment l'oeuvre d'un novice imbu des maîtres du XVIIe siècle 
				et risquant de timides essais de couleur, sans être pour cela ni 
				plus vrai, ni plus puissant que ses maîtres. » (Monographie de 
				la Cathédrale de Nancy, p. 190.)
 Il manquait encore à Claudot un maître. Girardet était un 
				artiste de talent, mais sans grande qualité saillante, et il 
				approchait de la soixantaine. C'était, pour Claudot, alors âgé 
				de trente-trois ans, la seule relation artistique profitable 
				qu'il pût trouver à Nancy. A la mort de Stanislas, cette foule 
				d'artistes venus de toutes parts pour collaborer aux immenses 
				travaux du roi de la bâtisse, s'était dispersée. Nancy, déchue 
				de son rang de capitale, ne promettait plus de grandes 
				ressources à ceux qui restaient. Claudot prit un parti décisif 
				et se transporta, avec ménage et atelier, à Paris. C'est là 
				qu'il devait trouver son vrai maître, celui qui convenait à ce 
				tempérament vif et alerte, Joseph Vernet.
 Gaston SAVE.
 (A suivre)
 
 La Lorraine 
				Artiste3 mars 1888
 
 CHARLES CLAUDOT
 DÉCORATEUR
 (Suite.)
 Claudot et Joseph Vernet 
				étaient faits pour se comprendre, quoique le maître eût vingt 
				années de plus que son nouvel élève. Dès l'âge de quinze ans, 
				Vernet peignait avec son père des dessus de porte, des écrans, 
				des panneaux de voiture et de chaise a porteurs, des tableaux de 
				fleurs et de fruits. A dix-huit ans, il part en Italie, où il va 
				puiser, dans les leçons des grands décorateurs Soliména et 
				Pannini, une habileté vraiment surprenante à créer sans redite 
				des aspects toujours nouveaux de la nature.La beauté pittoresque, grandiose et souvent «  terrible » des 
				ruines de Rome, des rochers de Tivoli, d'Albano, de Lariccia et 
				du golfe de Naples veut pour interprètes, non pas un Claude 
				Gellée, amoureux calme des beaux soirs dans la campagne romaine, 
				mais de puissants décorateurs à la Salvator Rosa, comme les 
				maîtres de Vernet. Devant cette rude nature où la terre, le ciel 
				et la mer sont en lutte perpétuelle, Vernet, quoique méridional, 
				ne se laissa pas entraîner par la fougue italienne ; mais il 
				apprit le secret des grands effets décoratifs, de la plantation 
				du décor, en un mot, où chaque plan, avec sa silhouette 
				pittoresque et sa valeur de ton décroissante, se découpe sur le 
				suivant, jusqu'à l'horizon, tandis que du ciel tourmenté, un jet 
				de lumière vient frapper en plein le motif à mettre en évidence.
 Et, avec une facilité prodigieuse, pendant ses vingt deux ans de 
				séjour en Italie, il composa sur ce thème les milliers de 
				variations que l'on retrouve à profusion dans tous les musées 
				d'Europe.
 Quand Claudot vint à lui, en 1766, Vernet venait d'abattre les 
				vingt-deux grandes toiles des Ports de France, payées 6,000 
				livres chacune, peu pour ce qu'elles valent, mais beaucoup pour 
				l'époque. Ce qui ne l'empêchait point de livrer aux marchands, 
				bon an, mal an, plus de cinquante tableaux. Au salon de 1765, il 
				en exposa vingt-cinq ! Et quels tableaux ! s'écrie Diderot : «  
				C'est comme le Créateur pour la célérité, c'est comme la Nature 
				pour la vérité. »
 Peut-on bien reprocher à Claudot, maintenant, cette fécondité 
				qui fut non seulement un don de la nature, mais encore une leçon 
				du maître? A cette école, le peintre n'était point un 
				photographe pour la précision du détail, mais il devait l'être 
				pour la rapidité de «  l'opération.» Devant la nature, d'un 
				rapide crayon il traçait les contours ; avec quelques chiffres 
				il notait les valeurs et les couleurs. Vernet avait toujours sur 
				lui un carnet où tous les tons étaient numérotés, comme dans le 
				répertoire des couleurs de Chevreul, à Sèvres. G6 B4 V, tracé 
				sur un arbre au lointain, signifiait qu'il était gris bleuâtre, 
				avec une pointe de vert. Puis, de retour à l'atelier, ce 
				paysage, encore vivant dans la mémoire et précité par les notes, 
				était jeté sur la toile et devait être achevé dans la fraîcheur 
				de la première pâte. On ne trouvera, sur les tableaux de Claudot, 
				ni glacis, ni frottis, ni repeints ; de là leur conservation et 
				leur solidité. Ils n'ont perdu, depuis un siècle, ni en vigueur, 
				ni en éclat. Solidement peints du premier jet, bien empâtés, 
				mais d'une pâte amollie et rendue élastique par l'huile, ils ont 
				gardé toutes les finesses de ton que perdent en peu d'années les 
				tableaux laborieusement «  tripotés » et surchargés de «  
				revenez-y.» Aussi c'est un plaisir pour les restaurateurs 
				d'avoir à les nettoyer : ils peuvent laver, brosser, dévernir à 
				l'alcool tout à leur aise ; jamais la couleur n'est attaquée. «  
				Voilà de la bonne peinture ! mossieu Sellier... » disait 
				finement le père Louis.
 Sans avoir gravi lés monts du Padouan, ni longé les côtes 
				escarpées de Sicile, Claudot s'assimila rapidement la manière et 
				le genre du maître. Il peignit l'Italie comme s'il l'avait vue, 
				et peut-être mieux. Comme Vernet, il ennoblit son décor en y 
				plantant des fabriques italiennes, des tours en ruines, des 
				arcades verdoyantes de lierre, d'élégantes colonnades, des pans 
				d'arcs de triomphe dégradés pur le temps et rajeunis par les 
				fleurs. Dans d'autres toiles, on reconnaît les compositions du 
				Guaspre, ses collines déchirées, ses grands plans, ses 
				mouvements de terrain divisés par des cours d'eau. Mais ce qui 
				l'attire surtout, c'est la mer, qu'il n'a jamais vue que dans 
				les marines de son maître. Tandis que celui-ci se plaît à la 
				peindre déchaînée, furieuse, telle qu'il l'a contemplée un jour, 
				attaché au mât pour ne rien perdre de l'horreur d'une tempête, 
				Claudot soulève à peine les vagues de l'Océan et ne souffre 
				point que d'épaisses nuées ternissent de leurs teintes sinistres 
				le miroir de ses eaux paisibles. S'il y a des rochers sauvages, 
				un pêcheur y attachera sa barque et toujours un gai rayon de 
				soleil, prenant la voile en écharpe, se jouera dans les 
				cordages, les poulies et les mâts, se réfractant sur les eaux 
				profondes, brillant sur la rame et dans les perles d'eau qu'elle 
				soulève.
 Tels sont les Claudot que l'on rencontre le plus souvent, et il 
				y en a des centaines, infinies variantes du paysage italien, 
				avec une pointe de style héroïque mélangé d'idylle pastorale. 
				Que d'art n'a-t-il pas fallu pour prêter un intérêt soutenu à 
				tant d'oeuvres légères, faites d'un souffle et sans cesse 
				renouvelées, pour se transporter en esprit au milieu de ces 
				contrées inconnues de lui, dans une Italie inventée et qui ne 
				lui a été révélée que par l'imparfait témoignage des oeuvres 
				d'autrui ? Prestige de clair-obscur, opposition des couleurs, 
				esprit, grâce, touche facile, étonnante fécondité d'invention, 
				que de richesses dépensées pour mener à bien ce naïf poème qui 
				n'était qu'un trumeau !
 A tant de qualités, il faut bien joindre quelques défauts, ceux 
				de tous les décorateurs. Moins maître que son maître, Claudot 
				fut aussi moins consciencieux, moins fidèle dans le dessin, 
				moins attentif aux beautés du détail et à la grâce intime de la 
				nature. Facilement il tombe, quand il n'y prend garde, dans la 
				manière lâchée des peintres de décor. Mais à cette époque, ce 
				n'était pas là précisément un défaut Le tour classique, les 
				velléités de noblesse et cet italianisme un peu factice ne 
				déplaisaient pas aux amateurs lorrains auxquels il envoyait ses 
				toiles. Ils n'avaient qu'un reproche à lui adresser, c'était de 
				ne pas dessiner suffisamment ses figures. Il est vrai que la 
				toile étant mise en place, comme dessus de porte, il n'y 
				paraissait guère.
 Le nombre des commandes lui venant de Lorraine engagèrent 
				Claudot, après trois ans de séjour à Paris, à regagner Nancy. 
				Son maître, qui était devenu son ami, ne le laissa point partir 
				sans regret. Il avait été parrain de son premier fils 
				Hubert-François, né en 1767, et espérait que son élève se 
				fixerait pour toujours auprès de lui. Mais l'amour du pays natal 
				l'emporta sur cette amitié dont Claudot parla toute sa vie avec 
				attendrissement et il refusa également les demandes de plusieurs 
				souverains d'Europe qui, appréciant son talent, l'avaient appelé 
				auprès d'eux. Il revint en 1769 à Nancy, où naquit, la même 
				année, son second fils, Dominique-Charles, qui fut baptisé à 
				Saint-Roch, le 29 septembre, et coûta la vie à sa mère. Claudot 
				se remaria l'année suivante, à Saint-Sébastien, avec Antoinette 
				Henry, et, le 2 juin 1771, naquit son troisième fils 
				Jean-Baptiste Sébastien. Il en eut un quatrième, Charles 
				-François, le 11 juin 1776, et deux filles : Marie-Jeanne, née 
				en 1775, et Marie-Anne, en 1777. M. Gény lui attribue sept fils 
				et une fille; nous n'avons retrouvé dans les Archives que les 
				six enfants précédents.
 Il avait deux soeurs à Nancy : Barbe-Monique, née en 1731, et 
				Marie-Anne, qui fut marraine, le 26 octobre 1776, du fils du 
				célèbre sculpteur Sontgen, dont Claudot fut le parrain. Il 
				habita, jusqu'à, sa mort, au n° 50 actuel de la rue, de la 
				Hache, qui forme le coin de la rue Saint-Dizier.
 (A suivre). Gaston SAVE.
 
 La Lorraine 
				Artiste25 mars 1888
 
 CHARLES CLAUDOT
 DÉCORATEUR
 (Suite.)
 Depuis son retour à Nancy, 
				c'est encore à Claudot que la municipalité confia l'exécution 
				des grands décors nécessités par les cérémonies publiques. En 
				1774, il dessina la décoration du mausolée élevé- dans l'église 
				des Dominicains, lors des deux services célébrés pour le repos 
				de l'âme de Louis XV, le 26 mai, et qui fut gravé par Collin. Le 
				même graveur nous a conservé également le dessin du mausolée 
				composé par Claudot et élevé, le 18 juin 1774, par les ordres de 
				la municipalité, dans l'église Saint-Roch.En 1777, il peignit, pour l'église Sainte-Elisabetb ou des 
				Soeurs-Grises, le tableau du maître-autel représentant une 
				Assomption dans un véritable décor d'architecture.
 Lionnois attribue les principales figures de cette toile à 
				Claude Charles qui, à cette époque, était mort depuis trente 
				ans. Quoique ce tableau n'existe plus, il faut donc, 
				croyons-nous, en laisser tout le mérite à Claudot qui, nous 
				l'avons vu, avait exécuté bien d'autres toiles contenant des 
				figures de grande dimension. «  Cette peinture, dit Lionnois, 
				fait un très bon effet et semble agrandir l'espace. »
 En 1778, Claudot peignit deux grands tableaux de paysage pour le 
				salon de l'hôtel de l'Intendance, place Royale, et fit, en 1779, 
				les décorations de la salle du Nouveau Concert, créée en 1774.
 En 1790, il répara les peintures du salon carré de l'Hôtel-de- 
				Ville que le tassement des murs avait lézardées de fentes et de 
				crevasses. On remarque encore aujourd'hui ces retouches à l'oeuvre 
				de Girardet, principalement sur le premier panneau à gauche, 
				Apollon donnant, sa lyre au poète, que M. Larcher est en ce 
				moment occupé à repeindre complètement, la présence d'une 
				cheminée dans ce mur ayant écaillé presque entièrement la 
				peinture.
 Enfin, en 1803, nous trouvons encore Claudot, malgré ses 
				soixante-dix ans, brossant un grand décor de palais pour la 
				première représentation du Jugement de Salomon, mélodrame eu 
				trois actes, pièce à grand spectacle, danses, marches militaires 
				et décors nouveaux. «  Au second acte, dit le Journal de la 
				Meurthe du 15 brumaire, an XI, le théâtre représente un 
				vestibule à colonnades et à fond percé, dessiné par le citoyen 
				Gerardet et peint par le citoyen Claudon père, artiste de cette 
				commune. » Quoique Girardet fut mort en 1778, c'est-à-dire 
				vingt-cinq ans avant cette représentation, nous pensons 
				néanmoins qu'il fut bien l'auteur de ce décor que nous avons 
				retrouvé et restauré, en 1881, au théâtre de Lunéville, où il 
				fut transporté il y a environ cinquante ans, pour servir à une 
				cérémonie quelconque. C'est bien, en effet, le style de Girardet 
				et le procédé de facture de Claudot, et sans doute ce dernier 
				exécuta-t-il ce décor en 1803 d'après une maquette de son 
				premier maître qu'il avait conservée dans ses cartons. Presque 
				aussi riche de composition que le décor de Nancy, celui de 
				Lunéville a cependant, dans les détails d'ornement, le caractère 
				de sécheresse et de raideur de son époque. C'est déjà le style 
				premier Empire, appliqué sur un palais Louis XVI. En parlant de 
				ces deux décors, M. Charles Courbe demande, page 310 de ses 
				Promenades historiques : «  Que sont devenues ces dernières 
				oeuvres de nos artistes nancéiens ? S'adresser maison Raulecourt, 
				Tardieu et Cie . » On voit que ces oeuvres existent toujours et 
				qu'elles pourront être conservées, - si on le veut bien.
 Les dernières années de Claudot avaient été attristées par des 
				chagrins de famille. Ses fils aînés François et Charles avaient 
				refusé, en 1792, de servir leur pays et étaient émigrés à 
				l'étranger. C'en fut assez pour faire noter leur père comme 
				suspect et lui amener mille désagréments. Ne pouvant excuser ni 
				condamner ses fils, le vieil artiste s'efforça de réparer leur 
				faute, et, en 1793, en cette année terrible où la France 
				semblait condamnée, mais où le sang des vieillards mêmes 
				s'échauffait au feu du patriotisme, Claudot n'hésita pas, 
				quoique peu fortuné, à porter ses bijoux à la Monnaie pour 
				secourir la Patrie en danger. C'est à peine s'il avait alors 
				quelques commandes et encore payées en assignats. Cependant il 
				accomplit gaiement ce noble sacrifice. Mais ce désintéressement, 
				si honorable pour le citoyen, coûta cher à l'artiste. Les 
				amateurs nancéiens d'alors ne se piquaient pas d'être très 
				républicains (quantum mutait !!!) et lui retirèrent leurs 
				commandes. Claudot se vit obligé, pour vivre, d'avoir recours 
				aux entrepreneurs et de se mettre à leur merci pour la 
				fourniture des dessus de porte et des trumeaux qu'il était 
				d'usage, alors, d'enchâsser dans les boiseries de toute chambre 
				bourgeoise. Ses peintures en souffrirent : sa touche, de 
				spirituelle qu'elle était, devint épaisse, son talent si naïf et 
				si frais dégénéra en un lourd métier ; il fabriqua à la douzaine 
				des tableaux de pacotille.
 M. Morey, dans les Artistes lorrains à l'étranger (1883), 
				rapporte qu'il employait à gages et à l'année un broyeur de 
				couleurs et un encadreur qui ne pouvaient suffire â l'activité 
				dévorante du maître. Le prix le plus élevé de ses tableaux ne 
				dépassait pas plus de six écus de six livres ; les moindres 
				étaient d'un écu de six francs, plus le prix de la couleur de 
				l'outremer, si toutefois on désirait qu'elle entrât dans les 
				ciels.
 Cette nécessité de composer toujours et sans cesse affaiblit 
				même son esprit. Devenu producteur infatigable, de peintre 
				charmant qu'il était, il fut amené à se copier lui-même. 
				Beaucoup de ses dernières toiles se retrouvent en triple, en 
				quadruple répétition. Sa fertilité le fit paraître monotone, lui 
				si varié pourtant dans ses aptitudes. On l'accusa bientôt de se 
				répéter incessamment et d'être semblable à ces diseurs de bons 
				contes, trop enclins à redire les mêmes histoires. Malheur à 
				l'artiste qui descend au rang d'entrepreneur ! Quand il mourut, 
				le 8 janvier 1806, c'est à peine si l'on pensa qu'il avait eu 
				quelque mérite. Sa laborieuse carrière avait été trop longue, on 
				ne le jugea que par les faibles esquisses de ses derniers ans. 
				Et sa tombe se referma sans qu'un ami ait pensé à résumer son 
				oeuvre. La Renommée est bien femme : c'est pour les jeunes, 
				fauchés dans la vigueur de leur talent naissant, qu'elle sonne 
				ses éclatantes fanfares ; elle oublie les glorieux débuts de 
				l'artiste vieilli. Il faut, pour lui rendre justice, que cent 
				ans aient passé sur sa tombe. On oublia même la date de la mort 
				de Claudot et tous les catalogues de notre musée, jusqu'en 1883, 
				la mettaient, avec une erreur de-huit ans, en 1814.
 Heureusement il reste assez de ses oeuvres pour rendre à ce 
				laborieux artiste la place à laquelle il a droit dans l'école 
				lorraine. Le Musée lorrain n'en contient pas moins de dix-huit ; 
				il y en a treize au Musée de la Ville ; on en trouve dans 
				beaucoup de galeries particulières, d'églises et de musées des 
				environs. M. Legay, à Nancy, en possède actuellement quatre qui 
				lui viennent de Mlle Claudot : les Pèlerins d'Emmaüs (H. 0,90. 
				L. 0,70), fort belle toile, avec le paysage très fin et les 
				lointains bien vaporeux, les figures mieux dessinées que 
				d'habitude et un ciel fort étudié. L'Adoration des Mages est 
				d'une époque plus moderne ; la fraîcheur de ce tableau est telle 
				qu'il semble sortir du chevalet. Des ruines antiques 
				merveilleusement traitées en décorent le paysage. Les Laveuses à 
				la fontaine (H. 0,80. L. 1,00) sont groupées dans un site 
				pittoresque dont les lignes sont grandes et simples, tandis que 
				la lumière n'est pas épargnée dans le ciel et les lointains. La 
				halte du troupeau fait pendant à ce dernier.
 Les paysages du Musée lorrain sont d'un autre style, plus 
				descriptif et moins large, ayant été peints d'après nature. Les 
				nos 487 et 488 (H. 0,64. L. 1,05) sont des vues panoramiques de 
				Nancy prises, la première, de Malzéville, près du Petit-Jéricho 
				; la seconde, des hauteurs qui avoisinent la Commanderie.
 (A suivre.)
 Gaston SAVE.
 
 La Lorraine 
				Artiste1er avril 
				1888
 
 CHARLES CLAUDOT
 DÉCORATEUR
 (Suite et fin.)
 Les nos 489 et 490 sont des 
				répétitions de ces mêmes vues ; mais leur format plus petit (H. 
				0,52. L. 0,97) a nécessité la suppression de plusieurs détails 
				de premier plan et des grands arbres qui forment un repoussoir 
				décoratif et comme la coulisse d'avant- scène de toutes les 
				toiles de Claudot.M. Morey dit à ce sujet : «  Sa signature consiste en un arbre 
				mort, placé sur le premier plan de ses tableaux, ou en sept 
				oiseaux qui volent dans le ciel, représentant les sept lettres 
				de son nom. » Mais il est fort douteux qu'on ait jamais 
				rencontré cette signature bizarre.
 M. Lucien Wiener possède aussi une variante de la vue prise de 
				la Commanderie, plus petite, mais où les détails sont traités 
				avec une finesse que l'on rencontre rarement dans les Claudot. 
				C'est sans doute la première étude d'après laquelle il peignit 
				les répétitions précédentes.
 Les nos 491 et 492 furent peints, en 1801, depuis les fenêtres 
				de l'appartement de M. Mennessier-Lallement qui habitait à cette 
				époque la maison à l'angle de la rue des Michottes et de la 
				place de l'Académie, actuellement maison Collenot. La première 
				est une vue de la place de Grève et du cours de la Liberté, 
				actuellement cours Léopold, animée d'une centaine de petits 
				personnages et animaux spirituellement peints et où l'on 
				remarque un groupe joyeux se pressant autour de l'estrade d'un 
				charlatan. L'habitude du peintre d'orner ses paysages de ruines 
				romaines l'a mal servi cette fois, car il élève, dans un coin de 
				cette place, une immense colonne antique qui donnerait bien de 
				la tablature à nos archéologues modernes, si l'on ne voyait 
				qu'il s'agit simplement d'un porte-lanterne très grossi pour 
				meubler ce coin du tableau.
 Le pendant est une vue du fossé séparant la Ville-Vieille de la 
				Ville-Neuve, entre les rues de la Pépinière et Stanislas, où 
				circulent les incroyables de Nancy, les uns à pied, d'autres 
				dans d'élégantes voitures. (H. 0,85. L, 1,05.) Ces six tableaux 
				ont été donnés au Musée par MM. Mennessier, de Metz.
 Deux autres toiles, plus grandes (H. 1,40. L. 1,60), ont été 
				peintes par Claudot en 1801, comme l'indique la date tracée sur 
				une borne du n° 500. Elles lui furent commandées par M. Jaquinet, 
				avocat au Parlement de Nancy, propriétaire de vignes et d'un 
				vendangeoir à Bayon, pour décorer la maison qu'il habitait, rue 
				Saint-Jean, n° 6, à Nancy. Elles représentent le village de 
				Bayon, pris de deux points de vue opposés. Sur le n° 501, on 
				aperçoit, au second plan, le château de M. de la Galaizière, à 
				Neuviller-sur-Moselle. Quoique de la même année que les toiles 
				précédentes, celles-ci leur sont inférieures comme exécution ; 
				il est vrai qu'elles n'étaient point faites, par leur dimension, 
				pour être vues de très près.
 Les Bergers d'Arcadie (n° 443. H. 0,55. L. 0,73) sont d'une 
				facture médiocre et assez pauvre comme composition. C'est un 
				exemple des peintures rapides et négligées des dernières années 
				du peintre. Les deux lavis à l'encre de Chine (nos 445 et 446. 
				Ovale. H. 0,40. L. 0,31), nous paraissent de la même époque et, 
				malgré de belles ruines d'architecture, ne présentent guère plus 
				d'intérêt. Quant au n° 444, saint Sébastien chez Irène, cette 
				petite esquisse (H. 0,27. L. 0,22) nous paraît devoir être 
				attribuée à Jacquart ou à un de ses élèves, car elle présente 
				la même facture que les nos 436 et 437.
 Nous ne pouvons accepter comme étant de Claudot les nos 419, 420 
				et 421, représentant, dit-on, la femme, la mère et la soeur du 
				peintre, qui ne ressemblent en rien à ses autres peintures.
 Mais la plus belle toile de Claudot, au Musée lorrain, est sans 
				contredit son portrait (n° 417. H 0,80. L. 0,75), dent le n° 418 
				est une répétition plus pâle de couleur et moins bien conservée. 
				D'après le costume, ce portrait aurait été peint entre 1780 et 
				1790, et sa figure porte bien environ cinquante ans. La 
				physionomie est agréable et ne manque point de distinction, 
				sérieuse mais sans prétention. Les traits réguliers seraient 
				presque sévères, si l'oeil spirituel ne cachait une certaine 
				malice. Pas de traces de bonhomie, d'enjouement, d'ingénuité, ni 
				de gaîté naturelle ; c'est un homme froid, correct, mais 
				certainement fin et spirituel ; peut-être philosophe et, sinon 
				amoureux de son art, du moins très occupé à produire.
 Si un tel caractère a aimé la nature, la vraie, c'est sans doute 
				un peu en citadin. Je ne crois pas que la campagne l'ait jamais 
				trop ému : pour lui, elle devait manquer d'architecture romaine. 
				Mais sans doute elle l'amusait, avec beaucoup dépassants et de 
				maisonnettes, et il y prenait plaisir franchement, comme font 
				les Parisiens en vacances.
 Durival nous apprend qu'il fit beaucoup de paysages dans les 
				Vosges «  et jusqu'au sommet du Donon . » Nous n'avons jamais 
				rencontré de vues semblables, dont l'aspect sauvage et solitaire 
				s'écarterait tant de ses autres productions. Il y a bien une vue 
				d'un petit hameau des environs de Framont qui fut gravée, 
				d'après son tableau, par Fachot le jeune ; mais là encore, le 
				paysage sombre et sévère est égayé par une masse de détails 
				amusants qui en font presque un petit décor de fantaisie.
 C'est que l'idéal de Claudot était avant tout de flatter les 
				yeux et- d'amuser le spectateur par une plantation habile de 
				coulisses pittoresques. C'est comme décorateur qu'il est 
				admirable, et on ne l'a pas dit assez, ou même on ne l'a point 
				dit.
 On a donc bien raison de rechercher ses oeuvres, que sa fièvre 
				de travail a heureusement faites nombreuses, gracieux documents 
				d'une époque où la nature même se façonnait à l'image d'une 
				société vive, légère, brillante et spirituelle.
 Gaston SAVE
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