On trouve ce témoignage dans
le rapport sur les exactions allemandes, concernant le repli du
95ème régiment d'infanterie, qui a évacué Sarrebourg
le 20 août :
Documents
relatifs á la guerre, 1914-1918. v.3-4 1916.
RAPPORT PRÉSENTÉ À M. LE PRÉSIDENT DU CONSEIL PAR LA
COMMISSION INSTITUÉE EN VUE DE CONSTATER LES ACTES
COMMIS PAR L'ENNEMI EN VIOLATION DU DROIT DES GENS
PROCÈS-VERBAUX D'ENQUÊTE ET DOCUMENTS DIVERS À L'APPUI
DU RAPPORT DU 1er MAI 1915
Guerre 1914-1915-1916. - Enquête de la Commission.
N° 172.
DÉPOSITION reçue, le 29 octobre 1914, à Bourges, par M.
Siboulet, juge d'instruction.
Quenard (Damas), 22 ans, soldat au 95e d'infanterie,
actuellement au dépôt de convalescents Lariboisière:
Serment prêté.
Vers le 22 août, nous nous trouvions en arrière-garde,
au moment de la retraite, aux environs de Blamont. Ma
section a été assaillie par les mitrailleuses de deux
unités allemandes; il est tombé un certain nombre
d'hommes, et ceux qui ont pu se retirer se sont réfugiés
derrière un mur, à proximité. Je me trouvais parmi
ceux-ci. J'ai vu qu'après l'effet des mitrailleuses
produit, les Allemands se sont avancés à la baïonnette
et ont achevé les blessés français qui essayaient de se
relever. Ma section se composait de soixante hommes au
début de l'action, et nous ne sommes revenus que quinze
ou vingt.
Lecture faite, persiste et signe avec nous. |
Ce témoignage laisse penser
qu'une quarantaine de soldats auraient été tués ce 22 août à
Blâmont. Mais le Journal des marches et opérations du 95ème
régiment d'infanterie ne signale que 8 tués (et 9 disparus), dont le
sous-lieutenant Jean Bajard (1893-1914) ; on notera à ce titre
que ce journal de marches est très peu détaillé, puisqu'il
n'indique pas le nom des victimes, comme on l'avait déjà
constaté le 15 août 1914 lors
du combat de Blâmont, et nous n'avons retrouvé que les noms des
2ème classe Georges Quillet (1892-1914) et Joseph
Marie Michel Chambrier (1889-1914).
21 Août - 5h 30 - Le régiment
reçoit l'ordre de soutenir l'artillerie sur les hauteurs
de Lorquin puis l'ordre de se retirer sur Blamont. Le
Colonel donne l'ordre de stationnement n° 1 - 1 btn aux
avant-postes (1er) - 2 btns cantonnés dans le bourg.
22 Août 3h 45 - Le régiment reçoit l'ordre d'opérations
n° 1 : la 31e bde tiendra et fortifiera solidement dès 5
h du matin la hauteur 348 N-E de Blamont en liaison au
bois de Trion avec le 13e C. d'A., à gauche avec la 32e
bde qui fortifie les hauteurs de Ste Marie le Château.
Le 95e et la Cie divisionnaire du génie 8/2 fortifieront
la position de la cote 348 entre la nouvelle route et
l'ancienne route de Strasbourg. Tout le monde en place
pour 5h. En conséquence le 1er btn avec l'aide de la Cie
8/2 fortifiera le mamelon 348 face au N et au NE, le 3e
btn fortifiera une position de repli sur le mouvement de
terrain à 1 km plus au S.E, le 2e btn une 3e position
dans l'étranglement du plateau à hauteur de l'extrémité
N.E du parc. Les 3 sections de mitrailleuses seront
portées sur le 1e ligne pour 5 heures.
5 h 30 - Le régiment reçoit l'ordre verbal du général
de division de se replier sur Domesvre où il sera à sa
disposition. Le 3e btn couvre la retraite du régiment
sur les mouvements de terrain. L'ennemi tente un
mouvement débordant par le N. Le 1er btn va prendre une
position de barrage aux N. de Domesvre ; Compte-rendu
est adressé au Colonel Ct la bde. Le S. Lt Bajard est
tué.
19 h - Le régiment se replie sur Flin où il arrive à 19
heures : il y cantonne.
Pertes : Tués : 8 dont le S. Lt Bajard
Blessés : 14
Disparus : 9 |
On peut ajouter cet extrait
:
Les
régiments du Centre au feu - La campagne du 95ème
(1920)
Le 21 au matin, la
division se prépare à résister sur le canal de la Marne
au Rhin. [...] La marche reprend sur Hattigny, la
frontière franchie et le soir, harassé, le régiment
cantonne à Blâmont, couvert par le 1er bataillon qui
prend les avant-postes sur la crête au nord du village.
De bonne heure, le régiment reçoit l'ordre d'exécuter
des travaux de fortification sur les hauteurs au nord de
Blâmont. A partir de 5 heures, il se porte à cet
emplacement et commence des tranchées par un brouillard
intense. Bientôt un ronflement de moteur se fait
entendre et on finit par apercevoir à travers la brume
la masse d'un sombre zeppelin qui vole à faible hauteur
: les fusils, mitrailleuses, entrent en action et une
fusillade intense dure un instant. Ce zeppelin sera
abattu plus loin, à Badonvillers.
Sur la route, depuis Lorquin, c'est un défilé continuel
de charrettes chargées de meubles, de civils portant
dans un sac quelques hardes et leurs objets les plus
précieux, ou poussant devant eux leur troupeau. Tous
fuient l'approche des Allemands en laissant leur
villages presque déserts. En Lorraine annexée, même à
Lorquin, beaucoup d'habitants pleurent, en voyant notre
recul et se décident à fuir en France les représailles
allemandes.
L'ordre arrive de se replier sur Domèvre, sous la
protection du 3ème bataillon en arrière-garde. le
bataillon se dispose à partir, quand l'ennemi apparaît,
débouchant en colonnes nombreuses que précédent quelques
auto-mitrailleuses. Un feu violent ralentit la marche de
l'ennemi et, le régiment ayant pris une avance
suffisante, le 3ème bataillon part à son tour. La
section Rollin qui est en queue, tombe sous le feu d'une
auto-mitrailleuse et subit de grosses pertes. Vers
Domèvre, le gros de la colonne aperçoit des ennemis qui,
débouchant du nord de la route, arrivent sur le flanc de
la colonne. Le 1er bataillon est déployé au dus du
village et forme barrage pendant que le 3ème bataillon
rejoint, et que le reste de la colonne part à travers
champs. La retraite se continue par échelons jusqu'à
Flins, sur la Meurthe, ou le 95e arrive à la tombée de
la nuit. |
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